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16/01/2024 | FRANCE | N°22BX00114

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 16 janvier 2024, 22BX00114


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le courrier du 8 janvier 2020 par lequel la vice-présidente du centre communal d'action sociale d'Angoulême (CCAS) l'a informée de l'avis rendu par le comité médical le 17 décembre 2019 ainsi que la décision du 19 février 2020 par laquelle cette même autorité l'a placée en congé de maladie ordinaire à compter du 3 octobre 2018, en tant qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service

de sa pathologie.





Par un jugement n° 2001190 du 16 novembre 2021, le tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le courrier du 8 janvier 2020 par lequel la vice-présidente du centre communal d'action sociale d'Angoulême (CCAS) l'a informée de l'avis rendu par le comité médical le 17 décembre 2019 ainsi que la décision du 19 février 2020 par laquelle cette même autorité l'a placée en congé de maladie ordinaire à compter du 3 octobre 2018, en tant qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie.

Par un jugement n° 2001190 du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 janvier 2022 et le 19 avril 2023, Mme D..., représentée par la SCP Denizeau Gaborit Takhedmit et associés, agissant par Me Souet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 16 novembre 2021 précité ;

2°) d'annuler le courrier du 8 janvier 2020 par lequel la vice-présidente du centre communal d'action sociale d'Angoulême (CCAS) l'a informée de l'avis rendu par le comité médical le 17 décembre 2019 ainsi que la décision du 19 février 2020 par laquelle cette même autorité l'a placée en congé de maladie ordinaire à compter du 3 octobre 2018, en tant qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ;

3°) d'enjoindre au CCAS d'Angoulême de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie à compter du 3 octobre 2018 et de régulariser sa situation administrative et financière en lui versant un plein traitement et en prenant en charge ses honoraires et frais médicaux, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du CCAS d'Angoulême une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision du 19 février 2020 :

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- la vice-présidente du CCAS d'Angoulême a méconnu l'étendue de sa compétence en n'exerçant pas son pouvoir d'appréciation et en se croyant liée par l'avis de la commission de réforme ;

- la décision attaquée méconnaît le champ d'application de la loi dès lors que les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne lui sont pas applicables à défaut de publication du décret d'application auquel renvoient ces dispositions alors que sa pathologie a été constatée pour la première fois le 3 octobre 2018, de sorte que la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie n'était pas soumise à l'existence d'un taux d'incapacité permanente au moins égal à 25% ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que son syndrome anxio-dépressif réactionnel est lié à ses conditions de travail.

En ce qui concerne le courrier du 8 janvier 2020 :

- il est entaché d'incompétence ;

- il est insuffisamment motivé ;

- la vice-présidente du CCAS d'Angoulême a méconnu l'étendue de sa compétence en n'exerçant pas son pouvoir d'appréciation et en se croyant liée par l'avis du comité médical ;

- l'acte attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors, d'une part, que l'administration ne pouvait la placer en disponibilité d'office en l'absence d'épuisement de ses droits statutaires à congé de maladie et, d'autre part, que sa pathologie présente un caractère professionnel justifiant de reconnaître l'imputabilité au service de son arrêt de travail ;

- il a été pris en méconnaissance de l'obligation de reclassement s'imposant à tout employeur public.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 3 mars 2023 et le 4 mai 2023, le CCAS d'Angoulême, représenté par Me Calmels, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3000 euros soit mise à la charge de Mme D... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'à défaut de critique apportée contre le rejet pour irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation du courrier du 8 janvier 2020 par le tribunal, cette partie de l'appel est irrecevable et pour le surplus qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 4 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ;

- le décret n°87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, ont été entendus :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Duplan, rapporteur public,

