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28/06/2023 | FRANCE | N°21BX02693

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 28 juin 2023, 21BX02693


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbes à lui verser une somme de 14 390 006,20 euros correspondant à des livraisons d'eau potable pour la période du 1er janvier 2014 à fin mars 2018.

Par un jugement n° 1900254 du 23 mars 2021, le tribunal a condamné la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbes à verser au syndicat intercommunal d'al

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbes à lui verser une somme de 14 390 006,20 euros correspondant à des livraisons d'eau potable pour la période du 1er janvier 2014 à fin mars 2018.

Par un jugement n° 1900254 du 23 mars 2021, le tribunal a condamné la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbes à verser au syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe la somme de 14 390 006,20 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 22 juin 2021, le 23 novembre 2022 et le 12 avril 2023, la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbes, représentée par Me Cloix, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1900254 du tribunal ;

2°) de rejeter la demande de première instance du syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe ;

3°) de condamner le syndicat à lui rembourser la somme de 14 390 006,20 euros en litige ;

4°) subsidiairement, d'ordonner une expertise aux fins de déterminer les désordres qui affectent le réseau d'adduction d'eau, leur origine, le mode de calcul du prix de la fourniture d'eau ;

5°) de mettre à la charge du syndicat la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

- les premiers juges ont insuffisamment motivé leur jugement en ne répondant pas au moyen tiré de l'existence d'un vice du consentement.

Elle soutient, au fond, que :

- c'est à tort que les premiers juges ont reconnu le droit du syndicat à obtenir le paiement de la somme réclamée sur le terrain de l'enrichissement sans cause ; celui-ci implique l'existence d'un accord entre les parties, lequel n'existe nullement en l'espèce ; à tout le moins, l'enrichissement sans cause ne peut être retenu pour les volumes d'eau facturés qui ne correspondent pas à un besoin signalé par la communauté d'agglomération et dépassent le plafond figurant sur le projet de convention proposé par le syndicat lui-même ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les volumes d'eau figurant sur les factures du syndicat devaient être retenus au titre des dépenses utiles en dépit de la déperdition d'eau observée dans le réseau de distribution, au seul motif que l'entretien de ce réseau ne relève pas de la compétence du syndicat ;

- les dépenses dont se prévaut le syndicat ont présenté un caractère improductif ; les volumes parvenus aux usagers sont bien inférieurs à ceux qui ont été facturés par le syndicat ; cette déperdition d'eau a pour origine un défaut d'entretien du réseau de distribution, lequel est antérieur à son transfert de propriété survenu en 2020 ; le mauvais état du réseau est ancien dès lors notamment qu'il a été souligné en 2012 par la chambre régionale des comptes ; cette circonstance est imputable au syndicat qui est resté propriétaire du réseau jusqu'en 2020 ;

- les fautes commises par le syndicat auraient dû conduire le tribunal à rejeter sa demande d'indemnisation ; ces fautes sont révélées par l'absence d'entretien du réseau d'eau qui incombait au syndicat ;

- le décompte des volumes d'eau fourni était contesté devant le tribunal, qui n'a tiré aucune conséquence de cette contestation ; il existe une différence considérable entre les volumes d'eau arrivant aux compteurs du syndicat et ceux comptabilisés au titre de la distribution ;

- le prix de l'eau au m3 retenu par le tribunal est erroné ; il convient de rechercher tout d'abord la composition du prix de l'eau et d'écarter ainsi du montant de l'indemnité les frais financiers, les sommes représentatives des amortissements et provisions, les frais de clientèle et autres frais généraux ; le prix doit correspondre à une contrepartie réelle et doit être proportionné au service rendu ; les premiers juges n'ont tenu compte d'aucun de ces éléments ;

- le montant retenu par le tribunal au titre de la condamnation est erroné car il ne tient pas compte des sommes déjà versées par la communauté d'agglomération ;

- le prix réclamé par le syndicat ne peut inclure la redevance pour le prélèvement sur la ressource en eau, soit 936 781,64 euros à un taux supérieur à celui calculé par l'agence de l'eau ;

- à titre subsidiaire, la cour ordonnera une mesure d'expertise qui permettra de déterminer l'origine et la nature des désordres affectant le réseau de distribution d'eau potable, les éléments constitutifs du coût de la fourniture de l'eau, le mode de calcul du prix et tous autres éléments utiles.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 août 2022, le 15 décembre 2022 et le 26 mai 2023, le syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe, représenté par Me Guillou et Me Spitz, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelante la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Vaysse, représentant la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe et de Me Spitz, représentant le syndicat intercommunal d'alimentation en eau et assainissement de la Guadeloupe.

