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04/04/2023 | FRANCE | N°21BX00259

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 04 avril 2023, 21BX00259


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association contre l'élevage bio-industriel à Charroux a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 6 avril 2018 par lequel la préfète de la Vienne a enregistré la demande de la SARL Les Pins concernant une exploitation d'élevage de porcs au lieu-dit " La Tombe du Pèlerin " sur le territoire de la commune de Charroux.

Par un jugement n°1801840 du 17 novembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision du 6 avril 2018 et a mis à la charge de l

'Etat et de la SARL Les Pins une somme de 1 200 euros en application de l'article ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association contre l'élevage bio-industriel à Charroux a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 6 avril 2018 par lequel la préfète de la Vienne a enregistré la demande de la SARL Les Pins concernant une exploitation d'élevage de porcs au lieu-dit " La Tombe du Pèlerin " sur le territoire de la commune de Charroux.

Par un jugement n°1801840 du 17 novembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision du 6 avril 2018 et a mis à la charge de l'Etat et de la SARL Les Pins une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 21BX00259, les 20 janvier 2021 et 5 avril 2022, la SARL Les Pins, représentée par la SCP KPL avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 novembre 2020 ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par l'association contre l'élevage bio-industriel à Charroux tendant à l'annulation de la décision du 6 avril 2018 ;

3°) de surseoir à statuer sur la légalité de l'arrêté du 6 avril 2018 afin de permettre sa régularisation en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ;

4°) de mettre à la charge de l'association contre l'élevage bio-industriel à Charroux le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le projet d'élevage en litige ainsi que son plan d'épandage ne rentrent dans aucun des critères mentionnés au point 2 de l'annexe III de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement auquel renvoie l'article L 512-7-2 du code de l'environnement ; en ce qui concerne les terrains d'épandage situés dans les périmètres éloignés des périmètres de captage d'alimentation en eau potable, cela ne concerne que le captage des " Renardières " situé sur le territoire de la commune de Saint Romain ainsi que le captage des " Cantes " situé sur le territoire de la commune de Charroux et la règlementation applicable à ces captages n'interdit pas les épandages d'effluents d'élevage dans le périmètre de protection éloignée ; le tribunal ne pouvait considérer que les parcelles concernées par le plan d'épandage étaient incorporées à un secteur présentant une sensibilité environnementale particulière du seul fait que ces terrains appartenaient à un ensemble classé en zone vulnérable à la pollution des nitrates qui relève d'une législation différente et n'a pas pour objet de montrer que le secteur en question présente une sensibilité environnementale particulière ; le plan d'épandage du projet litigieux a été dimensionné selon la règlementation en vigueur afin de respecter l'équilibre de la fertilisation en fonction des capacités exportatrices des sols sur les paramètres azote et phosphore, les surfaces mises à disposition sont suffisantes pour répondre aux besoins d'épandage et les balances azotées et phosphorées pour les deux exploitations sont par ailleurs déficitaires en azote et à l'équilibre en phosphore ;

- le site de Charroux n'étant pas opérationnel puisqu'il s'agit d'une création, les seuls éléments disponibles annexés au dossier d'enregistrement concernaient le site de Derval, géré par la SARL Les Pins, dont la situation est similaire à ce que sera le site de Charroux ; avaient été annexés au dossier d'enregistrement les éléments vétérinaires concernant le site de Derval permettant de s'assurer que les compétences techniques de chacun des dirigeants ou des salariés affectés au site de Derval démontraient la capacité technique de la SARL en question à assurer un élevage porcin ; la certification en élevage biologique accordée à la SARL Les Pins démontrait ses capacités techniques à mettre en œuvre un élevage porcin ; l'ensemble de ces éléments était porté à la connaissance de la préfecture notamment les documents comptables qui établissaient que les résultats économiques de la SARL Les Pins sur le site de Derval attestaient la très bonne maîtrise économique et technique de l'ensemble des personnes intervenant sur le site pour l'élevage en question ; c'est à tort que le tribunal a annulé l'arrêté en litige en raison de l'absence de justification des capacités techniques du pétitionnaire.

