Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par un jugement n° 1504103 du 6 juin 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de la société Eole-Res tendant à l'annulation des deux refus de permis de construire que lui a opposés le préfet de la Dordogne le 9 mars 2015 pour l'implantation d'un parc composé de cinq éoliennes sur le territoire des communes de Champagne-et-Fontaine et La Rochebeaucourt-et-Argentine.
Par un jugement n° 1601464 du 6 juin 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de la société Eole-Res tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 janvier 2016 par lequel le préfet de la Dordogne a rejeté sa demande d'autorisation d'exploitation de ce parc éolien.
Par un arrêt n° 17BX02675, 17BX02681 du 9 juillet 2019, la cour, d'une part, a annulé les jugements n° 1504103 et n° 1601464 du 6 juin 2017 ainsi que les refus de permis de construire et d'autorisation d'exploiter des 9 mars 2015 et 22 janvier 2016, d'autre part, a délivré à la société Res l'autorisation environnementale sollicitée pour son projet et l'a renvoyée devant le préfet pour la fixation des conditions qui devront, le cas échéant, assortir ladite autorisation, a prescrit au préfet de mettre en œuvre les mesures de publicité prévues à l'article R. 181-44 du code de l'environnement s'agissant de l'autorisation environnementale délivrée par la cour et, enfin, a mis à la charge de l'État le versement à la société Res de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 février 2020 et des mémoires complémentaires enregistrés les 3 mai et 5 juillet 2021, ce dernier non communiqué, l'association Citoyenneté et Environnement en Périgord (CEP), les communes de Champagne-et-Fontaine, Verteillac et Villebois-Lavalette, les consorts B..., la SCI Socivil, M. C... E... et M. A... E..., représentés par Me Cadro, demandent à la cour :
1°) d'annuler l'autorisation environnementale délivrée par la cour le 9 juillet 2019 et publiée par le préfet de la Dordogne sur son site internet le 28 octobre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Dordogne du 25 octobre 2019 fixant les prescriptions techniques pour l'exploitation de l'installation autorisée ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'association CEP justifie d'un intérêt à agir au regard de son objet et de son champ d'action géographique ; il en est de même pour la commune de Champagne-et-Fontaine, dont le projet en litige se situe sur son territoire, les communes de Verteillac et Villebois-Lavalette, situées à proximité, ainsi que les consorts B..., MM. E... et Mme D..., associée de la société Socivil, dès lors qu'ils habitent à proximité immédiate du site d'implantation des futures éoliennes et qu'ils subiront un impact visuel ;
- l'autorisation environnementale méconnaît les dispositions des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement dès lors qu'elle porte atteinte à la biodiversité ; concernant l'avifaune, ainsi que le relève l'étude d'impact, le site compte 56 espèces nicheuses, dont l'œdicnème criard, l'outarde canepetière et le busard Saint-Martin ; il est survolé en migration active par le milan royal et constitue une halte migratoire pour les grues cendrées, les vanneaux huppés et les pluviers cendrés ; les chiroptères constituent également un enjeu fort de biodiversité, 19 espèces ayant été recensées par l'étude d'impact, dont quatre rares, et un site Natura 2000 abritant de nombreuses espèces a été recensé à moins de 2 km du projet ;
- aucune demande de dérogation à la destruction d'autres espèces que l'œdicnème criard telles que l'outarde canepetière, le vanneau huppé, le pluvier doré, le busard Saint-Martin et la grue cendrée, n'a été déposée ; l'enquête publique est ainsi irrégulière dès lors qu'elle ne comporte pas l'avis du Conseil national de protection de la nature qui est exigé pour toute demande de dérogation à la destruction d'espèces protégées ;
- l'arrêté préfectoral du 25 octobre 2019 comporte des mesures de réduction insuffisantes concernant l'impact du projet sur l'avifaune et les chiroptères dès lors que le bridage ne concerne que la grue cendrée, que l'arrêt diurne des pales en cas de travaux agricoles n'est pas garanti et que les mesures de compensation, dont l'utilité n'est pas justifiée et qui ne tiennent pas compte par ailleurs du vanneau huppé et du pluvier doré, doivent être mises en œuvre sur des terrains dont la société n'a pas la maîtrise foncière ; le bridage prévu pour les chiroptères n'est effectif que 4 heures après le coucher du soleil et les mesures de bridage proposées par le porteur de projet ont été mal interprétées par le préfet ; la distance de 2,5 km qui sépare le site du projet de l'aérodrome est insuffisante pour assurer la sécurité publique, elle a été déterminée par erreur au motif que l'aérodrome accueille une majorité d'ULM alors qu'il accueille également des avions.
