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20/06/2023 | FRANCE | N°21BX01005

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 20 juin 2023, 21BX01005


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 11 avril 2019 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 14 novembre 2018 et a autorisé la société Enedis à procéder à sa mise à la retraite d'office à titre disciplinaire.

Par un jugement n° 1902198 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enr

egistrés les 4 mars 2021 et 14 décembre 2022, la société Enedis et la société Gaz Réseau Distribut...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 11 avril 2019 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 14 novembre 2018 et a autorisé la société Enedis à procéder à sa mise à la retraite d'office à titre disciplinaire.

Par un jugement n° 1902198 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 mars 2021 et 14 décembre 2022, la société Enedis et la société Gaz Réseau Distribution France (GRDF), représentées par Me de Moucheron et Me Houlès, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 31 décembre 2020 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les requérantes soutiennent que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la ministre avait commis une erreur de droit en ne se prononçant pas expressément sur le motif retenu par l'inspectrice du travail tiré de l'irrégularité de la procédure alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait à la ministre de motiver sa décision sur ce point ; la ministre a pu, en revanche, légalement annuler la décision de l'inspectrice du travail ;

- c'est également à tort qu'ils ont jugé que la procédure disciplinaire était irrégulière alors que, d'une part, il n'appartient ni à l'administration ni au juge administratif de contrôler la régularité de la procédure conventionnelle ou statutaire préalable à un licenciement et que, d'autre part, et en tout état de cause, la procédure disciplinaire conduite par l'entreprise à l'égard du salarié a été parfaitement respectée ;

- les faits reprochés à M. A... dont la matérialité et la gravité n'ont pas été remises en cause par le tribunal justifient la mesure de licenciement ;

- les moyens soulevés par M. A... en première instance ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 juillet et 2 août 2021, M. C... A..., représenté par Me Chevallier, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des sociétés Enedis et GRDF, outre les entiers dépens, la somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de la ministre du travail est insuffisamment motivée en ce qu'elle n'a pas précisé en quoi ses employeurs avaient respecté les textes réglementaires et conventionnels pour considérer qu'il avait refusé des propositions d'affectations conformes à l'accord du 23 juillet 2010 ainsi qu'un poste emportant un simple changement de ses conditions de travail ;

- la ministre ne s'est pas prononcée sur le motif tiré de l'irrégularité de la procédure disciplinaire conventionnelle retenu par l'inspecteur du travail, entachant ainsi sa décision d'erreur de droit ;

- la procédure disciplinaire conventionnelle suivie devant la commission secondaire du personnel, régie par la circulaire Pers. 846 et l'accord d'entreprise du 12 mars 2008, a été viciée du fait de la méconnaissance tant du principe d'impartialité, compte tenu de la qualité et des conditions d'exercice du rapporteur désigné, que des droits de la défense dès lors que, d'une part, il n'a pas pu prendre connaissance du rapport de l'autorité compétente avant que ne se réunisse la commission et, d'autre part, en raison de l'absence de délibéré de la commission secondaire du personnel puisqu'aucun avis n'a été rendu par cette commission ;

- la décision est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur dans la qualification juridique des faits dès lors qu'il n'a pas bénéficié de trois propositions d'affectation formulées loyalement, dans le respect des statuts et de l'accord collectif du 23 juillet 2010, et que le refus opposé à des affectations qui ne respectent pas le projet de réorganisation ne peut être regardé comme fautif ;

