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18/04/2023 | FRANCE | N°21BX02153

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 18 avril 2023, 21BX02153


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision par laquelle le maire de C... a implicitement rejeté sa demande d'avancement au grade d'adjoint technique principal de 2ème classe.

Par un jugement n° 1902339 du 23 mars 2021, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 mai 2021 et le 28 janvier 2022, M. E..., représenté par Me Grimaldi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement

n° 1902339 du tribunal ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet en litige ;

3°) d'enjoindre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision par laquelle le maire de C... a implicitement rejeté sa demande d'avancement au grade d'adjoint technique principal de 2ème classe.

Par un jugement n° 1902339 du 23 mars 2021, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 mai 2021 et le 28 janvier 2022, M. E..., représenté par Me Grimaldi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1902339 du tribunal ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet en litige ;

3°) d'enjoindre à la commune de C... de procéder à son avancement au grade d'adjoint technique principal de 2ème classe dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'avancement de grade des fonctionnaires bénéficiaires, comme lui, d'une décharge totale d'activité à raison de l'exercice d'activités syndicales est régi par les dispositions de l'article 23 bis de la loi du 13 juillet 1983, créé par la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits des fonctionnaires ; la loi prévoit un avancement de plein droit au profit de ces fonctionnaires sous la réserve qu'ils remplissent les conditions statutaires pour prétendre à cet avancement ; il s'agit d'un dispositif dérogatoire aux règles de droit commun sur l'avancement qui est destiné à lutter contre la discrimination syndicale au sein de la fonction publique ;

- il remplit les conditions d'ancienneté moyenne dans le grade pour prétendre à l'avancement sollicité ; il appartiendrait à la commune, si elle le conteste, de produire les éléments établissant qu'il ne remplit pas les conditions légales lui permettant de bénéficier de l'avancement ;

- dès lors qu'il remplit toutes les conditions pour bénéficier de l'avancement de grade, le maire ne pouvait rejeter sa demande ;

- l'interdiction des nominations pour ordre ne fait pas obstacle à l'avancement de grade d'un fonctionnaire en position de décharge totale de service pour l'exercice d'activités syndicales ; c'est ce qui est explicitement prévu par les dispositions de l'article 12, deuxième alinéa, de la loi du 13 juillet 1983 ; en tout état de cause, un poste d'adjoint technique avait été créé au sein de la commune dès 2019 ; il pouvait être pourvu par un agent titulaire du grade d'adjoint technique principal de 2ème classe ;

- le droit à bénéficier d'un avancement de grade se fonde sur le principe de l'interdiction de toute discrimination à raison de l'exercice d'activités syndicales prohibée par l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2021, la commune de C..., représentée par Me Lhomy, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du requérant la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2006-1691 du 22 décembre 2006 ;

- le décret n° 2016-596 du 12 mai 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... B...,

- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,

- et les observations de M. E... et de Me Camps représentant.la commune de C....

Considérant ce qui suit :

