Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 juin 2023 par laquelle le préfet de la Martinique l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement et a maintenu l'interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans dont elle faisait déjà l'objet, et la décision du même jour l'assignant à résidence pendant une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2300383 du 3 juillet 2023, le tribunal administratif de la Martinique a annulé ces décisions.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2023, le préfet de la Martinique demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 31 juillet 2023 ;
2°) de rejeter la demande de Mme D....
Il soutient que :
- la demande de réexamen de la demande d'asile de Mme D... a été rejetée pour irrecevabilité par l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 29 avril 2022, décision notifiée à l'intéressée le 12 mai 2022 ;
- Mme D... pouvait ainsi faire l'objet d'une mesure d'éloignement sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, même si la décision de l'OFPRA n'était pas mentionnée dans la décision.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2023, Mme E... D..., représentée par Me Corin, de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Martinique de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale, ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour le temps nécessaire à ce réexamen, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte, et à ce qu' une somme de 1 500 euros, au bénéfice de son conseil, soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que les moyens invoqués par le préfet de la Martinique ne sont pas fondés.
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision d'obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée, compte-tenu notamment de ses formulations stéréotypées, et méconnaît les articles L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le préfet n'a pas procédé à l'examen de sa situation personnelle et a ainsi commis une erreur de droit ;
- le préfet n'a pas tenu compte de l'atteinte portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- la décision d'éloignement méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales puisque, présente depuis près de trois ans sur le territoire, elle vit en concubinage avec un ressortissant français et son fils A... est scolarisé ;
- la décision d'éloignement méconnaît les articles L. 611-1, 4°, L. 541-1 et L. 541-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que sa demande de réexamen au titre de l'asile n'a donné lieu à aucune décision de refus qui lui aurait été régulièrement notifiée, dans une langue qu'elle comprend ; il en va de même de la demande d'asile de son fils ;
S'agissant de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français contient des formules stéréotypées et est ainsi entachée d'une insuffisance de motivation ;
- l'interdiction de retour est intervenue au terme d'une procédure irrégulière puisqu'elle n'a pas été mis à même de présenter ses observations, en méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne de respect des droits de la défense ;
- l'interdiction de retour est illégale en raison de l'exception d'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français sur la base de laquelle elle a été prise ;
- la décision interdisant son retour sur le territoire est entachée d'erreur de droit dans la mesure où le préfet ne s'est pas fondé sur l'ensemble des critères listés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans est disproportionnée compte-tenu de sa présence sur le territoire depuis près de trois ans, de son concubinage avec un ressortissant français et de la présence de son enfant mineur scolarisé ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;
- cette décision est illégale en raison de l'exception d'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français sur la base de laquelle elle a été prise ;
- cette décision méconnait l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puisqu'elle a fui Haïti en raison de la situation d'insécurité liée à la présence de gangs armés qui mènent des actions violentes à l'encontre de la population ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnait pour les mêmes raisons l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision d'assignation à résidence :
- la décision prononçant son assignation est insuffisamment motivée, compte-tenu notamment de ses formulations stéréotypées, et méconnait les articles L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- l'assignation à résidence est entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation au regard des articles L. 730-1 et L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle ne pourrait quitter immédiatement le territoire et que son éloignement demeurerait une perspective raisonnable.
Par une ordonnance du 28 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 septembre 2023.
Le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a accordé à Mme D... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 3 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... D..., ressortissante haïtienne née le 9 janvier 1988, qui déclare être entrée en France le 12 novembre 2020, a fait l'objet, le 14 décembre 2021 après le rejet de sa demande d'asile, d'une mesure d'éloignement que l'intéressée n'a pas exécutée. Par un arrêté du 27 juin 2023, le préfet de la Martinique a pris à son encontre une nouvelle obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi en cas d'exécution d'office de cette décision, et a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Le même jour, le préfet de la Martinique l'a assignée à résidence sur le territoire de la commune de Ducos pour une durée de quarante-cinq jours. Mme D... a demandé l'annulation de ces décisions au tribunal administratif de la Martinique, lequel a fait droit à sa demande par un jugement en date du 3 juillet 2023. Le préfet de la Martinique relève appel de ce jugement et demande à la Cour de rejeter la demande de Mme D....
Sur l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :
2. Par une décision du 3 octobre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a accordé à Mme D... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dès lors, les conclusions de celle-ci tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont dépourvues d'objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
3. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger (...) ". Aux termes de l'article L. 541-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français ". L'article L. 542-1 de ce code dispose toutefois que : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision ". Il ressort de l'extrait du système d'information de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dite " fiche Telemofpra " de Mme D..., produite pour la première fois en appel par le préfet de la Martinique, que la demande de réexamen de la demande d'asile de l'intéressée a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité de la part de l'OFPRA, notifiée le 12 mai 2022. Cette fiche Télemofrpa fait foi jusqu'à preuve du contraire, en application de l'article R. 531-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, quant à cette date. En outre et en tout état de cause, l'intéressée, qui n'allègue pas sa méconnaissance du français, ne conteste pas sérieusement que la décision lui a été notifiée dans une langue qu'elle comprend. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme D... aurait formé un recours à l'encontre de la décision de l'OFPRA. Ainsi, à la date des décisions contestées, Mme D... n'avait plus droit à se maintenir sur le territoire.
