Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour à raison de son état de santé.
Par un jugement n° 2206677 du 6 mars 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 17 octobre 2022 et a enjoint à la préfète de la Gironde de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 mars 2023, le préfet de la Gironde demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 mars 2023 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal.
Il soutient que M. B... ne remplissait pas les conditions de délivrance de plein droit d'un titre de séjour " vie privée et familiale " dès lors que, d'une part, l'avis du collège des médecins de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFII) lui était défavorable et, d'autre part, il ne démontre pas être pourvu de liens privés ou familiaux en France d'une particulière intensité ou stabilité, alors qu'il n'est pas dépourvu de tout lien dans son pays d'origine dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 42 ans.
La requête a été communiquée à M. B... qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Héloïse Pruche-Maurin a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant ukrainien né le 6 avril 1972 à Odessa (Ukraine), est entré en France le 27 décembre 2014 selon ses déclarations. Le 20 février 2015, il a déposé une demande l'asile, rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 19 août 2016 et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 31 octobre 2017. Le 7 mars 2017, il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement, contre laquelle il a exercé un recours rejeté par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux le 5 mai 2017. M. B... a sollicité le réexamen de sa demande d'asile qui a été déclarée irrecevable par l'OFPRA le 13 juillet 2017, puis la CNDA le 31 octobre 2017. Le 12 février 2019, il a fait l'objet d'une deuxième mesure d'éloignement assortie d'une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans, qu'il a également contestées par un recours rejeté par jugement du tribunal administratif de Bordeaux le 5 juillet 2019 puis par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 8 juin 2020. Le 11 octobre 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour à raison de son état de santé sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a bénéficié d'un titre de séjour valable du 7 avril 2020 au 6 avril 2021, dont il a sollicité le renouvellement le 17 février 2021. Par un arrêté du 17 octobre 2022, la préfète de la Gironde a, d'une part, refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et d'autre part, à titre dérogatoire et en raison du conflit armé qui se déroule en Ukraine, accordé à M. B... une autorisation provisoire de séjour valable six mois et renouvelable une fois. Par un jugement du 6 mars 2023 dont le préfet relève appel, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté.
2. Pour prononcer l'annulation de l'arrêté du 17 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a jugé que M. B... ne pouvait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine en raison du conflit armé en cours sur le territoire entraînant un dysfonctionnement du réseau électrique ukrainien pourtant indispensable au traitement de M. B... et a retenu le moyen tiré de ce que l'arrêté du préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) ".
4. En vertu des dispositions citées au point précédent, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 425-9, doit émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016, au vu notamment du rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
5. En l'espèce, le collège des médecins de l'OFII a estimé, dans son avis du 5 janvier 2022, que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, d'une part, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, ce dernier peut effectivement y bénéficier d'un traitement approprié et, d'autre part, l'état de santé de M. B... lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier et notamment des certificats médicaux des 12 janvier, 17 et 19 août 2022 produits en première instance par M. B... que ce dernier souffre d'une insuffisance respiratoire sur bronchopneumopathie chronique obstructive de stade 4 et d'un syndrome d'apnée du sommeil pour laquelle la disposition en permanence d'un appareil de ventilation est nécessaire. Or, il ressort des pièces du dossier et notamment des articles de presse produits par M. B... en première instance, dont les dates de publication sont certes postérieures à l'arrêté en litige mais qui relatent une situation antérieure relative à la situation de guerre en Ukraine, que le réseau d'électricité ukrainien dysfonctionne régulièrement en raison du conflit armé qui se déroule sur le territoire, entraînant de nombreuses coupures d'électricité, alors que le traitement de M. B... nécessite l'utilisation quotidienne d'appareils de santé électriques. Ces éléments, qui ne sont pas contestés en défense, sont de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII, qui avait estimé qu'il existerait un traitement approprié à l'état de santé de M. B... dans son pays d'origine, et dont l'avis avait été, au demeurant, pris antérieurement au déclenchement du conflit armé dans ce pays. Dans ces conditions, et nonobstant la circonstance que le préfet de Gironde a délivré à M. B... par le même arrêté en litige une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, M. B... est fondé à soutenir que l'arrêté du 17 octobre 2022 est entaché d'illégalité pour ce motif.
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Gironde n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 17 octobre 2022. Par suite, sa requête doit être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Gironde est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Nathalie Gay, première conseillère.
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2023.
La rapporteure,
Héloïse Pruche-MaurinLa présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 23BX00879 2