Par un mémoire enregistré le 4 mars 2022, l'association contre l'élevage bio industriel à Charroux (ACEBIC), représentée par Me de Dieuleveult, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat et de la SARL Les Pins d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens développés par la société appelante ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 21BX00271, les 21 janvier 2021 le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 novembre 2020 ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par l'association contre l'élevage bio-industriel à Charroux tendant à l'annulation de la décision du 6 avril 2018.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'est pas établi que la minute du jugement a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience conformément à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- il appartenait au préfet, pour l'application du 1° de l'article L. 512-7-2° du code de l'environnement, de prendre en compte l'ensemble des critères mentionnés à l'annexe III de la directive 2011/92/UE ; en jugeant que le préfet avait fait une inexacte application de ces dispositions, le tribunal a commis une erreur de droit ;

- le pétitionnaire a inclus dans la conception de son projet des mesures d'évitement et de réduction des incidences sur l'environnement des mesures d'épandage, de sorte que la sensibilité environnementale du milieu, au sens du 1° de l'article L. 512-7-2° du code de l'environnement, ne justifie pas de basculer dans la procédure d'autorisation ;

- sur la légalité externe, les capacités techniques que le pétitionnaire entendait mettre en œuvre figuraient au dossier, qui ne comportait aucune lacune de nature à influer sur le sens de la décision du préfet, ni à priver le public, au sens de la jurisprudence Danthony, d'une information nécessaire pour lui permettre d'exprimer un avis éclairé sur la demande ; sur la légalité interne, en ne faisant pas application des dispositions de l'article L. 512-7-3 du code de l'environnement en vigueur à la date du jugement et en appliquant les dispositions selon lesquelles le préfet s'assure que l'exploitant " possède les capacités techniques et financières ", le tribunal a commis une erreur de droit ; les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation dès lors que le pétitionnaire avait justifié des capacités techniques qu'il entendait mettre en œuvre pour mener à bien son exploitation.

Par un mémoire enregistré le 4 mars 2022, l'association contre l'élevage bio industriel à Charroux, représentée par Me de Dieuleveult, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat et de la SARL Les Pins une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens développés par l'Etat ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics ou privés sur l'environnement ;

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 27 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l'enregistrement au titre des rubriques n°s 2101-2 et 2102 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... A... ;

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public ;

- et les observations de Me Kolenc représentant la SARL Les Pins, et de Me de Dieuleveult, représentant l'association contre l'élevage bio industriel à Charroux.

Considérant ce qui suit :

1. Le 16 novembre 2017, la SARL Les Pins a déposé une demande d'enregistrement en vue de l'exploitation d'un élevage de porcs au lieu-dit " La Tombe du Pèlerin " sur le territoire de la commune de Charroux. Par un arrêté du 6 avril 2018, la préfète de la Vienne a procédé à l'enregistrement sollicité. L'association contre l'élevage bio-industriel à Charroux (ACEBIC) a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler cet arrêté. La SARL les Pins, d'une part, et le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, d'autre part, relèvent appel du jugement du 17 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 6 avril 2018. Les requêtes n° 21BX00259 et 21BX00271 étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort de la minute du jugement attaqué qu'elle a été signée par le rapporteur, le président et le greffier, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative cité au point précédent. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée aux parties ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

Sur la légalité de l'arrêté du 6 avril 2018 :

4. Il résulte du jugement attaqué que le tribunal administratif de Poitiers a retenu deux motifs d'annulation, d'une part, le vice de procédure tiré de ce que la demande de la SARL Les Pins devait être instruite selon les règles de la procédure d'autorisation, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement, et d'autre part, le vice tiré de ce que le dossier fourni ne permettait pas une information complète du public en l'absence de toute justification précise des capacités techniques du pétitionnaire.

