La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/07/2023 | FRANCE | N°20BX03089

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 13 juillet 2023, 20BX03089


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) 3A a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner la commune de Saint-Paul à lui verser :

- la somme de 1 472 927,76 euros en réparation du préjudice que lui a causé le refus illégal du 12 octobre 2012 de lui délivrer un permis de reconstruire un bâtiment accueillant trois commerces sur la commune de Saint-Paul, avec intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande préalable, le 21 mars 2017, et capitalisation des intérêts

;

- la somme de 356 960 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) 3A a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner la commune de Saint-Paul à lui verser :

- la somme de 1 472 927,76 euros en réparation du préjudice que lui a causé le refus illégal du 12 octobre 2012 de lui délivrer un permis de reconstruire un bâtiment accueillant trois commerces sur la commune de Saint-Paul, avec intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande préalable, le 21 mars 2017, et capitalisation des intérêts ;

- la somme de 356 960 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité du refus du 28 septembre 2016 opposé à sa demande de permis de construire, avec intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande préalable, soit à compter du 27 juillet 2018.

Par un jugement n°1700626 et 1801006 du 3 juillet 2020, le tribunal administratif de La Réunion a condamné la commune de Saint-Paul à verser à la SCI 3A d'une part, la somme de 380 980 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2017, les intérêts échus le 17 mars 2018 étant capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts à cette date, ainsi qu'à chaque date anniversaire, et d'autre part, la somme de 95 480 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2018, le tout sous réserve de la déduction faite des sommes déjà perçues en vertu de l'ordonnance du juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 17 septembre 2018.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 9 septembre 2020, sous le n° 20BX03089, la SCI 3A, représentée par Me Nemri, demande à la cour :

1°) de condamner la commune de Saint-Paul à lui verser une somme de 1 472 927,76 euros avec intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande préalable, soit à compter du 21 mars 2017, avec capitalisation des intérêts ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Paul le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune de Saint-Paul a commis une faute en ce que le maire de Saint-Paul ne pouvait refuser de faire droit à la demande de permis de construire qu'elle avait présentée dès lors que les irrégularités constatées par la commission de sécurité auraient pu faire l'objet de prescriptions dans l'arrêté de permis de construire ;

- elle n'a commis aucune imprudence qui pourrait conduire à une exonération ou à un partage de responsabilité ;

- il existe un lien de causalité entre la faute de la commune qui a refusé la délivrance d'un permis de construire le 12 octobre 2012 et la perte de loyers entre le 1er février 2013 et le 14 novembre 2016 soit 401 120 euros ;

- le refus de permis de construire du 12 octobre 2012 a eu pour conséquence le retrait de l'offre de prêt de la Banque Populaire pour l'aménagement de dix studios situés 27 rue Marius et Ary Leblond ; la perte des revenus locatifs de ces studios du 1er février 2013 au 31 décembre 2018 s'élève à la somme de 371 000 euros ;

- le versement des indemnités d'éviction et des sommes versées en vertu des protocoles d'accord du 22 octobre 2018, d'un montant total de 136 312,92 euros, présente un lien direct avec le refus de permis de construire litigieux ;

- le surcoût de construction s'élève à la somme de 105 774,25 euros ;

- le coût de l'immobilisation du terrain, soit 22 788 euros sur cinq ans et le coût de la taxe foncière de 12 000 euros entre 2012 et 2015 doivent être indemnisés ;

- les frais de maitrise d'œuvre versés à la société IMCE s'élèvent à 44 278,59 euros correspondant aux frais de projet et avant-projet qui ont été dépensés en pure perte en raison de la décision de refus de permis de construire du 20 octobre 2012 ;

- les frais de justice composés du salaire versé à la juriste recrutée pour gérer les conséquences fiscales et sociales du refus de permis de construire, soit la somme de 160 000 euros, ainsi que les frais d'avocat d'un montant de 6 700 euros HT sont en lien avec la faute de la commune ;

- à partir de la décision fautive, elle a accumulé une dette fiscale d'un montant de 439 584,78 euros ainsi que des pénalités de retard de 47 742 euros ;

- les difficultés financières et l'obstruction systématique de la commune ont eu des conséquences morales justifiant l'indemnisation d'un préjudice moral évalué à 200 000 euros.