- son licenciement présente un lien avec ses mandats représentatifs et son appartenance syndicale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2022, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Il s'en rapporte à ses écritures présentées en première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 46-1541 du 22 juin 1946 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, ont été entendus :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Madelaigue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Houlès, représentant la société Enedis et la société GRDF.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été recruté par les industries électriques et gazières en juin 1983 et affecté à l'agence de Sarlat en qualité de " releveur de compteurs ". Il occupait en dernier lieu, à la suite d'une mutation d'office en 2008, un poste de " technicien d'intervention clientèle " à l'agence de Montignac avec astreinte mixte électricité-gaz au sein de l'unité clients fournisseurs (UCF) d'Aquitaine, établissement secondaire situé à Mérignac (Gironde), faisant partie du service commun mis en place par les sociétés ERDF et Gaz Réseau Distribution France (GRDF), gestionnaires des réseaux publics de distribution d'électricité et de gaz. M. A... exerçait en outre, jusqu'au 31 décembre 2017, les mandats de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de Gironde, de délégué du personnel titulaire et de membre suppléant du comité d'établissement. Dans le cadre du projet " Convergence ", destiné à rapprocher les activités d'intervention clientèle et les activités d'intervention sur les réseaux ainsi qu'à dissocier les activités de distribution du gaz de celles de l'électricité, il a été décidé de la fermeture au 1er janvier 2018 des UCF et d'engager un processus de réaffectation par spécialité des 9 573 salariés alors rattachés à ces unités communes aux deux sociétés, selon les modalités définies par l'accord collectif du 23 juillet 2010 relatif au processus de concertation et les mesures d'accompagnement des réorganisations à ERDF (devenue Enedis). M. A... s'est ainsi vu présenter trois propositions d'affectation entre le 6 juillet et le 15 décembre 2017 qu'il a toutes refusées. En conséquence, l'intéressé a été convoqué, le 7 février 2018, à un entretien préalable en vue d'une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'à la mise à la retraite d'office et sa situation a été soumise le 12 juin 2018 à la commission secondaire du personnel, statuant en conseil de discipline. Par courrier du 1er octobre 2018, le directeur de l'UCF d'Aquitaine a sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de mettre à la retraite d'office pour faute

M. A..., au motif qu'il avait refusé, dans le cadre du projet " Convergence ", un changement d'affectation emportant un simple changement de ses conditions de travail. Par une décision du 14 novembre 2018, l'inspectrice du travail de la 7ème section de l'unité de contrôle Sud-Ouest du département de la Gironde a rejeté cette demande. Saisie d'un recours hiérarchique par courrier du 6 décembre 2018, la ministre du travail a, par une décision du 11 avril 2019, annulé la décision de l'inspectrice du travail et autorisé la mise à la retraite d'office du requérant. M. A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cette décision. Par un jugement du 31 décembre 2020 dont les sociétés Enedis et GRDF relèvent appel, le tribunal a fait droit à sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 1237-5 du code du travail : " La mise à la retraite s'entend de la possibilité donnée à l'employeur de rompre le contrat de travail d'un salarié ayant atteint l'âge mentionné au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale (...) ". En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Par suite, dans le cas où la demande de rupture du contrat de travail d'un salarié protégé est présentée, par l'employeur, au titre des dispositions de l'article L. 1237-5 du code du travail, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de vérifier sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'une part, que la mesure envisagée n'est pas en rapport avec les fonctions représentatives exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé, d'autre part, que les conditions légales de mise à la retraite sont remplies et, enfin, qu'aucun motif d'intérêt général ne s'oppose à ce que l'autorisation soit accordée. Il incombe également à l'inspecteur du travail d'apprécier la régularité de la procédure de mise à la retraite de ce salarié au regard de l'ensemble des règles applicables, au nombre desquelles figurent, d'une part, les garanties de procédure prévues par le code du travail en cas de licenciement d'un salarié protégé, lesquelles s'appliquent aussi à la mise à la retraite d'un salarié protégé et, d'autre part, le cas échéant, les stipulations d'accords collectifs de travail applicables à la mise à la retraite des salariés.

3. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 6 du statut national du personnel des industries électriques et gazières approuvé par le décret susvisé du 22 juin 1946 : " Paragraphe 1. / Les sanctions disciplinaires applicables aux agents statutaires suivant la gravité des fautes commises, sont : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme notifié avec inscription au dossier ; / 3° La mise à pied, limitée à 8 jours, avec privation de salaire ; / 4° La mise à pied, limitée à un mois, avec privation de salaire ; / 5° La rétrogradation d'un ou plusieurs échelons ou échelles ; / 6° La mise à la retraite d'office. / (...) Paragraphe 3. / L'agent appelé à comparaître devant la commission compétente doit en être informé quatre jours à l'avance. S'il en formule la demande au directeur de l'exploitation, il obtient immédiatement communication de son dossier, y compris le rapport présenté contre lui ; il peut présenter sa défense par mémoire écrit et se faire assister, devant la commission, par un agent statutaire de son choix ou par un représentant de l'organisation syndicale à laquelle il appartient. / Paragraphe 4. / Pour chaque affaire, un rapporteur, membre de la commission, est désigné par le président de la commission secondaire du personnel ; il présente un rapport écrit et établit un procès-verbal également écrit des débats et des décisions prises. ".

4. D'autre part, aux termes de l'article de l'article L. 122-33 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " L'établissement d'un règlement intérieur est obligatoire dans les entreprises ou établissements industriels, commerciaux (...) où sont employés habituellement au moins vingt salariés. (...) ". Aux termes de l'article L. 122-34 de ce code : " Le règlement intérieur est un document écrit par lequel l'employeur fixe exclusivement : / (...) - les règles générales et permanentes relatives à la discipline, et notamment la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur. / Il énonce également les dispositions relatives aux droits de la défense des salariés, tels qu'ils résultent de l'article L. 122-41 ou, le cas échéant, de la convention collective applicable. ".

5. Pour adapter les modalités d'application de l'article 6 du statut national du personnel des industries électriques et gazières aux dispositions du code du travail, rappelées au point précédent, et désormais reprises aux articles L. 1311-2 et L. 1321-1 de ce code, les directeurs généraux d'Electricité de France et de Gaz de France ont adopté une circulaire PERS. 846 du 16 juillet 1985 applicable aux personnels des industries électriques et gazières. Aux termes du paragraphe 2315 de cette circulaire, relative à la communication du dossier disciplinaire à l'agent : " L'agent a la faculté de prendre connaissance de toutes les pièces contenues dans le dossier à soumettre à l'examen de la commission secondaire y compris le rapport de l'autorité compétente (...). / Il peut aussi prendre connaissance de l'exposé du rapporteur dont il est question au paragraphe 23144 mais sans en obtenir copie. / Cette communication doit avoir lieu dans les bureaux de l'Exploitation ou du Service (...) ". Aux termes du paragraphe 2312 relatif au contenu de la notification de traduction devant le conseil de discipline, auquel renvoie le paragraphe 2317 relatif à la notification de comparution devant le conseil de discipline : " La notification à l'agent (...) doit intervenir dans les meilleurs délais et contenir obligatoirement les éléments suivants : (...) - le nom du rapporteur et les conditions dans lesquels ce dernier peut le recevoir. / Il lui est rappelé que : - il est en droit de prendre communication des pièces dans un lieu qui lui sera précisé ; - il a la faculté de présenter un mémoire écrit en défense à faire parvenir au rapporteur le plus vite possible et au plus tard quatre jours avant la date de la comparution devant la commission (...) ". Aux termes du paragraphe 2311, relatif au rapport dressé par l'autorité compétente : " Ce rapport, qui constitue le document de base du dossier disciplinaire, doit contenir un exposé détaillé des faits reprochés et comporter en annexe toutes pièces et tous témoignages devant venir à l'appui de cet exposé. Il fait état de l'entretien préalable en mentionnant en particulier les déclarations qui auront été faites par l'agent ou déposées par lui lors de cet entretien. ". Aux termes du paragraphe 2313, relatif au rôle du rapporteur : " (...) Les fonctions du rapporteur, qui s'exercent sous l'autorité du président de séance, sont les suivantes : / (...) -il constitue le dossier à soumettre à l'examen de cette commission, dossier qui doit comporter : /-le rapport mentionné au paragraphe 2311 [à savoir le rapport dressé par l'autorité compétente], / (...) -l'appréciation des supérieurs hiérarchiques sur le comportement de l'agent ; / Le rapporteur est en droit d'ajouter au dossier toutes les pièces qui lui paraissent nécessaires à l'appréciation des faits. / -il peut interroger l'agent incriminé ou l'entendre en ses explications chaque fois que cela lui paraît utile ou que l'intéressé en manifeste le désir selon la procédure prévue au paragraphe 223. (...)". Aux termes du paragraphe 23144 relatif à l'exposé rédigé par le rapporteur : " L'exposé, que doit rédiger le rapporteur, indique d'une manière objective les faits reprochés et les circonstances dans lesquelles ils se sont produits. / Il résume le contenu des différentes pièces figurant au dossier, en ajoutant tous les commentaires nécessaires à la bonne compréhension de l'affaire : il doit tenir compte de tous les éléments de défense présentés par l'agent. / Pour terminer, le rapporteur doit préciser si les prescriptions disciplinaires fixées par le Statut National et la présente circulaire ont bien été observées. / Le rapporteur n'a, dans son exposé, ni à faire ressortir son opinion ni à formuler de proposition de sanction. ". Ces dispositions particulières du statut des personnels des industries électriques et gazières, applicables à la mise à la retraite d'un salarié protégé, ont pour objet de permettre au salarié traduit devant la commission secondaire du personnel en vue d'une éventuelle sanction disciplinaire de disposer d'un délai suffisant pour préparer utilement sa défense en vue de sa comparution devant ladite commission statuant en conseil de discipline et constitue, ainsi, une formalité substantielle. La méconnaissance d'une telle formalité vicie la procédure de disciplinaire et est de nature à fonder un refus d'autorisation de mise à la retraite d'office d'un salarié protégé.

6. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 2 mars 2018, le directeur de l'UCF d'Aquitaine a, dans le cadre de la procédure disciplinaire engagée à l'encontre de

M. A..., informé ce dernier de sa comparution devant la commission secondaire du personnel statuant en conseil de discipline à une réunion devant se tenir le 14 mai 2018. Ce courrier indiquait également le nom du rapporteur qui avait été désigné pour instruire son dossier et rappelait au salarié, conformément aux dispositions de la circulaire PERS. 846 du 16 juillet 1985, d'une part, la possibilité de se faire assister ou représenter par un mandataire, d'autre part, la faculté d'établir un mémoire en défense et, enfin, la possibilité de faire entendre des témoins par la commission. Le salarié qui, par courrier électronique du 16 avril 2018, avait sollicité la communication de son dossier, a été auditionné par le rapporteur lors d'un entretien tenu le 23 avril 2018 et dont un compte-rendu a été dressé. La réunion de la commission secondaire du personnel ayant été reportée, M. A... a été informé, par courrier du 26 avril 2018, que l'examen de son dossier disciplinaire serait finalement examiné le 12 juin suivant. Cette date lui a été confirmée par un courrier du 25 mai 2018 comportant l'ensemble des mentions prévues par les dispositions de la circulaire précitée du 16 juillet 1985.

7. Pour juger que la procédure disciplinaire avait été irrégulière, le tribunal a relevé que M. A... n'avait pu prendre connaissance que le jeudi 7 juin 2018, soit cinq jours avant la tenue de la séance de la commission secondaire du personnel qui s'est réunie le mardi 12 juin 2018, de l'entier dossier devant être soumis à l'examen de cette commission statuant en conseil de discipline, comportant notamment le rapport dressé par l'autorité compétente ainsi que l'" exposé " du rapporteur, établi le 24 mai 2018. Il en a déduit que l'intéressé n'avait pas été en mesure d'assurer utilement sa défense devant la commission, faute notamment d'avoir disposé d'un délai suffisant pour présenter un mémoire écrit au rapporteur en réponse aux observations qu'appelait le rapport de ce dernier, dans le délai de quatre jours, prescrit par les dispositions citées au point 5, avant la date de sa comparution devant la commission.