Par des mémoires, enregistrés le 24 mars 2021 et le 28 mai 2021, la société Res, représentée par Me Cambus, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de chacun des requérants la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête en tant qu'elle émane du président de l'association CEP, dirigée contre l'autorisation délivrée par la cour administrative d'appel de Bordeaux dans l'arrêt n° 17BX02681, est irrecevable dès lors qu'il ne justifie avoir reçu mandat du conseil d'administration que pour contester la légalité de la décision du 25 octobre 2019 ; elle est également irrecevable au motif que l'association était intervenante dans la précédente instance et qu'elle s'est pourvue en cassation contre cet arrêt ;
- la requête en tant qu'elle émane des autres requérants, dirigée contre l'autorisation délivrée par la cour, est irrecevable dès lors qu'ils auraient dû former une tierce opposition et non pas un recours de plein contentieux ;
- la requête en tant qu'elle émane des communes de Champagne-et-Fontaine et Villebois-Lavalette, dirigée contre l'autorisation délivrée par la cour, est également irrecevable en l'absence de mandat délivrés par leurs conseils municipaux ;
- la requête en tant qu'elle émane de la commune de Verteillac est irrecevable dès lors que le mandat délivré au maire n'est pas conforme aux exigences de précision et de spécialisation qui s'imposent aux délégations de compétence ;
- la requête est irrecevable en l'absence d'intérêt à agir de l'ensemble des requérants ; l'association CEP ne justifie ni d'un intérêt lésé, ni de son existence juridique à la date d'introduction du recours, ni de ses statuts qui ne sont pas signés et datés ; les communes requérantes n'ont pas caractérisé en quoi leurs intérêts propres seraient lésés ; les consorts B..., les sieurs E... et Mme D... ne justifient pas, par la seule production de photomontages au demeurant non probants, que le projet en litige affecterait les conditions d'occupation et de jouissance de leurs biens ;
- à titre subsidiaire, les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 28 mai 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les requérants ne justifient pas d'un intérêt à agir contre les décisions contestées et que les moyens développés par eux ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Elisabeth Jayat,
- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public,
- et les observations de Me Cadro, représentant l'association Citoyenneté et Environnement en Périgord (CEP), les communes de Champagne-et-Fontaine, Verteillac et Villebois-Lavalette, les consorts B..., la SCI Socivil, M. C... E... et M. A... E..., et de Me Cassin, représentant la société Res.
Une note en délibéré, présentée par Me Cambus pour la société Res a été enregistrée le 13 juin 2023.
Considérant ce qui suit :
1. Le 19 mars 2014, la société Res a déposé deux dossiers de permis de construire pour l'implantation d'un parc composé de cinq éoliennes de 165 mètres de hauteur en bout de pale et d'un poste de livraison sur le territoire des communes de Champagne-et-Fontaine et La Rochebeaucourt-et-Argentine et a sollicité, le même jour, l'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent correspondant à ce parc éolien. Par des arrêtés des 9 mars 2015 et 22 janvier 2016, le préfet de la Dordogne a refusé de délivrer à la société Res les autorisations sollicitées. Par deux jugements du 6 juin 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les demandes de la société Res tendant à l'annulation des arrêtés des 9 mars 2015 et 22 janvier 2016. Par arrêt du 9 juillet 2019, la cour, d'une part, a annulé les jugements du 6 juin 2017 ainsi que les refus de permis de construire et d'autorisation d'exploiter des 9 mars 2015 et 22 janvier 2016 et, d'autre part, a délivré à la société Res l'autorisation environnementale sollicitée pour son projet, l'a renvoyée devant le préfet pour la fixation des conditions qui devront, le cas échéant, assortir ladite autorisation et a prescrit au préfet de mettre en œuvre les mesures de publicité prévues à l'article R. 181-44 du code de l'environnement s'agissant de l'autorisation environnementale délivrée par la cour. L'association Citoyenneté et environnement en Périgord (CEP), les communes de Champagne-et-Fontaine, Verteillac et Villebois-Lavalette, les consorts B..., la SCI Socivil, M. C... E... et M. A... E..., qui doivent être regardés comme ayant entendu agir en tierce opposition, saisissent la cour d'une requête dirigée contre l'autorisation environnementale délivrée par l'arrêt n° 17BX02675, 17BX02681 du 9 juillet 2019 et contre l'arrêté du préfet de la Dordogne du 25 octobre 2019 fixant les prescriptions techniques applicables à l'installation.