Une note en délibéré présentée le 15 juin 2023 a été enregistrée pour le syndicat intercommunal d'alimentation en eau et assainissement de la Guadeloupe.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat intercommunal d'alimentation en eau et assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG) est un établissement public de coopération intercommunale chargé, en vertu de ses statuts, d'assurer la distribution de l'eau au profit de ses communes membres. Les communes de Capesterre-Belle-Eau, de Terre-de-Bas et de Terre-de-Haut ont appartenu au SIAEAG jusqu'au 1er janvier 2014, date à laquelle elles ont été intégrées à la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbes (CAGSC), elle-même titulaire de la compétence eau et assainissement en lieu et place des communes qui la composent.

2. L'adhésion des communes de Capesterre-Belle-Eau, de Terre-de-Bas et de Terre-de-Haut à la CAGSC a entraîné leur retrait du SIAEAG et la mise en œuvre de la procédure de répartition des biens meubles et immeubles prévue à l'article L. 5211-25-1 du code général des collectivités territoriales. Un désaccord survenu entre le syndicat et la communauté d'agglomération sur les modalités de transfert des biens a empêché la passation d'un contrat pour la fourniture en gros de l'eau destinée à alimenter les habitants des trois communes concernées. Le SIAEAG a néanmoins poursuivi ces livraisons et les a facturées à la CAGSC pour un montant de 14 390 006,20 euros couvrant la période du 1er janvier 2014 à fin mars 2018. A la demande du SIAEAG, le tribunal administratif de la Guadeloupe a, par un jugement rendu le 23 mars 2021, condamné la CAGSC à verser au SIAEAG cette somme de 14 390 006,20 euros, sous déduction des montants versés par la communauté d'agglomération en exécution des provisions ordonnées par les juges des référés. La CAGSC relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Dans ses écritures en défense devant le tribunal, la CAGSC a soutenu que son consentement avait été vicié par les fautes du SIAEAG, lequel aurait délibérément contribué à la mise en œuvre tardive de la procédure de répartition des biens, prévue au code général des collectivités territoriales, pour continuer la livraison d'eau au moyen d'un réseau de distribution dont il n'a pas assuré l'entretien et qui, en raison de son faible rendement, lui a permis de facturer des volumes d'eau très supérieurs à ceux effectivement distribués aux abonnés.

4. Il ressort des motifs du jugement attaqué que la durée de la procédure de répartition des biens n'était pas exclusivement imputable au SIAEAG, mais qu'elle résultait d'un désaccord entre ce dernier et la CAGSC, et que la charge de l'entretien du réseau secondaire permettant l'acheminement de l'eau aux usagers ne pesait pas sur le syndicat, qui n'en est pas le propriétaire, mais sur la communauté d'agglomération. Les premiers juges ont ensuite évalué les volumes d'eau distribués en se fondant sur les relevés des compteurs de livraisons d'eau aux trois communes concernées, puis ont précisé que la communauté d'agglomération ne pouvait se prévaloir du caractère excessif du volume d'eau facturé du fait d'un faible rendement du réseau secondaire de distribution, dont l'entretien n'incombe pas au syndicat. Ils ont encore justifié le prix de 0,80 euros/m3 retenu pour la facturation en retenant qu'il correspondait à celui fixé par deux études sur le prix de l'eau en Guadeloupe. Ce faisant, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments invoqués par la communauté d'agglomération, ont suffisamment motivé leur décision.

5. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit ainsi être écarté.

Sur le fond du litige :

En ce qui concerne l'enrichissement sans cause :

6. En cas de nullité d'un contrat ou en l'absence d'un tel contrat, le fournisseur peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé. Les fautes éventuellement commises par l'intéressé sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité, sauf elles ont été de nature à vicier le consentement de l'administration, ce qui fait obstacle à l'exercice d'une telle action.

