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18/07/2023 | FRANCE | N°22BX00863

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 18 juillet 2023, 22BX00863


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F..., M. D... C... et M. B... E... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la délibération du 17 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes de l'Ile de Ré a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de cette communauté de communes, ensemble la décision du 22 juin 2020 rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 2001355, 2001772 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.


Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 mars 2022, et un m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F..., M. D... C... et M. B... E... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la délibération du 17 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes de l'Ile de Ré a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de cette communauté de communes, ensemble la décision du 22 juin 2020 rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 2001355, 2001772 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 mars 2022, et un mémoire, enregistré le 16 juin 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme F..., M. C... et M. E..., représentés par Me Jean-Meire, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2001355, 2001772 du tribunal administratif de Poitiers du 20 janvier 2022 ;

2°) d'annuler la délibération du 17 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes de l'Ile de Ré a approuvé son PLUi, ensemble la décision du 22 juin 2020 rejetant leur recours gracieux.

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes de l'Ile de Ré une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- en contrôlant la qualification juridique liée à la notion d'espace remarquable sous le prisme du contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation et non du contrôle normal, les premiers juges ont méconnu l'étendue de leur compétence ;

- le classement des parcelles cadastrées section AM n° 218, 220, 222 et 223 en zone Nr est, au regard de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme, entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2022, la communauté de communes de l'Ile de Ré, représentée par la SELARL cabinet Coudray, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des appelants sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par une lettre du 11 mai 2023, la cour a invité la communauté de communes de l'Ile de Ré, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, à produire des pièces pour compléter l'instruction.

Le 15 mai 2023, la communauté de communes de l'Ile de Ré a produit des pièces à la cour, qui ne les a pas communiquées aux requérants.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu -

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michaël Kauffmann,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

- et les observations de Me Jean-Meire, représentant Mme F..., M. C... et M. E... et de Me Lapprand, représentant la communauté de communes de l'Ile de Ré.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 17 décembre 2015, le conseil communautaire de la communauté de communes de l'Ile de Ré a prescrit l'élaboration de son PLUi. Le projet de plan a été arrêté par délibération du 16 mai 2019 puis délibération du 13 août 2019, adoptée à la majorité qualifiée des deux tiers, et a été soumis à enquête publique, qui s'est déroulée du 23 août au 24 septembre 2019. Le conseil communautaire a approuvé le PLUi par une délibération du 17 décembre 2019. M. C..., propriétaire de la parcelle cadastrée section AM n° 218 située rue Raise Maritaise à Bois-Plage-en-Ré, M. E..., propriétaire de la parcelle cadastrée section AM n° 220 et Mme F..., propriétaire des parcelles cadastrées section AM n° 222 et n° 223, relèvent appel du jugement du 20 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 17 décembre 2019, ensemble la décision du 22 juin 2020 rejetant leur recours gracieux.

Sur la régularité du jugement :

2. Si les requérants soutiennent qu'en contrôlant la qualification juridique liée à la notion " d'espace remarquable ", pour l'application de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme, sous le prisme du contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation et non du contrôle normal, les premiers juges ont " méconnu l'étendue de leur compétence ", cette erreur, à la supposer établie, n'affecte que le bien-fondé du jugement et non sa régularité. Par suite, à supposer que les appelants aient entendu ainsi invoquer un moyen tiré de l'irrégularité du jugement, ce moyen ne saurait être accueilli.

Sur la légalité des décisions contestées :

3. Aux termes de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme : " Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. / Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver, comportant notamment, en fonction de l'intérêt écologique qu'ils présentent, les dunes et les landes côtières, les plages et lidos, les forêts et zones boisées côtières, les îlots inhabités, les parties naturelles des estuaires, des rias ou abers et des caps, les marais, les vasières, les zones humides et milieux temporairement immergés ainsi que les zones de repos, de nidification et de gagnage de l'avifaune désignée par la directive 79/409 CEE du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages. ". Aux termes de l'article L. 121-24 du même code : " Des aménagements légers, dont la liste limitative et les caractéristiques sont définies par décret en Conseil d'Etat, peuvent être implantés dans ces espaces et milieux lorsqu'ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public, et qu'ils ne portent pas atteinte au caractère remarquable du site. (...) ". Aux termes de l'article R. 121-4 de ce code : " En application de l'article L. 121-23, sont préservés, dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral et sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou présentent un intérêt écologique : / 1° Les dunes (...) / (...) / 7° Les parties naturelles des sites inscrits ou classés en application des articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de l'environnement, des parcs nationaux créés en application de l'article L. 331-1 du code de l'environnement et des réserves naturelles instituées en application de l'article L. 332-1 du code de l'environnement ; (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 151-24 du même code : " Les zones naturelles et forestières sont dites "zones N". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues. ".

4. Les parties naturelles des sites inscrits ou classés en application de la loi du 2 mai 1930 relative à la protection des monuments naturels et des sites et les forêts et zones boisées proches du rivage de la mer sont présumées constituer des sites ou paysages remarquables. Toutefois, si cette qualification présumée est contestée, leur caractère remarquable doit être justifié. Pour apprécier si les parcelles en cause présentent le caractère de site ou paysage remarquable à protéger au sens des dispositions précitées, l'autorité compétente ne peut se fonder sur leur seule continuité avec un espace présentant un tel caractère, sans rechercher si elles constituent avec cet espace une unité paysagère justifiant dans son ensemble cette qualification de site ou paysage remarquable à préserver.