Par deux mémoires enregistrés les 7 février et 12 avril 2022, la commune de Saint-Paul, représentée par Me Gaspar, conclut à ce que la cour sursoie à statuer jusqu'à ce que le juge pénal ait statué de manière définitive, au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de La Réunion du 3 juillet 2020 et au rejet de la demande présentée par la SCI 3A devant le tribunal administratif de La Réunion, et à titre subsidiaire à ce que le montant des préjudices soit ramené à de plus justes proportions, soit 249 489 euros, et en tout état de cause, à la mise à la charge de la SCI 3A du versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de la SCI 3A est irrecevable en ce que l'appelante reprend littéralement ses écritures de première instance sans critiquer le jugement attaqué en méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- l'illégalité de l'arrêté du 12 octobre 2012 n'est pas constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune dès lors que l'arrêté annulé pour insuffisance de motivation, était justifié au fond par des impératifs liés à la sécurité publique ; la commission de sécurité, consultée pour avis sur le permis de construire, avait émis un avis défavorable au vu de l'absence de dégagements règlementaires ; le non-respect des règles relatives à la sécurité des établissements recevant du public en matière d'incendie justifie le refus de permis de construire ; compte tenu des manquements aux obligations de sécurité publique, des prescriptions n'auraient pu suffire à assurer que les règles relatives à la sécurité publique soient respectées ;

- le préjudice relatif à la privation de loyer n'est ni direct ni certain dès lors que rien n'indique que la délivrance du permis de construire aurait permis au pétitionnaire de louer les locaux qu'elle projetait de construire ;

- la société appelante est à l'origine du préjudice qu'elle estime avoir subi dès lors qu'elle a décidé elle-même de démolir les locaux dont elle était propriétaire sans permis l'y autorisant ; en outre, alors même que la société bénéficie d'un permis de construire, elle ne l'a que partiellement mis à exécution, seul un mur de façade avait été édifié depuis le 1er mars 2018 ;

- à titre subsidiaire, sur la perte de revenus locatifs des locaux commerciaux, la période d'indemnisation ne peut commencer avant le 12 janvier 2013 et se terminer trois mois après l'obtention du permis tacite soit le 13 juillet 2017 ; la demande de la SCI 3A en appel ne portant que sur la première période devra être réduite à 43 mois ; il conviendra d'évaluer la valeur locative des biens à construire à 25 euros le m² sur une surface pondérée de 170,91 m² soit 4 377 euros mensuels ; la perte de revenus locatifs devra être limitée à 188 211 euros ; en outre, le préjudice de la perte de loyer ne peut être évalué sur la base d'hypothétiques revenus auxquels la SCI 3A aurait pu prétendre alors qu'elle était tenue de réintégrer les anciens occupants ; le montant des loyers versés par ces derniers étant de 3 588 euros, le préjudice sera limité à la somme de 193 752 euros pour 54 mois ;

- le lien entre la faute et le préjudice de 371 000 euros résultant de l'impossibilité de réaliser le projet immobilier de l'immeuble situé 35 à 37 rue Marius et Ary Leblond est trop ténu et n'est pas établi ; en outre l'évaluation de la perte de revenus locatifs est fantaisiste tant dans sa période de 70 mois que dans son montant de 5 300 euros par mois ;

- les pièces produites ne suffisent pas à établir le préjudice résultant du versement des indemnités d'éviction ; en outre, le préjudice lié au paiement des indemnités d'éviction ne peut dépasser 112 095 euros ; la société appelante ne peut prétendre à l'indemnisation de ce préjudice dès lors qu'elle n'a pas payé les sommes dues aux anciens occupants ; enfin, la nécessité de payer des indemnités d'éviction n'est pas entièrement imputable au refus de permis de construire, dès lors que la réintégration des locataires aurait dû être réalisée dès 2008 ;

- le coût de la construction a baissé entre février 2013 et novembre 2016 et en tout état de cause, il n'a pas augmenté de plus de 1,7 % entre mai 2012 et mai 2017 ;

- le paiement de la taxe foncière ne saurait constituer un préjudice indemnisable ;

- les frais de maîtrise d'œuvre ne sont pas établis, le paiement de deux bureaux d'études pour réaliser deux missions de maîtrise d'œuvre constitue un choix personnel de la société appelante ;

- les frais d'avocats ne peuvent être indemnisés, la SCI 3A ne démontre pas le caractère exclusif de la mission de Mme D... et a par ailleurs été indemnisée lors des différentes instances en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- le liens entre le refus de permis de construire et le retard dans le paiement des impôts n'est pas établi ;

- le préjudice moral n'a pas de lien de causalité avec le refus de permis de construire et ne peut pas être allégué par la SCI 3A mais uniquement par M. E... ;

- elle demande l'inscription en faux des contrats de location pour le magasin situé au 31 rue Marius et Ary Leblond, des factures acquittées afférentes aux chantiers en cours, des protocoles d'accords conclus avec les locataires A... et F..., du contrat de travail de Mme D..., de l'attestation de Mme D..., des documents pour l'obtention de prêt pour l'aménagement de studios, du courrier de la banque relatif à la perte du prêt pour l'aménagement de studios et de l'accord de la BPRP sur le financement des projets de studios.

