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11/07/2023 | FRANCE | N°21BX02558

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 11 juillet 2023, 21BX02558


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme A... E... née F..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de son fils alors mineur, M. C... E..., et M. D... E... ont, par requêtes distinctes, demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, de condamner la région Nouvelle-Aquitaine, en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à leur verser respectivement, à titre principal sur le fondement de la responsabilité pour faute, les sommes provisionnelles de 202 890,17 euros, 45 477,

03 euros et 42 278,91 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme A... E... née F..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de son fils alors mineur, M. C... E..., et M. D... E... ont, par requêtes distinctes, demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, de condamner la région Nouvelle-Aquitaine, en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à leur verser respectivement, à titre principal sur le fondement de la responsabilité pour faute, les sommes provisionnelles de 202 890,17 euros, 45 477,03 euros et 42 278,91 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait du suicide de M. G... E... intervenu le 5 septembre 2016, ou, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité sans faute, les sommes provisionnelles respectives de 57 539,07 euros,

40 000 euros et 40 000 euros, sommes assorties dans tous les cas des intérêts au taux légal capitalisés, d'autre part, de condamner la région Nouvelle-Aquitaine, à leur verser les sommes précitées sollicitées à titre principal ou à titre subsidiaire, sommes assorties dans tous les cas des intérêts au taux légal capitalisés.

Par un jugement n° 1900758-1900778 du 18 mai 2021, le tribunal administratif de Poitiers, après avoir joint les requêtes et prononcé un non-lieu à statuer sur la demande en référé provision, a condamné la région Nouvelle-Aquitaine à verser à Mme A... E... la somme de 26 179,47 euros, et à M. D... E... et M. C... E... la somme de 20 000 euros chacun, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2018 et de la capitalisation des intérêts à la date du 24 décembre 2019, et rejeté le surplus de leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 juin et 29 novembre 2021, Mme A... E... née F..., M. C... E... et M. D... E..., représentés par Me Gaborit, demandent à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 18 mai 2021 en ce qu'il n'a pas totalement fait droit à leurs réclamations indemnitaires :

2°) de condamner la région Nouvelle-Aquitaine à verser, à titre principal, les sommes totales de 216 131,64 euros à Mme A... E... née F..., de 45 477,03 euros à

M. C... E... et de 42 278,91 euros à M. D... E... ou, à titre subsidiaire, les sommes de 57 539, 07 euros à Mme A... E... née F... et de 40 000 euros chacun à

M. C... E... et M. D... E..., sommes assorties des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de la région Nouvelle-Aquitaine la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les requérants soutiennent que :

- c'est à bon droit que le tribunal a écarté les fins de non-recevoir opposées par la région à leur demande de première instance, la région étant responsable des accidents de service subis par les agents des lycées alors que la responsabilité sans faute, qui est d'ordre public, a été invoquée dès leur réclamation préalable indemnitaire ; en outre, contrairement à ce que fait valoir la région, ils n'ont en aucun cas entendu invoquer un cumul de responsabilités ;

- la responsabilité pour faute de la région, qui permet aux ayants droits d'obtenir une réparation intégrale du préjudice subi du fait du suicide de l'agent concerné, se trouve engagée dès lors que le mal-être de M. E... au travail, confronté à une surcharge de travail liée à l'absence de son supérieur en arrêt maladie, aux brimades incessantes d'un de ses collègues et à une ambiance délétère dans l'équipe, avait été constaté de longue date par le reste de l'équipe, ainsi que cela ressort de l'enquête administrative et de la procédure pénale ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la région, à qui il incombe d'assurer la sécurité de ses agents en application du code du travail applicable aux agents territoriaux, était parfaitement informée des difficultés et de l'environnement délétère dans lequel évoluaient ses agents, et notamment de la tentative de suicide sur son lieu de travail de l'ancien supérieur hiérarchique de M. E... l'ayant conduit à être placé en arrêt de travail ; en tout état de cause, il appartenait à la région de s'informer des mesures mises en œuvre au sein de l'établissement public local d'enseignement, alors que des différends graves y survenaient ;

- il ne saurait être sérieusement affirmé par la région, qui a formellement reconnu l'imputabilité au service de cet accident après avis favorable de la commission de réforme du 15 juin 2017, que le suicide de M. E... serait dû à des alcoolisations et des prises médicamenteuses alors que l'enquête administrative n'a jamais confirmé ce point qui ne relevait que de suppositions de certains agents ;

