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17/10/2023 | FRANCE | N°23BX01326

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 17 octobre 2023, 23BX01326


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 15 novembre 2022 par lequel la préfète de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de titre de séjour, a refusé de renouveler son attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et interdit son retour sur le territoire pendant une durée d'un an.

Par un jugement n°2201686 du 23 janvier 2023, le tribunal administra

tif de Limoges a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 15 novembre 2022 par lequel la préfète de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de titre de séjour, a refusé de renouveler son attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et interdit son retour sur le territoire pendant une durée d'un an.

Par un jugement n°2201686 du 23 janvier 2023, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mai 2023, M. B... C..., représenté par Me Marty, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 23 janvier 2023 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 15 novembre 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Haute Vienne de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il ne peut pas bénéficier d'un traitement en Géorgie ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle, puisqu'il serait privé de soins en cas de retour dans son pays d'origine ;

- pour le même motif, la préfète de la Haute-Vienne a commis une erreur d'appréciation en assortissant l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'une année.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2023, la préfète de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 7 août 2023 par une ordonnance en date du 7 août 2023.

Le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a accordé à M. C... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par décision du 13 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1734 du 16 décembre 2020 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique du 25 septembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant géorgien né le 7 janvier 1973, est, selon ses déclarations, entré irrégulièrement en France le 14 février 2022. Sa demande d'asile a été rejetée le 30 mai 2022 par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 13 septembre 2022. Parallèlement, M. C... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 15 novembre 2022, la préfète de la Haute-Vienne lui a refusé le renouvellement de son attestation de demande d'asile, a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi, et a interdit son retour en France pendant un an. M. C... a demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif de Limoges. Par un jugement du 23 janvier 2023, dont M. C... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) " L'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 de la ministre des affaires sociales et de la santé et du ministre de l'intérieur relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22 [devenu R. 425-11], R. 313-23 [devenu R. 425-12] (...) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté. " Enfin, l'article 6 du même arrêté dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) ".

3. En application de l'article 3 du décret susvisé du 16 décembre 2020, les références à des dispositions abrogées par le présent décret sont remplacées par les références aux dispositions correspondantes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction annexée au présent décret.

4. En vertu des dispositions citées au point précédent, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 425-9, doit émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016 cité au point précédent, au vu notamment du rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'une blessure à l'œil gauche subie en 1992, M. C..., qui a levé le secret médical, souffre d'un glaucome néovasculaire caractérisé notamment par une cécité, un tyndall hématique, une cataracte blanche et des douleurs persistantes. M. C... fait l'objet d'un suivi au centre hospitalier de Limoges, et d'un traitement composé de dorzolamide et bétabloquant (cosidime), de prostaglandine (monoprost), d'un anti-inflammatoire (dexafree) et d'une pommade cicatrisante. Suivant l'avis du collège de médecins de l'OFII en date du 6 octobre 2022, la préfète de la Haute-Vienne a estimé que si l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Géorgie.

6. Au soutien de son moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par la préfète de la Haute-Vienne, le requérant se borne à produire la traduction d'un certificat établi en Géorgie le 15 février 2023 ne permettant pas d'identifier le médecin dont il émane et affirmant, sans autre explication, que " le traitement n'existe pas en Géorgie ". Il joint également un courriel de la société Thépharma dont il ressort que le collyre Monoprost prescrit à l'intéressé n'est pas commercialisé en Géorgie, sans que M. C... n'établisse toutefois ni même n'allègue qu'aucun médicament équivalent comportant la même molécule Latanoprost n'y serait pas disponible. Enfin, le requérant n'apporte aucun commencement de preuve de ce que le suivi effectué au CHU de Limoges, ou la chirurgie qui y est envisagée, ne pourraient être réalisés dans son pays d'origine. Compte tenu de la teneur de l'avis du collège des médecins de l'OFII, M. C... doit être regardé comme pouvant effectivement y bénéficier d'un traitement approprié.

7. M. C... soutient qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, la préfète de la Haute-Vienne a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle, dès lors qu'il sera privé de soins en Géorgie. Toutefois, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, le moyen ne peut qu'être écarté.

8. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français ". Et aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ". Si M. C... soutient que l'interdiction de retour sur le territoire français l'empêchera de bénéficier de la prise en charge très spécialisée dont il a besoin, ce moyen ne peut, eu égard à ce qui précède, qu'être écarté comme manquant en fait.

9. Enfin, la décision de refus de séjour n'étant pas illégale, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de ce que l'obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de renvoi seraient privées de base légale doit être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée pour information à la préfète de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 25 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

M. Julien Dufour, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 octobre 2023.

Le rapporteur,

Julien A...

La présidente,

Ghislaine Markarian

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23BX01326


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01326
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: M. Julien DUFOUR
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : MARTY

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-10-17;23bx01326 ?
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