II. Par une requête enregistrée le 5 octobre 2020, sous le n° 20BX03294, la commune de Saint-Paul, représentée par Me Gaspar, demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 3 juillet 2020, de rejeter la demande présentée par la SCI 3A devant le tribunal administratif de La Réunion et à titre subsidiaire, de ramener le montant des préjudices à de plus justes proportions soit une somme de 249 489 euros, et en tout état de cause de mettre à la charge de la SCI 3A une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'illégalité de l'arrêté du 12 octobre 2012 n'est pas constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune dès lors que l'arrêté annulé pour insuffisance de motivation était justifié au fond par des impératifs liés à la sécurité publique ; la commission de sécurité, consultée pour avis sur le permis de construire, avait émis un avis défavorable au vu de l'absence de dégagements règlementaires ; le non-respect des règles relatives à la sécurité des établissements recevant du public en matière d'incendie justifie le refus de permis de construire ; compte tenu des manquements aux obligations de sécurité publique, des prescriptions n'auraient pu suffire à assurer que les règles relatives à la sécurité publique soient respectées ;

- le préjudice relatif à la privation de loyer n'est ni direct ni certain dès lors que rien n'indique que la délivrance du permis de construire aurait permis à la pétitionnaire de louer les locaux qu'elle projetait de construire ;

- la société appelante est à l'origine du préjudice qu'elle estime avoir subi dès lors qu'elle a décidé elle-même de démolir les locaux dont elle était propriétaire sans permis l'y autorisant ; en outre, alors même que la société bénéficie d'un permis de construire, elle ne l'a que partiellement mis à exécution, seul un mur de façade avait été édifié depuis le 1er mars 2018 ;

- à titre subsidiaire, sur la perte de revenus locatifs des locaux commerciaux du 12 janvier 2013 au 14 août 2016, la période d'indemnisation ne peut commencer avant le 12 janvier 2013 et se terminer trois mois après l'obtention du permis tacite soit le 13 juillet 2017 ; la demande de la SCI 3A en appel ne portant que sur la première période devra être réduite à 43 mois ; il conviendra d'évaluer la valeur locative des biens à construire à 25 euros le m² sur une surface pondérée de 170,91 m² soit 4 377 euros mensuels ; la perte de revenus locatifs devra être limitée à 201 342 euros pour 43 mois ; à défaut, la valeur locative ne saurait excéder l'offre du 6 septembre 2012, inférieure à celle du 10 avril 2012, devenue alors caduque, soit la somme de 373 240 euros pour 43 mois ;

- sur la perte de revenus locatifs des locaux commerciaux du 14 août 2016 au 13 juillet 2017, la valeur locative moyenne pour cette période devrait être fixée à 4 377 euros sur onze mois soit 48 147 euros et à titre subsidiaire, la valeur locative ne saurait dépasser 8 502 euros par mois soit 93 522 euros.

Par un mémoire enregistré le 7 février 2022, la SCI 3A, représentée par Me Caijeo, conclut à la confirmation du jugement du tribunal administratif de La Réunion du 3 juillet 2020, au rejet de la requête de la commune et à la mise à la charge de la commune d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le refus de permis de construire du 12 octobre 2012 n'était pas justifié au fond, les griefs formulés par l'avis de la commission de sécurité ne portaient que sur l'absence de dégagements règlementaires et le rapport du SDIS ne mentionnait que des " propositions de prescriptions " ; les lacunes du projet n'impliquaient que des modifications minimes qui auraient pu faire l'objet de simples prescriptions dans l'arrêté de permis de construire ; l'avis défavorable de la commission de sécurité ne pouvait légalement justifier le refus de permis de construire ; les dispositions de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation ne sont pas applicables dès lors que l'établissement de la SCI 3A relève de la 5ème catégorie assujettie à des dispositions particulières en vertu de l'article R. 123-14 du même code ; l'existence d'une faute de la commune est avérée dès lors que les jugements ayant annulé les refus de permis de construire sont devenus définitifs ; la commune ne conteste pas, en appel, l'existence d'une faute résultant du refus de permis de construire opposé à la SCI 3A le 28 septembre 2016 ;

- elle n'est aucunement à l'origine de son propre préjudice en ayant réalisé des travaux de démolition de son immeuble sans autorisation ; la commune ne peut utilement critiquer l'absence de travaux alors qu'elle est à l'origine de ces retards significatifs de chantier ni des difficultés financières de la SCI 3A reportées dans le rapport d'expertise comptable ; les modalités d'exécution du permis de construire tacitement accordé n'exerce aucune incidence sur la responsabilité de la commune compte tenu de son inertie à lui délivrer un permis, même tacite et de la période d'indemnisation circonscrite à une période antérieure à cette délivrance ;

