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07/11/2023 | FRANCE | N°21BX04319

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 07 novembre 2023, 21BX04319


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler les titres exécutoires émis à son encontre les 4 juin 2014 et 7 novembre 2017 pour le paiement respectivement des sommes de 220 euros et 4 628,19 euros et de la décharger de l'obligation de payer résultant de ces titres, d'annuler la décision du 9 avril 2019 par laquelle le service des ressources humaines de la commune de Matoury a refusé de rectifier son ancienneté et d'enjoindre à la commune de Matoury de procéder à la reconstitu

tion de sa carrière en retenant une ancienneté de huit mois et quatorze jo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler les titres exécutoires émis à son encontre les 4 juin 2014 et 7 novembre 2017 pour le paiement respectivement des sommes de 220 euros et 4 628,19 euros et de la décharger de l'obligation de payer résultant de ces titres, d'annuler la décision du 9 avril 2019 par laquelle le service des ressources humaines de la commune de Matoury a refusé de rectifier son ancienneté et d'enjoindre à la commune de Matoury de procéder à la reconstitution de sa carrière en retenant une ancienneté de huit mois et quatorze jours et de lui verser le rappel de traitement du 1er mars au 9 août 2016 et de transmettre son dossier à la communauté d'agglomération Creil Sud Oise.

Par un jugement n° 1901713 du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté l'ensemble de ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 novembre 2021 et le 28 janvier 2022, Mme A... B..., représentée par Me Marcault-Derouard, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Guyane du 14 octobre 2021 précité ;

2°) d'annuler les titres de recettes émis les 4 juin 2014 et 7 novembre 2017 pour le recouvrement des montants respectifs de 220 euros et 4.628,19 euros et de la décharger de l'obligation de payer ces sommes ;

3°) d'annuler la décision du 9 avril 2019 par laquelle le service des ressources humaines de la commune de Matoury a refusé de rectifier son ancienneté et d'enjoindre à la commune de Matoury de procéder à la reconstitution de sa carrière, dans un délai de 30 jours suivant l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Matoury une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que l'absence de preuve de notification des titres de recettes en litige était sans incidence sur leur régularité ; en l'espèce, la prescription prévue par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 est acquise concernant le titre de recette du 7 novembre 2017 relatif à un indu de rémunération mis en paiement en novembre 2016 ; le second titre de perception émis le 4 juin 2014 relatif à la caisse des écoles est également atteint par la prescription, ce titre ne lui ayant jamais été notifié ;

- les conclusions relatives à la régularisation de sa situation administrative ne constituent pas contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, un litige distinct ;

- la décision du 9 avril 2019 refusant de faire droit à sa demande de rectification de son ancienneté est entachée d'erreur de droit et d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2022, le directeur régional des finances publiques de la Guyane conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la commune de Matoury qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 20 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, ont été entendus :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de M. Duplan, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ingénieur en chef territorial, a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler les titres de recettes n°s 2014-T 220 et 2017-T 340 émis les 4 juin 2014 et 7 novembre 2017 pour le recouvrement des sommes de 220 euros et 4 628,19 euros correspondant respectivement à une créance de la caisse des écoles pour les mois de mars à juin 2013 et au remboursement du salaire de novembre 2016, pour le recouvrement desquelles elle s'est vu délivrer deux saisies administratives à tiers détenteur le 20 septembre 2019. Mme B... a également demandé au Tribunal d'annuler la décision du 9 avril 2019 du service des ressources humaines de la commune de Matoury lui notifiant la reconstitution de sa carrière. La requérante relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Guyane a rejeté ses demandes.

Sur la régularité du jugement :

2. Si Mme B... a, à l'appui de sa requête, contesté également la décision du 9 avril 2019 qui lui a été transmise par courriel, les conclusions dirigées contre cette décision, qui concerne la reconstitution de sa carrière compte tenu de la réforme du cadre d'emplois des ingénieurs territoriaux et de ses disponibilités, ne présentent pas un lien suffisant avec celles dirigées contre les titres exécutoires en litige. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions de Mme B... dirigées contre cette décision du 9 avril 2019.

Sur le titre exécutoire émis le 7 novembre 2017 :

3. Aux termes de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, dans sa rédaction issue du I de l'article 94 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. / Toutefois, la répétition des sommes versées n'est pas soumise à ce délai dans le cas de paiements indus résultant soit de l'absence d'information de l'administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, soit de la transmission par un agent d'informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale (...) ".

4. D'une part, selon l'avis du Conseil d'Etat n° 405797 du 31 mars 2017, il résulte de ces dispositions qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. Sauf dispositions spéciales, les règles fixées par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont applicables à l'ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération, y compris les avances et, faute d'avoir été précomptées sur la rémunération, les contributions ou cotisations sociales. En l'absence de toute autre disposition applicable, les causes d'interruption et de suspension de la prescription biennale instituée par les dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont régies par les principes dont s'inspirent les dispositions du titre XX du livre III du code civil. Il en résulte que tant la lettre par laquelle l'administration informe un agent public de son intention de répéter une somme versée indûment qu'un ordre de reversement ou un titre exécutoire interrompent la prescription à la date de leur notification. La preuve de celle-ci incombe à l'administration.

