Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 28 février 2023 portant retrait de son attestation de demande d'asile, obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination.
Par un jugement n° 2300685 du 14 avril 2023, la magistrate désignée du tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 15 mai 2023, Mme A... B..., représentée par Me Cottet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Poitiers du 14 avril 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 28 février 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de réexaminer sa situation dans le délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant retrait de son attestation de demande d'asile est entachée d'un vice d'incompétence dès lors que son signataire ne bénéficiait pas d'une délégation de signature ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qu'elle a contestée devant la Cour nationale du droit d'asile ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un vice d'incompétence dès lors que son signataire ne bénéficiait pas d'une délégation de signature ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de l'OFPRA rejetant sa demande d'asile et de l'illégalité du retrait de l'attestation de demande d'asile ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'un vice d'incompétence dès lors que son signataire ne bénéficiait pas d'une délégation de signature ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet de la Charente-Maritime qui n'a pas produit de mémoire.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 juin 2023.
Par une ordonnance du 4 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Frédéric Faïck a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante albanaise née le 9 mars 1986, est entrée sur le territoire français en juin 2022 avec ses deux filles nées en 2015 et 2017. Après avoir sollicité l'asile, elle s'est vu remettre une attestation de demandeur d'asile par les services du guichet unique d'enregistrement des demandes d'asile de la préfecture de police de Paris. Par une décision du 23 janvier 2023, rendue en procédure accélérée, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) a rejeté la demande de Mme B.... Par un arrêté du 28 février 2023, le préfet de la Charente-Maritime lui a retiré son attestation de demandeur d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé l'Albanie comme pays de destination. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 28 février 2023. Elle relève appel du jugement rendu le 14 avril 2023 par lequel la magistrate désignée du tribunal a rejeté sa demande.
Sur l'arrêté pris dans son ensemble :
2. En premier lieu, par un arrêté du 9 janvier 2023 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, M. Emmanuel Cayron, secrétaire général de la préfecture de la Charente-Maritime, a reçu, conformément aux dispositions du décret susvisé du 29 avril 2004, délégation du préfet de ce département à l'effet de signer " tous arrêtés, décisions (...) et documents à l'exception des arrêtés de conflit, de la réquisition du comptable, de la réquisition de la force armée ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige doit être écarté comme manquant en fait.
3. En second lieu, l'arrêté attaqué vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application. L'arrêté en litige rappelle la date d'arrivée en France de Mme B..., le dépôt de sa demande d'asile et son rejet par une décision de l'OFPRA prise en procédure accélérée sur le fondement du 1° de l'article L. 531-24 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'Albanie est un pays considéré comme d'origine sûre. L'arrêté en litige précise également que le droit de Mme B... de se maintenir sur le territoire français ayant pris fin avec la décision de l'OFPRA rejetant sa demande, son attestation de demande d'asile lui est retirée. L'arrêté en litige fait également état de la situation familiale de Mme B..., qui est entrée récemment en France avec ses deux filles, et qui n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu l'essentiel de son existence. Enfin, après avoir rappelé que l'OFPRA avait rejeté sa demande d'asile, le préfet de la Charente-Maritime a précisé que Mme B... n'établissait pas être exposée à des peines ou à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, l'arrêté en litige est suffisamment motivé en droit comme en fait.
Sur la décision portant retrait de l'attestation de demande d'asile :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 531-24 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides statue en procédure accélérée dans les cas suivants : 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr (...) ". Aux termes de l'article L. 542-2 du même code : " (...) le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : (...) d) une décision de rejet dans les cas prévus à l'article L. 531-24 (...) ". Aux termes de L. 542-3 de ce code : " Lorsque le droit au maintien sur le territoire français a pris fin dans les conditions prévues aux articles L. 542-1 ou L. 542-2, l'attestation de demande d'asile peut être (...) retirée (...) ".
5. L'Albanie, pays dont Mme B... est ressortissante, étant un pays d'origine sûre, l'OFPRA a rejeté sa demande d'asile en procédure accélérée conformément aux dispositions précitées de l'article L. 531-24 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A la suite de cette décision et en application de l'article L. 542-2 précité, Mme B... ne disposait plus du droit de se maintenir sur le territoire français, de sorte que le préfet de la Charente-Maritime a pu légalement, sur le fondement de l'article L. 542-3, lui retirer son attestation de demande d'asile. Ainsi que l'a relevé à bon droit la magistrate désignée du tribunal administratif de Poitiers, Mme B... ne peut utilement contester le rejet de sa demande d'asile à l'appui de sa demande d'annulation de la décision en litige dès lors qu'il n'appartient ni au Tribunal ni à la Cour de se prononcer sur le bien-fondé de la décision de l'OFPRA, laquelle ne peut être contestée que dans le cadre d'un recours devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) que Mme B... a d'ailleurs exercé.
6. En second lieu, Mme B... ne peut utilement soutenir que la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'en lui retirant son attestation de demande d'asile, le préfet de la Charente-Maritime s'est borné à constater qu'elle ne disposait plus du droit de se maintenir sur le territoire français après le rejet de sa demande d'asile en procédure accélérée.
Sur la décision l'obligation de quitter le territoire :
7. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 (...) ".
8. En premier lieu, le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français en raison de l'illégalité de la décision rejetant la demande d'asile de Mme B..., et de l'illégalité du retrait de l'attestation de demande d'asile, doit être écarté compte tenu de ce qui précède.
9. En deuxième lieu, Mme B... justifiait d'une présence très récente en France à la date de l'arrêté en litige dès lors qu'elle y est entrée le 2 juin 2022, à l'âge de 36 ans. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait noué durant les quelques mois de son séjour en France, des liens privés ou familiaux particuliers, alors même que sa sœur est titulaire d'une carte de résident. Par ailleurs, l'arrêté en litige n'a ni pour objet ni pour effet de séparer la requérante de ses deux enfants mineurs, de sorte que la cellule familiale pourra se reconstituer dans leur pays d'origine où Mme B... ne conteste pas conserver des attaches familiales et où ses enfants pourront poursuivre leur scolarité. Dans ces conditions, le préfet de la Charente-Maritime n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de la requérante à mener une vie privée et familiale normale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. En troisième lieu, si Mme B... produit un certificat médical indiquant qu'elle souffre de troubles bipolaires, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne pourrait bénéficier de traitements appropriés dans son pays d'origine alors qu'elle n'a pas saisi le préfet de la Charente-Maritime d'une demande de titre de séjour pour raisons de santé, ou même de l'informer de son état de santé. Dans ces circonstances, le préfet de la Charente-Maritime n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée.
Sur la décision fixant le pays de destination :
11. L'arrêté en litige ne porte pas refus de titre de séjour. Par suite, la requérante ne peut utilement exciper de l'illégalité d'un refus de titre de séjour à l'appui de sa contestation de la décision en litige.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en litige. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.
DECIDE
Article 1er : La requête n° 23BX01328 de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Charente-Maritime.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Ghislaine Markarian, présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
M. Julien Dufour, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 novembre 2023.
Le rapporteur,
Frédéric Faïck
La présidente,
Ghislaine Markarian
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 23BX01328 2