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11/07/2023 | FRANCE | N°21BX03526

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 11 juillet 2023, 21BX03526


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 25 mars 2020 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Charente a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle, d'enjoindre à l'exécutif territorial de le réintégrer dans les effectifs du SDIS et de condamner son employeur à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de cet acte.<

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Par un jugement n° 2001523 du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Poi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 25 mars 2020 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Charente a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle, d'enjoindre à l'exécutif territorial de le réintégrer dans les effectifs du SDIS et de condamner son employeur à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de cet acte.

Par un jugement n° 2001523 du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 août 2021, M. A..., représenté par le cabinet Lex et G, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 29 juin 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Charente du 25 mars 2020 précité ;

3°) d'enjoindre au président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Charente de le réintégrer au sein de ses effectifs ;

4°) de condamner le service départemental d'incendie et de secours de la Charente à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ;

5°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Charente la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision litigieuse est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière dans la mesure où, lors de sa séance du 13 mars 2020, d'une part, le conseil de discipline a fait preuve de partialité et, d'autre part, il n'a pas eu la parole en dernier et, enfin, aucun témoin n'a été entendu par cette instance ;

- la matérialité des griefs qui lui sont reprochés tenant à son insuffisance professionnelle n'est pas établie et ces faits sont prescrits ;

- il a déjà fait l'objet de sanctions disciplinaires à raison de ces faits qui ne constituent que des erreurs ou fautes ponctuelles ;

- aucune formation ni médiation ne lui a été proposée par l'administration ;

- la décision de licenciement est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ;

- il sollicite la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 mai 2022, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Charente, représenté par Me Placidi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, ont été entendus :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Madelaigue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Placidi, représentant le SDIS de la Charente.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., sapeur-pompier professionnel qui exerçait depuis le 1er avril 2017 les fonctions de coursier d'atelier au sein du groupement technique et logistique du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Charente, a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 25 mars 2020 par lequel le président du SDIS de la Charente a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle, d'enjoindre à cette autorité de le réintégrer dans les effectifs du SDIS, et de condamner son employeur à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de cet acte. M. A... relève appel du jugement du 29 juin 2021 par lequel le tribunal a rejeté l'ensemble de ses demandes.

Sur les conclusions à fis d'annulation :

2. En premier lieu, M. A... reprend en appel le moyen tiré de l'irrégularité des conditions dans lesquelles le conseil de discipline, réuni le 13 mars 2020, a rendu son avis sur son licenciement pour insuffisance professionnelle, en se prévalant d'un défaut d'impartialité de cet organisme consultatif lié au fait que son secrétariat a été tenu par deux agents membres du SDIS de la Charente, de ce qu'il n'a pas eu une dernière fois la parole à l'issue du débat et de ce qu'aucun témoin n'a été entendu par le conseil de discipline. L'intéressé n'apporte toutefois aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance sans critiquer utilement la réponse qui lui a été apportée par les premiers juges. Dès lors, il y a lieu d'écarter ce moyen, pris en ses différentes branches, par adoption des motifs pertinemment retenus par le tribunal. Si, par ailleurs, M. A... soutient, pour la première fois en appel, qu'il lui a été demandé d'abréger ses déclarations lors de son audition, il ressort au contraire des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de la réunion du conseil de discipline devant lequel M. A... a comparu assisté de son conseil, que ce dernier a été mis à même de présenter toutes observations utiles, et qu'ainsi les droits de la défense, qu'il tient notamment de l'article 9 du décret du 18 septembre 1989, ont été respectés. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 93 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors en vigueur : " Le licenciement pour insuffisance professionnelle est prononcé après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire. (...) ". Aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. (...) / Passé ce délai et hormis le cas où une autre procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre de l'agent avant l'expiration de ce délai, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d'une procédure disciplinaire. ".

4. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Poitiers, la circonstance que le législateur ait, par l'article 93 de la loi du 26 janvier 1984, étendu au licenciement pour insuffisance professionnelle les garanties procédurales prévues en matière disciplinaire n'implique nullement qu'un tel licenciement soit soumis à l'ensemble du régime juridique applicable aux sanctions, et notamment aux règles de prescription. Par suite, l'action à l'issue de laquelle l'autorité compétente décide de licencier un agent pour insuffisance professionnelle n'est enfermée dans aucun délai à peine de prescription.

