Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin d'annuler les titres exécutoire n° 86, 87 et 89 émis par le directeur général de l'établissement portuaire de Saint-Martin (EPSM) le 25 septembre 2020 en vue de recouvrer la somme totale de 5 018,30 euros au titre de l'indemnité d'occupation du domaine public portuaire de son navire " Yellow Wip " amarré à la marina Fort Louis, ou, à titre subsidiaire, de réduire le montant de la somme mise à sa charge à hauteur de 4 862,21 euros.
Par un jugement n° 2000108 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif de Saint-Martin a annulé ces titres exécutoires " en tant qu'ils portent sur la somme de 5,10 euros " et rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 décembre 2021, M. A..., représenté par Me André, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Saint-Martin du 21 octobre 2021 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;
2°) à titre principal, d'annuler les titres exécutoires n° 89 d'un montant de 4 975,44 euros, n° 87 d'un montant de 5,10 euros et n° 86 d'un montant de 37,76 euros émis le 31 décembre 2019 ;
3°) à titre subsidiaire, de réduire le montant du titre n° 89 à la somme de 4 862,21 euros correspondant au montant de la facture n° 21906900 du 30 décembre 2019 relative au bateau Yellow Wip ;
4°) de mettre à la charge de l'établissement portuaire de Saint-Martin la somme de
3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'établissement portuaire de Saint-Martin ne dispose pas de la capacité juridique pour émettre les titres exécutoires litigieux dès lors qu'en l'absence de publication des annexes et plans qui auraient dû être joints aux délibérations des 20 décembre 2007 et 24 juin 2010, il n'est pas établi que la marina de Fort Louis serait incluse dans le périmètre de sa compétence territoriale ;
- il résulte de la lecture combinée des articles L. 5311-1 du code général de la propriété des personnes publiques et LO 6314-3 du code général des collectivités territoriales que les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la gestion des ports ne sont pas applicables à la collectivité de Saint-Martin ;
- l'établissement portuaire de Saint-Martin ne saurait lui facturer un droit d'amarrage et de mouillage en l'absence de signature d'une convention d'amarrage et d'une réglementation applicable permettant de déterminer un prix pour le stationnement de son navire ;
- dès lors qu'une seule facture d'un montant de 4 862,21 euros a été produite par la collectivité, le titre n° 89 d'un montant de 4 975,44 euros n'apparaît pas justifié pour la totalité de son montant et les titres n° 87 et 86 d'un montant respectifs de 5,10 euros et 37,76 euros sont dénués de tout fondement.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 août 2022, l'établissement portuaire de Saint-Martin, représenté par Me Cloix, conclut au rejet de la requête et à la mise à charge de M. A... de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'établissement public fait valoir que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique:
- le rapport de Mme B... D...,
- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le directeur général de l'établissement portuaire de Saint-Martin a émis le
25 septembre 2020 les titres exécutoires n° 86, 87 et 89, de montants respectifs de 37,76 euros, 5,10 euros et 4 975,44 euros en vue du recouvrement des indemnités d'occupation du domaine public portuaire pour l'année 2019 et les mois de janvier et février 2020 dues par M. C... A..., propriétaire d'un navire dénommé " Yellow Wip " d'une longueur de 39 pieds amarré dans la Marina de Fort Louis sur le territoire de la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin. M. A... a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin d'annuler ces titres exécutoires ou, à titre subsidiaire, de réduire le montant de la créance à la somme de 4 862,21 euros. M. A... relève appel du jugement du 21 octobre 2021 en tant que le tribunal administratif de Saint-Martin, après avoir " annulé les titres exécutoires en tant qu'ils portent sur une somme de 5,10 euros ", a rejeté le surplus de ses conclusions.
Sur la régularité des titres exécutoires :
2. Il résulte de l'instruction que par une délibération n° CT 6-2-2007 du 20 décembre 2007, la collectivité de Saint-Martin a approuvé la création d'un établissement public local doté de l'autonomie financière et de la personnalité morale pour la gestion du Port de Galisbay et tous les ports annexés à cette délibération. Il résulte des statuts adoptés le 13 février 2008 par le conseil d'administration de cet établissement en application de l'article 2 de cette délibération de 2007 que l'établissement public local devenu établissement portuaire de Saint-Martin (EPSM) est chargé de la gestion du développement et la promotion des sites portuaires de la collectivité. S'il n'est pas contesté que la délibération du 20 décembre 2007 ne comportait aucune annexe incluant le port de Fort Louis, il résulte de l'article 2 de la délibération n° CT 29-12-2010 du 24 juin 2010 que les limites de la circonscription du port de Saint-Martin comprennent conformément aux plans annexés à cette délibération la baie de Marigot à l'intérieur de laquelle se trouve la marina Fort Louis. Si le requérant soutient que le plan produit par l'EPSM et présenté comme étant celui annexé à la délibération du 24 juin 2010, ne correspond pas au plan extrait du site internet de la collectivité par l'huissier mandaté par ses soins, en tout état de cause, les deux plans démontrent sans ambiguïté que la Marina Fort Louis, située dans la baie de Marigot, est incluse dans les limites administratives du port de Saint-Martin et donc du périmètre de compétence territoriale de l'établissement portuaire de Saint-Martin. Par ailleurs, par les délibérations n° CT-15-04-2018 du 14 novembre 2018 et n° CE 058-15-2018 du 19 décembre 2018, la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin a approuvé la reprise en régie par l'établissement portuaire de Saint-Martin, de l'exploitation des marinas Fort Louis et Port La Royale à compter du 1er janvier 2019. Dans ces conditions, l'établissement portuaire de Saint-Martin, qui est doté d'un agent comptable en vertu de l'article 16 de ses statuts était bien compétent, en sa qualité de gestionnaire de la Marina Fort Louis à compter du 1er janvier 2019, pour prendre les titres exécutoires en litige. Par suite, le moyen doit être écarté.
