Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010.
Par un jugement n° 1904717 du 18 mars 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 mai 2021 et 22 avril 2022, M. et Mme B..., représentés par Me Roquain, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 18 mars 2021 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010 ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que l'indemnité qui leur a été versée est en totalité destinée à réparer la perte d'un capital ou, à titre subsidiaire, leur préjudice moral, de sorte qu'elle n'était pas imposable à l'impôt sur le revenu.
Par un mémoire enregistré le 23 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés sont infondés.
Par une ordonnance du 25 avril 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 19 mai 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sébastien Ellie ;
- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public ;
- et les observations de Me Firah, représentant M. et Mme B....
Une note en délibéré présentée par M. et Mme B..., représentés par Me Roquain, a été enregistrée le 30 août 2023.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B..., adhérents du " D... " (Intermarché) animé par la société ITM Entreprises, ont créé en 2008 la société Sajenkel pour exploiter un magasin sous l'enseigne " Netto ", enseigne appartenant au groupe Intermarché. Face à diverses difficultés d'exploitation, M. et Mme B... ont obtenu de la société ITM Entreprises le versement d'une indemnité de 270 000 euros. L'administration fiscale a estimé qu'une fraction de cette indemnité, à hauteur de 25 %, était imposable à l'impôt sur le revenu dès lors qu'elle avait pour objet de réparer une perte de revenus. Le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. et Mme B... tendant à la décharge de la totalité des cotisations supplémentaires des impositions auxquelles ils ont été assujettis, soit 14 854 euros.
2. Pour établir l'imposition en litige, l'administration, après avoir dans un premier temps estimé que la totalité de l'indemnité rémunérait un service rendu à la société ITM Entreprises en lui cédant les actions de la société Safrakel, a considéré que l'indemnité de 270 000 euros permettait de réparer le préjudice moral des requérants mais aussi, à hauteur de 25 %, un préjudice financier lié à la perte des revenus qu'ils tiraient de l'exploitation de la société holding Safrakel en leur qualité de dirigeants de la société.
3. Aux termes de l'article 79 du code général des impôts : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu ". L'article 80 ter du même code dispose que : " Les indemnités, remboursements et allocations forfaitaires pour frais versés aux dirigeants de sociétés sont, quel que soit leur objet, soumis à l'impôt sur le revenu ". Quelle qu'en soit la dénomination, la somme reçue par un contribuable en contrepartie de la perte d'un élément de son patrimoine n'a, sauf texte contraire, pas le caractère d'un revenu imposable. Des indemnités qui en revanche ont pour objet de compenser une perte de revenus, ont le caractère de sommes imposables.
4. Il résulte de l'instruction que M. et Mme B... sont devenus en 2006 adhérents du groupement Intermarché dit " D... " et ont repris, pour le prix de deux millions d'euros, la société Logana, via la société holding Safrakel dont ils détiennent 82 % du capital, pour exploiter un magasin à l'enseigne Intermarché à Nérac, sous contrat de franchise et d'approvisionnement avec la société ITM Entreprises. En 2008, après une étude de marché favorable réalisée par la société ITM Alimentaire Sud-ouest, M. et Mme B... ont créé la société Sajenkel pour exploiter à Nérac un magasin à l'enseigne Netto, appartenant également au groupement Intermarché. Dès la fin du premier exercice, la société Sajenkel a constaté un résultat courant négatif de 155 000 euros et M. et Mme B... ont cédé à la société holding Safrakel leurs participations dans la société Sajenkel. La situation de cette société ayant continué de se dégrader malgré les aides de la société-mère, M. et Mme B... ont décidé de cesser l'exploitation du magasin Netto au mois d'octobre 2009 et la société Safrakel a abandonné la créance de 180 000 euros qu'elle détenait sur sa filiale la société Sajenkel et provisionné une somme de 300 000 euros pour dépréciation des titres de la société Sajenkel. M. et Mme B... ont alors décidé de mettre un terme à leurs relations avec le groupe Intermarché et ont vendu, le 8 novembre 2010, leurs participations dans la société Safrakel à la société ITM Alimentaire Sud-ouest pour le prix de 230 000 euros. Estimant avoir subi un préjudice financier du fait de l'incitation à s'engager dans l'exploitation d'un magasin à l'enseigne Netto, M. et Mme B... ont parallèlement recherché la responsabilité du groupement Intermarché et ont, finalement, conclu le même jour que la vente de leurs parts dans la société Safrakel, le 8 novembre 2010, un accord transactionnel par lequel la société ITM Entreprises s'engage à leur verser une indemnité définitive, forfaitaire et globale de 270 000 euros, en contrepartie de quoi M. et Mme B... se sont engagés à renoncer à toute action à l'encontre d'une des sociétés du groupement à raison du préjudice invoqué.
5. Le protocole transactionnel du 8 novembre 2010 justifie le versement de l'indemnité de 270 000 euros par le préjudice financier subi par M. et Mme B..., sans en expliciter le contenu. Selon les requérants, ce préjudice procède de la dévalorisation des sociétés qu'ils détenaient directement ou indirectement et de la perte de confiance dans le " D... ". Il résulte cependant de l'instruction que M. et Mme B... ont également perçu des revenus d'un montant de 60 569 euros en 2008 et 69 325 euros en 2009 en rémunération de leurs fonctions de gérants. Ils ont également été en mesure de céder leurs parts dans la société Safrakel pour 230 000 euros et déclarer une plus-value à hauteur de 41 133 euros, l'activité de la société ayant été essentiellement financée par l'emprunt auprès d'établissements de crédits, les contrats de prêts bancaires étant repris par la société ITM Alimentaire Sud-Ouest dans le cadre du contrat de cession d'actions du 8 novembre 2010. Dans ces circonstances, si l'indemnité de 270 000 euros versée à M. et Mme B... permet notamment de réparer le préjudice lié à la perte de valeur de leurs parts dans la société et à leur préjudice moral, l'administration fiscale a pu considérer qu'une partie de la transaction était destinée à compenser des pertes de revenus. Les revenus des contribuables s'établissaient, ainsi qu'il a été dit, à 130 000 euros sur les deux années précédant la cession et il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que l'administration aurait fait une évaluation exagérée de la part de l'indemnité destinée à compenser la perte de revenus subie en l'estimant à 25 % du montant de l'indemnité, soit 67 500 euros.
6. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme B... la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et Mme C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 29 août 2023 où siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Sébastien Ellie, premier conseiller,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2023.
Le rapporteur,
Sébastien Ellie
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Marion Azam-Marche
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°21BX02079