- compte tenu des circonstances brutales du décès, Mme A... E... née F..., M. C... E... et M. D... E... ont respectivement droit au paiement des sommes de 50 000 euros, 40 000 euros et 40 000 euros au titre du préjudice d'affection ; ils ont également droit au paiement de la somme de 7 539,07 euros au titre des frais funéraires et, au titre du préjudice économique subi par chacun d'entre eux, des sommes respectives de 158 892,57 euros, 5 477,03 euros et 2 278,91 euros, soit les sommes totales de 216 131,64 euros,

45 477,03 euros et 42 278,91 euros ;

- si la région fait valoir que le montant global de la somme demandée en appel n'a pas fait l'objet d'une réclamation, Mme E... a uniquement actualisé la somme sollicitée en se fondant sur le barème de capitalisation des rentes des victimes de la Gazette du palais de 2020 ;

- à titre subsidiaire, la responsabilité sans faute de la région se trouvant engagée de plein droit en raison du suicide de leur époux et père reconnu imputable au service, leur préjudice d'affection et les frais funéraires doivent être indemnisés à hauteur de 57 539,07 euros pour Mme A... E... née F... et de 40 000 euros chacun pour M. C... E... et M. D... E....

Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 octobre 2021 et 20 janvier 2022, la région Nouvelle-Aquitaine, représentée par Me Magnaval, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle s'en rapporte à ses écritures de première instance et fait valoir que :

- la demande de première instance est irrecevable dès lors que, d'une part, elle est dirigée contre la région alors que seuls les services de l'État sont, en vertu de l'article

L. 421-23 du code de l'éducation, débiteurs d'une obligation d'indemnisation consécutive à des carences imputées au chef d'établissement concerné en matière de protection des agents placés sous son autorité fonctionnelle et que, d'autre part, cette demande ne pouvait reposer sur un double fondement de responsabilité pour faute et sans faute, ce dernier fondement n'ayant au demeurant pas été invoqué dans la réclamation préalable ;

- sur le fond, les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés et ce alors qu'aucune demande préalable correspondant à la nouvelle somme demandée en appel n'a été présentée à la région.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, ont été entendus :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Madelaigue, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par une lettre du 20 décembre 2018, reçue le 24 décembre suivant, Mme E... née F..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de son fils alors mineur, C... E..., et son autre fils majeur, M. D... E..., ont sollicité de la région Nouvelle-Aquitaine la réparation des préjudices qu'ils estimaient avoir subis du fait du suicide de leur époux et père, M. G... E..., survenu le 5 septembre 2016, alors qu'il était affecté en qualité d'adjoint technique principal au lycée agricole Xavier Bernard - Venours à Rouillé (Vienne) où il exerçait les fonctions de chef cuisinier. S'étant vu opposer un refus explicite par décision du 25 février 2019, les intéressés ont, par requêtes distinctes, demandé au tribunal administratif de Poitiers, tant à titre provisionnel en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative que dans le cadre d'un recours de plein contentieux indemnitaire, de condamner la région Nouvelle-Aquitaine à leur verser respectivement, à titre principal sur le fondement de la responsabilité pour faute, les sommes de 202 890,17 euros, 45 477,03 euros et 42 278,91 euros, ou, à titre subsidiaire sur le fondement de la responsabilité sans faute, les sommes de 57 539,07 euros et de 40 000 euros pour chacun des deux enfants. Par un jugement du 18 mai 2021, le tribunal administratif de Poitiers, après avoir joint les requêtes et prononcé un non-lieu à statuer sur la demande en référé provision, a condamné la région Nouvelle-Aquitaine à verser à Mme A... E... née F... la somme de 26 179,47 euros et à M. D... E... et M. C... E... la somme de 20 000 euros chacun, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2018 et de la capitalisation des intérêts à la date du 24 décembre 2019. Mme A... E... née F..., M. D... E..., devenu majeur, et M. C... E... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas totalement fait droit à leurs réclamations indemnitaires.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance :

2. En premier lieu, si la région Nouvelle Aquitaine fait valoir que la demande de première instance des consorts E... était mal dirigée au motif que seule la responsabilité de

l'État peut être engagée en raison d'un manquement, du chef de l'établissement concerné, à assurer la protection des agents du lycée placés sous son autorité en vertu des dispositions de l'article L. 421-23 du code de l'éducation, une telle circonstance, qui a trait à son bien-fondé, est sans incidence sur sa recevabilité. Dès lors, cette prétendue fin de non-recevoir ne saurait être retenue.