Sur la recevabilité de la requête :
2. Aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle, ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision ".
3. Il résulte des dispositions de l'article R. 832-1 du code de justice administrative que, pour former tierce opposition, une personne qui n'a été ni présente ni représentée à l'instance doit en principe justifier d'un droit lésé.
4. Toutefois afin de garantir le caractère effectif du droit au recours des tiers en matière d'environnement et eu égard aux effets sur les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement de la décision juridictionnelle délivrant une autorisation d'exploiter, la voie de la tierce opposition est, dans la configuration particulière où le juge administratif des installations classées, après avoir annulé la décision préfectorale de refus, fait usage de ses pouvoirs de pleine juridiction pour délivrer lui-même l'autorisation, ouverte aux tiers qui justifieraient d'un intérêt suffisant pour demander l'annulation de la décision administrative d'autorisation, dès lors qu'ils n'ont pas été présents ou régulièrement appelés dans l'instance.
5. Pour contester une décision prise au titre de la police des installations classées pour la protection de l'environnement, les tierces personnes physiques doivent justifier d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour en demander l'annulation, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour eux l'installation en cause, appréciés notamment en fonction de la situation des intéressés et de la configuration des lieux.
6. M. et Mme B..., personnes physiques auteurs de la requête, résident à Champagne-et-Fontaine, commune d'implantation du projet, sur une parcelle située à moins de 700 mètres de l'éolienne la plus proche. Eu égard à la taille des éoliennes et à la topographie des lieux, l'habitation se situant face à un paysage agricole plat avec une vue dégagée, le parc en projet sera visible depuis leur propriété et est susceptible d'entraîner des nuisances sonores et visuelles. Dès lors, compte tenu des inconvénients que le projet est susceptible de présenter pour eux, ces requérants justifient d'un intérêt suffisant leur donnant qualité pour agir contre l'autorisation attaquée. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête en tant qu'elle émane des autres requérants, les fins de non-recevoir opposées en défense doivent être écartées.
Sur la légalité de l'autorisation environnementale :
En ce qui concerne la sécurité aéronautique :
7. Si les requérants font valoir que la distance de 2,5 km qui sépare le site du projet de l'aérodrome est insuffisante pour assurer la sécurité publique dès lors que l'aérodrome accueille des avions et non seulement des ULM, ils n'apportent aucun élément de nature à remettre en cause l'avis favorable de la direction générale de l'aviation civile du 9 août 2012 selon lequel l'aérodrome privé d'Argentine reçoit majoritairement des ULM et selon lequel, en application de la circulaire du 12 janvier 2012 relative à l'instruction des projets éoliens par les services de l'aviation civile, il convient de respecter une distance d'au moins 2,5 km autour de l'aérodrome.
En ce qui concerne les atteintes aux intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement :
8. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I.- L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas (...) ". L'article L. 511-1 du même code dispose que : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ".
9. Il résulte de l'instruction et notamment de l'étude d'impact que le parc éolien projeté, composé de cinq éoliennes d'une hauteur de 165 mètres en bout de pale et d'un poste de livraison, se situe dans un secteur de plaines céréalières diversifiées, au sud du bois de Péricaud et à proximité immédiate de la vallée de la Nizonne et du plateau d'Argentine, sites Natura 2000 classés en zone spéciale de conservation. 31 zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type I ont également été recensées à moins de 20 km de la zone d'étude. S'agissant de l'avifaune, le site est concerné par un enjeu fort en raison de la présence de plusieurs espèces patrimoniales telles que l'œdicnème criard, l'outarde canepetière, le pluvier doré, le vanneau huppé, le busard Saint-Martin, la grue cendrée et le milan royal, le site étant par ailleurs implanté dans le couloir de migration principal de ces deux dernières espèces qui sont sensibles au risque de collision. L'étude retient notamment un enjeu fort concernant l'œdicnème criard, espèce très sensible au dérangement et dont la nidification dans l'aire d'étude est certaine, ainsi que pour l'outarde canepetière, espèce en cours d'extinction en région Aquitaine alors que le site d'implantation du projet est le dernier secteur connu de sa présence régionale. L'étude révèle également que les éoliennes seront situées dans les zones habituellement utilisées comme haltes migratoires par un nombre important de grues cendrées ainsi que dans des zones occupées en stationnement hivernal par le vanneau huppé et en période prénuptiale par le pluvier doré.