- et les observations de Me Lagrue, substituant Me Souet, pour Mme D... et de Me Calmels pour le CCAS d'Angoulème.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... D..., adjointe administrative territoriale de deuxième classe et employée par le centre communal d'action sociale (CCAS) d'Angoulême depuis le 1er octobre 2013, s'est trouvée dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions à compter du 3 octobre 2018 en raison d'un syndrome anxio-dépressif, dont elle a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service par une demande du 23 octobre 2019, complétée le 16 novembre suivant. Par un courrier du 8 janvier 2020, la vice-présidente du CCAS d'Angoulême lui a communiqué l'avis du 17 décembre 2019 par lequel le comité médical s'est prononcé favorablement à son aptitude à la reprise sur un poste adapté, en accord avec le médecin de prévention, et, dans l'attente de sa reprise, à son placement en disponibilité d'office à compter du 3 octobre 2019. Par une décision du 19 février 2020, cette même autorité l'a placée en congé de maladie ordinaire à compter du 3 octobre 2018 et a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie. Mme D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers l'annulation de cette dernière décision en tant qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ainsi que l'annulation de la décision du 8 janvier 2020 précitée. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la lettre du 8 janvier 2020 :

2. Ainsi que l'a relevé le tribunal, par une motivation d'ailleurs non critiquée par la requérante, l'avis du comité médical du 17 décembre 2019 constitue un simple acte préparatoire à la décision de l'autorité administrative et n'est pas, en tant que tel, susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que les conclusions aux fins d'annulation du courrier du 8 janvier 2020, par lequel la vice-présidente du CCAS d'Angoulême se borne à lui communiquer pour information le sens de l'avis du comité médical, sont irrecevables, alors, en outre, qu'elle a bien été rendue destinataire d'une décision en date du 14 février 2020 notifiée le 10 mars suivant qu'elle a retournée à l'administration.

En ce qui concerne la décision du 19 février 2020 :

3. En premier lieu, la décision du 19 février 2020 a été signée par Mme Anne-Laure Willaumez-Guillemeteau, vice-présidente du CCAS d'Angoulême, ayant reçu délégation du président de cet établissement par un arrêté du 13 mai 2014, à l'effet de signer les actes en matière de gestion des personnels. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision doit être écarté.

4. En deuxième lieu, la décision du 19 février 2020 vise les dispositions applicables et mentionne les éléments ayant conduit l'autorité administrative à refuser de reconnaître le caractère professionnel de sa pathologie, en particulier elle précise la teneur de l'avis rendu par la commission de réforme le 9 janvier 2020 et indique qu'après avoir procédé à l'examen de son dossier, l'autorité administrative a décidé de suivre cet avis. La décision en litige, qui comporte ainsi l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement est, dès lors, suffisamment motivée.

5. En troisième lieu, il ne ressort pas des termes de la décision litigieuse que la vice-présidente du CCAS d'Angoulême se serait crue liée par l'avis de la commission et qu'elle aurait méconnu l'étendue de sa compétence en décidant de suivre comme elle l'a fait le sens de l'avis de la commission de réforme.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. / (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite (...), le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ".

7. Ainsi que l'a relevé le tribunal, la maladie de la requérante a été diagnostiquée le 3 octobre 2018, date à laquelle les dispositions du dernier alinéa du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 n'étaient pas encore entrées en vigueur, en l'absence de publication du décret auxquelles elles renvoient, lequel n'est intervenu pour la fonction publique territoriale que le 10 avril 2019. Si la décision du 19 février 2020 ne pouvait dès lors légalement se fonder sur les dispositions du dernier alinéa du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, le tribunal a substitué à ce fondement celles de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. Il convient de confirmer le tribunal sur ce point dès lors que cette substitution de base légale, sur laquelle les parties ont été invitées à présenter des observations par un courrier du 18 octobre 2021, n'a pas eu pour effet de priver Mme D... des garanties qui lui sont reconnues par la loi et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'un ou l'autre de ces textes.

