Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 11 février 2022 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2203500 du 26 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 février 2023, Mme C... A..., représentée par Me Lanne, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 26 octobre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Dordogne du 11 février 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Dordogne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, un récépissé l'autorisant à travailler, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme A... soutient que :
- la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 16 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2023, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme A... n'est fondé.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2022/017161 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 12 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique, a été entendu le rapport de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... A..., ressortissante ivoirienne née le 20 décembre 1982, déclare être entrée en France le 15 mars 2020 accompagnée de son fils mineur. Par une décision du 8 février 2021, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 20 septembre 2021, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a rejeté sa demande d'asile. Le 24 août 2021,
Mme A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 11 février 2022, le préfet de la Dordogne a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un pays de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... relève appel du jugement du 26 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État ".
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme A..., qui a entendu lever le secret médical, a bénéficié d'une opération de chirurgie réparatrice à la suite d'une excision qu'elle indique avoir subie dans son pays d'origine, et d'un suivi gynécologique afin de déterminer les motifs pour lesquels elle ne parvient pas à avoir un deuxième enfant. Il ressort en outre des certificats médicaux, établis les 11 et 12 août 2021, le 22 septembre 2021, le 1er décembre 2021 et les 10 et 24 mai et 12 décembre 2022 par un médecin psychiatre et une psychothérapeute, que la requérante est suivie depuis juillet 2021 en raison d'un état dépressif et d'un stress post-traumatique lié à des évènements vécus en Côte d'Ivoire. Si ces certificats médicaux indiquent que l'absence de suivi psychiatrique aurait de graves conséquences sur son état de santé, ni ces certificats, eu égard à leur teneur, ni les articles de presse produits, selon lesquels les médecins psychiatres ivoiriens solliciteraient l'aide des guérisseurs traditionnels pour soigner leurs patients, ne permettent d'établir que la requérante ne pourrait effectivement bénéficier en Côte-d'Ivoire d'un suivi psychiatrique et gynécologique adapté à son état de santé. Si Mme A... produit une " liste nationale des médicaments essentiels " disponibles en Côte d'Ivoire, datée de 2020, et sur laquelle ne figurent pas l'Alprazolam, l'Effexor et le Noctamide, respectivement anxiolytique, antidépresseur et hypnotique, qui lui sont prescrits, il n'est pas établi qu'aucun médicament équivalent composé des mêmes molécules, le cas échéant substituables, ne serait pas accessible dans son pays d'origine. Ainsi, les éléments produits par Mme A... ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis rendu le 27 octobre 2021 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a estimé que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut, eu égard aux caractéristiques du système de santé et à l'offre de soins disponibles en Côte-d'Ivoire, effectivement y bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, et qu'en outre, son état de santé lui permet d'y retourner sans risque. Si la requérante produit en dernier lieu un certificat médical daté du 27 décembre 2022 évoquant son état de grossesse à risque, cette circonstance, postérieure à l'arrêté attaqué, est par elle-même sans incidence sur sa légalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de séjour méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".
6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que Mme A... n'établit pas qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier en Côte d'Ivoire d'un traitement approprié à son état de santé. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaîtrait les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
8. Mme A... qui indique être entrée en France en mars 2020 avec son fils mineur, ne justifie pas, par le seul " certificat de parrainage / marrainage républicain " établi le 21 janvier 2023, soit postérieurement à l'arrêté attaqué, la réalité et l'ancienneté de sa relation avec M. D..., compatriote qu'elle présente comme son époux, lequel a fait l'objet, en outre, à la suite du rejet de sa demande d'asile, d'une mesure d'éloignement par un arrêté du préfet de la Dordogne du 21 avril 2022, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 11 août 2022. Par ailleurs, Mme A... ne justifie d'aucune intégration professionnelle ou sociale en France. Enfin, si la requérante indique n'entretenir plus aucune relation avec les membres de sa famille résidant en Côte d'Ivoire en raison des violences commises par son père et son frère à son encontre, lesquels auraient voulu lui imposer un mariage avec un autre homme, elle ne justifie pas pour autant que, accompagnée de son époux de même nationalité, elle serait totalement dépourvue de toute attache dans ce pays où elle a vécu jusqu'à l'âge de 37 ans. Dans ces circonstances, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Dordogne, aurait, en faisant obligation à Mme A... de quitter le territoire français, porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale aux buts en vue desquels cette mesure a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté. Pour les mêmes motifs, doit également être écarté le moyen tiré de ce que le préfet aurait porté une appréciation manifestement erronée de la situation personnelle de la requérante.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ". Et aux termes de l'article 16 de la même convention :
" 1. Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. 2. L'enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
10. Il n'est pas contesté que Mme A... est mère d'un enfant mineur, né en 2019. Toutefois, alors que la décision portant obligation de quitter le territoire n'a ni pour objet ni pour effet de séparer la requérante de son enfant, il n'est pas établi que ce dernier serait lui aussi exposé aux mêmes risques de mauvais traitements que ceux dont aurait été victime sa mère et que, partant, la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer en Côte d'Ivoire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations des articles 3 et 16 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
12. Mme A... qui se borne à invoquer l'impossibilité pour elle de bénéficier en Côte d'Ivoire de traitements adaptés à son état de santé, n'établit pas, eu égard à ce qui a été dit au point 4, qu'elle serait exposée à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, et alors qu'au demeurant la demande d'asile de la requérante a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 8 février 2021, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 20 septembre 2021, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.
13. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 février 2022 du préfet de la Dordogne. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., à Me Lanne et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Dordogne.
Délibéré après l'audience du 3 juillet 2023 à laquelle siégeaient :
M. Frédéric Faïck, président,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
M. Anthony Duplan, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2023.
Le rapporteur,
Anthony B...
Le président,
Frédéric Faïck La greffière,
Catherine JussyLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23BX00548