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29/06/2023 | FRANCE | N°22BX02878

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 29 juin 2023, 22BX02878


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et d'enjoindre sous astreinte à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à défaut de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'a

ttente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Par un ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et d'enjoindre sous astreinte à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à défaut de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Par un jugement n° 2204260 du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2022, Mme C..., représentée par Me Chamberland-Poulin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 octobre 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2022 de la préfète de la Gironde ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à défaut de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans l'un comme l'autre cas sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir , et de procéder sans délai à l'effacement de son inscription au fichier Système d'information Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne le refus de séjour :

-le signataire de l'acte ne justifie pas d'une délégation de compétence ;

-l'arrêté viole l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est en France depuis 7 ans ; sa fille aînée, avec laquelle elle a pu renouer des contacts après une longue séparation, vit en France et a besoin de son soutien ; elle est pacsée avec un compatriote titulaire d'une carte de résident et a une relation stable avec son compagnon depuis plus de trois ans ; son frère et sa sœur vivent en France ;

- l'article L. 435-1 du même code est également méconnu, car elle présente des motifs exceptionnels d'admission au séjour ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

-elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;

-l'auteur de l'acte était incompétent ;

-elle est insuffisamment motivée concernant sa vie privée et familiale ;

-elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

-elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

-l'auteur de l'acte était incompétent ;

-elle n'est pas suffisamment motivée ;

-elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

-les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- et les observations de Me Chamberland Poulin, représentant Mme C..., présente.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C..., ressortissante centrafricaine née en 1989, est entrée irrégulièrement en France le 9 avril 2015, selon ses déclarations. Sa demande d'asile ayant été rejetée par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) le 18 mars 2016, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 12 novembre 2018, le préfet de la Gironde a, par arrêté du 12 décembre 2018, pris à son encontre un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Par un jugement du 25 mars 2019, le tribunal a rejeté la demande d'annulation de Mme C... dirigée contre cet arrêté. Le 20 octobre 2021, Mme C... a de nouveau sollicité son admission au séjour. Par un arrêté du 7 juillet 2022, la préfète de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C... relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 octobre 2022, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :

2. Le moyen tiré de l'incompétence de M. A... E..., directeur des migrations et de l'intégration, qui a signé l'arrêté en litige, doit être écarté par adoption du motif retenu par les premiers juges.

En ce qui concerne le refus de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Mme C... fait valoir qu'elle est en France depuis plus de sept ans, qu'elle est en couple depuis plus de trois ans avec M. D..., un compatriote titulaire d'une carte de résident avec lequel elle s'est pacsée en mars 2019 et qu'ils résident chez les parents de celui-ci. Cependant, si elle se prévaut d'une vie commune avec son compagnon depuis 2016, elle ne justifie pas de l'ancienneté de cette relation. S'agissant de la durée de sa présence en France, il est constant qu'elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire national et n'a pas déféré à l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre le 12 décembre 2018, alors que son recours contre cette mesure a été rejeté par le tribunal administratif de Bordeaux par un jugement du 25 mars 2019. Si elle se prévaut également de la présence en France de sa fille aînée, née en 2004, dont le père serait le fils de l'ancien président centrafricain, celle-ci est désormais majeure et réside à Paris. Si cette jeune femme a été opérée de séquelles d'un bec-de-lièvre en septembre 2022, Mme C... n'établit pas que sa présence à ses côtés serait indispensable, alors qu'elles ont vécu séparées à compter de 2008, le père de sa fille l'ayant emmenée en France, où elle a été prise en charge par l'aide sociale à l'enfance. En outre, Mme C... est par ailleurs mère de deux filles mineures, nées en 2006 et 2008, qui résident en Centrafrique. Elle n'est ainsi pas dépourvue d'attaches familiales et privées dans son pays d'origine, où elle a vécu la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions, en refusant de l'admettre au séjour, la préfète de la Gironde n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention (...) " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

6. Les circonstances invoquées par Mme C..., notamment l'ancienneté de sa présence en France, le couple qu'elle forme avec M. D... et la présence en France de sa fille aînée, de son frère et de sa sœur, ne sauraient être regardées comme des considérations humanitaires et ne constituent pas davantage des motifs exceptionnels de nature à justifier l'attribution d'un droit au séjour en application des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 5 que le refus d'admission au séjour dont a fait l'objet Mme C... n'est pas entaché d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale ne peut qu'être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ".

9. L'arrêté en litige vise les dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne que Mme C... a fait l'objet, le 12 décembre 2018, d'un arrêté portant refus de séjour avec obligation de quitter le territoire français et énonce de façon très circonstanciée de nombreux éléments de sa situation personnelle, en particulier concernant son compagnon, sa fille aînée et ses deux autres filles. Ce faisant, la préfète de la Gironde, qui n'était pas tenue à l'exhaustivité quant aux éléments de la vie privée et familiale de l'intéressée, a suffisamment motivé sa décision à cet égard.

10. En troisième lieu, pour les mêmes motifs qu'énoncés au point 4, en édictant une obligation de quitter le territoire français à son encontre, la préfète de la Gironde n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi:

11. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 9 que l'obligation de quitter le territoire français dont a fait l'objet Mme C... n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi à défaut de se conformer à cette mesure serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de cette obligation ne peut qu'être écarté.

12. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué vise les dispositions de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise la nationalité centrafricaine de Mme C..., mentionne qu'elle ne sera pas exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine et fixe le pays dont elle a la nationalité comme celui à destination duquel elle pourra être éloignée. Mme C..., qui au demeurant ne s'est pas présentée à l'audience de la CNDA pour expliquer ses dires, n'a apporté aucun nouvel élément par la suite. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision fixant le pays de renvoi doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

13. En dernier lieu, pour les mêmes motifs qu'énoncés au point 4, en fixant le pays renvoi, la préfète de la Gironde n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

15. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C.... Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme C..., qui n'a pas déposé de demande auprès du bureau d'aide juridictionnelle, demande au profit de son conseil.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 juin 2023.

La rapporteure,

Florence Rey-GabriacLa présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX02878


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02878
Date de la décision : 29/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : CHAMBERLAND POULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-29;22bx02878 ?
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