10. Toutefois, il résulte également de l'instruction que les zones à forts enjeux avifaunistiques situées au nord de l'aire d'étude ont été évitées lors de la conception du projet et que le site d'implantation n'est plus concerné que par un enjeu modéré à assez fort. Le projet contesté limite également la réalisation des travaux à la période de mi-juillet à début-mars, soit en dehors de la période de reproduction. En phase d'exploitation, un ornithologue sera missionné entre mars et juillet pour rechercher et protéger les nichées dans les cultures. L'étude d'impact, dont l'autorité environnementale n'a remis en cause ni la qualité ni la sincérité, prévoit, pour réduire l'impact du projet, de limiter l'attractivité du site en favorisant les cultures les moins attractives près des éoliennes et d'assurer l'absence de végétation sur les plateformes afin de rendre la base des éoliennes la plus impropre possible à la recherche de proies. Elle précise également les mesures destinées à réduire le risque de collision, telles que l'arrêt des machines durant les interventions des agriculteurs sur les parcelles situées à proximité, la mise en place d'un réseau d'alerte pour arrêter les machines lors des migrations des grues cendrées en cas de visibilité réduite ou de vent empêchant leurs changements de trajectoires ainsi que la pose de détecteurs, le cas échéant, pour réduire l'impact sur le milan royal. Par ailleurs, une trouée de plus de 1,6 km entre les trois éoliennes situées au nord et les deux éoliennes situées au sud permettra de faciliter le déplacement des espèces. Le projet prévoit, en vue de compenser la perte d'habitats des espèces patrimoniales, la création de milieux ouverts d'une surface minimale de 10 ha pour l'œdicnème criard et l'outarde canepetière, l'absence de maîtrise foncière étant d'ailleurs sans incidence sur le caractère contraignant de cette mesure dont l'État est chargé de contrôler la mise en œuvre. Le pétitionnaire prévoit aussi l'amélioration du couvert végétal sur des parcelles ouvertes afin d'assurer des haltes migratoires pour le vanneau huppé, le pluvier doré et la grue cendrée ainsi que le suivi de ces populations par un écologue. Il résulte de l'étude d'impact, dont l'autorité environnementale a estimé, au demeurant, que les mesures proposées étaient proportionnées aux enjeux environnementaux, que l'enjeu pour les espèces patrimoniales est considéré comme faible après application des mesures d'évitement, de réduction et de compensation, y compris en ce qui concerne l'œdicnème criard sous réserve du maintien ou de l'augmentation de sa population. Ainsi, compte tenu des mesures prises pour éviter, réduire et compenser les risques pour l'avifaune, il ne résulte pas de l'instruction que ces risques justifiaient un refus d'autorisation pour assurer la préservation des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.
