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04/07/2023 | FRANCE | N°21BX04391

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 04 juillet 2023, 21BX04391


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme K... C..., Mme G... D... et M. N... L... H..., M. F... J... et M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler le permis tacite délivré à la société DPL pour la réalisation d'un ensemble immobilier sur une parcelle cadastrée section EN n° 714 située allée des Quartz à Saint-Denis ainsi que l'arrêté du 5 septembre 2018 par lequel le maire de Saint-Denis a confirmé la délivrance du permis de construire.

Par un jugement n°1900042 du 26 mars 2021, le

tribunal administratif de La Réunion a sursis à statuer sur l'arrêté du 5 septembre 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme K... C..., Mme G... D... et M. N... L... H..., M. F... J... et M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler le permis tacite délivré à la société DPL pour la réalisation d'un ensemble immobilier sur une parcelle cadastrée section EN n° 714 située allée des Quartz à Saint-Denis ainsi que l'arrêté du 5 septembre 2018 par lequel le maire de Saint-Denis a confirmé la délivrance du permis de construire.

Par un jugement n°1900042 du 26 mars 2021, le tribunal administratif de La Réunion a sursis à statuer sur l'arrêté du 5 septembre 2018 dans l'attente de sa régularisation. Par un jugement n°1900042 du 27 septembre 2021, le tribunal administratif de La Réunion a, après avoir constaté la régularisation de l'arrêté attaqué, rejeté la demande présentée par M. et Mme C..., Mme D... et M. H..., M. J... et M. et Mme B....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 1er décembre 2021 et 13 décembre 2022, M. K... C..., Mme I... E... épouse C..., M. F... J..., M. N... L... H... et Mme G... D..., représentés par Me Antelme, demandent à la cour :

1°) d'annuler les jugements du tribunal administratif de La Réunion des 26 mars et 27 septembre 2021 ;

2°) d'annuler le permis tacite délivré à la société DPL ainsi que l'arrêté du 5 septembre 2018 par lequel le maire de Saint-Denis a confirmé la délivrance du permis de construire ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Denis la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais de première instance et la somme de 6 000 euros en application des mêmes dispositions au titre des frais d'appel.

Ils soutiennent que :

Sur la régularité des jugements attaqués :

- les jugements attaqués sont entachés d'un défaut de motivation dès lors que les juges de première instance n'ont répondu que sur les deux moyens d'illégalité qu'ils ont retenus pour surseoir à statuer sur l'arrêté contesté puis écartés après avoir constaté sa régularisation ; ils n'ont répondu à aucun des nombreux autres moyens soulevés ;

Sur la légalité de l'arrêté du 5 septembre 2018 :

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme dès lors que la notice architecturale est insuffisante ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme dès lors que le plan de masse est inexact et insuffisant ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme dès lors que l'attestation de prise en compte de la réglementation thermique n'était pas jointe au dossier de demande ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article R. 421-34 du code de l'urbanisme dès lors que les travaux impliquaient une division foncière et la réalisation de voies et espaces communs et qu'aucune des pièces prévues par ces dispositions n'étaient jointes au dossier de demande ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme et l'article Um3 du règlement de la zone Um du plan local d'urbanisme de Saint-Denis dès lors que les accès et voieries ne sont pas conformes ;

- l'arrêté attaqué est entaché de fraude dès lors qu'en ne mentionnant pas sur le plan de masse la largeur de la voie d'accès, la pétitionnaire a sciemment dissimulé des informations pour induire les services instructeurs en erreur ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article Um9 du règlement de la zone Um du plan local d'urbanisme de Saint-Denis dès lors que l'emprise au sol des constructions dépasse la limite de 50% autorisée ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article Um10 du règlement de la zone Um du plan local d'urbanisme de Saint-Denis dès lors que les constructions dépassent les hauteurs maximales autorisées par le PLU ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article Um11 du règlement de la zone Um du plan local d'urbanisme de Saint-Denis dès lors que le projet ne s'insère pas harmonieusement dans son environnement et porte atteinte au caractère et à l'intérêt du voisinage ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article Um11 du règlement de la zone Um du plan local d'urbanisme de Saint-Denis dès lors que les toitures projetées ne sont pas conformes ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article Um12 du règlement de la zone Um du plan local d'urbanisme de Saint-Denis dès lors que les règles posées en matière de stationnement ne sont pas respectées ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article Um13 du règlement de la zone Um du plan local d'urbanisme de Saint-Denis dès lors que les règles posées en matière d'espace libre et de perméabilité ne sont pas respectées ;

- l'arrêté attaqué méconnaît le règlement de la zone R1 du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) approuvé le 17 octobre 2012 ;