5. D'une part, en vertu du paragraphe 1 de l'article 4 de la directive du 13 décembre 2011 du Parlement européen et du Conseil concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, les projets énumérés à l'annexe I de la directive sont soumis à une évaluation systématique, sous réserve des exemptions exceptionnelles prévues au paragraphe 4 de l'article 2. Sous la même réserve, le paragraphe 2 de l'article 4 de la directive dispose que " pour les projets énumérés à l'annexe II, les Etats membres déterminent si le projet doit être soumis à une évaluation conformément aux articles 5 à 10. Les Etats membres procèdent à cette détermination : / a) sur la base d'un examen cas par cas ; / ou / b) sur la base des seuils ou critères fixés par l'État membre. / Les Etats membres peuvent décider d'appliquer les deux procédures visées aux points a) et b). " Enfin, en vertu du paragraphe 3 du même article : " Pour l'examen au cas par cas ou la fixation des seuils ou critères en application du paragraphe 2, il est tenu compte des critères de sélection pertinents fixés à l'annexe III. Les États membres peuvent fixer des seuils ou des critères pour déterminer quand les projets n'ont pas à être soumis à la détermination prévue aux paragraphes 4 et 5 ou à une évaluation des incidences sur l'environnement, et/ou des seuils ou des critères pour déterminer quand les projets font l'objet, en tout état de cause, d'une évaluation des incidences sur l'environnement sans être soumis à la détermination prévue aux paragraphes 4 et 5. " L'annexe III de la directive fixe trois séries de critères visant à déterminer si les projets figurant à l'annexe II devraient faire l'objet d'une évaluation des incidences sur l'environnement, relatifs à la caractéristique des projets, à leur localisation et aux types et caractéristiques de l'impact potentiel.

6. D'autre part, en vertu du II de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, pris pour la transposition de la directive du 13 décembre 2011, " Les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine font l'objet d'une évaluation environnementale en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d'entre eux, après un examen au cas par cas effectué par l'autorité environnementale. / Pour la fixation de ces critères et seuils et pour la détermination des projets relevant d'un examen au cas par cas, il est tenu compte des données mentionnées à l'annexe III de la directive 2011/92/UE modifiée du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement. " En vertu de I de l'article R. 122-2 du même code, " Les projets relevant d'une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé au présent article font l'objet d'une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, en application du II de l'article L. 122-1, en fonction des critères et des seuils précisés dans ce tableau ". Le tableau annexé à cet article prévoit, à sa ligne 1, que les projets d'installations classées pour la protection de l'environnement soumises à enregistrement relèvent de l'examen au cas pas, en précisant que pour ces installations, " l'examen au cas par cas est réalisé dans les conditions et formes prévues à l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement ". Aux termes de l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement : " Le préfet peut décider que la demande d'enregistrement sera instruite selon les règles de procédure prévues par le chapitre unique du titre VIII du livre Ier pour les autorisations environnementales : / 1° Si, au regard de la localisation du projet, en prenant en compte les critères mentionnés au point 2 de l'annexe III de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, la sensibilité environnementale du milieu le justifie ; / 2° Ou si le cumul des incidences du projet avec celles d'autres projets d'installations, ouvrages ou travaux situés dans cette zone le justifie ; / 3° Ou si l'aménagement des prescriptions générales applicables à l'installation, sollicité par l'exploitant, le justifie ; / Dans les cas mentionnés au 1° et au 2°, le projet est soumis à évaluation environnementale. Dans les cas mentionnés au 3° et ne relevant pas du 1° ou du 2°, le projet n'est pas soumis à évaluation environnementale. / Le préfet notifie sa décision motivée au demandeur, en l'invitant à déposer le dossier correspondant. Sa décision est rendue publique ".

7. Si, dans le cadre du régime de l'enregistrement, la nécessité d'une évaluation environnementale résulte d'un examen au cas par cas réalisé par le préfet dans les conditions et formes prévues à l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement et si, par ailleurs, ce dernier article ne mentionne à son 1° que le critère de la localisation du projet, il résulte tant de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, qui précise de façon générale que pour la détermination des projets relevant d'un examen au cas par cas, il est tenu compte des données mentionnées à l'annexe III de la directive du 13 décembre 2011, que des dispositions des articles L. 511-2 et L. 512-7 du code de l'environnement, dont il résulte que la répartition entre les différents régimes d'installations classées pour la protection de l'environnement est opérée, en référence à la nomenclature, en fonction de seuils et de critères, qui sont au nombre de ceux qui sont mentionnés à l'annexe III de la directive, prenant en compte notamment les caractéristiques de ces installations et leur impact potentiel sur l'environnement, que le préfet, saisi d'une demande d'enregistrement d'une installation, doit se livrer à un examen du dossier afin d'apprécier, tant au regard de la localisation du projet que des autres critères mentionnés à l'annexe III de la directive, relatifs à la caractéristique des projets et aux types et caractéristiques de l'impact potentiel, si le projet doit faire l'objet d'une évaluation environnementale, ce qui conduit alors, en application de l'article L. 512-7-2, à le soumettre au régime de l'autorisation environnementale.