11. S'agissant des risques pour les chiroptères, le site d'implantation des éoliennes se situe à proximité du plateau d'Argentine et de la vallée de la Pude, tous deux classés ZNIEFF de type I sensibles pour les chiroptères. L'étude d'impact recense notamment dans l'aire d'étude rapprochée huit espèces rares à très rares avec des enjeux très fort à fort, comme la grande noctule, la pipistrelle pygmée, la pipistrelle de Nathusius, le rhinolophe et le murin et quatre espèces rares à assez communes contactées à hauteur de mât à 90 mètres de hauteur telles que la barbastelle et l'oreillard roux. L'activité chiroptérologique, qui se répartit sur l'ensemble de la nuit, concerne les milieux fermés toute l'année mais aussi les milieux ouverts durant l'été et, dans une moindre mesure, l'automne. L'étude d'impact précise que les éoliennes seront implantées en dehors du milieu forestier, dans les zones où l'enjeu est le plus faible, et que l'éolienne la plus proche sera éloignée de 180 mètres des lisières des forêts. Des mesures de réduction ont été prises quant à la période de réalisation des travaux et quant au traitement des plateformes au pied des éoliennes, comme rappelé au point précédent, et le pétitionnaire prévoit en outre l'absence d'éclairage en pied d'éolienne pour ne pas attirer les insectes ainsi qu'un suivi de l'activité par détecteur ultrasons et un suivi de la mortalité. Par ailleurs, aux termes de l'arrêté préfectoral du 25 octobre 2019, durant les quatre premières heures de la nuit des mois d'avril à octobre, le seuil de démarrage de l'éolienne la plus proche de la lisière boisée sera augmentée à 7 m/s tandis que le seuil des autres éoliennes a été fixé à 5,5 m/s. Toutefois, dès lors que les éoliennes seront implantées dans un secteur de déplacements réguliers d'espèces à enjeux fort à très fort, que l'activité chiroptérologique se répartit sur l'ensemble de la nuit et que les éoliennes sont situées à proximité des boisements, les mesures prises n'apparaissent pas suffisantes pour permettre de préserver la protection de la biodiversité dans ce site dont l'étude d'impact souligne le contexte local important pour plusieurs espèces de chiroptères tels que le rhinolophe, le murin à oreilles échancrées, le grand et petit murin et la barbastelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de compléter les mesures de réduction par la mise en place d'un bridage du 1er mars au 31 octobre prévoyant l'arrêt des machines une heure avant le coucher du soleil jusqu'à une heure après son lever lorsque la température est supérieure à 8° et le vent inférieur à 7m/s pour l'éolienne la plus proche et 5,5 m/s pour les quatre autres éoliennes.
En ce qui concerne la dérogation à la destruction d'espèces protégées au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement :
12. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle (...) d'animaux de ces espèces (...) ;/(...) 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (... ) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " I. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées :/ (...)/ 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle :/ (...)/ c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement (...) ". L'arrêté du 29 octobre 2009 du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche fixe la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection.
13. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.
14. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus, qui concerne les espèces de mammifères terrestres et d'oiseaux figurant sur les listes fixées par les arrêtés du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009, impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes.
15. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".
16. Ainsi qu'il a été dit précédemment, le secteur d'implantation du projet présente des enjeux chiroptérologiques importants, avec la présence à 1,6 km, de la zone Natura 2000 du Plateau d'Argentine, et il résulte de l'instruction, et notamment de l'étude d'impact, que 12 des espèces identifiées dans la zone présentent une vulnérabilité particulière caractérisée par un risque brut qualifié dans l'étude de moyen à assez fort, d'assez fort, d'assez fort à fort, de fort ou de fort à très fort pour le minioptère de Schreibers, le petit murin, l'oreillard sp., la barbastelle, la sérotine commune, la grande noctule, la pipistrelle de Kuhl, la noctule de Leisler, la pipistrelle commune, la pipistrelle pygmée, la pipistrelle de Nathusius et la noctule commune. Si l'étude d'impact qualifie l'impact résiduel, pour certaines de ces espèces, après mesures d'évitement et de réduction, de faible ou de faible à moyen, en retenant que quatre des cinq éoliennes seront implantées à plus de 200 m des lisières et en proposant un bridage, ces mesures, eu égard à l'implantation du parc à proximité de zones boisées, et au caractère limité du bridage proposé, seulement pendant les quatre premières heures de la nuit, ne permettent pas de considérer le risque de collision concernant ces espèces comme insuffisamment caractérisé. Dès lors, le risque pour les chiroptères est suffisamment caractérisé pour justifier une dérogation " espèces protégées ". Il résulte également de l'instruction que l'étude relative à l'avifaune a recensé dans l'aire d'étude rapprochée, parmi