8. En cinquième lieu, pour l'application des dispositions l'article 57 précitées, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

9. Pour rejeter la demande d'imputabilité au service de la pathologie dépressive de la requérante, la vice-présidente du CCAS d'Angoulême s'est fondée sur les circonstances tirées de ce que l'activité professionnelle de Mme D... ne permet pas de considérer que l'exercice de ses fonctions s'est déroulé dans des conditions anormales, que sa maladie n'est pas essentiellement et directement causée par l'exercice de ses fonctions et, enfin, que cette pathologie n'est pas susceptible d'entraîner une incapacité permanente d'un taux au moins égale à 25 %.

10. D'une part, compte tenu de ce qui a été dit au point 7 du présent arrêt, cette dernière circonstance, fondée sur les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, qui sont inapplicables en l'espèce, ne saurait constituer un motif de nature à justifier la décision en litige.

11. D'autre part, Mme D... soutient que sa pathologie dépressive diagnostiquée le 3 octobre 2018 est en lien direct avec l'exercice de ses fonctions et est en conséquence imputable au service. Elle fait valoir qu'elle a travaillé dans de mauvaises conditions et que sa pathologie mentale résulte de cette seule circonstance dès lors qu'elle ne présente aucun état préexistant. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, qu'à la date à laquelle sa pathologie a été diagnostiquée, Mme D... se trouvait dans un contexte professionnel pathogène de nature à susciter le développement de la maladie mentale dont elle est atteinte. Si une réorganisation du service a été décidée un an plus tôt et que la fermeture du service de programme de réussite éducative (PRE) dans lequel elle était affectée depuis plusieurs années a été fermé en décembre 2017, il ressort des pièces du dossier que son employeur a procédé à différentes démarches afin de réaffecter l'intéressée sur un poste correspondant à son profil et à ses attentes. Ainsi, après avoir été temporairement affectée sur un poste administratif au sein de la résidence du Moulin des Dames pour personnes âgés non dépendantes, elle a pu suivre les formations proposées par le CCAS d'Angoulême avant d'être affectée avec son accord sur un poste de gestionnaire au service de l'accompagnement social, poste conforme à ses compétences qui ne présentait pas de contact autre que téléphonique avec le public, comme le médecin de la prévention l'avait préconisé, et pour lequel elle disposait d'un bureau personnel et avait pu suivre des formations. En outre, plusieurs postes lui ont été proposés dans d'autres services sans qu'elle ne les accepte. Il ne ressort pas des pièces du dossier que son employeur, qui a fait droit à ses demandes de travail à temps partiel et de congés, aurait exercé " une pression " sur la requérante au seul motif qu'il lui a refusé le droit de terminer à 16 heures le vendredi pour emmener son fils à la piscine. Sur le plan médical, pour conclure au caractère professionnel de sa maladie, l'expertise du docteur B... du 22 juillet 2019 se fonde sur ses dires et ressentis tout en soulignant que Mme D... présentait un état préexistant dès lors qu'elle avait précédemment pris un traitement à base de psychotropes pendant six mois après la perte de sa fille. De même le certificat du docteur A... en indiquant que l'intéressée présente " un état anxio-dépressif majeur réactionnel qui semble directement lié à des difficultés d'ordre professionnel " ne permet pas d'établir le lien direct entre sa maladie et le service. Dans ces conditions, et conformément à l'avis du 9 janvier 2020 rendu par la commission de réforme, le CCAS d'Angoulême a pu sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation refuser la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie dont souffre Mme D....

12. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de la décision en litige. Par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du CCAS d'Angoulême qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la requérante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme D... une somme à verser au CCAS d'Angoulême en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du CCAS d'Angoulême présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... et au centre communal d'action sociale d'Angoulême.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 janvier 2024.

La rapporteure,

Caroline C...

La présidente,

Ghislaine Markarian

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22BX00114


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00114
Date de la décision : 16/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : DENIZEAU GABORIT TAKHEDMIT & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-16;22bx00114 ?
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