La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/05/2023 | FRANCE | N°21BX00733

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 25 mai 2023, 21BX00733


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Amna a demandé au tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon d'annuler la délibération n°09/2019 du 11 février 2019 par laquelle la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon a décidé d'exercer son droit de préemption sur un immeuble situé 8, place Monseigneur B... à Saint-Pierre.

Par un jugement n° 1900235 du 24 novembre 2020, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a fait droit à sa demande et a annulé cette délibération.

Procédure devant la c

our :

Par une requête enregistrée le 22 février 2021 et un mémoire enregistré le 8 février...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Amna a demandé au tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon d'annuler la délibération n°09/2019 du 11 février 2019 par laquelle la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon a décidé d'exercer son droit de préemption sur un immeuble situé 8, place Monseigneur B... à Saint-Pierre.

Par un jugement n° 1900235 du 24 novembre 2020, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a fait droit à sa demande et a annulé cette délibération.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 février 2021 et un mémoire enregistré le 8 février 2023, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et Miquelon, représentée par Me Blazy, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon du 24 novembre 2020 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de la SCI Amna et de ne pas admettre l'intervention en première instance de M. C... ;

3°) de mettre solidairement à la charge de la SCI Amna et de M. C... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé sur les raisons qui ont conduit les premiers juges à considérer que la délibération du 6 octobre 2017 en tant qu'elle modifie l'article 33 du règlement d'urbanisme local (RUL) ne se bornait pas à délimiter le droit de préemption mais revêtait un caractère règlementaire en comportant des dispositions normatives nouvelles ;

- le tribunal en statuant sur des conclusions dont il n'était pas saisi a entaché son jugement d'irrégularité ;

- la demande de la SCI Amna était manifestement irrecevable, faute pour celle-ci de justifier d'un intérêt à agir dès lors que l'acquéreur évincé mentionné dans la déclaration d'intention d'aliéner était M. C... ; la SCI Amna ne peut davantage se prévaloir de sa qualité de contribuable local ;

- l'intervention volontaire de M. C... au soutien des conclusions de la SCI Amna était irrecevable par voie de conséquence de l'irrecevabilité de la demande de la SCI Amna ;

- l'exception d'inconstitutionnalité du règlement d'urbanisme local tel que modifié par la délibération n°273-2017 du 6 octobre 2017 du Conseil territorial est irrecevable et infondée ;

- l'exception d'illégalité de la délibération du 6 octobre 2017 fixant le périmètre du droit de préemption urbain qui n'a pas le caractère d'un acte règlementaire ne peut plus être invoquée après expiration du délai de recours contentieux ;

- la couverture par le droit de préemption de l'ensemble du territoire de la collectivité ne saurait être considérée, en elle-même, comme une atteinte disproportionnée au droit de propriété ; la collectivité étant propriétaire d'une grande partie du territoire, la modification apportée par l'article 33 du RUL n'a eu pour effet que d'étendre d'environ 5 % le territoire soumis au droit de préemption et couvre pour l'essentiel des zones urbaines ; l'institution d'un tel droit traduit la poursuite d'un intérêt général lié à la mise en œuvre d'opération d'aménagement du territoire sur l'archipel, en cohérence avec le plan de prévention des risques littoraux de l'Etat, le schéma de développement stratégique (SDS) et le schéma territorial d'aménagement et d'urbanisme (STAU) à venir ;

- la rédaction de la délibération du 6 octobre 2017 qui conditionne l'exercice du droit de préemption à l'existence d'un motif d'intérêt général et prévoit des garanties suffisantes tant pour le propriétaire que l'acquéreur est conforme aux exigences constitutionnelles ; le contrôle du motif d'intérêt général invoqué par la collectivité territoriale pour exercer son droit de péremption ne relève pas du contrôle de constitutionnalité mais du contrôle de légalité ;

- il y a lieu d'écarter les autres motifs soulevés par la SCI Amna par la voie de l'effet dévolutif ;

- la délibération du 11 février 2019 est suffisamment motivée ;

- le vice de procédure tiré de l'absence de notification de la décision de péremption dans un délai de deux mois au propriétaire de l'immeuble préempté ainsi qu'au représentant de l'Etat manque en fait ;

- la délibération du 11 février 2019 ne contient aucune erreur substantielle quant à l'objet du droit de péremption qu'elle met en œuvre ;

- le moyen tiré de l'illégalité de la délibération du 11 février 2019 par exception d'inconstitutionnalité de la délibération du 6 octobre 2017 en tant qu'elle porte une atteinte disproportionnée aux principes de liberté contractuelle et de sécurité juridique est irrecevable et infondée eu égard aux garanties entourant l'exercice du droit de péremption dans le RUL ;