3. En second lieu, les dispositions des articles 40 et 42 du décret du 26 décembre 2003, relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les ayants droit d'un fonctionnaire décédé lors d'un accident de service peuvent prétendre, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques que ces derniers peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font cependant obstacle ni à ce que les ayants droit du fonctionnaire décédé obtiennent de la collectivité qui l'employait, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant, de manière distincte, leur préjudice moral personnel et les préjudices patrimoniaux autres que les pertes de revenus, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée par les ayants cause contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité, et dès lors que la réparation forfaitaire qui leur est légalement allouée ne répare pas l'intégralité de ce dommage.

4. Il résulte de l'instruction, en particulier de la réclamation préalable du 20 décembre 2018, que, pour solliciter la réparation des préjudices qu'ils estimaient avoir subis du fait du suicide de M. E..., Mme A... E... née F... et ses deux fils ont indiqué que la région Nouvelle Aquitaine ayant reconnu l'acte suicidaire de M. E... comme étant imputable au service par arrêté du 14 septembre 2017, ils avaient droit, outre le remboursement des frais funéraires, à la réparation de leur préjudice d'affection, en ajoutant que, en cas de faute de la personne publique, le préjudice pouvait être indemnisé de manière intégrale. Ce faisant, d'une part, et contrairement à ce que fait valoir la région intimée, les intéressés doivent être regardés comme ayant entendu se prévaloir, dès leur réclamation préalable à la saisine du juge, de la responsabilité sans faute, laquelle, au demeurant, est d'ordre public et peut être soulevée à tout moment de la procédure contentieuse. D'autre part, au regard des principes énoncés au point précédent, qui ont pour objet de définir l'étendue du droit à indemnisation de la victime d'un accident de service ou de ses ayants droits, les consorts E... étaient recevables à invoquer tant la responsabilité pour faute de la région dès leur réclamation préalable que la responsabilité sans faute au soutien de leurs conclusions indemnitaires. Il s'ensuit que c'est à bon droit que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir opposée en défense par la région Nouvelle Aquitaine en première instance.

En ce qui concerne la responsabilité de la région Nouvelle-Aquitaine :

5. Aux termes de l'article L. 214-6 du code de l'éducation : " La région a la charge des lycées, (...). / La région assure l'accueil, la restauration, l'hébergement ainsi que l'entretien général et technique, à l'exception des missions d'encadrement et de surveillance des élèves, dans les établissements dont elle a la charge. (...) ". Aux termes de l'article

L. 214-6-1 du même code : " La région assure le recrutement et la gestion des personnels techniciens, ouvriers et de service exerçant leurs missions dans les lycées. (...) ". Aux termes de l'article L. 421-23 de ce code : " I.- Par dérogation aux dispositions des lois n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat et n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, les agents de l'Etat ou des collectivités territoriales affectés dans un établissement public local d'enseignement conservent leur statut, sont administrés par la collectivité dont ils dépendent statutairement et sont placés sous l'autorité du chef d'établissement. / II. - Pour l'exercice des compétences incombant à la collectivité de rattachement, le président du conseil départemental ou régional s'adresse directement au chef d'établissement. (...) / Le chef d'établissement (...) encadre et organise le travail des personnels techniciens, ouvriers et de service placés sous son autorité. (...) ". En vertu de l'article R. 421-8 du même code : " Les collèges, les lycées, les écoles régionales du premier degré et les établissements régionaux d'enseignement adapté sont dirigés par un chef d'établissement nommé par le ministre chargé de l'éducation. Le chef d'établissement représente l'Etat au sein de l'établissement. (...) ". Aux termes de l'article R. 421-10 de ce code : " En qualité de représentant de l'Etat au sein de l'établissement, le chef d'établissement : 1° A autorité sur l'ensemble des personnels affectés ou mis à disposition de l'établissement. (...) 3° Prend toutes dispositions, en liaison avec les autorités administratives compétentes, pour assurer la sécurité des personnes et des biens, l'hygiène et la salubrité de l'établissement (...) ".

6. En premier lieu, d'une part, si un manquement du chef d'établissement à son obligation, découlant de l'article R. 421-10 du code de l'éducation, de prendre toutes dispositions pour assurer notamment la sécurité des personnels de l'établissement sous l'autorité fonctionnelle duquel ils sont placés, est susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat, il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 214-6-1 et L. 421-23 du même code qu'une telle circonstance ne faisait pas obstacle à ce que les consorts E... recherchent également la responsabilité de la région Nouvelle-Aquitaine à la suite du décès de leur époux et père reconnu imputable au service par le président du conseil régional, qui était affecté au lycée agricole Xavier Bernard, établissement public local d'enseignement, relevant de la région, et qui était administré par la collectivité dont il dépendait statutairement.