1. M. E... est adjoint technique territorial employé par les services de la commune de C... depuis le 1er septembre 2008. Il a exercé concomitamment des missions syndicales et des fonctions au sein des services techniques de la commune jusqu'au 1er février 2013, date à laquelle il a bénéficié d'une décharge totale d'activité en qualité de secrétaire départemental syndical. Par courrier du 2 juillet 2019, M. E... a demandé au maire de C... le bénéfice d'un avancement au grade d'adjoint technique territorial principal de 2ème classe. Le maire a rejeté cette demande par une décision implicite dont M. C... a demandé l'annulation au tribunal administratif de Pau. Par un jugement rendu le 23 mars 2021, dont M. E... relève appel, le tribunal a rejeté cette demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 79 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, en vigueur à la date de la décision attaquée : " L'avancement de grade (...) a lieu suivant l'une ou plusieurs des modalités ci-après : 1° (...) au choix par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents (...) ". Aux termes de l'article 23 bis de la loi du 13 juillet 1983, issu de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires : " I. - Sous réserve des nécessités du service, le fonctionnaire (...) qui, pour l'exercice d'une activité syndicale, bénéficie d'une décharge d'activité de services ou est mis à la disposition d'une organisation syndicale, est réputé conserver sa position statutaire. II. - Le fonctionnaire qui bénéficie, depuis au moins six mois au cours d'une année civile, de l'une des mesures prévues au I et qui consacre la totalité de son service à une activité syndicale a droit, dès la première année, à l'application des règles suivantes : (...) 3° Lorsqu'il réunit les conditions fixées par le statut particulier de son corps ou cadre d'emplois pour bénéficier d'un avancement de grade au choix, ce fonctionnaire est inscrit, de plein droit, au tableau d'avancement de grade, au vu de l'ancienneté acquise dans ce grade et de celle dont justifient en moyenne les fonctionnaires titulaires du même grade relevant de la même autorité de gestion et ayant accédé, au titre du précédent tableau d'avancement et selon la même voie, au grade supérieur. (...) V. - Les compétences acquises dans l'exercice d'une activité syndicale sont prises en compte au titre des acquis de l'expérience professionnelle. ".

3. Il résulte des dispositions précitées que les fonctionnaires bénéficiant d'une décharge totale de service pour l'exercice d'un mandat syndical sont inscrits de plein droit au tableau d'avancement de grade, au vu de l'ancienneté acquise dans le grade et de celle dont justifient en moyenne les fonctionnaires titulaires du même grade relevant de la même autorité de gestion et ayant accédé, au titre du précédent tableau d'avancement et selon la même voie, au grade supérieur. Les compétences acquises par ces fonctionnaires durant l'exercice de leur activité syndicale sont prises en compte au titre des acquis de l'expérience professionnelle.

4. En vertu du deuxième alinéa de l'article 11 du décret du 22 décembre 2006, portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux, l'avancement au grade d'adjoint technique territorial principal de 2ème classe s'effectue selon les conditions prévues par l'article 12-1 du décret du 12 mai 2016 relatif à l'organisation des carrières des fonctionnaires de catégorie C de la fonction publique territoriale. Aux termes de l'article 12-1 de ce décret : " L'avancement à partir d'un grade situé en échelle de rémunération C1 dans un grade situé en échelle de rémunération C2 s'opère selon les modalités suivantes : 1° Soit par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, après une sélection par la voie d'un examen professionnel ouvert aux agents relevant d'un grade situé en échelle C1 ayant atteint le 4e échelon et comptant au moins trois ans de services effectifs dans ce grade (...) ; 2° Soit par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement établi, au choix, après avis de la commission administrative paritaire, parmi les agents relevant d'un grade situé en échelle C1 ayant au moins un an d'ancienneté dans le 5e échelon et comptant au moins huit ans de services effectifs dans ce grade (...) ; 3° Soit par combinaison des modalités définies au 1° et au 2°. (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier qu'en juillet 2016, M. E... a été admis à l'examen professionnel pour l'accès au grade d'adjoint technique territorial de première classe, lequel a été supprimé et remplacé par celui d'adjoint technique territorial principal de 2ème classe par le décret du 12 octobre 2016 modifiant, pour la fonction publique territoriale, certaines dispositions générales relatives aux fonctionnaires de catégorie C. Par ailleurs, M. E..., qui est situé en échelle de rémunération C1 au 9ème échelon de son grade, justifie d'une ancienneté de onze années à la date de la décision implicite de rejet en litige.

6. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est nullement contesté par la commune, que M. E... justifie, dans l'exercice des fonctions syndicales qu'il assume depuis 2008, et à temps plein depuis le 1er février 2013 en qualité de secrétaire départemental syndical, de compétences qui doivent être prises en compte au titre de son expérience professionnelle conformément aux dispositions du V de l'article 23 bis de la loi du 13 juillet 1983 citées au point 2.