- le moyen tiré de ce que la délibération du 11 février 2019 serait entachée d'erreur de droit au motif que le projet sur la base duquel la décision a été prise n'aurait pas existé antérieurement est infondé et manque en fait eu égard au projet antérieur de la collectivité de regrouper ses services en un lieu unique pour faciliter le fonctionnement des services et éviter des dépenses importantes de loyers ;

- ce projet de regrouper en un lieu unique l'ensemble des services de la collectivité répond à un motif d'intérêt général suffisant, de sorte que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2022, la SCI Amna et M. C..., représentés par Me Maujeul et Me Tragin, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la Collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le règlement d'urbanisme local de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Birsen Sarac-Deleigne,

- et les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 11 février 2019, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon a préempté un immeuble situé 8, place Monseigneur B... à Saint-Pierre. Saisi par la SCI Amna, acquéreur évincé, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a, par un jugement du 24 novembre 2020, annulé cette délibération. La collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 74 de la Constitution : " Les collectivités d'outre-mer régies par le présent article ont un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d'elles au sein de la République. Ce statut est défini par une loi organique, adoptée après avis de l'assemblée délibérante, qui fixe : - les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables ; -les compétences de cette collectivité ; sous réserve de celles déjà exercées par elle, le transfert de compétences de l'Etat ne peut porter sur les matières énumérées au quatrième alinéa de l'article 73, précisées et complétées, le cas échéant, par la loi organique (...) ". La possibilité pour la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon d'intervenir en matière législative en application de l'article LO 6414-1 du code général des collectivités territoriales est sans influence sur la nature de ses délibérations qui demeurent de nature réglementaire. En application des articles LO 6451-1 et LO 6451-3 du code général des collectivités territoriales, les délibérations du conseil territorial prises en matière réglementaire sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication au Journal officiel de Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'État.

3. Aux termes de 1'article LO 6414-1 du même code : " (...) II. - La collectivité fixe les règles applicables dans les matières suivantes : (...) / 3° Urbanisme ; construction ; habitation ; logement ; (...) ". Par une délibération n° 273/2017 du 6 octobre 2017, le conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon a abrogé le livre du II du règlement d'urbanisme local en ses articles 33 à 37 et l'a remplacé par un livre II intitulé " Droit de préemption " dont les dispositions sont reprises aux articles 33 à 37. Aux termes de l'article 33 de ce règlement d'urbanisme local : " Il est institué un droit de préemption au bénéfice de la Collectivité Territoriale sur l'ensemble du territoire de Saint-Pierre et Miquelon. / Sont soumis à ce droit de préemption / 1° Tout immeuble ou ensemble de droits sociaux donnant vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance d'un immeuble ou d'une partie d'immeuble, bâti ou non bâti, lorsqu'ils sont aliénés, à titre onéreux, sous quelque forme que ce soit, / 2° Les cessions de droits indivis portant sur un immeuble ou une partie d'immeuble, bâti ou non bâti. / 3° Les cessions de la majorité des parts d'une société civile immobilière ou les cessions conduisant un acquéreur à détenir la majorité des parts de ladite société, lorsque le patrimoine de cette société est constitué par une unité foncière, bâtie ou non, dont la cession serait soumise au droit de préemption. / Le droit de préemption peut être délégué à un établissement public de la Collectivité, conformément à sa compétence, par délibération du Conseil Territorial. ".

4. Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif a annulé la délibération du 11 février 2019 sur le fondement de l'inconstitutionnalité, soulevée par voie d'exception, de la délibération du conseil territorial du 6 octobre 2017 instaurant un droit de préemption de la collectivité territoriale sur l'ensemble du territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon, au motif de l'atteinte excessive qu'elle porterait au droit de propriété.

5. L'illégalité de l'acte instituant un droit de préemption urbain peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision de préemption. Toutefois, cet acte, qui se borne à rendre applicables dans la zone qu'il délimite les dispositions législatives et réglementaires régissant l'exercice de ce droit, sans comporter lui-même aucune disposition normative nouvelle, ne revêt pas un caractère réglementaire et ne forme pas avec les décisions individuelles de préemption prises dans la zone une opération administrative unique comportant un lien tel qu'un requérant serait encore recevable à invoquer par la voie de l'exception les illégalités qui l'affecteraient, alors qu'il aurait acquis un caractère définitif.