- sur le lien de causalité entre la faute et les préjudices, en l'absence des refus de permis de construire illégaux, les locaux commerciaux auraient été de nouveau loués par Messieurs A..., F... et B..., qui ont exigé leur réintégration par la voie judiciaire ; en outre, elle a versé aux débats les échanges de courriers entretenus avec des agences immobilières courant année 2012, faisant état de clients intéressés par la location de locaux après la reconstruction du bâtiment ; les biens auraient été loués si la commune de Saint-Paul ne s'était pas illégalement opposée à la demande de permis de construire ; la perte de loyers présente donc un lieu direct et certain avec les fautes commises par la commune ;

- sur la réparation des préjudices, elle s'en rapporte à ses écritures de première instance pour justifier la confirmation du jugement attaqué.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Gay;

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public ;

- et les observations de Me Caijeo, représentant la SCI 3A et de Me Drevet, représentant la commune de Saint-Paul.

Une lettre présentée par Me Charrel pour la commune de Saint-Paul a été enregistrée le 4 juillet 2023.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI 3A a obtenu, le 29 août 2005, un permis de construire pour l'extension et la surélévation d'un ensemble immobilier comprenant trois locaux faisant l'objet de baux commerciaux, situé 33 à 37 de la rue Marius et Ary Leblond sur le territoire de la commune de Saint-Paul (La Réunion). Lors des travaux, une partie de l'immeuble existant a été détruite. Un arrêté de péril du maire de Saint-Paul du 29 octobre 2010 a ordonné la démolition des murs de façade et des murs mitoyens qui subsistaient. Le 7 mars 2012, la société a demandé la délivrance d'un permis de construire en vue de reconstruire l'immeuble à l'identique. Par un arrêté du 12 octobre 2012, le maire de Saint-Paul a rejeté cette demande au motif que le projet de commerces " ne répond[ait] pas aux règles exigibles en matière de sécurité ". Par un jugement du 20 novembre 2015 devenu définitif, le tribunal administratif de La Réunion a annulé cet arrêté et a enjoint à la commune de procéder au réexamen de la demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le 14 mars 2016, la SCI 3A a déposé une nouvelle demande de permis de construire. Le 22 mars 2016, la commune de Saint-Paul a demandé la réactualisation des pièces de la demande de permis de construire, courrier auquel la société a opposé un refus le 6 septembre 2016 estimant que le dossier déposé était complet. Par une décision du 28 septembre 2016, le maire de Saint-Paul a rejeté la demande de permis de construire faute de production des pièces demandées. Par un jugement du 29 décembre 2017 devenu définitif, le tribunal a annulé ce nouveau refus en estimant que le maire ne pouvait légalement subordonner la délivrance du permis à la production de nouvelles pièces et a constaté que la SCI 3A était titulaire d'un permis de construire tacite depuis le 14 août 2016. Le 1er mars 2018, le maire a délivré, sur injonction du tribunal, un certificat de permis de construire tacite. Le 17 mars 2017, la SCI 3A a saisi la commune de Saint-Paul d'une réclamation par laquelle elle a demandé réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité des décisions de refus des 12 octobre 2012 et 28 septembre 2016. Le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a, par ordonnance du 7 mai 2018, condamné la commune de Saint-Paul à lui verser une provision de 323 774 euros, majorée des intérêts de retard à compter du 21 mars 2017. Par une ordonnance du 17 septembre 2018, le juge des référés de la cour a condamné la commune à verser à la SCI 3A, à titre de provision, une somme de 427 636,50 euros, majorée des intérêts de retard à compter du 21 mars 2017. Par la requête enregistrée sous le n° 20BX03089, la SCI 3A relève appel du jugement du 3 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a condamné la commune de Saint-Paul à lui verser seulement, d'une part, la somme de 380 980 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2017, les intérêts échus le 17 mars 2018 étant capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts â cette date, ainsi qu'à chaque date anniversaire, et, d'autre part, la somme de 95 480 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2018, le tout sous réserve de la déduction des sommes déjà perçues en vertu de l'ordonnance du juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 17 septembre 2018. Elle demande la condamnation de la commune de Saint-Paul à lui verser une somme de 1 472 927,76 euros avec intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande préalable, soit à compter du 21 mars 2017, avec capitalisation des intérêts. La commune de Saint-Paul, par la voie de l'appel incident, conclut au rejet de la demande présentée par la SCI 3A devant le tribunal administratif de La Réunion, et à titre subsidiaire, à ce que le montant des préjudices soit ramené à de plus justes proportions. Par la requête enregistrée sous le n° 20BX03294, la commune de Saint-Paul relève appel du même jugement et demande, à titre principal, le rejet de la demande présentée par la SCI 3A devant le tribunal administratif de La Réunion et, à titre subsidiaire, que la cour ramène le montant des préjudices à de plus justes proportions. Les requêtes n° 20BX03089 et 20BX03294 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. (...) ".