7. Au cas d'espèce, il est constant que le SIAEAG et la CAGSC n'ont conclu aucun contrat fixant les conditions de la fourniture d'eau en gros aux communes de Capesterre-Belle-Eau, Terre-de-Haut et Terre-de-Bas à partir du 1er janvier 2014, date à laquelle ces dernières ont cessé d'appartenir au syndicat. Il est tout aussi constant que le SIAEAG a assuré la continuité de la fourniture en eau des trois communes postérieurement au 1er janvier 2014. La circonstance que la CAGSC, qui exerce la compétence en matière d'eau et d'assainissement pour les communes, ait refusé de signer une proposition de convention que lui a adressée le syndicat, et de payer les factures émises par ce dernier, ne suffit pas pour estimer que les livraisons d'eau auraient été réalisées sans son assentiment dès lors qu'elle ne pouvait ignorer l'existence de ces prestations indispensables à la continuité du service public, qu'elle ne s'y est pas opposée et que les livraisons ainsi réalisées lui ont été utiles en permettant la fourniture d'eau aux habitants des communes concernées. Dans ces conditions, la CAGSC doit être regardée comme ayant consenti, au moins tacitement, à la poursuite des prestations assurées par le syndicat.

8. Il ne résulte pas de l'instruction que le SIAEAG se serait livré à des agissements ou aurait procédé à des manœuvres constitutives, notamment, d'un dol ayant eu pour effet de vicier le consentement de la CAGSC. Une telle conclusion ne saurait être tirée du seul fait que le tarif appliqué par le SIAEAG n'aurait pas été validé par son conseil syndical, que les volumes facturés ne correspondraient pas aux volumes réellement distribués aux abonnés en raison du mauvais rendement des réseaux liés à leur vétusté, ou de ce que les éléments constitutifs du prix figurant sur les factures émises par le syndicat sont contestées par la CAGSC.

9. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le SIAEAG était fondé à réclamer à la communauté d'agglomération, sur le terrain de l'enrichissement sans cause, le remboursement des dépenses qu'il a utilement exposées pour la livraison d'eau à cette communauté du 1er janvier 2014 à fin mars 2018.

En ce qui concerne le montant des dépenses utiles :

10. Aux termes de l'article L. 5211-25-1 du code général des collectivités territoriales : " En cas de retrait de la compétence transférée à un établissement public de coopération intercommunale : 1° Les biens meubles et immeubles mis à la disposition de l'établissement bénéficiaire du transfert de compétences sont restitués aux communes antérieurement compétentes et réintégrés dans leur patrimoine pour leur valeur nette comptable, avec les adjonctions effectuées sur ces biens liquidées sur les mêmes bases. (...) 2° Les biens meubles et immeubles acquis ou réalisés postérieurement au transfert de compétences sont répartis entre les communes qui reprennent la compétence ou entre la commune qui se retire de l'établissement public de coopération intercommunale et l'établissement ou, dans le cas particulier d'un syndicat dont les statuts le permettent, entre la commune qui reprend la compétence et le syndicat de communes. (...) A défaut d'accord entre l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale et les conseils municipaux des communes concernés, cette répartition est fixée par arrêté du ou des représentants de l'Etat dans le ou les départements concernés. Cet arrêté est pris dans un délai de six mois suivant la saisine du ou des représentants de l'Etat dans le ou les départements concernés par l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou de l'une des communes concernées. (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions que, lors du retrait de la compétence qu'un établissement public de coopération intercommunale exerçait en lieu et place de communes qui cessent de lui appartenir, les biens mis à la disposition de l'établissement pour l'exercice de cette compétence sont restitués aux communes et réintégrés dans leur patrimoine. S'agissant, par ailleurs, des biens acquis ou réalisés postérieurement au transfert de compétences, ces derniers sont répartis entre les communes qui se retirent de l'établissement public de coopération intercommunale et cet établissement, et à défaut d'accord entre les collectivités intéressées, cette répartition est fixée par arrêté du représentant de l'Etat.

12. Par un arrêté du 27 février 2014, la préfète de la Guadeloupe a prononcé le retrait à compter du 1er janvier 2014 des communes de Capesterre-Belle-Eau, de Terre-de-Bas et de Terre-de-Haut du SIAEAG, et a intégré ces dernières au sein de la CAGSC, cette dernière étant chargée d'exercer, en lieu et place de ces trois communes, la compétence en matière d'eau et d'assainissement.

13. Ainsi, en application des dispositions précitées de l'article L. 5211-25-1 du code général des collectivités territoriales, les biens précédemment mis à la disposition du SIAEAG, pour l'exercice de sa compétence en matière de fourniture d'eau, ont été restitués aux communes de Capesterre-Belle-Eau, de Terre-de-Bas et de Terre-de-Haut avec effet au 1er janvier 2014.