6. La SCI Amna et M. C... soutiennent qu'en instituant au profit de la collectivité territoriale un droit de préemption " ex nihilo " sur l'ensemble du territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon, sans aucune distinction, la délibération du 6 octobre 2017 porte atteinte au droit de propriété constitutionnellement garanti.

7. Il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport de présentation au conseil territoriale de la délibération du 6 octobre 2017, qu'afin de permettre une meilleure politique d'aménagement de son territoire, le conseil territorial a décidé de modifier les conditions d'exercice du droit de préemption, lequel s'exerçait à l'intérieur des zones d'interventions foncières telles que définies à l'article 33 et dans les conditions prévues aux articles 36 à 37 du règlement d'urbanisme local, pour permettre son exercice par la collectivité territoriale sur l'ensemble du territoire de la collectivité. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les intimés, l'article 33 du règlement d'urbanisme local modifié en tant qu'il délimite la zone de préemption sur l'ensemble du territoire de la collectivité ne détermine aucune règle nouvelle de nature règlementaire. Il ressort des pièces du dossier que la délibération en litige qui a été transmise au représentant de l'Etat le 12 octobre 2017 et publiée le même jour était définitive à la date de la délibération du 11 février 2019, ce qu'au demeurant les intimés ne contestent pas. Dès lors, ces derniers n'étaient pas recevables à exciper de l'illégalité de la délibération du 6 octobre 2017 en tant qu'elle modifie l'article 33 du règlement d'urbanisme local pour instituer un droit de préemption sur l'ensemble du territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon, et par suite de son inconstitutionnalité, à l'appui de leur demande d'annulation de la délibération du 11 février 2019. La collectivité territoriale appelante est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a annulé pour ce motif la délibération du 11 février 2019.

8. Il appartient à la cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance contre la décision en litige.

9. Aux termes de l'article 34 : " Toute aliénation visé à l'article 33 est subordonnée à la déclaration prévue à l'article 35 à peine de nullité (...) ". Aux termes de l'article 36 du règlement : " Le titulaire du droit de péremption dispose d'un délai de deux mois pour notifier au propriétaire (...) da décision d'acquérir aux prix et conditions proposées par le vendeur. (...) ". Aux termes de l'article 37 de ce règlement : " L'exercice ou l'absence d'exercice du droit de préemption fait l'objet d'une délibération du Conseil Territorial, et peut faire 1'objet d'une délégation au Conseil Exécutif, dans un délai de deux mois à compter de la saisine du ou des titulaires du droit de préemption. Le Conseil Exécutif peut se voir déléguer cette compétence. La décision de préemption doit mentionner le motif d'intérêt général justifiant son intervention. La collectivité territoriale peut également préempter pour 1'un des motifs suivants /- Constitution de réserves foncières /- Protection d'une zone d'intérêt agricole, environnemental ou patrimonial /-Reconstitution d'un seul tènement de zones dont la Collectivité est propriétaire / (...) ".

10. En premier lieu, la délibération du 11 février 2019, vise les dispositions applicables du règlement d'urbanisme local, et en particulier les articles 33 à 37 et rappelle les demandes d'acquisition par la collectivité des bâtiments situés à proximité de l'Hôtel du Territoire afin d'y héberger ses services, et afin de procéder à leur regroupement en un seul lieu. Elle précise qu'il convient de procéder à l'acquisition de l'immeuble cadastré SBK n°79 par l'exercice du droit de préemption afin d'y installer des services de la collectivité à proximité directe de l'Hôtel du Territoire. Ainsi, la décision qui fait clairement apparaître la nature du projet poursuivi est suffisamment motivée.

11. En deuxième lieu, il ressort des mentions apposées sur la délibération du 11 février 2019, que celle-ci a été transmise le 12 février 2019 aux services de la préfecture, qui l'ont reçue le même jour. Par ailleurs, il ressort des pièces produites par la collectivité territoriale, que sa décision de préempter l'immeuble concerné a également été notifiée conformément aux dispositions de l'article 36 du règlement au propriétaire du bien préempté par une lettre recommandée avec accusé de réception du 13 février 2019. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

