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30/05/2023 | FRANCE | N°21BX01080

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 30 mai 2023, 21BX01080


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision par laquelle le maire de la commune des Abymes a refusé de lui attribuer la nouvelle bonification indiciaire à compter du 1er mars 2018 en sa qualité de directeur de la Coordination de la vie publique et de condamner la commune à lui verser la somme correspondante, assortie des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1901535 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a fait droit à sa d

emande et enjoint au maire de la commune des Abymes d'accorder à M. D..., par ar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision par laquelle le maire de la commune des Abymes a refusé de lui attribuer la nouvelle bonification indiciaire à compter du 1er mars 2018 en sa qualité de directeur de la Coordination de la vie publique et de condamner la commune à lui verser la somme correspondante, assortie des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1901535 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a fait droit à sa demande et enjoint au maire de la commune des Abymes d'accorder à M. D..., par arrêté d'attribution individuel, la nouvelle bonification indiciaire de 25 points à compter du 1er mars 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 mars et 21 juillet 2021, la commune des Abymes, représentée par Me Heymans, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 15 décembre 2020 ;

2°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune des Abymes soutient que :

- sa requête d'appel est recevable dès lors que l'article R. 421-7 du code de justice administrative, selon lequel le délai de deux mois est augmenté d'un mois pour les personnes qui demeurent en Guadeloupe lorsque la demande est portée devant un tribunal administratif qui a son siège en France métropolitaine, est expressément applicable aux recours introduits en appel devant les cours administratives d'appel qui ont toutes leur siège en France métropolitaine en vertu des articles R. 811-5 et R. 221-7 du même code ;

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il ne vise pas de manière exhaustive les textes sur lesquels il s'est fondé, en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- le tribunal aurait dû rejeter comme irrecevables les conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision du 11 avril 2019 après avoir relevé d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que cette décision était purement confirmative du précédent rejet implicite qui avait été opposé à la première demande d'attribution de la nouvelle bonification indiciaire (NBI), formulée par M. D... le 28 juin 2018, non contestée au contentieux et devenue définitive ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que les fonctions exercées par M. D... lui ouvraient droit au bénéfice de la NBI au regard des conditions posées par les dispositions du I de la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 et du point 11 du tableau n° 1 annexé au décret n° 2006-779 du 3 juillet 2006 en relevant qu'elles présentent, en sus de la fonction d'encadrement, une technicité particulière ; en effet, il ressort de l'examen de sa fiche de poste et de l'organigramme de la structure que l'intéressé n'est pas décisionnaire au sein du pôle " vie publique " ; le poste occupé par le requérant ne requiert ni compétence ni expertise particulière ;

- si l'intéressé s'est prévalu en première instance de la situation d'une collègue de travail percevant la NBI, la cheffe du service de la coordination administrative et financière exerçait des fonctions revêtant une technicité particulière, de sorte que le principe d'égalité n'a pas été méconnu ;

- le moyen tiré de l'insuffisante motivation des actes litigieux est soit inopérant, les textes invoqués par M. A... étant abrogés, soit non fondé, la décision du 11 avril 2019 énonçant les considérations de droit applicables et la décision non datée prise sur recours gracieux explicitant les motifs de fait justifiant le refus de versement de cet avantage indemnitaire.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 mai 2021, M. D..., représenté par Me Bassette-Beaujour, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la commune des Abymes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête d'appel de la commune est tardive à défaut d'avoir été présentée dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement attaqué, le délai d'un mois supplémentaire prévu à l'article R. 421-7 du code de justice administrative n'étant pas applicable devant les cours administratives d'appel ;

- la commune, qui était représentée devant le tribunal administratif, ne saurait opposer pour la première fois en appel une fin de non-recevoir à sa demande de première instance ;

- les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés ;