- l'arrêté attaqué méconnaît le règlement de la zone B3 du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) approuvé le 17 octobre 2012 ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en défense enregistrés les 12 juillet 2022 et 13 janvier 2023, la SARL DPL, représentée par Me Goulet, conclut à titre principal au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des appelants la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à titre subsidiaire à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable à défaut d'accomplissement des formalités prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- la demande de première instance, en tant que formée par les époux C..., est tardive et donc irrecevable ; c'est à tort que les juges de première instance ont écarté cette tardiveté ;

- la requête est irrecevable à défaut d'intérêt à agir des requérants ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 août 2022, la commune de Saint-Denis, représentée par Me Armoudom, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de des appelants la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable à défaut d'accomplissement des formalités prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- la requête est irrecevable à défaut d'intérêt à agir des requérants ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 16 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 6 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme M...,

- les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 5 septembre 2018, le maire de Saint-Denis a accordé à la SARL DPL un permis de construire pour la réalisation d'un immeuble collectif de vingt-huit logements et de quatre maisons individuelles sur une parcelle cadastrée section EN n°714, située allée des Quartz à Saint-Denis, confirmant ainsi le permis tacite né le 9 juin 2018. M. C..., Mme E... épouse C..., M. J..., M. L... H... et Mme D..., voisins immédiats du projet, relèvent appel des jugements des 26 mars et 27 septembre 2021 par lesquels le tribunal administratif de La Réunion a respectivement sursis à statuer sur l'arrêté du 5 septembre 2018 dans l'attente de sa régularisation puis, après avoir constaté la régularisation de l'arrêté attaqué, rejeté leurs demandes d'annulation de cette décision.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

2. Aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme dans sa version applicable au litige : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire (...) l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou un permis de construire, d'aménager ou de démolir. (...) La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que les requérants ont notifié leur requête d'appel au maire de Saint-Denis et à la société pétitionnaire par deux courriers datés des 6 décembre 2021 et envoyés par lettre recommandé avec accusé de réception le 7 décembre 2021, soit dans le délai de quinze jours prévu par les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme. Par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'accomplissement de ces formalités doit être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". D'autre part, aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ". Avant de faire usage du pouvoir qu'il tient de ces dispositions et de surseoir à statuer pour permettre la régularisation éventuelle d'un vice entachant la légalité d'un permis de construire, il appartient au juge de constater préalablement qu'aucun des autres moyens soulevés n'est fondé et d'indiquer, dans la décision avant-dire droit par laquelle il sursoit à statuer sur le recours dont il est saisi, pour quels motifs ces moyens doivent être écartés.

5. Il résulte du jugement avant-dire-droit du 26 mars 2021 attaqué que le tribunal administratif de La Réunion, après avoir visé l'intégralité des moyens soulevés par les requérants dans leur demande, tels que repris en appel, n'a répondu qu'aux deux seuls moyens tirés de ce que le permis contesté méconnaissait les dispositions des articles 4 Um et 7 Um du règlement du plan local d'urbanisme de Saint-Denis, a relevé ces deux illégalités et a sursis à statuer sur la demande dirigée contre l'arrêté du 5 septembre 2018 dans l'attente de la régularisation de ce permis. Il a en outre indiqué au point 10 du jugement contesté que " pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder l'annulation du permis contesté ". Il ne peut donc être regardé comme ayant réservé l'examen des nombreux autres moyens soulevés par les requérants dans leur demande, qu'il n'a d'ailleurs pas examinés dans le jugement mettant fin à l'instance du 27 septembre 2021. Ainsi, le tribunal a insuffisamment motivé son jugement du 26 mars 2021. Par suite, les appelants sont fondés à soutenir que ce jugement est, de ce fait, entaché d'une irrégularité de nature à entraîner son annulation. Compte tenu de l'annulation du jugement du 26 mars 2021, il y a lieu d'annuler le jugement mettant fin à l'instance du 27 septembre 2021.

6. Il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de la Réunion pour qu'il statue à nouveau sur la demande présentée par les requérants.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les appelants, qui ne sont pas partie perdante, versent à la commune de Saint-Denis et à la SARL DPL la somme qu'elles demandent au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la commune de Saint-Denis la somme demandée au même titre par les appelants.

DECIDE :

Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de la Réunion en date des 26 mars et 27 septembre 2021 sont annulés.

Article 2 : M. K... C..., Mme I... E... épouse C..., M. F... J..., M. N... L... H... et Mme G... D... sont renvoyés devant le tribunal administratif de La Réunion pour qu'il soit statué sur leur demande.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. K... C..., Mme I... E... épouse C..., M. F... J..., M. N... L... H... et Mme G... D..., à la commune de Saint-Denis et à la SARL DPL.

Une copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Saint-Demis en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2023.

La rapporteure,

Héloïse M...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX04391


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX04391
Date de la décision : 04/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : CABINET SELAS L et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-04;21bx04391 ?
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