3. Contrairement à ce que soutient la commune, la requête enregistrée sous le n° 20BX03089 présentée par la SCI 3A ne se borne pas à reproduire à l'identique la demande présentée en première instance mais énonce à nouveau de façon précise les fondements de sa demande indemnitaire présentée devant le tribunal administratif, et critique le jugement quant à l'évaluation des différents préjudices. Par suite, la requête de la SCI 3A respecte les exigences précitées de l'article R. 411-1 du code de justice administrative.

Sur la responsabilité :

4. Aux termes de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation : " Les travaux qui conduisent à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public ne peuvent être exécutés qu'après autorisation délivrée par l'autorité administrative qui vérifie leur conformité aux règles prévues aux articles L. 111-7, L. 123-1 et L. 123-2. / Lorsque ces travaux sont soumis à permis de construire, celui-ci tient lieu de cette autorisation dès lors que sa délivrance a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente mentionnée à l'alinéa précédent. Toutefois, lorsque l'aménagement intérieur d'un établissement recevant du public ou d'une partie de celui-ci n'est pas connu lors du dépôt d'une demande de permis de construire, le permis de construire indique qu'une autorisation complémentaire au titre de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation devra être demandée et obtenue en ce qui concerne l'aménagement intérieur du bâtiment ou de la partie de bâtiment concernée avant son ouverture au public ".

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'arrêté du 12 octobre 2012 par lequel le maire de Saint-Paul a refusé de délivrer un permis de construire à la SCI 3A qui avait sollicité une autorisation de reconstruction à l'identique sur le fondement de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme alors applicable, a été annulé pour insuffisance de motivation par un jugement du tribunal administratif de La Réunion du 20 novembre 2015 devenu définitif. La commune de Saint-Paul fait valoir que le refus de permis de construire était justifié au fond par des considérations de sécurité publique, en se prévalant de l'avis défavorable de la commission de sécurité du 28 septembre 2012 en raison de l'absence de dégagements règlementaires. Toutefois, le dossier de demande de permis de construire précisait que " chacun des commerces du présent projet procèdera ultérieurement à sa propre demande d'autorisation en mairie pour son enseigne, ainsi qu'à la présentation de son dossier spécifique ERP " et le rapport du service départemental d'incendie et de secours prévoyait, dans les propositions de prescriptions, outre de doter les commerces de dégagements règlementaires, d'inviter " les futurs exploitants à déposer en mairie une demande de permis d'aménager pour l'exploitation des locaux article R. 123-22 du CCH ". Ainsi, il résulte de l'instruction que l'aménagement de dégagements règlementaires n'impliquaient que des modifications limitées qui aurait pu faire l'objet de simples prescriptions dans l'arrêté de permis de construire et, au demeurant, le permis de construire aurait pu indiquer, ainsi que le prévoyait l'article L. 111-8 du code de la construction et de d'habitation, qu'une autorisation complémentaire au titre de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation devait être demandée et obtenue en ce qui concerne l'aménagement intérieur du bâtiment ou de la partie de bâtiment concernée avant son ouverture au public. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction qu'un autre motif aurait été de nature à justifier légalement le bien-fondé du refus de permis de construire opposé le 12 octobre 2012. Par suite, ce refus entaché d'une illégalité, ainsi que la décision du 28 septembre 2016 par laquelle le maire de Saint-Paul a rejeté la demande de permis de construire présentée par la SCI 3A faute de production des pièces demandées, qui a été annulée par un jugement du 29 décembre 2017 devenu définitif, sont fautifs et, ainsi, de nature à engager la responsabilité de la commune vis-à-vis de la société à raison des préjudices en lien avec ces illégalités.

Sur les causes exonératoires :

6. Il résulte de l'instruction que la SCI 3A a obtenu, le 29 août 2005, un permis de construire en vue de l'extension et de la surélévation de l'ensemble immobilier concerné à effet d'y créer huit logements et trois commerces. Si, lors des travaux, une partie de l'immeuble existant a été partiellement détruit, le maire de Saint-Paul a ordonné, par un arrêté de péril du 29 octobre 2010, la démolition complète des façades et restes du bâtiment. Ainsi, la commune de Saint-Paul n'est pas fondée à soutenir que la SCI 3A aurait décidé elle-même de démolir les locaux dont elle était propriétaire sans permis l'y autorisant. En tout état de cause, ces circonstances qui sont antérieures aux fautes commises par la commune de Saint-Paul, ne sauraient atténuer sa responsabilité.

