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17/10/2023 | FRANCE | N°21BX02196

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 17 octobre 2023, 21BX02196


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Infocom-France a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la délibération du 6 septembre 2018 par laquelle le conseil d'administration du centre communal d'action sociale de la commune du Tampon a résilié pour faute et sans indemnité les contrats de location de véhicules conclus le 6 décembre 2017 et d'ordonner la reprise des relations contractuelles interrompues par cette décision.

Par un jugement n°1800989 du 17 mars 2021, le tribunal administratif de La Réunion a

rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Infocom-France a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la délibération du 6 septembre 2018 par laquelle le conseil d'administration du centre communal d'action sociale de la commune du Tampon a résilié pour faute et sans indemnité les contrats de location de véhicules conclus le 6 décembre 2017 et d'ordonner la reprise des relations contractuelles interrompues par cette décision.

Par un jugement n°1800989 du 17 mars 2021, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 mai 2021, 5 avril 2022, 10 novembre 2022 et 23 mars 2023, la société Infocom-France, représentée par Me Mouchan, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 18000989 du tribunal administratif de La Réunion du 17 mars 2021 ;

2°) d'annuler la délibération du 6 septembre 2018 ;

3°) de condamner le centre communal d'action sociale du Tampon à lui verser une somme de 165 910 euros à titre de dommages et intérêts, assortie des intérêts légaux à compter du 13 novembre 2018 ;

4°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale du Tampon une somme de 7 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- le rapporteur public a méconnu les obligations qui sont les siennes, à savoir exposer en toute indépendance et en toute impartialité les questions que présentent à juger le recours, faire connaître son opinion selon sa conscience et indiquer les solutions qu'appelle le litige soumis à la juridiction.

Sur le fond, que :

- la résiliation a été décidée à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une mise en demeure lui laissant un temps suffisant pour s'expliquer sur ses prétendus manquements à ses obligations contractuelles ;

- la résiliation ne pouvait être prononcée au motif qu'elle s'était abstenue de communiquer la copie des contrats d'insertion publicitaire dès lors qu'une telle obligation n'était nullement prévue au contrat ;

- le motif de la résiliation tiré de ce qu'elle n'a pas mis à la disposition du centre communal d'action sociale les véhicules est entaché d'erreur de fait ;

- la résiliation ne pouvait être prononcée au motif qu'elle s'était abstenue de communiquer la copie des cartes grises des véhicules loués dès lors qu'une telle obligation n'était nullement prévue au contrat et qu'elle a, en tout état de cause, satisfait à cette obligation ;

- le motif de la résiliation tiré de ce que la société a conclu des contrats d'insertion publicitaire au nom du centre communal d'action sociale désigné comme souscripteur est infondé ; ces contrats ont été conclus en qualité de concessionnaire du centre communal d'action sociale ;

- le motif de la résiliation fondé sur un prétendu manquement de la société au principe de loyauté des relations contractuelles est infondé ; c'est au contraire le centre communal d'action sociale qui a méconnu ce principe en manifestant son intention de s'opposer à l'exécution du contrat ;

- elle est en droit d'obtenir l'indemnisation des préjudices qu'elle subit du fait de la résiliation illégale du marché prononcée par le centre communal d'action sociale.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 24 mars 2022 et le 27 février 2023, le centre communal d'action sociale du Tampon, représenté par la SELARL d'avocats Symchowicz-Weissberg et associés, agissant par Me Symchowicz, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Infocom-France une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par une ordonnance du 27 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 28 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public,

- et les observations de Me Scanvic, substituant Me Symchowicz, pour le centre communal d'action sociale du Tampon.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux contrats signés le 6 décembre 2017, la société Infocom-France s'est engagée à mettre à la disposition du centre communal d'action sociale (CCAS) de la commune du Tampon, pour une durée de quatre ans, deux véhicules minibus de transport de personnes, dont un aménagé pour les personnes à mobilité réduite. Par une délibération du 6 septembre 2018, le conseil d'administration du CCAS du Tampon a décidé de résilier les contrats pour faute de son cocontractant. La société Infocom-France a saisi le tribunal administratif de La Réunion d'une demande contestant la validité de la mesure de résiliation des contrats et tendant à la reprise des relations contractuelles. Par un jugement rendu le 17 mars 2021, le Tribunal a rejeté ses demandes. A l'appui de sa requête d'appel, la société Infocom-France demande à la Cour d'annuler ce jugement ainsi que la décision du 6 septembre 2018 par laquelle le conseil d'administration du CCAS du Tampon a résilié les deux contrats en cause.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 7 du code de justice administrative : " Un membre de la juridiction, chargé des fonctions de rapporteur public, expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent ".

