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27/06/2023 | FRANCE | N°21BX02865

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 27 juin 2023, 21BX02865


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de Lot-et-Garonne a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2020 par lequel le maire de Lafox a délivré à M. et Mme A... un certificat d'urbanisme opérationnel positif pour la construction d'une maison d'habitation sur des parcelles cadastrées AH 201, 203 et 206 situées chemin de Fango à Lafox.

Par un jugement n° 2003129 du 6 mai 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requ

te, enregistrée le 5 juillet 2021, le préfet de Lot-et-Garonne demande à la cour :

1°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de Lot-et-Garonne a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2020 par lequel le maire de Lafox a délivré à M. et Mme A... un certificat d'urbanisme opérationnel positif pour la construction d'une maison d'habitation sur des parcelles cadastrées AH 201, 203 et 206 situées chemin de Fango à Lafox.

Par un jugement n° 2003129 du 6 mai 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2021, le préfet de Lot-et-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 mai 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2020 du maire de Lafox.

Il soutient que :

- en dépit du principe de l'indépendance des législations, il existe un lien étroit entre l'urbanisme et la défense incendie ; ainsi le maire devait prendre en compte cet aspect, et notamment le règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie, pour l'instruction de la demande d'autorisation d'urbanisme dans le cadre de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, ce qui justifiait un refus ;

- le risque incendie n'est pas uniquement lié au risque naturel et la défense contre l'incendie concerne également les zones urbanisées ;

- le recours à des moyens privés pour la mise en œuvre de la défense extérieure contre l'incendie constitue une méconnaissance des obligations de la commune en matière de service public de lutte contre l'incendie ;

- en l'absence de moyens publics adaptés de lutte contre l'incendie, le classement des parcelles en litige en zone U par plan local d'urbanisme méconnaît l'article R. 151-18 du code de l'urbanisme ;

- le recours à des piscines comme ouvrages privés de défense extérieure contre l'incendie ne remplit pas les conditions de pérennité et de sécurité requises ;

- en imposant aux pétitionnaires l'installation d'une réserve d'eau sur leur terrain et à leurs frais, le maire de Lafox dévoie le principe d'égalité devant le service public de lutte contre l'incendie.

Des mises en demeure ont été adressées le 13 octobre 2022 à la commune de Lafox et à M. et Mme A....

Par une ordonnance du 22 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de Lot-et-Garonne a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le certificat d'urbanisme opérationnel positif délivré le 7 janvier 2020 par le maire de Lafox à M. et Mme A... pour la construction d'une maison d'habitation sur des parcelles cadastrées AH 201, 203 et 206 situées Chemin de Fango à Lafox. Il relève appel du jugement du 6 mai 2021 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, d'une part aux termes de l'article L. 2213-32 du code général des collectivités territoriales : " Le maire assure la défense extérieure contre l'incendie. ". Aux termes de l'article L. 2225-1 du même code : " La défense extérieure contre l'incendie a pour objet d'assurer, en fonction des besoins résultant des risques à prendre en compte, l'alimentation en eau des moyens des services d'incendie et de secours par l'intermédiaire de points d'eau identifiés à cette fin. Elle est placée sous l'autorité du maire conformément à l'article L. 2213-32. ". Aux termes de l'article L. 2225-2 du même code : " Les communes sont chargées du service public de défense extérieure contre l'incendie et sont compétentes à ce titre pour la création, l'aménagement et la gestion des points d'eau nécessaires à l'alimentation en eau des moyens des services d'incendie et de secours. Elles peuvent également intervenir en amont de ces points d'eau pour garantir leur approvisionnement. ". Aux termes de l'article R. 2225-1 du même code : " Pour assurer la défense extérieure contre l'incendie, les points d'eau nécessaires à l'alimentation en eau des moyens des services d'incendie et de secours sont dénommés " points d'eau incendie ". / Les points d'eau incendie sont constitués d'ouvrages publics ou privés utilisables en permanence par les services d'incendie et de secours. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". En vertu de ces dispositions, lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.