7. La circonstance que la société 3A n'aurait que partiellement mis à exécution le permis de construire dont elle est bénéficiaire depuis le 1er mars 2018 ne peut être regardée comme ayant concouru au préjudice résultant de l'illégalité des décisions de refus de permis de construire des 12 octobre 2012 et 28 septembre 2016. Par suite, ce fait de la victime ne peut être de nature à exonérer la commune de sa responsabilité.

Sur les préjudices :

8. La SCI 3A soutient avoir subi des pertes de loyers des trois locaux commerciaux existants situés 33 à 37 de la rue Marius et Ary Leblond à Saint-Paul, dont il résulte de l'instruction qu'ils représentent des surfaces de 74, 95 et 49 m² telles que mentionnées dans le plan de niveau du rez-de-chaussée joint à la demande de permis de construire déposée le 7 mars 2012. En premier lieu, la société produit un devis des travaux qu'elle a fait établir par une entreprise, qui stipule un délai de livraison du bâtiment à construire de trois mois. En l'absence d'élément permettant de remettre en cause ce délai, il y a lieu d'estimer qu'en l'absence du refus illégal de permis de construire du 12 octobre 2012, les locaux auraient été susceptibles d'être loués à compter du 12 janvier 2013, soit trois mois après le refus illégal de permis de construire. Dès lors que le permis de construire tacite né le 14 août 2016 doit être regardé comme ayant été retiré par la décision refusant la délivrance de permis de construire du 28 septembre 2016, la fin de la période d'indemnisation du préjudice lié à la perte de loyers doit être arrêtée au 13 juillet 2017, soit trois mois après la date de la délivrance du certificat de permis de construire tacite le 13 avril 2017. Ainsi, la période durant laquelle les pertes de loyers subies peuvent être regardées comme établies peut être fixée du 12 janvier 2013 au 13 juillet 2017, soit cinquante-quatre mois. Dès lors que la société 3A a présenté deux réclamations préalables, les 17 mars 2017 et 31 juillet 2018, demandant la réparation des préjudices résultant respectivement des refus de permis de construire des 12 octobre 2012 et 28 septembre 2016, il y a lieu, à l'instar de ce qu'a jugé le tribunal, de scinder cette période en deux périodes de quarante-trois mois pour la première et onze mois pour la seconde. En deuxième lieu, la commune de Saint-Paul produit, pour la première fois en appel, le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Denis du 29 octobre 2014, confirmé par la cour d'appel de Saint-Denis dans un arrêt du 30 octobre 2020, jugeant que M. A... bénéficiait d'un droit au renouvellement de son bail commercial conclu le 1er juillet 1994 et que la SCI 3A était tenue de le réintégrer dans le local occupé après la réalisation des travaux moyennant un loyer de 1 219 euros proposé dans le congé donné par la société. De la même manière, il résulte du jugement du tribunal de grande instance de Saint-Denis du 2 mars 2021, produit pour la première fois en appel par la commune, que ce même tribunal a reconnu à M. F..., par un jugement du 29 avril 2015, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis du 17 novembre 2017, un droit au renouvellement de son bail conclu le 4 juillet 1988 et que la SCI 3A aurait dû le réintégrer dans le local qu'il exploitait, après la réalisation des travaux moyennant un loyer de 1 173 euros. Ainsi, le montant du préjudice subi lié à la perte des loyers de deux locaux commerciaux doit être évalué à la somme de 2 392 euros par mois. En ce qui concerne le local loué par M. B..., il ne résulte d'aucun élément de l'instruction qu'il aurait exprimé la volonté de renouveler le bail commercial à l'issue des travaux. Il résulte de l'instruction et notamment des offres de location, des baux commerciaux et des rapports d'expertises immobilières versés au dossier, qu'il sera fait une juste appréciation de la valeur locative de ce local en la fixant à 40 euros par m². En outre, la superficie du local occupé par M. B... était de 95 m². Ainsi, le préjudice lié à la perte de loyers de ce troisième local doit être évalué à 3 800 euros par mois. Par suite, il résulte de ce qui précède que le préjudice lié à la perte des loyers des trois locaux commerciaux doit être évaluée, pour la première période de quarante-trois mois à 266 256 euros et pour la seconde période de onze mois à 68 112 euros.