12. En troisième lieu, l'article 1er de la délibération du 11 février 2019 dispose que : " La collectivité Territoriale exerce son droit de péremption sur la vente projetée entre la CEPAC et M. A... C... pour l'immeuble situé à Saint-Pierre, 8 place Monseigneur B..., cadastre BK n°79 pour un montant de 230 000 € (deux cent trente mille euros) ". Si ainsi que le soutiennent les intimés, l'objet du droit de préemption ne peut porter sur une vente mais seulement sur une parcelle ou un immeuble, cette maladresse rédactionnelle est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Par ailleurs, si cet article mentionne à tort M. C... comme acquéreur, il ressort des pièces du dossier et notamment des échanges entre M. C..., gérant de la SCI Amna et la Caisse d'épargne Provence Alpes Côte d'Azur, vendeur du bien préempté ainsi que des courriers adressés au notaire que c'est bien la SCI Amna qui s'est portée acquéreur du bien préempté et que l'erreur matérielle sur l'identité de l'acquéreur dans la déclaration d'intention d'aliéner du 3 janvier 2019 établie par le notaire et reprise dans la décision contestée n'est pas imputable à la collectivité. Cette mention n'est en tout état de cause pas constitutive d'une irrégularité relative à l'objet du droit de préemption. Par suite, le moyen doit être écarté.

13. En quatrième lieu, le moyen tiré de l'exception d'inconstitutionnalité de la délibération du 6 octobre 2017 en tant qu'elle instaure un droit de préemption sur l'ensemble du territoire de la collectivité qui serait de nature à porter une atteinte disproportionnée aux principes de liberté contractuelle et de sécurité juridique est irrecevable pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 du présent arrêt.

14. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon a manifesté dès l'année 2016 sa volonté de rationaliser ses espaces de bureau par la construction d'un nouvel Hôtel de territoire, lequel a fait l'objet d'un appel d'offres auquel trois sociétés gérées par M. C... auraient, au demeurant, candidaté selon la collectivité. Il ressort des pièces du dossier que le projet d'Hôtel du territoire ayant été abandonné en raison de son coût, la collectivité a entrepris la centralisation de ses services par l'acquisition des immeubles à proximité immédiate de l'Hôtel du territoire. Ainsi, outre l'immeuble objet de la délibération du 11 février 2019, acquis le 19 mars 2019 au prix fixé par le vendeur, la collectivité a acquis auprès de la Mission Catholique selon un acte de vente du 9 mars 2020, un autre immeuble situé 9, place Monseigneur B... sur un terrain cadastré section BK n°80 et a lancé en juin 2019, et attribué un appel d'offres pour un marché de prestations intellectuelles portant sur une mission de programmation pour la réhabilitation des bâtiments concernés. Ainsi, la réalité du projet pour lequel le droit de préemption est exercé est suffisamment établie à la date de la décision attaquée. L'occupation temporaire, pendant une période de trois mois, de l'immeuble préempté pour les besoins du tournage d'un film n'est pas de nature à remettre en cause la réalité et l'antériorité du projet de la collectivité.

15. En sixième lieu, l'exercice du droit de préemption sur l'immeuble en litige est justifié, dans la délibération du 11 février 2019 par la volonté d'y installer des services de la collectivité à proximité directe de l'Hôtel du territoire. La collectivité territoriale soutient sans être utilement contredite que le regroupement de ses services, actuellement dispersés et sources de charges locatives importantes permettra une meilleure gestion des deniers publics tout en permettant une amélioration des conditions d'exercice de ses compétences. Un tel projet qui permettra en outre une meilleure accessibilité des usagers aux services publics, présente bien un caractère d'intérêt général. Par suite, les moyens tirés de l'absence d'intérêt général suffisant du motif de péremption et de l'erreur d'appréciation doivent être écartés.

16. En dernier lieu, en se bornant à soutenir que l'immeuble préempté ne permettra pas d'accueillir l'ensemble des services de la collectivité territoriale, la société requérante n'établit pas le détournement de pouvoir allégué.

17. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer ni sur la régularité du jugement ni sur la recevabilité de la demande et de l'intervention de première instance, que la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé la délibération du 11 février 2019.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la collectivité territoriale, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la SCI Amna au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre solidairement à la charge de la SCI Amna et de M. C..., le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.

.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon du 24 novembre 2020 est annulé.

Article 2 : La demande de la SCI Amna présentée devant le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon est rejetée.

Article 3 : La SCI Amna et M. C... verseront solidairement une somme de 1 500 euros à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, à la SCI Amna, à la Caisse d'Epargne Provence Alpes Corse et à M. A... C....

Délibéré après l'audience du 4 mai 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023.

La rapporteure,

Birsen Sarac-DeleigneLe président,

Jean-Claude PauzièsLa greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au préfet de Saint-Pierre-et-Miquelon en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°21BX00733


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00733
Date de la décision : 25/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : BLAZY SOPHIE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-05-25;21bx00733 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award