3. Il résulte des conclusions du rapporteur public, produites au dossier d'appel, que ce dernier a regardé comme fondés les motifs retenus par le CCAS du Tampon pour résilier le contrat en litige et fait connaître son opinion sur la solution qu'appelait le litige. La seule circonstance qu'il se soit livré à une appréciation critique du contrat ne saurait caractériser un manquement aux principes d'indépendance et d'impartialité, qui lui incombent. Par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité.

Sur le fond :

4. Le juge du contrat ne peut, en principe, lorsqu'il est saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, que rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles.

En ce qui concerne la régularité de la résiliation :

5. En cas de manquements de nature à justifier qu'il soit mis fin à son contrat pour faute et sans indemnité, le titulaire doit, en principe, être préalablement mis en demeure de respecter ses obligations, sauf si le contrat en dispose autrement ou s'il n'a pas la possibilité de remédier aux manquements qui lui sont reprochés.

6. Il résulte de l'instruction que, par une lettre du 3 août 2018, le président du CCAS du Tampon a demandé à son cocontractant de respecter les termes du contrat en fournissant les véhicules prévus sous peine de résiliation. Eu égard à son contenu, cette lettre constitue une mise en demeure de respecter les obligations contractuelles, laquelle est, non une décision au sens des articles L. 122-1 et L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, mais une mesure d'exécution du contrat qui constitue un préalable obligatoire à la résiliation pour faute du contrat. Par ailleurs, ce courrier du 3 août 2018 a fixé au 15 août 2018 la date limite de présentation de ses observations éventuelles par la société Infocom-France, qui disposait ainsi d'un délai suffisant pour répondre à la mise en demeure, et qui a au demeurant répondu par un courriel du 3 août 2018. De plus, ses observations du 20 août 2018, bien que postérieures au délai imparti, ont été visées dans la délibération résiliant le contrat. Dans ces conditions, la société Infocom-France n'est pas fondée à soutenir que la résiliation de son contrat est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière.

En ce qui concerne le bien-fondé de la résiliation :

7. Par la délibération du 6 septembre 2018, le conseil d'administration du CCAS du Tampon a décidé de résilier les contrats en cause aux motifs que les véhicules n'avaient pas été mis à disposition des services du CCAS, qu'il existait une incertitude quant à la date de livraison des véhicules, que l'exécution des contrats s'avérait compromise, et que la société Infocom-France avait signé avec des annonceurs des contrats d'insertion publicitaires désignant le CCAS comme prescripteur à son insu.

8. Il résulte des stipulations des deux contrats de location sans chauffeur conclus le 6 décembre 2017, qui sont des marchés publics, que la société Infocom-France s'engageait à louer pour quatre ans au CCAS deux véhicules de marque Renault Trafic neuf places pour le transport de personnes, dont l'un équipé pour le transport de personnes à mobilité réduite, pour un loyer correspondant à une rétrocession de recettes publicitaires d'un montant de 500 euros par mois, soit 12 000 euros hors taxes pour une période de deux années, outre un loyer complémentaire pour le véhicule bénéficiant d'un aménagement spécifique. Selon l'article II des contrats en cause, les contrats de location ne produisaient leurs effets que si la société Infocom-France était assurée que le loyer pourrait être payé pour une période d'au moins deux ans et le CCAS devait, afin que la société Infocom-France réalise sa démarche commerciale auprès de sponsors publicitaires, lui fournir la liste de ses patentés et principaux fournisseurs et une lettre de présentation du projet qui serait datée et expédiée par la société Infocom-France. L'article III des contrats stipulait que les véhicules devaient être mis à disposition du CCAS lorsque le paiement du loyer était assuré pour une période d'au moins deux ans. L'article IV des contrats au CCAS d'assurer une exposition publique des véhicules permettant de visualiser les emplacements publicitaires.