5. Le rapport de présentation du PLUi indique que la zone Nr correspond à des espaces remarquables au titre de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme et se rapporte à des secteurs naturels situés en site classé, constitués de parcelles boisées ou en prairie ou en zone de marais généralement sans aucune construction. Le règlement du PLUi dispose, pour sa part, que la zone Nr correspond aux parties naturelles du territoire, situées en espaces remarquables, où seuls sont autorisés, notamment, la réfection des bâtiments existants, les travaux ayant pour objet la conservation ou la protection des espaces remarquables, les constructions et aménagements liés et nécessaires à la saliculture ou les aménagements légers visés à l'article L. 121-24 du code de l'urbanisme.

6. Il ressort des pièces du dossier que l'ensemble de l'Ile de Ré constitue, en vertu d'un arrêté ministériel du 23 octobre 1979, un site inscrit à l'inventaire des sites au titre de la loi du 2 mai 1930. Le secteur d'un seul tenant constitué des parcelles cadastrées section AM n° 218, 220, 222 et 223, d'une superficie modeste d'environ 1 500 m², dont le classement en zone Nr est contesté par les requérants, est situé au sein d'une zone fortement urbanisée à l'est, au nord et à l'ouest, à proximité du centre-bourg de la commune de Bois-Plage-en-Ré, et s'ouvre au sud sur un secteur plus vaste s'étirant jusqu'au rivage, classé en zone Nr. La communauté de communes de l'Ile de Ré affirme, dans son mémoire en défense, en y insérant un extrait d'une cartographie détaillée à la parcelle, que les parcelles en cause supporteraient des dunes boisées et des dunes grises, qui constituent des habitats naturels sensibles à la fragmentation, dont la préservation est un enjeu en matière de maintien des équilibres. Toutefois, alors que, devant les premiers juges, les requérants ont contesté la valeur probante de cet extrait cartographique non sourcé et malgré une mesure d'instruction diligentée en ce sens par la cour, la communauté de communes de l'Ile de Ré n'a pas versé au dossier l'étude environnementale, ou tout autre document, dont serait extraite la cartographie détaillée reproduite dans ses écritures en défense. Par ailleurs, il ne ressort d'aucun autre document que, quand bien même elles seraient comprises dans une trame verte et bleue, ces parcelles, dont il ressort des photographies produites qu'elles supportent une pelouse et quelques arbres, qui servent occasionnellement de parking ainsi que de voie de passage pour accéder à la plage et qui se trouvent enserrées dans un environnement déjà significativement urbanisé et anthropisé, présenteraient une perspective paysagère remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral ou constitueraient un milieu nécessaire au maintien des équilibres biologiques. Enfin, il n'en ressort pas plus que ces parcelles, qui sont situées à environ 300 mètres au nord du rivage, constitueraient avec le secteur qui s'ouvre au sud une unité paysagère justifiant dans son ensemble la qualification de site ou paysage remarquable à préserver. Dès lors, en regardant les parcelles cadastrées section AM n° 218, 220, 222 et 223 comme des espaces naturels remarquables au sens des dispositions précitées de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme, devant être préservés de l'urbanisation, la délibération litigieuse a fait une inexacte application de ces dispositions.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme F..., M. C... et M. E..., qui ne soulèvent, en appel aucun autre moyen susceptible de fonder une annulation totale de la délibération du 17 décembre 2019 du conseil communautaire de la communauté de communes de l'Ile de Ré et de la décision du 22 juin 2020 rejetant leur recours gracieux, sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces décisions, en tant qu'elles classent les parcelles cadastrées section AM n° 218, 220, 222 et 223 situées rue Raise Maritaise à Bois-Plage-en-Ré en zone Nr. Ils sont, dès lors, fondés à demander, dans cette seule mesure, l'annulation de ce jugement et des décisions contestées.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme F..., M. C... et M. E..., qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, la somme demandée par la communauté de communes de l'Ile de Ré, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la communauté de communes de l'Ile de Ré une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La délibération du 17 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes de l'Ile de Ré a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal ainsi que la décision du 22 juin 2020 rejetant le recours gracieux de Mme F..., M. C... et M. E... sont annulées en tant qu'elles classent les parcelles cadastrées section AM n° 218, 220, 222 et 223 situées rue Raise Maritaise à Bois-Plage-en-Ré en zone Nr.

Article 2 : Le jugement n° 2001355, 2001772 du 20 janvier 2022 du tribunal administratif de Poitiers est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : La communauté de communes de l'Ile de Ré versera à Mme F..., M. C... et M. E... une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F..., désignée en qualité de représentant unique des requérants en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, et à la communauté de communes de l'Ile de Ré.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023.

Le rapporteur,

Michaël Kauffmann La présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX00863

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00863
Date de la décision : 18/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : JEAN MEIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-18;22bx00863 ?
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