8. Il résulte de l'instruction que le projet en litige consiste en la construction d'un atelier porcin de 672 places de porcelets post sevrage et 1974 places de porcs charcutiers, soit un total de 2109 animaux équivalents porcs. Deux types d'effluents seraient produits, 620 mètres cube d'effluents liquides et 1680 tonnes de fumiers par an. La zone dans laquelle se situe le projet, ainsi que celle dans laquelle l'épandage est envisagé, sont situées en zone vulnérable aux nitrates et deux captages d'alimentation en eau potable, figurant dans la liste des captages à protéger contre les pollutions diffuses par les nitrates et les pesticides des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) des bassins Adour-Garonne et Loire-Bretagne 2016-2021, sont présents sur le périmètre d'épandage, le captage des Renardières sur la commune de Saint-Romain et le captage des Cantes sur la commune de Charroux. Il résulte de l'instruction et notamment du plan d'épandage que sur les 556 hectares prévus initialement à l'épandage, 52,1 hectares sont interdits d'épandage, 192 sont situés dans des aires de captage en eau potable, dont 92 en zones d'action renforcée en application de l'article R. 211-81-1 du code de l'environnement, délimitées par le préfet de région, correspondant aux bassins versants particulièrement touchés par la pollution par les nitrates, en particulier les zones de captages d'eau potable dont la teneur des eaux brutes est supérieure à 50 milligrammes par litre. Cette zone est également définie en zone ultra prioritaire par le programme " Re-sources ", démarche partenariale afin de lutter contre la dégradation de la qualité des eaux de captage, dans le cadre de l'orientation 2C du SDAGE Loire Bretagne " Développer l'incitation sur les territoires prioritaires ". Il résulte certes de l'étude pédologique que, compte tenu de la part relativement importante de sols présentant des signes d'hydromorphie temporaire liée à une sensibilité aux excès d'eau, il conviendra de limiter les périodes d'épandage des fumiers aux périodes règlementairement autorisées et en dehors des périodes de saturation en eau des sols de façon à limiter tout risque de ruissellement. Toutefois, si le pétitionnaire a inclus dans la conception de son projet des mesures d'évitement et de réduction des incidences sur l'environnement des mesures d'épandage et si les surfaces épandables restantes suffiraient à accueillir les 95 hectares nécessaires annuellement à l'épandage des fumiers porcins produits par la SARL Les Pins ainsi que les 155 hectares nécessaires à l'épandage des effluents d'élevage des exploitations réceptrices et les 6,2 hectares de prairies mobilisées annuellement pour recevoir les épandages d'effluents liquides de la SARL Les Pins, ces circonstances n'ont pas d'incidence sur les critères de l'annexe III de la directive 2011/92/CE qui doivent s'apprécier indépendamment des mesures prises par le pétitionnaire pour limiter l'impact de son projet sur l'environnement. Ainsi, alors même que ni les installations ni le plan d'épandage ne se situent dans un site Natura 2000 ni dans une des trois zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) recensées à proximité du secteur d'étude, il résulte de l'instruction que compte tenu des caractéristiques du projet et de la sensibilité environnementale prenant en compte notamment la qualité et la capacité de régénération des ressources naturelles de la zone, il appartenait à la préfète, avant de procéder à l'enregistrement, d'instruire la demande selon les règles prévues pour la procédure d'autorisation en invitant, notamment, le pétitionnaire à compléter son dossier de demande par la production de l'étude d'impact mentionnée au 4° de l'article R. 512-6 du code de l'environnement. Par suite, la SARL Les Pins et l'Etat ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a retenu le motif tiré de ce qu'en s'abstenant de soumettre le projet à la procédure d'autorisation, laquelle prévoit la réalisation par le pétitionnaire d'une étude d'impact et l'organisation d'une enquête publique, qui présentent le caractère d'une garantie pour le public et sont susceptibles d'exercer une influence sur le sens de la décision, la préfète de la Vienne a entaché sa décision d'un vice de procédure de nature à entraîner l'annulation de l'arrêté contesté.