8. Il ressort des pièces du dossier que, alors qu'il avait reçu dès le 30 mai 2018 le courrier du 25 mai précédent lui confirmant la nouvelle date de la séance du conseil de discipline et lui rappelant à nouveau la possibilité notamment de consulter son entier dossier, ce n'est que le 6 juin 2018 que M. A... a pris l'attache de son employeur pour consulter ce dossier comportant l'" exposé " du rapporteur, ce qu'il a pu faire dès le lendemain. M. A... n'établit ni même n'allègue qu'il aurait été empêché de procéder à cette consultation dès réception du courrier du 25 mai 2018. Dans ces conditions, eu égard au délai de dix jours qui s'est écoulé entre la réception de courrier invitant l'intéressé à prendre connaissance de l'exposé du rapporteur, et le 8 juin 2018, date limite qui lui était impartie pour présenter des observations écrites en réponse à ce rapport, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le salarié avait été privé de la possibilité d'assurer utilement sa défense. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que M. A... a pu présenter devant la commission et par l'intermédiaire de son représentant, des observations orales, précises et étayées, en réponse à l'exposé du rapporteur devant cette commission.

9. Il résulte de ce qui précède que les requérantes sont fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'irrégularité de la procédure disciplinaire pour annuler la décision attaquée.

10. Toutefois, en second lieu, lorsqu'il est saisi par l'employeur d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail qui a refusé l'autorisation de licenciement en se fondant sur plusieurs motifs de refus faisant, chacun, légalement obstacle à ce que le licenciement soit autorisé, le ministre ne peut annuler cette décision que si elle est entachée d'illégalité externe ou si aucun des motifs retenus par l'inspecteur du travail n'est fondé.

11. Il ressort des pièces du dossier que, par sa décision du 14 novembre 2018, l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser la mise à la retraite d'office de M. A... au double motif que la procédure disciplinaire interne à l'entreprise n'avait pas été respectée et que l'intéressé n'avait pas commis de faute justifiant sa mise à le retraite d'office, chacun de ces motifs étant susceptible de justifier à lui seul le refus d'autorisation de cette mesure. Pour annuler cette décision du 14 novembre 2018 et autoriser la mise à la retraite d'office du salarié pour motif disciplinaire, la ministre du travail, qui avait été saisie d'un recours hiérarchique par les sociétés appelantes, s'est bornée à indiquer, s'agissant du second motif, que l'inspectrice du travail avait commis une erreur d'appréciation en considérant que le refus du salarié d'accepter un changement d'affectation n'était pas établi et que ce changement constituait une modification de son contrat de travail, sans se prononcer sur la légalité du premier motif. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que la ministre avait entaché sa décision d'une erreur de droit.

12. Il résulte de ce qui précède que les sociétés Enedis et Gaz Réseau Distribution France (GRDF) ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort, par le jugement attaqué, que le tribunal administratif a annulé la décision attaquée.

Sur les frais d'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par les sociétés requérantes au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés Enedis et GRDF la somme de 1 500 euros à verser à M. A... au titre des frais de même nature. Aucuns dépens n'ayant été exposés dans la présente instance, les conclusions de M. A... présentées sur le fondement de de l'article

R. 761-1 du code de justice administrative ne sauraient en revanche être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La requête des sociétés Enedis et Gaz Réseau Distribution France (GRDF) est rejetée.

Article 2 : Les sociétés Enedis et Gaz Réseau Distribution France (GRDF) verseront à

M. A... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés anonymes Enedis et Gaz Réseau Distribution France, à M. C... A... et au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Copie en sera adressée au préfet de la région Nouvelle Aquitaine (direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Nouvelle Aquitaine).

Délibéré après l'audience du 22 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Anthony Duplan, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 juin 2023.

Le rapporteur,

Anthony B...

La présidente,

Florence Demurger

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21BX01005


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01005
Date de la décision : 20/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: M. Anthony DUPLAN
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-20;21bx01005 ?
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