5. D'autre part, en vertu du 2° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, le bien-fondé de la créance peut être contesté dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". La méconnaissance de l'obligation ou l'absence de preuve qu'une telle information a été fournie, est de nature à faire obstacle à ce que le délai de forclusion, prévu par le 2° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, soit opposable au débiteur.

6. Il résulte de ces dispositions que le titre exécutoire émis par la commune de Matoury du 6 novembre 2017 ouvre le délai de deux ans de la prescription de l'action en recouvrement de la somme énoncée sur ce titre, prévu à l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 dans sa rédaction issue du I de l'article 94 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011, à compter de la date de sa prise en charge par le comptable public. Toutefois, pour produire leur effet interruptif, le titre exécutoire et les actes de recouvrement pris sur son fondement doivent être régulièrement notifiés. La preuve de cette notification incombe à l'administration.

7. Mme B... soutient n'avoir jamais reçu le titre exécutoire n° 2017-T-340 émis le 7 novembre 2017 lui réclamant le remboursement de la somme de 4 628,19 euros, correspondant à un trop-perçu de rémunération du mois de novembre 2016, avant la notification de la saisie administrative à tiers détenteur du 20 septembre 2019. En l'absence de tout élément au dossier établissant la notification du titre en litige à sa destinataire, en dépit d'une demande adressée par le tribunal à l'administration en ce sens, et la direction des finances publiques de la Guyane se bornant, en appel, à indiquer que les titres en litige ont été notifiés à Mme B... selon une procédure dématérialisée sans en justifier, il résulte de l'instruction que Mme B... doit être regardée comme en ayant eu connaissance de l'existence de cet indu le 18 novembre 2019, date à laquelle elle a contesté les deux saisies administratives à tiers détenteur qui lui ont été délivrées. Or, la somme indûment versée en novembre 2016 ne pouvant être répétée que dans le délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement, et le délai de prescription de deux ans était alors expiré.

8. Par suite, et dès lors que le titre n° 2017-T-340 émis le 7 novembre 2017 ne pourra être régularisé compte tenu de la prescription biennale instituée par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, Mme B... est fondée à demander la décharge de l'obligation de payer la somme de 4 628,19 euros.

Sur le titre exécutoire émis le 4 juin 2014 :

9. Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 : " [...] / 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur. / [...] / L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. / 2° La contestation qui porte sur la régularité d'un acte de poursuite est présentée selon les modalités prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales. /3° L'action des comptables publics chargés de recouvrer les créances des régions, des départements, des communes et des établissements publics locaux se prescrit par quatre ans à compter de la prise en charge du titre de recettes. [...] ".

10. Il résulte des pièces produites au dossier que le titre de recettes émis à l'encontre de la requérante, portant sur une créance de 220 euros de la caisse des écoles de la commune de Matoury, a été pris en charge par le comptable public le 4 juin 2014. Pour les mêmes motifs que ceux repris aux points 5 à 8, et en l'absence d'une notification régulière du titre en litige, Mme B... doit être regardée comme en ayant eu connaissance de l'existence de cet indu le 18 novembre 2019, date à laquelle elle a contesté les deux saisies administratives à tiers détenteur qui lui ont été délivrées. Or, le délai de quatre ans, prévu par les dispositions précitées de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, était en conséquence expiré le 20 septembre 2019 date à laquelle a été émise à son encontre une saisie à tiers détenteurs.

11. Par suite, et dès lors que le titre n° 2014-T-220 émis le 4 juin 2014 ne pourra être régularisé compte tenu de la prescription de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, Mme B... est fondée à demander la décharge de l'obligation de payer la somme de 220 euros.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à demander à être déchargée de l'obligation de payer les sommes de 220 euros et de 4 628,19 euros correspondant aux titres de recettes des 4 juin 2014 et 6 novembre 2017.

Sur les frais de l'instance :

13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la commune de Matoury la somme demandée par Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Mme B... est déchargée de l'obligation de payer les sommes de 220 euros et 4 628,65 euros correspondant aux titres de recettes des 4 juin 2014 et 6 novembre 2017.

Article 2 : Le surplus de la requête est rejeté.

Article 3 : Le jugement est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à la commune de Matoury et au directeur départemental des finances publiques de la Guyane.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023.

La rapporteure,

Caroline C...

La présidente,

Ghislaine Markarian

La greffière,

Catherine JussyLa République mande et ordonne au préfet de la Guyane en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21BX04319 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX04319
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : CABINET MARCAULT DEROUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-11-07;21bx04319 ?
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