9. La SCI 3A fait valoir qu'elle avait pour projet, concomitamment à la reconstruction des trois locaux commerciaux, de réaménager huit studios et deux appartements type T1 au sein de l'immeuble situé au 27 de la rue Marius et Ary Leblond et que le plan de financement de ces travaux, qui avait été validé par un établissement bancaire, reposait sur la perception des loyers du bien situé 33, 35 et 37 rue Marius et Ary Leblond. Elle évalue à 371 000 euros la perte de chance de louer ces dix appartements sur une période de soixante-dix mois du 1er février 2013 au 31 décembre 2018. Toutefois, la SCI 3A ne produit aucun élément permettant de tenir pour établi qu'elle aurait été dans l'impossibilité de bénéficier d'autres financements ne dépendant pas notamment de la location des locaux commerciaux. Par ailleurs, la seule production d'une offre de location d'une agence immobilière à compter du 1er janvier 2013 ne suffit pas à établir le caractère certain du préjudice résultant de la perte de chance de louer ces appartements. Par suite, en raison du caractère éventuel de ce préjudice et en l'absence de lien de causalité direct entre la faute de la commune de Saint-Paul résultant de l'illégalité du refus de permis de construire du 12 octobre 2012 et l'absence de réalisation des travaux d'aménagement de l'immeuble situé au 27 rue Marius et Ary Leblond, les conclusions tendant à l'indemnisation de ce préjudice doivent être rejetées.

10. La SCI 3A soutient qu'elle a dû s'acquitter du versement à MM. A... et F... d'indemnités d'éviction d'un montant respectif de 7 685 euros et 26 627,28 euros. Toutefois, il résulte de l'instruction que ces sommes résultaient des congés donnés par la SCI 3A le 16 septembre 2004 en vue de la réalisation des travaux de surélévation de l'immeuble litigieux et ne sont pas en lien avec l'illégalité du refus de permis de construire du 12 octobre 2012. En outre, il résulte des protocoles produits par la SCI 3A datés du 22 octobre 2018, que les sommes de 48 000 et 54 000 euros qui auraient été versées respectivement à MM. A... et F... étaient destinées à " mettre un terme à toutes les procédures nées et à venir concernant le bail commercial portant sur le bien situé au 24 rue Marius et Ary Leblond à Saint-Paul ". La commune soutient sans être contredite que ces indemnités ne concernent donc pas l'immeuble litigieux situé au 33 à 37 rue Marius et Ary Leblond. Par suite, les conclusions tendant au remboursement de ces indemnités ne peuvent qu'être rejetées.

11. La société 3A soutient avoir subi la hausse du coût de la construction entre la date du refus illégal qui lui a été opposé et la date à laquelle elle a pu procéder aux travaux et évalue cette hausse à 105 774,25 euros. En produisant un rapport d'expertise et deux devis de juin 2017, la société 3A, qui n'a réalisé aucune construction à la suite de la délivrance du permis de construire tacite le 13 avril 2017, ne justifie pas de la réalité du préjudice qu'elle aurait effectivement subi. Par suite, le préjudice résultant de l'augmentation du coût de la construction ne peut être indemnisé.

12. La société 3A demande à être indemnisée au titre de la taxe foncière due pour le terrain d'assiette en litige de 2012 à 2015. Il ne résulte pas de l'instruction que la société 3A qui a gardé le terrain d'assiette en litige à la suite des refus de permis de construire du 12 octobre 2012 et du 28 septembre 2016, aurait été dans l'impossibilité de le vendre. Ainsi, le préjudice dont elle se prévaut en qualité de propriétaire du terrain est sans lien direct avec l'illégalité des refus de permis de construire. Par suite, ses conclusions tendant au remboursement de la taxe foncière ainsi que celles tendant à l'indemnisation du coût de l'immobilisation du terrain qu'elle évalue à 22 788 euros sans apporter aucun justificatif, doivent être rejetées.

13. La société 3A produit un contrat de maîtrise d'œuvre daté du 26 novembre 2009 conclu avec la société IMCE pour la réalisation d'un bâtiment à usage de commerce et d'habitation sur la commune de Saint-Paul pour un montant de 71 787,85 euros, ainsi que la copie de quatre chèques d'un montant total de 39 541,38 euros à l'ordre de la société IMCE. Si elle soutient s'être acquittée d'une somme de 44 278, 59 euros en règlement de prestations réalisées en exécution de ce contrat, il ne résulte pas de l'instruction que ces sommes auraient été exposées pour la demande de permis de construire présentée le 7 mars 2012 alors que la société a déposé une précédente demande de permis de construire en vue de reconstruire la partie arrière du bâtiment, puis à la suite de la démolition de l'intégralité du bâtiment, à la délivrance d'un permis de construire modificatif le 14 décembre 2010. Cette demande a été refusée par un arrêté du 14 avril 2011 contre lequel un recours en annulation a été présenté et a été rejeté par le tribunal administratif de La Réunion par un jugement du 20 février 2014. En outre, la société 3A n'apporte aucun élément permettent de tenir pour établi que ces sommes auraient été exposées en pure perte dès lors que les travaux pouvaient être réalisés dès la délivrance du certificat de permis de construire tacite le 13 avril 2017. Par ailleurs, la circonstance qu'elle ait conclu avec une autre société un contrat de maitrise d'œuvre pour la construction de trois commerces rue Marius et Ary Leblond et qu'elle produise une facture datée du 31 juillet 2017 d'un montant de 21 139 euros, ne permet pas de caractériser un lien de causalité direct entre les frais de maîtrise d'œuvre exposés en 2010 et l'illégalité des refus de permis de construire de 2012 et de 2016. Par suite, les conclusions tendant à l'indemnisation de la somme de 44 278,59 euros doivent être rejetées.