14. Puis, en application du même article L. 5211-25-1 du code général des collectivités territoriales, le préfet a pris trois arrêtés du 22 août 2018 procédant à la répartition, entre le syndicat et les communes, des biens acquis ou réalisés postérieurement au transfert de compétences au profit du SIAEAG, à savoir les stations de surpression et leurs réservoirs d'alimentation. Ces arrêtés ont été complétés par trois nouveaux arrêtés préfectoraux du 6 janvier 2020 précisant la valeur nette comptable des actifs restitués aux trois communes intéressées.

15. Il résulte de l'instruction que le réseau de distribution comporte un réseau dit " primaire " partant des usines de production du SIAEAG, constitué de " feeders " (canalisations porteuses de gros diamètre), jusqu'aux compteurs de vente en gros dont il est constant qu'il appartient au syndicat qui en assure l'entretien. Le système de distribution est aussi constitué d'un réseau dit " secondaire ", situé sur le territoire des communes desservies, composé des canalisations acheminant l'eau aux abonnés, qui a été précédemment mis à la disposition du syndicat par les communes concernées, et dont l'usage leur a été restitué au 1er janvier 2014 ainsi qu'il a été dit au point 13, sans que cette restitution se fût alors accompagnée d'un diagnostic d'état du réseau. Il s'ensuit que l'entretien du réseau secondaire, dont l'état ne pouvait être ignoré par la CAGSC au cours de la période concernée par les livraisons d'eau, incombait à cette dernière qui a d'ailleurs confié à la Région Guadeloupe, par des délibérations du 29 novembre 2017, du 23 janvier 2018 et du 14 août 2019, la maîtrise d'ouvrage des travaux sur les réseaux de distribution de Capesterre-Belle-Eau. Dans ces conditions, la CAGSC n'est pas fondée à soutenir qu'une partie des sommes réclamées par le SIAEAG correspondrait à des dépenses " improductives " non indemnisables au motif que le volume facturé serait très supérieur au volume distribué compte tenu des fuites que l'état de vétusté du réseau secondaire a rendues possibles.

16. Il appartient au juge administratif d'évaluer les dépenses du prestataire ou du fournisseur qui ont été utiles à la personne publique. Les dépenses utiles comprennent, à l'exclusion de toute marge bénéficiaire, les dépenses qui ont été directement engagées par celui-ci pour la réalisation des fournitures destinées à l'administration. Ne peut être prise en compte que la quote-part des frais généraux directement liée à l'exécution des travaux ou de la prestation et à ce titre utile à la personne publique. Ne peuvent pas être regardés comme utilement exposés les frais financiers engagés par le prestataire ou le fournisseur.

17. Il résulte de l'instruction que les factures relatives à l'eau distribuée à Capesterre-Belle-Eau sont issues de relevés effectués sur des compteurs d'eau répartis sur chacun des secteurs de desserte de la commune, tandis que celles relatives à l'eau distribuée aux communes de Terre-de-Bas et de Terre-de-Haut sont assises sur les données fournies par un compteur situé plage de Grande Anse à Trois Rivières. Alors qu'aucun élément au dossier ne permet d'estimer que ces compteurs seraient eux-mêmes défectueux, il résulte de l'instruction que les livraisons d'eau aux trois communes concernées se sont élevées, entre le 1er janvier 2014 et fin mars 2018, à un volume total de 22 964 926 m3. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la CAGSC n'est pas fondée à contester ce volume au regard de celui qui aurait été réellement distribué aux abonnés en invoquant le faible rendement du réseau secondaire de distribution aux usagers, dont l'entretien n'incombait plus au SIAEAG à compter du 1er janvier 2014.