7. Par ailleurs, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. Au cas d'espèce, alors que M. E... justifie d'une ancienneté de onze années dans son grade, la commune de C... ne produit aucun élément permettant d'estimer que les fonctionnaires du même grade qu'elle emploie auraient eu, avant leur avancement au grade d'adjoint technique territorial principal de 2ème classe lors du précédent tableau d'avancement, une ancienneté moyenne supérieure à celle de l'intéressé.

8. Il résulte de ce qui précède que M. E... remplissait les conditions, prévues au II de l'article 23 bis de la loi du 13 juillet 1983, pour bénéficier d'un avancement au grade d'adjoint technique territorial principal de 2ème classe.

9. Enfin, il découle des dispositions de l'article 79 de la loi du 26 janvier 1984 et de l'article 12-1 du décret du 12 mai 2016, citées aux points 2 et 4, que l'avancement au grade d'adjoint technique territorial principal de 2ème classe a lieu par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement. Par ailleurs, le troisième alinéa de l'article 12 de la loi du 13 juillet 1983 prévoit que " Toute nomination ou toute promotion dans un grade qui n'intervient pas exclusivement en vue de pourvoir à un emploi vacant et de permettre à son bénéficiaire d'exercer les fonctions correspondantes est nulle. Toutefois, le présent alinéa ne fait pas obstacle à la promotion interne d'agents qui, placés dans la position statutaire prévue à cette fin, sont soumis aux II et III de l'article 23 bis de la présente loi ". En application de ces dernières dispositions, la circonstance, à la supposer d'ailleurs établie, que la commune de C... n'aurait pas disposé d'emploi vacant susceptible d'être occupé par un adjoint technique principal de 2ème classe, au cours de l'année au titre de laquelle M. E... a sollicité son avancement, ne pouvait faire obstacle à la demande de promotion présentée par ce dernier, lequel bénéficiait, ainsi qu'il a été dit, d'une décharge totale d'activité pour l'exercice de ses missions syndicales et remplissait les autres conditions du II de l'article 23 bis de la loi du 13 juillet 1983.

10. Il résulte de tout ce qui précède que, en opposant un refus implicite à la demande de M. E..., le maire de C... a méconnu l'article 23 bis de la loi du 13 juillet 1983. Dès lors, M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Ce jugement doit être annulé ainsi que, par voie de conséquence, la décision implicite de rejet en litige.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Aux termes de l'article 40 de la loi du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors en vigueur : " La nomination aux grades (...) de la fonction publique territoriale est de la compétence exclusive de l'autorité territoriale (...) ". Aux termes de l'article 79 de la même loi : " L'avancement de grade (...) a lieu (...) par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement (...) ". Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".

12. Le motif d'annulation retenu au présent arrêt implique nécessairement que le maire de C... procède à l'inscription de M. E... au tableau d'avancement au grade d'adjoint technique territorial principal de 2ème classe au titre de l'année 2019. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de l'instance :

13. Il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de la commune de C... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. E... et non compris dans les dépens. En revanche, les conclusions présentées par la commune sur ce même fondement doivent être rejetées dès lors que M. E... n'est pas la partie perdante dans la présente.

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 1902339 du tribunal administratif de Pau du 23 mars 2021 est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au maire de C... de procéder à l'inscription de M. E... au tableau d'avancement au grade d'adjoint technique territorial principal de 2ème classe au titre de l'année 2019. Cette mesure interviendra dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : La commune de C... versera à M. E... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. E... est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et à la commune de C....

Délibéré après l'audience du 20 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2023. Le rapporteur,

Frédéric B...

La présidente,

Florence DemurgerLa greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de la transformation et de la fonction publiques, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX02153 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02153
Date de la décision : 18/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : SELARL GRIMALDI-MOLINA ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-18;21bx02153 ?
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