- il remplit les conditions pour se voir attribuer la nouvelle bonification indiciaire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, ont été entendus :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Madelaigue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Heymans, représentant la commune des Abymes.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., fonctionnaire titulaire du grade d'attaché territorial, a, par courrier du 28 juin 2018, sollicité du maire de la commune des Abymes (Guadeloupe) l'attribution de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) au titre des fonctions de directeur de la coordination " vie publique " qu'il occupe depuis le 1er mars 2018 au sein des services de cette commune. Sa demande ayant été implicitement rejetée, il a, par courrier du 4 février 2019, réitéré sa demande qui a été expressément rejetée par une décision du 11 avril suivant. M. D... a formé un recours gracieux contre cette décision par un courrier du 6 juin 2019 qui a été rejeté par une décision non datée, postée le 7 octobre 2019. M. D... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler cette dernière décision. Par un jugement du 15 décembre 2020, le tribunal a fait droit à sa demande et a enjoint au maire de la commune des Abymes d'accorder à l'intéressé la nouvelle bonification indiciaire de 25 points à compter du 1er mars 2018. La commune des Abymes relève appel de ce jugement.

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. D... à la requête d'appel :

2. L'article R. 811-2 du code de justice administrative dispose : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues par les articles R. 751-3 et R. 751-4. (...) ". Selon l'article R. 811-5 du même code, " les délais supplémentaires de distance prévus à l'article R. 421-7 s'ajoutent aux délais normalement impartis ". Enfin, aux termes de l'article R. 421-7 de ce code : " Lorsque la demande est portée devant un tribunal administratif qui a son siège en France métropolitaine ou devant le Conseil d'Etat statuant en premier et dernier ressort, le délai de recours prévu à l'article R. 421-1 est augmenté d'un mois pour les personnes qui demeurent (...) en Guadeloupe (...) ". Il résulte de ces dispositions que le délai pour introduire une requête d'appel dirigée contre un jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe devant une cour administrative d'appel qui a son siège en France métropolitaine est de trois mois lorsque le requérant demeure sur ce territoire.

3. Il ressort de l'examen du dossier de premier instance que le jugement attaqué a été notifié par le moyen de l'application Télérecours à la commune des Abymes qui en a accusé réception le 16 décembre 2020 à 18h18 et non le 22 décembre 2020 comme soutenu par l'intimé. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la commune appelante, qui se situe sur le territoire de la Guadeloupe, bénéficiait du délai de distance d'un mois supplémentaire prévu à l'article R. 421-7 du code de justice administrative, lequel s'ajoutait au délai d'appel de droit commun de deux mois prévu à l'article R. 811-2 du même code. Dès lors, et contrairement à ce que fait valoir M. D..., la requête d'appel de la commune des Abymes, enregistrée au greffe de la cour le 11 mars 2021, soit dans le délai majoré de trois mois qui lui était imparti pour contester le jugement attaqué, n'est pas tardive.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ". Aux termes de l'article R. 421-2 de ce code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. (...) ". En vertu de l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration, ne sont applicables aux relations entre l'administration et ses agents, ni les dispositions de l'article L. 112-3 de ce code aux termes desquelles : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception ", ni celles de son article L. 112-6 qui dispose que : " les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis (...) ". Enfin, aux termes du 5° de l'article L. 231-4 de ce code, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet dans les relations entre l'administration et ses agents.

5. D'une part, il résulte de ces dispositions qu'en cas de naissance d'une décision implicite de rejet du fait du silence gardé par l'administration pendant la période de deux mois suivant la réception d'une demande, le délai de deux mois pour contester une telle décision implicite court dès sa naissance à l'encontre d'un agent public, alors même que l'administration n'a pas accusé réception de la demande de cet agent, les dispositions de l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration n'étant pas applicables aux agents publics. Ce n'est qu'au cas où, dans le délai de deux mois ainsi décompté, l'auteur de la demande adressée à l'administration reçoit notification d'une décision expresse de rejet qu'il dispose alors, à compter de cette notification, d'un nouveau délai pour effectuer cette contestation.