18. Il résulte de l'instruction que le prix de 0,80 euro par m3 facturé par le SIAEAG à la CAGSC est identique à celui appliqué aux collectivités avec lesquelles ce syndicat a signé des contrats de livraison. Il ressort du rapport d'audit interministériel du mois de mai 2018 que le syndicat " cherchant à céder l'eau produite à un prix permettant de couvrir ses charges, notamment ses passifs antérieurs... propose un prix en gros de 0,80 euros/m³, que certains trouvent trop élevé ", que " le prix de revient de l'eau produite ne devrait pas dépasser les 0,50 euros/m³ correspondant essentiellement aux coûts de potabilisation (20 à 30 cts), à l'amortissement et l'entretien du réseau (5 à 10 cts) et aux autres frais comme la redevance perçue par l'office de l'eau (5 à 10 cts) " mais que le " coût marginal correspondant au prix de vente en gros serait plus élevé, car basé sur la ressource mobilisée la plus coûteuse (les prélèvements sur la canalisation agricole), soit 20 à 30 cts pour l'achat d'eau brute, 20 à 30 cts pour la potabilisation, 5 à 10 cts pour les canalisations, 0 à 5 cts pour les divers, soit au total 15 à 25 cts de plus et donc de l'ordre de 70 cts/m³, valeur proche du prix de vente en gros du SIAEAG ou des valeurs estimées par Espélia et Calia (80 cts/m³ environ). ". Dans ces conditions et sans qu'il soit besoin de prescrire une expertise, le SIAEAG doit être regardé comme s'étant appauvri, à raison des livraisons d'eau en gros à la communauté d'agglomération, d'une somme de 0,80 euros par m3, comprenant le coût d'achat de l'eau, celui de sa potabilisation, l'entretien de son réseau et de ses équipements et la quote-part des frais généraux directement liée à cette livraison, à l'exception des frais financiers. Eu égard aux volumes d'eau distribués entre le 1er janvier 2014 et fin mars 2018, la CAGSC est redevable envers le SIAEAG d'une somme de 14 390 006,20 euros.

19. Par ailleurs, en application de l'article L. 213-14-1 du code de l'environnement, en vertu duquel toute personne dont les activités entraînent un prélèvement d'eau dans le milieu naturel est assujettie à la redevance pour le prélèvement de la ressource en eau, le SIAEAG s'est acquitté de cette redevance auprès de l'Office de l'eau Guadeloupe à l'occasion de ses livraisons d'eau effectuées au profit de la CAGSC. Il s'ensuit que le SIAEAG est fondé à poursuivre le remboursement de cette redevance auprès de la CAGSC. Toutefois, il résulte de l'instruction que les montants facturés par le SIAEAG sur l'ensemble de la période concernée ont été calculés sur la base d'un taux très supérieur à celui que l'Office de l'eau de la Guadeloupe a défini en application de l'article L. 213-14-1 du code de l'environnement. Le SIAEG, sur qui pèse la charge de la preuve des dépenses utiles et de leur montant, se borne à soutenir qu'il n'était pas tenu de reprendre les taux fixés par l'Office de l'eau lors de la refacturation de la redevance à la CAGSC et ne produit aucun élément permettant de justifier le taux qu'il a lui-même appliqué et qui est contesté. Dans ces conditions, il apparaît que la CAGSC a, entre le 1er janvier 2014 et fin mars 2018, supporté un surcoût de 172 345 euros compte tenu du montant de redevance appliqué par le SIAEG, qui s'élève à 1 109 126 euros, et celui calculé par l'appelante, soit 936 781 euros. Il y a lieu, en conséquence, de déduire de la somme de 14 390 006,20 euros, mentionnée au point 18, celle de 172 345 euros et de fixer montant définitif de la dette de la CAGSC à 14 217 661 euros, sous déduction des sommes effectivement payées en exécution des provisions dont le versement a été ordonné par les juges des référés.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la CAGSC est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe l'a condamnée à verser au SIAEAG, la somme de 14 390 006,20 euros au lieu de 14 217 661 euros. Le jugement du tribunal doit être réformé dans cette mesure.

Sur les frais d'instance :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées par l'appelante tendant à ce que le défendeur, qui n'est pas la partie principalement perdante à l'instance, lui verse une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de la CAGSC la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le SIAEAG et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : La somme de 14 390 006,20 euros que le tribunal administratif de la Guadeloupe a mise à la charge de la CAGSC est ramenée à 14 217 661 euros, sous déduction des sommes versées par la CAGSC en exécution des provisions dont le versement a été ordonné par les juges des référés.

Article 2 : Le jugement n° 1900254 du tribunal administratif de la Guadeloupe du 23 mars 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe est rejeté.

Article 4 : La communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe versera au syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbes et au syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe (devenu O d'îles-eaux des îles de Guadeloupe).

Délibéré après l'audience du 15 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Anthony Duplan, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2023.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

La présidente,

Florence DemurgerLa greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX02693 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02693
Date de la décision : 28/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : SELARL CLOIX et MENDES-GIL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-28;21bx02693 ?
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