14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (...) ".

15. Les frais de justice exposés devant le juge administratif en conséquence directe d'une faute de l'administration sont susceptibles d'être pris en compte dans le préjudice résultant de la faute imputable à celle-ci. Toutefois, lorsque l'intéressé avait qualité de partie à l'instance, la part de son préjudice correspondant à des frais non compris dans les dépens est réputée intégralement réparée par la décision que prend le juge dans l'instance en cause.

16. En l'espèce, la société 3A a pu bénéficier de ces dispositions durant les diverses instances engagées et les frais exposés pour sa défense ont fait l'objet d'une appréciation d'ensemble dans ce cadre qui exclut toute demande indemnitaire de ce chef sur un autre fondement juridique. Par ailleurs, la société 3A fait valoir qu'elle a recruté une juriste pour " assurer le conseil au niveau du droit de l'urbanisme, droit fiscal et droit contractuel liés aux problèmes juridiques rencontrés avec la mairie de Saint-Paul " ainsi que le précise le contrat de travail du 4 avril 2016 produit par la société. Toutefois, la société 3A ne prouve pas la réalité des missions qui lui auraient été attribuées ni le versement des salaires correspondants, dont elle demande le remboursement à hauteur d'une somme de 160 000 euros. Par suite, les conclusions tendant à l'indemnisation des frais de justice doivent être rejetées.

17. La société 3A demande en appel, sans critique du jugement et sans élément nouveau, le remboursement des intérêts moratoires d'un montant de 47 742 euros exigés par l'administration fiscale à M. E... sur ses cotisations d'impôt sur le revenu au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2016. Il y a lieu d'écarter ces prétentions par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

18. La société 3A fait valoir que ses associés M. et Mme E... ont été contraints de mettre en vente des biens immobiliers afin de payer leurs cotisations d'impôt de solidarité sur la fortune, d'impôt sur le revenu et de taxes foncières et que l'obstruction systématique de la commune a eu des conséquences morales graves. Toutefois, la société 3A ne saurait utilement demander réparation pour son compte du préjudice moral subi par ses associés.

19. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Paul est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion l'a condamnée à verser à la SCI 3A une somme supérieure à 266 256 euros pour la première période et 68 112 euros pour la seconde période, et la requête de la SCI 3A tendant à ce que l'indemnité allouée en première instance soit portée à un montant supérieur, doit être rejetée.

Sur les conclusions d'inscription de faux de la commune de Saint-Paul :

20. Aux termes de l'article R. 633-1 du code de justice administrative : " Dans le cas d'une demande en inscription de faux contre une pièce produite, la juridiction fixe le délai dans lequel la partie qui l'a produite sera tenue de déclarer si elle entend s'en servir. / Si la partie déclare qu'elle n'entend pas se servir de la pièce, ou ne fait pas de déclaration, la pièce est rejetée. Si la partie déclare qu'elle entend se servir de la pièce, la juridiction peut soit surseoir à statuer sur l'instance principale jusqu'après le jugement du faux rendu par le tribunal compétent, soit statuer au fond, si elle reconnaît que la décision ne dépend pas de la pièce arguée de faux ".

21. La solution du litige ne dépend pas des documents présentés par la société 3A et argués de faux par la commune de Saint-Paul. Dès lors, les conclusions présentées par la commune de Saint-Paul et tendant, sur le fondement de l'article R. 633-1 du code de justice administrative, à l'inscription de faux de ces documents doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Paul, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société 3A. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société 3A une somme à verser à la commune de Saint-Paul au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Les sommes de 380 980 euros et de 95 480 euros que la commune de Saint-Paul a été condamnée à verser à la société 3A par le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 3 juillet 2020 sont ramenées respectivement à 266 256 euros et 68 112 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 3 juillet 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Saint-Paul et la requête présentée par la société 3A sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Paul et à la SCI 3A.

Copie en sera adressée au préfet de La Réunion.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Mme C... G..., première-conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2023.

La rapporteure,

Nathalie GayLa présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX003089, 20BX03294 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03089
Date de la décision : 13/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : NEMRI;SELARL LEX URBA;NEMRI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-13;20bx03089 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award