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11/07/2023 | FRANCE | N°23BX00518

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 11 juillet 2023, 23BX00518


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de trois ans. M. A... a également demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 2206102 du 23 novembre 2022, la magistrate désignée du tribunal a re

jeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de trois ans. M. A... a également demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 2206102 du 23 novembre 2022, la magistrate désignée du tribunal a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 février 2023 et le 18 avril 2023, M. B... A..., représenté par Me Astié, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2206102 du tribunal administratif ;

2°) d'annuler les arrêtés préfectoraux du 19 novembre 2022 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient, en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, que :

- cette décision est insuffisamment motivée et procède d'un examen insuffisant de sa situation personnelle ;

- cette décision est entachée d'un vice de forme dès lors que le nom et la qualité de l'agent ayant procédé à sa notification n'y sont pas mentionnés ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de sa situation personnelle et du fait qu'il ne présente pas, contrairement à ce qu'a estimé le préfet, une menace pour l'ordre public.

Il soutient, en ce qui concerne le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, que :

- cette décision est entachée d'erreur de droit dès lors qu'il ne présente pas une menace pour l'ordre public.

Il soutient, en ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français, que :

- cette décision est insuffisamment motivée et procède d'un examen insuffisant de sa situation personnelle ;

- cette décision est entachée d'un vice de forme dès lors que le nom et la qualité de l'agent ayant procédé à sa notification n'y sont pas mentionnés ;

- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.

Il soutient, en ce qui concerne l'assignation à résidence, que :

- cette décision est entachée d'un vice de forme dès lors que le nom et la qualité de l'agent ayant procédé à sa notification n'y sont pas mentionnés ;

- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 janvier 2023.

Par une ordonnance du 17 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 mai 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- et les observations de Me Ghettas se substituant à Me Astié, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain né le 16 octobre 1979, a fait l'objet, de la part de la préfète de la Gironde, d'un arrêté du 19 novembre 2022 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par un autre arrêté du 19 novembre 2022, la préfète de la Gironde a assigné à résidence M. A... pour une durée de quarante-cinq jours. M. A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les deux arrêtés préfectoraux du 19 novembre 2022, et relève appel du jugement rendu le 23 novembre 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, l'arrêté en litige, après avoir visé les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il fait application, rappelle que M. A... est entré irrégulièrement sur le territoire français à une date indéterminée sans être en possession des documents exigés par l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il précise qu'après le classement sans suite de sa demande de renouvellement d'un titre de séjour, M. A... s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français où il séjourne sans domicile fixe et sans ressources légales. L'arrêté comporte également une énumération de délits commis par M. A... en France entre 2008 et 2022. Il n'omet pas de mentionner que M. A... est père d'un enfant âgé de 15 ans, tout en précisant que celui-ci n'est pas à sa charge et qu'ainsi, la mesure d'éloignement ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Ce faisant, la préfète a satisfait à l'obligation de motivation et a procédé à un examen suffisant de la situation personnelle de M. A....