9. D'une part, alors que, par courrier du 9 avril 2018 reçu le 15 avril suivant par la société Infocom-France, le CCAS avait sollicité des informations sur les contrats signés par les annonceurs, la société Infocom-France avait alors indiqué au CCAS, par courrier du 18 mai 2018, que le premier véhicule était finalisé et que le second le serait sous deux semaines. Par lettre du 28 juin 2018, la société Infocom-France informait le CCAS qu'elle serait en mesure de respecter prochainement ses engagements contractuels, engagement qu'elle réitérait par courrier du 27 juillet 2018, à l'appui duquel elle adressait au CCAS un projet d'avenant de contrat de location avec le GIE Grance Collectivités Invest que la société Infocom-France indiquait avoir créé pour regrouper son parc de véhicules. En réponse à la mise en demeure du 3 août 2018 qui lui a été adressée, la société Infocom-France se bornait à nouveau à indiquer au CCAS que les deux véhicules étaient terminés et que, s'agissant de leur livraison, elle demeurait en attente d'une place pour embarquer les véhicules. Il résulte ainsi de l'instruction que la société Infocom-France n'a pas répondu aux demandes du CCAS du Tampon tendant à ce que lui soient communiquées les informations lui permettant de connaître la date de livraison effective des véhicules et de vérifier la date à laquelle le montant du loyer des véhicules serait couvert par les recettes publicitaires et n'a produit que le 20 août 2018 ces éléments, qui faisaient apparaître un montant de recettes publicitaires de 31 920 euros hors taxes pour le premier véhicule et 49 800 euros hors taxes pour le second véhicule, soit des montants très supérieurs au seuil de 12 000 euros hors taxes prévu à l'article III des contrats en cause qui devait entraîner la mise à disposition des deux véhicules. Dans ces conditions, et alors qu'à la date de la résiliation des contrats, les véhicules en question n'avaient toujours pas été mis à la disposition du CCAS du Tampon, il résulte de ce qui précède que la société Infocom-France a méconnu ses obligations contractuelles, ces manquements justifiant que le CCAS du Tampon résilie les marchés en cause.

10. D'autre part, et alors que l'article III des contrats en cause stipulait que " Infocom-France assume seule la responsabilité de facturation et d'encaissement des loyers auprès des annonceurs et recherche sous sa seule et unique responsabilité, directement ou indirectement, les sponsors publicitaires nécessaires au paiement du loyer sur la durée du contrat ", aucune des stipulations du contrat n'autorisait la société Infocom-France à désigner le CCAS du Tampon comme le prescripteur des contrats d'insertion publicitaire proposés aux annonceurs démarchés, ainsi qu'il résulte des pièces produites en défense et la société Infocom-France ne peut se prévaloir utilement de contrats d'insertion publicitaire types. C'est donc en méconnaissance des stipulations contractuelles que la société Infocom-France a utilisé l'image du CCAS du Tampon, établissement public chargé de missions dans le secteur-médico-social, pour valoriser ses démarches auprès de ses clients.

11. Il résulte de ce qui précède aux points 9 et 10 que les manquements de la société Infocom-France à ses obligations contractuelles étaient de nature à justifier qu'il soit mis fin aux deux contrats pour faute et sans indemnité, les conclusions présentées à ce titre ne pouvant être que rejetées.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Infocom-France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 6 septembre 2018 par laquelle le conseil d'administration du CCAS du Tampon a résilié les deux contrats en cause.

Sur les frais d'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CCAS du Tampon, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, une somme au titre des frais exposés la société Infocom-France et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de l'appelante une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le CCAS du Tampon et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Infocom-France est rejetée.

Article 2 : La société Infocom-France versera au CCAS du Tampon une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Infocom-France et au centre communal d'action sociale de la commune du Tampon.

Délibéré après l'audience du 25 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Julien Dufour, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 octobre 2023.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

La présidente,

Ghislaine Markarian

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au préfet de La Réunion, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX02196 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02196
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : MOUCHAN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-10-17;21bx02196 ?
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