4. Il s'ensuit que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision du préfet de la Martinique du 17 juin 2023.
5. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D... devant le tribunal administratif et devant la cour.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée ". La décision du 27 juin 2013 vise le 4° de l'article L. 611-1 et mentionne que ni le statut de réfugié, ni la protection subsidiaire n'ont été octroyés à l'intéressée, laquelle se maintient en situation irrégulière sur le territoire. L'obligation de quitter le territoire français comporte ainsi l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, et est suffisamment motivée. En outre, elle comporte des précisions sur la situation personnelle et familiale de Mme D..., révélant l'examen particulier et sérieux auquel a procédé l'autorité administrative. La décision mentionne notamment que Mme D... est célibataire, et que si celle-ci soutient vivre en concubinage avec un ressortissant français, elle ne l'établit par aucune pièce.
7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Il ressort des termes mêmes de la décision contestée que le préfet de Martinique a, avant de prendre à l'encontre de Mme D... une obligation de quitter le territoire français, pris en compte l'atteinte portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées.
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... réside en France depuis moins de trois ans. Si elle y vit avec son fils A... C..., celui-ci est âgé de trois ans et il n'est pas établi, ni même allégué que le père de l'enfant résiderait sur le territoire. En outre, elle ne conteste pas les motifs de la décision selon lesquels sa fille, âgée de huit ans, vivrait avec ses propres parents en Haïti. Mme D... ne démontre pas l'existence d'autres attaches privées ou familiales en France, notamment la réalité du concubinage allégué avec un ressortissant français, ni y disposer de ressources ou d'une activité professionnelle. Par suite, en obligeant l'intéressée à quitter le territoire, le préfet de la Martinique n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise.
9. Il ressort de la fiche Télemofpra du jeune A... C... que le réexamen de sa demande d'asile a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité notifiée le 12 mai 2022. Dès lors, le moyen tiré de ce que celui-ci disposait du droit de se maintenir sur le territoire doit être écarté comme manquant en fait.
Sur la légalité de la décision fixant Haïti comme pays de renvoi :
10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Et aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". La décision contestée du 27 juin 2023 fixant le pays de renvoi vise les articles L. 721-3 et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et mentionne que Mme D... dispose d'un passeport délivré par les autorités haïtiennes, qu'elle n'établit pas être légalement admissible dans un autre Etat, et que les décisions de l'OFPRA n'ont pas établi qu'elle encourrait des peines ou des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Elle comporte ainsi les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement.
11. En deuxième lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait dépourvue de base légale doit être écarté.
12. En troisième lieu, le dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et apatrides dispose que : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de ces dernières stipulations : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". En se bornant à faire état d'éléments généraux sur l'insécurité régnant à Port-au-Prince et ses environs, Mme D... ne démontre pas être personnellement exposée à un risque pour sa vie ou sa liberté en cas de retour en Haïti.
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire pendant une durée de deux ans :
13. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et apatrides : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Et aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
14. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
15. La décision contestée vise l'article L. 612-6 et L. 612-10 précités, et énonce notamment, après avoir exposé précisément, dans les considérants précédents, la situation familiale de Mme D..., que celle-ci est présente sur le territoire français depuis trois ans, qu'elle ne justifie pas avoir de liens personnels et familiaux forts sur le territoire, ni de son insertion dans la société française, qu'elle ne dispose d'aucune ressource ni activité professionnelle, enfin qu'elle a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation doit être écarté.
16. En deuxième lieu, en l'espèce, Mme D... soutient qu'elle n'a pu présenter d'observations au préfet de la Martinique relatives à la crise politique existant en Haïti. Toutefois, la situation dans le pays d'origine ne fait pas partie des éléments à prendre en compte par l'autorité administrative lorsqu'elle prend une interdiction de retour sur le territoire français et en fixe la durée. Le moyen tiré du vice de procédure allégué doit, par suite, être écarté.
17. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme D... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, interdisant son retour sur le territoire, le 14 décembre 2021, notifiée à l'intéressée le 20 décembre suivant. Compte tenu de ce qui a été dit au point 8 de la présente décision quant à sa situation personnelle et familiale, le préfet de la Martinique n'a pas commis d'erreur d'appréciation en prenant à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans, quand bien même sa présence sur le territoire ne représente pas une menace pour l'ordre public.
18. En quatrième lieu, l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen tiré de ce que l'interdiction de retour serait dépourvue de base légale doit être écarté.
Sur la légalité de l'assignation à résidence :
19. En premier lieu, aux termes de l'article L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions d'assignation à résidence, y compris de renouvellement, sont motivées ". La décision du 27 juin 2023 vise l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que Mme D... fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, qu'elle ne démontre pas avoir organisé son retour dans son pays malgré une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre dont le délai de départ volontaire a expiré, qu'elle détient néanmoins un passeport en cours de validité et qu'il existe une perspective raisonnable d'exécution de la mesure d'éloignement dont elle fait l'objet. Dès lors, la décision d'assignation à résidence est suffisamment motivée.
20. En second lieu, aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ". Mme D... ne conteste pas sérieusement qu'à la date de la décision contestée, elle ne pouvait quitter immédiatement le territoire français mais que son éloignement demeurait une perspective raisonnable. Il s'ensuit qu'elle ne démontre pas que les conditions posées par les dispositions précitées pour décider son assignation à résidence n'étaient pas remplies.
21. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Martinique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a annulé ses décisions en date du 27 juin 2023.
Sur les frais de l'instance :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à Mme D... la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme D... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 3 juillet 2023 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de la Martinique est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Martinique.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Ghislaine Markarian, présidente,
M. Frédéric Faïck, président assesseur,
M. Julien Dufour, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023.
Le rapporteur,
Julien B...
La présidente,
Ghislaine Markarian
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23BX02165 2