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. ". Ces dispositions, qui sont relatives aux mentions devant figurer sur une décision administrative, n'obligent pas l'administration à faire apparaitre, sur sa fiche de notification, le nom, le prénom et la qualité de l'agent ayant notifié cette décision. Par suite, la circonstance que M. A... n'ait pas été en mesure de connaître l'identité et la qualité de l'agent de la préfecture lui ayant notifié l'arrêté en litige est sans incidence sur la légalité de celui-ci, lequel comporte, pour sa part, les mentions exigées par les dispositions précitées de l'article L. 212-1.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Si M. A... soutient qu'il est entré sur le territoire français en 1994, il ne l'établit pas. Il n'est toutefois pas contesté qu'il a obtenu un titre de séjour en 2002, renouvelé jusqu'en 2018. Le 28 septembre 2018, M. A... a déposé en préfecture de Gironde une demande de renouvellement de son titre de séjour, classée sans suite le 3 juin 2019 aux motifs qu'il n'avait pas déposé un dossier complet et ne s'était pas présenté à deux rendez-vous fixés pour l'instruction de cette demande. Si M. A... soutient que sa démarche n'a pu aboutir en raison de la perte de ses documents d'état civil et de séjour, et produit à cet effet une main courante du 28 juin 2018, il ne justifie d'aucune démarche depuis cette date. Ainsi, M. A... séjournait irrégulièrement sur le territoire français depuis trois ans environ à la date de la décision attaquée. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. A... est défavorablement connu des services de police pour des faits de violences conjugales commis le 5 avril 2008, de coups et blessures volontaires commis le 9 avril 2009, de menaces ou chantages le 31 mars 2014, de destructions et dégradations de biens privés le 3 octobre 2014, de vol en réunion le 6 avril 2015, de destructions et dégradations de biens privés le 17 octobre 2016, de vol aggravé le 6 février 2016, de violence avec arme le 16 mars 2016, de conduite sous l'empire d'un état alcoolique le 19 décembre 2016, de violences avec armes et menaces ou chantages le 5 mars 2017, de destruction ou dégradation de véhicule privé le 4 novembre 2017, de vol à l'étalage commis le 27 mai 2021 et de port d'armes de catégorie D le 18 novembre 2022, cette dernière infraction lui ayant valu d'être interpellé par les services de police avant l'édiction de la mesure d'éloignement en litige. Si M. A... allègue qu'il a été pénalement condamné pour deux affaires seulement tandis qu'un classement sans suite aurait été effectué pour les autres dossiers, il ne verse au dossier aucun élément permettant de confirmer la réalité de ses allégations. M. A... ne produit en outre aucun élément de nature à établir qu'il aurait été la victime et non l'auteur des infractions mentionnées ci-dessus. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... entretiendrait des liens particuliers avec son enfant né en France, qu'il aurait un domicile stable et des ressources légales et régulières. Dans ces conditions, la préfète n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit du requérant à mener en France une vie privée et familiale normale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces mêmes circonstances, la préfète n'a pas commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant.

En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :

6. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) ".

7. Compte tenu des infractions commises par M. A..., telles que rappelées au point 5 ci-dessus, la préfète de la Gironde a pu légalement estimer que ce dernier présentait une menace pour l'ordre public et ne pas assortir l'obligation de quitter le territoire français d'un délai de départ volontaire.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

8. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

9. En premier lieu, il ressort de la motivation de l'arrêté en litige que la préfète a tenu compte de la menace à l'ordre public que présentait M. A... compte tenu des délits commis par ce dernier, de son état de célibataire père d'un enfant dont il n'a pas la charge, et du fait qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français après l'expiration de la durée de validité de son dernier titre de séjour. Ce faisant, la préfète a suffisamment rappelé les éléments caractérisant la situation de M. A... au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision. Les moyens tirés du défaut de motivation et de l'absence d'examen particulier de la situation de l'intéressé doivent être écartés.

10. En deuxième lieu, il résulte du point 3 ci-dessus que le moyen tiré de l'absence de mention de nom, du prénom et de la qualité de l'agent ayant notifié la décision en litige doit être écarté.

11. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'appui de sa contestation de l'interdiction de retour sur le territoire français prise à son encontre.

12. En quatrième lieu, eu égard aux nombreuses infractions commises par M. A... et au fait que ce dernier n'établit pas entretenir des liens particuliers avec son enfant né en France, la préfète de la Gironde a pu légalement fixer à trois ans la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français en litige.

En ce qui concerne l'assignation à résidence :

14. En premier lieu, il résulte du point 3 ci-dessus que le moyen tiré de l'absence de mention de nom, du prénom et de la qualité de l'agent ayant notifié la décision en litige doit être écarté.

15. En second lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'appui de sa contestation de l'assignation à résidence dont il a fait l'objet.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en litige.

Sur les frais de l'instance :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées par M. A... tendant à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, lui verse une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : La requête n° 23BX00518 de M. A... est rejeté.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2023 à laquelle siégeaient :

M. Frédéric Faïck, président,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

M. Anthony Duplan, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2023.

L'assesseur le plus ancien,

Caroline Gaillard

Le président-rapporteur,

Frédéric Faïck

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 23BX00518

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00518
Date de la décision : 11/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FAÏCK
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : SCP ASTIE-BARAKE-POULET-MEYNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-11;23bx00518 ?
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