4. Il ressort des pièces du dossier que le certificat d'urbanisme en litige, après avoir constaté que le poteau incendie le plus proche était situé à plus de 400 mètres du terrain d'assiette du projet, impose au pétitionnaire de mettre en place sur la parcelle une réserve d'eau d'un volume de 30 m3 minimum garanti en tout temps, dont l'accessibilité permanente sera réalisée par une voie de 3 mètres minimum de largeur, d'une portance de 18 tonnes et reliée à une voie publique et que la distance entre la réserve et l'aire de stationnement de l'engin ne pourra excéder 5,50 mètres. Il résulte du règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie approuvé le 20 juin 2017, qui au demeurant n'est pas opposable à une demande de certificat d'urbanisme car relevant d'une législation distincte, que le projet en litige est situé en zone d'habitat diffus correspondant à un risque courant faible et qu'un point d'eau incendie peut être un poteau, une bouche incendie ou encore une réserve d'eau incendie, laquelle peut être privée, ainsi que le prévoit l'article R. 2225-1 du code général des collectivités territoriales. Dès lors, alors même qu'il n'existe pas de poteau incendie dans le périmètre de 400 mètres de la maison projetée, il était loisible pour l'autorité administrative de prévoir dans le certificat d'urbanisme en litige des prescriptions spéciales visant à l'installation d'une réserve d'eau incendie. Ainsi, alors que le terrain d'assiette du projet est situé en zone d'aléa faible de l'atlas départemental du risque d'incendie de forêt en Lot-et-Garonne, il ne ressort pas des pièces du dossier que le recours à une réserve privée présenterait un risque tel qu'il méconnaitrait les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. En outre, et en tout état de cause, le préfet ne saurait utilement se prévaloir de ce que le règlement départemental précité retient que les piscines ne présentent pas les caractéristiques requises pour constituer un point d'eau incendie dès lors que le certificat en litige impose la présence d'un point d'eau permanent sans évoquer de possibilité de substitution par une piscine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté.

5. En deuxième lieu, d'une part les dispositions du code général des collectivités territoriales citées au point 2 prévoient que la défense extérieure contre l'incendie peut être assurée par des ouvrages publics comme privés pourvu qu'ils soient utilisables en permanence par les services d'incendie et de secours. D'autre part, aucune disposition du code de l'urbanisme ne prévoit d'obligation pour les communes d'installer des ouvrages publics de défense contre l'incendie pour rendre un terrain constructible. Par suite, le moyen tiré de ce que le maire de la commune de Lafox, en imposant une obligation d'installation d'une réserve d'eau privée, aurait méconnu les obligations de la commune en matière de service public de lutte contre l'incendie doit être écarté. Il en est, en tout état de cause, de même du moyen tiré de ce que cette décision constituerait une rupture de l'égalité devant le service public de lutte contre l'incendie.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 151-18 du code de l'urbanisme " Les zones urbaines sont dites " zones U ". Peuvent être classés en zone urbaine, les secteurs déjà urbanisés et les secteurs où les équipements publics existants ou en cours de réalisation ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter. "

7. Au vu de ce qui a été dit au point 5, et alors qu'il n'est pas contesté que la parcelle en litige, qui se situe au droit d'une voie publique, est desservie par le réseau électrique et d'alimentation en eau, et que le certificat d'urbanisme prescrit la mise en œuvre d'un système d'assainissement non collectif, la circonstance qu'il n'existe pas d'ouvrage public de défense extérieure contre l'incendie dans un rayon de 400 mètres n'est pas de nature à faire regarder le classement de la parcelle en zone urbaine comme entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Lot-et-Garonne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre le certificat d'urbanisme du 7 janvier 2020. Par suite sa requête doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de Lot-et-Garonne est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la commune de Lafox ainsi qu'à M. et Mme A....

Copie en sera adressée au préfet de Lot-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 juin 2023.

La rapporteure,

Christelle Brouard-LucasLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX02865


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02865
Date de la décision : 27/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-27;21bx02865 ?
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