Sur le bien-fondé des titres exécutoires en litige :
3. En premier lieu, en vertu de l'article LO 6313-1 du code général des collectivités territoriales : " Les dispositions législatives et réglementaires sont applicables de plein droit à Saint-Martin, à l'exception de celles intervenant dans les matières qui relèvent (...) de la compétence de la collectivité en application de l'article LO 6314-3. (...) ", aux termes duquel figure notamment " le droit domanial et des biens de la collectivité ". Aux termes de l'article LO 6313-4 du même code : " Les lois, ordonnances et décrets intervenus avant l'entrée en vigueur de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer dans des matières qui relèvent de la compétence des autorités de la collectivité peuvent être modifiés ou abrogés, en tant qu'ils s'appliquent à Saint-Martin, par les autorités de la collectivité selon les procédures prévues par le présent livre. / Lorsqu'elles usent de la faculté qui leur est offerte par le premier alinéa, les autorités de la collectivité doivent prononcer l'abrogation expresse de la disposition législative ou réglementaire précédemment en vigueur et procéder à l'édiction formelle d'une nouvelle disposition. " Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les dispositions législatives ou réglementaires adoptées avant l'entrée en vigueur de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 et qui régissent un domaine qui relève de la compétence de la collectivité en application de cette loi organique restent applicables dans cette collectivité jusqu'à leur abrogation expresse par celle-ci.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique (...) ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous (...) ". L'article L. 2125-1 du même code prévoit que : " Toute occupation ou utilisation du domaine public (...) donne lieu au paiement d'une redevance (...) ". Selon l'article L. 2125-3 du même code : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation ". Ces dispositions, entrées en vigueur le 1er juillet 2006 et non expressément abrogées par la collectivité territoriale de Saint-Martin, sont contrairement à ce que soutient le requérant, applicables à Saint-Martin.
5. Il résulte de ces dispositions que, conformément aux principes applicables au domaine public, le gestionnaire d'une dépendance du domaine public est fondé à réclamer à l'occupant sans titre de son domaine public, au titre de la période d'occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu'il aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période. À cette fin, il doit rechercher le montant des redevances qui auraient été appliquées si l'occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l'occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu'aurait pu produire l'occupation régulière de la partie concernée du domaine public.
6. Il résulte de l'instruction que M. A... a pu bénéficier de la SEMSAMAR, à qui la gestion de la marina de Fort Louis avait été confiée, d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public expirant le 31 décembre 2018 pour amarrer son bateau. Par une délibération du 19 décembre 2018, le conseil exécutif de la collectivité territoriale de Saint-Martin a approuvé le transfert au 1er janvier 2019 de la gestion, en régie, de plusieurs marinas dont celle de Fort Louis, jusqu'alors confiée à la SEMSAMAR au profit de l'établissement portuaire de Saint-Martin. Alors que l'autorisation d'occupation temporaire précitée n'a pas pu être renouvelée en raison du retard pris dans la rédaction des nouvelles conventions, M. A... ne conteste pas avoir continué de stationner son bateau durant toute l'année 2019 dans la marina sans droit ni titre. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que le nouveau gestionnaire a décidé de maintenir pour la période comprise entre le 1er janvier 2019 et le 31 mars 2020, les tarifs de mouillages fixés par la SEMSAMAR, lesquels ont fait l'objet d'un affichage. Dans ces conditions, l'établissement portuaire de Saint-Martin pouvait légalement exiger le paiement d'une indemnité compensant cette occupation irrégulière, correspondant en l'espèce, selon le principe énoncé au paragraphe précédent au forfait mensuel de mouillage à quai par un bateau selon sa longueur, tel qu'arrêté par l'établissement portuaire de Saint-Martin ainsi que le paiement des différentes prestations réalisées par l'établissement, telles que la fourniture d'énergie et d'eau. Ces montants étaient par ailleurs détaillés dans des factures adressées à M. A..., établies les 30 et 31 décembre 2019 pour un montant total de 4 975,44 euros, correspond au titre exécutoire en litige n° 89 et les 30 janvier et 29 février 2020 pour un montant total de 37,76 euros, correspondant au titre exécutoire n° 86. En revanche, l'établissement portuaire ne produit aucun élément justifiant de l'émission du titre exécutoire n° 87 pour un montant de 5,10 euros, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par l'établissement portuaire. Par suite, M. A... est fondé seulement à demander l'annulation de ce titre.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Martin a annulé les titres exécutoires en litige " en tant qu'ils portent sur la somme de 5,10 euros " et rejeté le surplus de ses conclusions.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement portuaire de Saint-Martin, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'établissement portuaire de Saint-Martin et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera la somme de 1 500 euros à l'établissement portuaire de Saint-Martin en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à l'établissement portuaire de Saint-Martin.
Une copie sera adressée au directeur territorial des finances publiques de
Saint-Martin.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2023 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2023.
La rapporteure,
Birsen D...
Le président,
Jean-Claude PauzièsLa greffière,
Marion Azam-MarcheLa République mande et ordonne au préfet délégué auprès du représentant de l'État dans les collectivités territoriales des Saint-Barthélemy et de Saint-Martin en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX04558 2