6. D'autre part, il résulte des mêmes dispositions qu'un requérant n'est pas recevable à contester une décision expresse confirmative d'une décision de rejet devenue définitive. Il en va différemment si la décision de rejet n'est pas devenue définitive, le requérant étant alors recevable à en demander l'annulation dès lors qu'il saisit le juge dans le délai de recours contre la décision expresse confirmant ce rejet. Il en va ainsi lorsque, par son comportement, l'administration a induit en erreur le requérant sur les conditions d'exercice de son droit au recours contre le refus qui lui a été initialement opposé.

7. En premier lieu, le moyen tiré de la tardiveté de la demande de première instance, qui est un moyen d'ordre public, pouvant être soulevé à tout moment, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la commune des Abymes ne peut lui opposer, pour la première fois en appel, le caractère tardif des conclusions à fin d'annulation qu'il a présentées au tribunal administratif de la Guadeloupe.

8. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. D... a saisi le maire de la commune des Abymes, le 28 juin 2018, d'une demande tendant à l'attribution de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) en se prévalant de ce que les fonctions de directeur de la coordination " vie publique " qu'il exerçait depuis le 1er mars 2018 au sein des services de la commune étaient de la nature de celles visées au point 11 du tableau n° 1 annexé au décret n° 2006-779 du 3 juillet 2006 portant attribution de la nouvelle bonification indiciaire à certains personnels de la fonction publique territoriale. Il n'est pas contesté que ce courrier qui porte la mention manuscrite " reçu le 3 juillet 2018 " a été réceptionné à cette date par les services de la commune. Du silence gardé par l'administration sur cette demande pendant deux mois est née une décision implicite de rejet le 3 septembre 2018. En application des dispositions, citées au point 4, de l'article R. 421-2 du code de justice administrative, le délai de recours contre cette décision implicite a couru à compter de cette date pour expirer le

4 novembre 2018. M. D... n'établit ni même n'allègue avoir contesté dans ce délai le rejet implicite qui lui avait été ainsi opposé, auquel ne s'est pas substituée une décision expresse. Cette décision implicite de refus née le 3 septembre 2018 a donc acquis un caractère définitif. Si M. D... a saisi le maire d'une nouvelle demande le 4 février 2019 tendant à l'octroi de la NBI, cette demande qui présentait le même objet que la précédente n'était fondée sur aucune circonstance de fait ou de droit nouvelle. Dans ces conditions, la décision du 11 avril 2019 par laquelle le maire de la commune des Abymes a expressément rejeté cette nouvelle demande devait être regardée comme purement confirmative de la décision implicite du 3 septembre 2018 et n'avait donc pas rouvert le délai de recours contentieux, tout comme la décision non datée, postée le 7 octobre 2019, prise sur recours gracieux et qui ne s'était pas substituée à la décision du 11 avril précédent. Ainsi, la commune des Abymes est fondée, alors même qu'elle n'avait pas opposé de fin de non-recevoir en première instance, à soutenir que le recours de M. D..., enregistré au greffe du tribunal le 26 décembre 2019, était tardif et, par suite, irrecevable.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que la commune des Abymes est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a fait droit à la demande de

M. D....

Sur les frais d'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune des Abymes, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à M. D... une somme au titre des frais non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune présentées sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1901535 du 15 décembre 2020 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la commune des Abymes présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune des Abymes et à M. B... D....

Délibéré après l'audience du 9 mai 2023 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président de la cour,

Mme Florence Demurger, présidente de la 6ème chambre,

M. Anthony Duplan, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 mai 2023.

Le rapporteur,

Anthony C...

Le président,

Luc Derepas La greffière,

Catherine JussyLa République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21BX01080


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01080
Date de la décision : 30/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: M. Anthony DUPLAN
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : BASSETTE BEAUJOUR EVELYNE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-05-30;21bx01080 ?
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