Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2022 par lequel le préfet de l'Indre a refusé de l'admettre exceptionnellement au séjour pour motif professionnel et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours.
Par un jugement n° 2201845 du 23 février 2023, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 mars 2023, M. C..., représenté par Me Mindren, demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges en date du 23 février 2023 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2022 par lequel le préfet de l'Indre a refusé de l'admettre exceptionnellement au séjour pour motif professionnel et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours ;
4°) d'enjoindre au préfet de l'Indre, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ou, à titre encore plus subsidiaire, de lui délivrer un récépissé l'autorisant à chercher un emploi, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il ne comporte pas les signatures prescrites par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le jugement est entaché d'une omission à statuer en ce qu'il n'a pas statué sur le moyen tiré de ce que la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur de fait en tant qu'elle retient que le requérant " n'a pas communiqué la totalité des pièces sollicitées ".
Sur le bien-fondé du jugement :
- le jugement est entaché d'une erreur de droit ou à tout le moins d'appréciation en ce que les premiers juges ont considéré que la situation du requérant ne peut être regardée comme relevant de circonstances exceptionnelles justifiant son admission au séjour ;
- le jugement est entaché d'une erreur de droit en ce que les premiers juges ont considéré que le requérant ne pouvait utilement se prévaloir des termes de la circulaire du ministre de l'intérieur en date du 28 novembre 2012.
Sur la décision portant refus de séjour :
- elle a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'erreurs de faits et de motifs ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, ou à tout le moins d'appréciation, au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la circulaire du ministre de l'intérieur en date du 28 novembre 2012 ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de la situation du requérant.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de l'Indre qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2023/004441 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 25 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Demurger,
- et les observations de Me Mindren, représentant le requérant.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... C..., ressortissant camerounais né le 19 septembre 1991, est entré en France, selon ses déclarations, le 10 octobre 2017. Il a sollicité, le 19 juin 2021, son admission exceptionnelle au séjour pour motif professionnel sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 8 novembre 2022, le préfet de l'Indre a refusé de l'admettre exceptionnellement au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. C... relève appel du jugement du 23 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'aide juridictionnelle provisoire :
2. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 25 avril 2023. Dès lors, ses conclusions tendant à obtenir l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur la régularité du jugement :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. "
4. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'un vice de forme en l'absence des signatures prescrites par l'article R. 741-7 du code de justice administrative doit être écarté comme manquant en fait.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
6. Il ne ressort pas des termes de la requête de première instance que M. C... aurait soulevé le moyen tiré de ce que la décision portant refus de séjour serait entachée d'une erreur de fait. Par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'omission à statuer sur ce moyen.
Sur le bien fondé du jugement :
En ce qui concerne la légalité du refus de titre de séjour :
7. En premier lieu, par un arrêté n° 36-2021-08-30-00004 du préfet de l'Indre du 30 août 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 36-2021-105 du 2 septembre 2021, Mme B... A..., directrice des services du cabinet de la préfecture de l'Indre, a reçu délégation notamment, en l'absence ou l'empêchement du secrétaire général de la préfecture, pour signer les " arrêtés préfectoraux portant refus de séjour avec obligation de quitter le territoire français, éventuellement assortis d'une interdiction administrative de retour ", et les " décisions fixant le pays de renvoi " telles que les décisions contenues dans l'arrêté en litige. M. C... n'apporte à l'appui de ses allégations aucun élément susceptible d'établir que les conditions de l'exercice de cette délégation n'auraient pas été réunies à la date de l'intervention de l'arrêté en litige. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige manque en fait.
8. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision litigieuse serait entachée d'un défaut d'examen sérieux de la situation du requérant. Par suite, le moyen doit être écarté.
9. En troisième lieu, M. C... soutient que la décision contestée est entachée d'erreurs de faits et de motifs. Toutefois, d'une part, il est constant que le requérant n'a pas produit devant le préfet la preuve du dépôt, par la SARL Chatel, de l'offre d'emploi émise pour le poste de valet de chambre auprès de Pôle emploi, ni les éventuelles mises en relation ayant suivi, l'intéressé s'étant borné à produire une attestation de l'entreprise précitée faisant mention des difficultés de recrutement pour le poste en cause après la mise en ligne d'une annonce sur le site " Indeed ". Ainsi, l'appelant ne démontre pas en quoi le métier de valet de chambre serait caractérisé par des difficultés de recrutement dans le département de l'Indre. D'autre part, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que, en estimant que M. C... ne démontrait pas bénéficier d'une autorisation de travail pour exercer l'emploi visé par la promesse d'embauche, et ce quand bien même une telle autorisation n'aurait pas été nécessaire pour l'instruction de sa demande, le préfet de l'Indre aurait commis une erreur de fait. Enfin, la production de bulletins de paie pour un poste d'employé polyvalent, établis entre août 2020 et janvier 2023 par la SARL Chatel au nom de " Julien Tchamo ", ainsi que d'une attestation de concordance entre l'identité précitée et celle du requérant, ne suffisent ni à démontrer que ce dernier possède une qualification et une expérience correspondant à l'emploi de valet de chambre, ni à justifier qu'il bénéficie d'une ancienneté significative dans l'expérience d'une activité professionnelle en France. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de séjour serait entachée d'erreurs de faits et de motifs doit être écarté.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
11. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette hypothèse, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
12. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que M. C... ne sollicite pas sa régularisation à titre exceptionnel sur le fondement de sa vie privée et familiale. D'autre part, s'il se prévaut de son insertion professionnelle au motif qu'il dispose d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminé en qualité d'employé polyvalent au sein de la SARL Chatel, dans le secteur de l'hôtellerie-restauration, il n'apporte pas d'élément suffisant de nature à établir qu'il possède une qualification ou une expérience particulière dans ce domaine. Par ailleurs, la circonstance que ce secteur connaîtrait, selon la SARL Chatel, des difficultés de recrutement, ne saurait être regardée, par principe, comme attestant des motifs exceptionnels exigés par la loi. Dans ces conditions, la situation du requérant ne peut être regardée comme relevant de circonstances exceptionnelles justifiant son admission au séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché sa décision portant refus de séjour d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
13. En dernier lieu, dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir.
En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire :
14. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
15. Il ressort des pièces du dossier que, si M. C... soutient, sans en justifier, être entré en France en octobre 2017, il était, à la date de la décision attaquée, célibataire, sans enfant à charge et dépourvu d'attaches familiales sur le territoire français. Il n'était, en revanche, pas dépourvu d'attaches familiales au Cameroun, où réside notamment sa mère. Ainsi, le requérant n'établit pas que le centre de ses intérêts privés et familiaux serait désormais situé en France. Par ailleurs, comme il a été indiqué précédemment, M. C... ne justifie pas d'une insertion sociale ou professionnelle particulière en France. Dans ces conditions, la décision portant obligation de quitter le territoire ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Article 2 : La requête de M. C... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à Me Mindren et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Indre.
Délibéré après l'audience du 15 juin 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Florence Demurger, présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
M. Anthony Duplan premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 juin 2023.
La présidente-rapporteure,
Florence Demurger
Le président-assesseur,
Frédéric Faick
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23BX00834 2