5. Au cas d'espèce, il ressort des termes de l'arrêté litigieux du 20 mars 2020, tel qu'éclairé par le rapport disciplinaire soumis au conseil de discipline, que l'autorité territoriale a entendu prononcer le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. A... en considération de ses manquements, tant techniques que relationnels, dans l'exercice de ses fonctions de coursier qu'il occupait depuis le 1er avril 2017. Contrairement à ce que soutient M. A..., les dispositions précitées de l'article 93 de la loi du 26 janvier 1984 ne faisaient pas obstacle à ce que le président du conseil d'administration du SDIS prenne en compte d'autres faits, antérieurs à 2017, et qui ont pu être portés à sa connaissance, pour apprécier dans son ensemble sa manière de servir. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

6. En troisième lieu, le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé, s'agissant d'un agent contractuel, ou correspondant à son grade, s'agissant d'un fonctionnaire, et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions. Il appartient à l'administration, lorsqu'une telle inaptitude est établie, de mettre fin à ses fonctions. La circonstance que certains des faits retenus pour justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle seraient susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire, n'est pas, par elle-même, de nature à entacher cette mesure d'illégalité, dès lors que l'administration se fonde sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent au regard des exigences de capacité qu'elle est en droit d'attendre d'un fonctionnaire de son grade.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... avait pour mission d'approvisionner le service en pièces détachées pour l'atelier ou le groupement, de présenter les véhicules aux contrôles règlementaires, de mettre en œuvre les règlements du service départemental, de procéder au convoyage, au nettoyage et à l'entretien hebdomadaire des véhicules et d'assurer leur alimentation en carburant.

8. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport présenté devant le conseil de discipline et des compte-rendu de ses évaluations annuelles, que M. A... a manqué de manière répétée, dans l'exercice de ses fonctions, à ses obligations de respect des consignes et des procédures applicables en matière de visites de contrôles et de gestion des clés des véhicules du service, a fait preuve de négligences en ayant notamment égaré les clés de véhicules au cours de l'année 2018, et failli à plusieurs reprises à ses missions d'approvisionnement en carburant et de nettoyage des véhicules de l'atelier départemental. Ces manquements ont été de nature à nuire au fonctionnement du SDIS de la Charente dont les interventions d'urgence et de secours nécessitent de disposer de véhicules à tout moment.

9. En plus de ces insuffisances d'ordre technique et opérationnel, de nombreuses difficultés relationnelles entre M. A... avec ses collègues de travail et sa hiérarchie, dont la matérialité est établie par des témoignages circonstanciés et concordants, ont été constatées par le SDIS. Ces difficultés relationnelles trouvent leur origine dans des propos provocateurs ou violents, le manque de respect et l'attitude inappropriée de M. A..., et ont suscité plusieurs incidents dans le service, dont notamment deux altercations intervenues les 28 décembre 2016 et 26 septembre 2019, qui ont perturbé significativement le fonctionnement du service et altéré de manière durable les relations de travail.

10. Contrairement à ce que soutient M. A..., les carences qui lui sont reprochées ne revêtent pas un caractère ponctuel, et avaient déjà été constatées antérieurement à 2017, l'intéressé ayant alors fait l'objet de plusieurs changements d'affectation, ainsi que d'appréciations réservées voire négatives sur sa manière de servir. Ces carences révèlent une incapacité de l'intéressé à inscrire durablement son action dans un travail en équipe et à nourrir des relations apaisées avec ses collègues et sa hiérarchie. M. A... ne saurait sérieusement soutenir, pour tenter de les minimiser, qu'elles auraient été favorisées par l'inertie de son administration à lui délivrer les formations requises ou qu'elles trouveraient leur cause dans un défaut de médiation avec ses collègues de travail vis-à-vis desquels il a adopté des attitudes provocatrices au point de conduire l'un d'entre eux à solliciter une prise en charge par un psychologue en 2019. Enfin, sa promotion au neuvième échelon de son grade de sergent-chef, par arrêté du 31 janvier 2019, ne constitue qu'un avancement d'échelon de droit lorsque les conditions statutaires sont remplies et est, par suite, sans incidence sur l'insuffisance professionnelle qui caractérise sa manière de servir.

11. Dans ces conditions, et alors même que certains des faits qui sont reprochés à M. A..., notamment la perte de clés le 18 janvier 2018, avaient déjà donné lieu à une sanction disciplinaire, l'arrêté litigieux prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle, et qui ne revêt par lui-même pas le caractère d'une sanction, n'est entaché ni d'erreur de fait ni d'erreur d'appréciation.

12. Enfin le requérant ne peut utilement soutenir qu'il aurait été privé partiellement de ses droits à bénéficier d'une pension de retraite pour remettre en cause l'arrêté contesté prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en litige ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et ses conclusions indemnitaires.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le SDIS de la Charente, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser au requérant une somme correspondant aux dépens de l'instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera la somme de 1 500 euros au SDIS de la Charente sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Charente.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2023 à laquelle siégeaient :

M. Frédéric Faïck, président,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

M. Anthony Duplan, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2023.

Le rapporteur,

Caroline B...

Le président,

Frédéric Faïck

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet de la Charente en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21BX03526

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03526
Date de la décision : 11/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FAÏCK
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : GRIS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-11;21bx03526 ?
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