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30/05/2023 | FRANCE | N°21BX02479

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 30 mai 2023, 21BX02479


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner la commune de Fort-de-France à lui verser la somme de 50 000 euros en raison des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de faits de harcèlement moral.

Par un jugement n° 2000297 du 12 avril 2021, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juin 2021, et des pièces complémentaires produites le 27 octobre 2021, M. A..

. C..., représenté par Me Celenice, demande à la cour :

1°) de faire droit à sa demande de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner la commune de Fort-de-France à lui verser la somme de 50 000 euros en raison des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de faits de harcèlement moral.

Par un jugement n° 2000297 du 12 avril 2021, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juin 2021, et des pièces complémentaires produites le 27 octobre 2021, M. A... C..., représenté par Me Celenice, demande à la cour :

1°) de faire droit à sa demande de première instance ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Fort-de-France une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... soutient que :

- les premiers juges ont renversé la charge de la preuve des agissements de harcèlement moral dont il est victime de la part de son employeur et ce alors qu'il a apporté des éléments probants en ce sens ; il est dans l'impossibilité d'accéder à son bureau, lequel a été fermé, et a été privé d'ordinateur et de téléphone ; en outre, aucune enquête sociale ne lui est plus confiée et ses fiches de paie, présentées à des interlocuteurs extérieurs, mentionnent l'emploi de chauffeur ; ces agissements portent atteinte à sa dignité ;

- ils ont estimé à tort que son administration n'avait pas méconnu ses obligations en matière de sécurité et de protection de sa santé découlant de l'article L. 4121-1 du code du travail, alors que l'absence de mesures en la matière constitue une faute de son employeur de nature à engager sa responsabilité.

La requête a été communiquée à la commune de Fort-de-France qui n'a pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n°85-603 du 10 juin 1985 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, ont été entendus :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Madelaigue, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., adjoint technique principal, est affecté à la cellule environnement du service hygiène et environnement de la direction hygiène environnement et santé de la commune de Fort-de-France (Martinique). Par une décision du 16 mars 2016, le maire de cette commune a prononcé à son encontre une sanction d'avertissement, qui a été annulée pour vice de forme par un jugement du tribunal administratif de la Martinique du 20 juin 2017, devenu définitif. S'estimant victime depuis lors de mesures de représailles de la part de son employeur, constitutives de faits de harcèlement moral, M. C... a, par courrier du 12 septembre 2019, demandé à la commune de lui payer la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Le maire de la commune qui a accusé réception de ce courrier le 9 novembre 2019, a demandé à l'intéressé de justifier ses propos et d'apporter la preuve des agissements dénoncés. Par un courrier du 7 janvier 2020, reçu le 10 janvier suivant, M. C... a réitéré sa demande indemnitaire. Cette demande étant restée vaine, le requérant a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner la commune de Fort-de-France à lui verser la somme précitée de 50 000 euros en réparation de ses préjudices. M. C... relève appel du jugement du 12 avril 2021 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable au litige, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ".

3. Il appartient à l'agent public, qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., adjoint technique principal, a fait l'objet d'une sanction d'avertissement par une décision du 16 mars 2016 qui a été annulée pour un motif de régularité par un jugement du 20 juin 2017 du tribunal administratif de la Martinique. Le requérant soutient que, à la suite de la contestation de cette mesure disciplinaire, il est victime de mesure de représailles de la part de son employeur et d'agissements constitutifs de harcèlement moral. Contrairement à ce qu'il soutient,

M. C... bénéfice d'un accès au bureau qu'il occupe, à l'instar des autres enquêteurs de son service, dans un local de type " open space ", dont les clés lui ont été remises. Il ressort en outre du rapport établi le 2 février 2017 par le chef de service de l'agent, dont les termes ne sont pas contestés par le requérant, que ce dernier fait preuve d'un comportement inadapté sur son lieu de travail de nature à porter atteinte au bon fonctionnement du service. Il résulte encore de l'instruction que, à la suite de l'annulation prononcée par le jugement précité du 20 juin 2017, la commune de Fort-de-France a, le 18 juillet 2017, pris à l'encontre du requérant une nouvelle sanction d'avertissement qui n'a pas été contestée, pour les mêmes faits d'altercation avec un collègue et de port et utilisation d'une arme blanche. S'il n'est pas contesté que l'intéressé ne dispose plus ni d'un ordinateur ni d'un téléphone, il ressort d'un courrier adressé le 17 juillet 2019 par la directrice hygiène et santé à son supérieur que le retrait de l'ordinateur qui a été réaffecté à un autre agent s'explique par son absence d'utilisation par l'intéressé. Cette mesure prise dans l'intérêt du service, en raison du comportement de l'agent qui refuse d'accomplir les tâches qui lui sont confiées, ne saurait être regardée, dans les circonstances dans lesquelles elle est intervenue, comme ayant excédé le cadre normal du pouvoir d'organisation du service. N'a pas davantage excédé ce cadre la circonstance qu'aucune enquête sociale n'aurait été confiée à l'agent depuis plus de trois ans et demi, et ce alors que la commune produit un autre rapport hiérarchique, daté du 13 juin 2017, non utilement contesté, selon lequel le requérant, à qui d'autres tâches et des formations avaient été proposées, est incapable de mener des enquêtes de façon autonome en raison de son manque de compétences et de problèmes relationnels avec ses collègues. Dans ces conditions, si M. C... produit un certificat médical, établi le 11 décembre 2015 à sa demande, mentionnant un état dépressif et des difficultés professionnelles, ainsi qu'un arrêt de travail daté du 15 janvier 2018 pour un syndrome dépressif, les éléments avancés par l'intéressé ne sont pas de nature à faire présumer l'existence de faits constitutifs de harcèlement moral. La circonstance, invoquée en dernier lieu par M. C..., que le maire de la commune a prononcé à son encontre un blâme qui a à nouveau été annulé par le tribunal administratif de la Martinique par un jugement du 4 octobre 2021 pour un motif de régularité n'est pas davantage susceptible d'en faire présumer l'existence.

6. En second lieu, d'une part, M. C... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail, applicables, en vertu de l'article

L. 4111-1 du même code, aux seuls employeurs de droit privé.

7. D'autre part, aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires alors en vigueur : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail. ". Aux termes de l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985 du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive de la fonction publique territoriale, dans sa rédaction issue du décret n° 2000-542 du 16 juin 2000 : " Les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité. ". Il résulte de ces dispositions que les autorités administratives ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents. Il leur appartient à ce titre, sauf à commettre une faute de service, d'assurer la bonne exécution des dispositions législatives et réglementaires qui ont cet objet.

8. En se bornant à soutenir qu'il est victime de faits de harcèlement moral de la part de son employeur, M. C... n'invoque précisément aucun manquement de l'administration à l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des agents de la commune. Il s'ensuit que sa demande indemnitaire présentée à ce titre doit être rejetée.

9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande indemnitaire. Sa requête doit donc être rejetée dans toutes ses conclusions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la commune de Fort-de-France.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2023 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président de la cour,

Mme Florence Demurger, présidente de la 6ème chambre,

M. Anthony Duplan, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 mai 2023.

Le rapporteur,

Anthony B...

Le président,

Luc Derepas

La greffière,

Catherine JussyLa République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21BX02479


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02479
Date de la décision : 30/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: M. Anthony DUPLAN
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : LABOR etCONCILIUM

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-05-30;21bx02479 ?
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