7. D'autre part, il résulte de l'instruction, et notamment des témoignages recueillis au cours de l'enquête administrative diligentée après son suicide, que M. E... a été confronté, dans le cadre de ses fonctions de chef de cuisine au service de restauration du lycée agricole Xavier Bernard, à un environnement professionnel hostile marqué par des conflits nourris entre les personnels et, en particulier, par l'animosité de son second de cuisine, devenu son collaborateur après avoir été temporairement positionné comme son responsable, et par les difficultés financières du lycée qui compromettaient les livraisons du restaurant scolaire en denrées. Il est constant que la direction de cet établissement public local avait été alertée, à plusieurs reprises, des brimades et remises en cause managériales dont M. E... faisait systématiquement l'objet de la part de son second de cuisine et de la charge de travail importante qui lui incombait à la suite de l'arrêt de travail du responsable de service. Toutefois, les consorts E... ne démontrent, pas plus en appel qu'en première instance, que la région Nouvelle-Aquitaine était informée de la situation de détresse personnellement vécue par M. E... du fait de ses conditions de travail dégradées et qu'elle se serait abstenue, de manière fautive, de prendre toutes les mesures qui s'imposaient pour y remédier. La circonstance, dont les appelants se prévalent, que la région Nouvelle Aquitaine a accordé au responsable du service la protection fonctionnelle et l'a placé en arrêt de travail consécutivement à sa tentative de suicide sur son lieu de travail la même année que le suicide de M. E... ne saurait suffire à l'établir. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions présentées par Mme A... E... née F... en tant qu'elles excèdent le quantum global réclamé en première instance, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté leur demande tendant à l'indemnisation du préjudice économique qu'ils invoquent.

8. En second lieu, en revanche, la région intimée, qui a elle-même, par un arrêté du 14 septembre 2017, reconnu comme imputable au service le suicide de M. E... survenu le 5 septembre 2016 après que la commission de réforme eut considéré qu'il existait un " lien direct, certain et exclusif avec son activité professionnelle ", ne saurait sérieusement faire valoir que cet acte fatal serait exclusivement consécutif à l'ingestion de médicaments et d'alcool et qu'il serait, par suite, étranger à ses conditions de travail. Dès lors, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les consorts E... sont fondés à demander la réparation de leurs préjudices patrimoniaux, autres que les pertes de revenus compte tenu des dispositions des articles 40 et 42 du décret du 26 décembre 2003, et de leurs préjudices personnels subis sur le fondement de la responsabilité sans faute de la région à laquelle était rattaché statutairement M. E... à la date de son suicide.

En ce qui concerne le quantum des préjudices indemnisables :

9. En premier lieu, les consorts E..., qui se bornent à reprendre en appel leur demande de condamnation de la région à leur verser la somme de 7 539,07 euros au titre des frais d'obsèques et des droits de succession, n'apportent aucune critique utile au point 9 du jugement attaqué limitant leur préjudice indemnisable à la somme de 1 179,47 euros. Il y a lieu, dès lors, de rejeter leur prétention indemnitaire présentée à ce titre par adoption du motif pertinemment retenu par les premiers juges.

10. En second lieu, Mme A... E... née F..., MM. C... et D... E... n'établissent pas davantage qu'en leur allouant respectivement les sommes de 25 000 euros, 20 000 euros et 20 000 euros en réparation du préjudice d'affection résultant du décès de leur époux ou père, le tribunal aurait procédé à une indemnisation insuffisante de ce chef de préjudice.

11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les consorts E... ne sont pas fondés à demander la réformation du jugement attaqué.

Sur les frais d'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la région Nouvelle Aquitaine, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser aux consorts E... une somme au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des appelants la somme de 1 000 euros que la région sollicite sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête des consorts E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la région Nouvelle-Aquitaine présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... née F..., à M. C... E..., à M. D... E... et à la région Nouvelle Aquitaine.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2023 à laquelle siégeaient :

M. Frédéric Faïck, président,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

M. Anthony Duplan, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2023.

Le rapporteur,

Anthony B...

Le président,

G... Faïck

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet de la région Nouvelle-Aquitaine en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX02558


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02558
Date de la décision : 11/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FAÏCK
Rapporteur ?: M. Anthony DUPLAN
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-11;21bx02558 ?
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