les espèces nicheuses, la présence de l'œdicnème criard, espèce patrimoniale très sensible au dérangement. Le parc éolien, en particulier, sera implanté au sein du territoire de cinq couples nicheurs qui constitue l'un des deux bastions régionaux de l'espèce. L'enjeu local est estimé à fort en raison du dérangement durable sur son territoire vital et du risque fort de destruction de nichées. L'étude d'impact indique qu'après mise en œuvre des mesures d'évitement et de réduction, l'impact résiduel demeurera fort s'agissant de son habitat naturel. S'agissant de l'outarde canepetière, il résulte de l'instruction que cette espèce n'a pas été observée lors de l'étude avifaunistique. Toutefois, elle est historiquement présente dans l'aire d'étude rapprochée du site qui constitue le dernier secteur connu de sa présence régionale, encore observée en 2011. L'étude, qui évalue à fort l'enjeu local de cette espèce, précise par ailleurs que son extinction possible résulte de la dégradation de son habitat naturel. Il résulte également de l'instruction, et notamment de l'avis de l'autorité environnementale que l'habitat de reproduction de cette espèce est commun à celui de l'œdicnème criard. Ainsi, la possibilité de risque pour cette espèce doit être considérée comme suffisamment caractérisée. S'agissant du busard Saint-Martin, le projet comporte un risque de perturbation de l'espèce liée à la destruction d'habitats favorables à sa reproduction. Les auteurs de l'étude d'impact précisent également qu'au regard des comportements observés sur les parcs éoliens existants, cette espèce peut fuir, sur une plus longue période, la proximité des éoliennes. En ce qui concerne la grue cendrée, dont l'enjeu est considéré comme modéré après application des mesures d'évitement et de réduction, des effectifs importants ont été contactés, le risque de collision demeure modéré à fort en phase de migration et le projet impliquera la perte de zones de stationnement migratoire. De même, bien que leurs effectifs soient faibles, l'implantation du parc aura pour effet un abandon des zones de haltes migratoires utilisées jusqu'ici par le vanneau huppé et le pluvier doré. Aucun élément de l'instruction ne permet de retenir que les mesures prévues par le pétitionnaire seraient de nature à réduire significativement le risque de destruction d'habitats de ces espèces. Dans ces conditions, et alors qu'il ne peut être tenu compte des mesures de compensations pour apprécier la nécessité d'une dérogation, les mesures d'évitement et de réduction proposées ne peuvent être regardées comme diminuant le risque pour ces espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé.
17. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, d'annuler l'autorisation environnementale délivrée le 9 juillet 2019 seulement en tant qu'elle ne comporte pas la dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement et de suspendre l'exécution de la partie non viciée de l'autorisation jusqu'à la délivrance éventuelle de la dérogation requise.
Sur les frais liés au litige :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des requérants, qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société Res au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme B... sur le fondement de ces dispositions et de rejeter le surplus des conclusions des requérants sur ce point.
DECIDE :
Article 1er : La tierce opposition formée par l'association Citoyenneté et Environnement en Périgord (CEP), les communes de Champagne-et-Fontaine, Verteillac et Villebois-Lavalette, les consorts B..., la SCI Socivil, M. C... E... et M. A... E... est admise.
Article 2 : L'arrêt de la cour n° 17BX02675, 17BX02681 du 9 juillet 2019 est déclaré non avenu en tant qu'il délivre une autorisation ne comportant pas la dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement.
Article 3 : Les mots " 1er avril " et " pendant une durée de 4h après le coucher du soleil " figurant au b) de l'article 5.1 de l'arrêté du 25 octobre 2019 du préfet de la Dordogne sont remplacés, respectivement, par : " 1er mars " et " pendant une durée d'une heure avant le coucher du soleil jusqu'à une heure après son lever ".
Article 4 : L'exécution des parties non viciées de l'autorisation environnementale du 9 juillet 2019 et l'exécution de l'arrêté du 25 octobre 2019 du préfet de la Dordogne tel que modifié par le précédent article, sont suspendues jusqu'à la délivrance éventuelle de la dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement.
Article 5 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. et Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association Citoyenneté et Environnement en Périgord, des communes de Champagne-et-Fontaine, Verteillac et Villebois-Lavalette, des consorts B..., de la SCI Socivil, de M. C... E... et de M. A... E... est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société Res, à l'association Citoyenneté et environnement en Périgord, aux communes de Champagne-et-Fontaine, Verteillac et Villebois-Lavalette, aux consorts B..., à la SCI Socivil, à M. C... E..., à M. A... E... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Nathalie Gay, première conseillère,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.
La première assesseure,
Nathalie GayLa présidente-rapporteure,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX00657