9. Aux termes de l'article L. 512-7-3 du code de l'environnement : " (...) Le préfet ne peut prendre l'arrêté d'enregistrement que si le demandeur a justifié que les conditions de l'exploitation projetée garantiraient le respect de l'ensemble des prescriptions générales, et éventuellement particulières, applicables, et qu'il possède les capacités techniques et financières pour assurer tant l'exploitation de l'installation que la remise en état du site après son arrêt définitif (...) ". Aux termes de l'article R. 512-46-4 du même code : " A chaque exemplaire de la demande d'enregistrement doivent être jointes les pièces suivantes : (...) / 7° Les capacités techniques (...) de l'exploitant (...) ".

10. Il résulte de l'instruction que le dossier de demande d'enregistrement présenté par la SARL Les Pins ne contenait qu'une attestation de suivi vétérinaire de l'exploitation sise à Derval du 5 novembre 2020 par laquelle un docteur vétérinaire certifiait que la conduite de l'élevage en question, " (...) ses résultats techniques, son niveau sanitaire, le respect du bien-être animal et la mise en œuvre des différentes techniques d'élevage sont totalement en conformité avec les standards français de la production porcine ". Cette seule pièce ne pouvait être regardée comme suffisamment précise et étayée sur les capacités techniques dont la SARL Les Pins était effectivement en mesure de disposer pour assurer le bon fonctionnement de l'élevage porcin ainsi que le respect de la réglementation tout au long de la phase d'exploitation de l'installation et lors de la remise en état du site après son arrêt définitif. Par suite, la SARL Les Pins et l'Etat ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a retenu le motif tiré de l'incomplétude du dossier quant à l'insuffisance des capacités techniques de la société pétitionnaire.

Sur la mise en œuvre de l'article L. 181-18 du code de l'environnement :

11. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 26 janvier 2017 : " I. Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. / II. En cas d'annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, le juge détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties de l'autorisation non viciées ".

12. Les vices mentionnés aux points 8 et 10 sont susceptibles d'être régularisés par une autorisation modificative. Par suite, il y a lieu de mettre en œuvre les dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.

Sur les autres moyens développés en première instance :

En ce qui concerne l'incompétence de l'auteur de l'acte :

13. Aux termes de l'article R. 512-46-1 du même code : " Toute personne qui se propose de mettre en service une installation soumise à enregistrement adresse, dans les conditions de la présente sous-section, une demande au préfet du département dans lequel cette installation doit être implantée. / Lorsqu'un exploitant se propose de mettre en service plusieurs installations soumises à enregistrement sur un même site, une seule demande peut être présentée pour l'ensemble de ces installations. / Lorsqu'une installation doit être implantée sur le territoire de plusieurs départements, la demande d'enregistrement est adressée au préfet du département où doit être réalisée la plus grande partie du projet qui procède à l'instruction dans les conditions prévues au présent titre. La décision est prise par arrêté conjoint de ces préfets ".

14. Il résulte de l'instruction que la demande d'enregistrement présentée le 16 novembre 2017 par la SARL Les Pins concerne l'élevage de porcs et le dépôt de matériaux combustibles dont les installations sont situées au lieu-dit " La Tombe du Pèlerin " sur la commune de Charroux. S'il résulte du dossier d'enregistrement que la SARL Les Pins disposera d'un autre site d'exploitation au lieu-dit " La Lande de Quibut " à Derval dans le département de Loire-Atlantique, qui accueillera l'activité naissage ainsi qu'une partie de l'engraissement, chacun des sites dispose de ses propres installations, les effluents produits par chaque élevage seront gérés par épandages agricoles à proximité de chaque site et les aliments distribués produits à proximité de chaque élevage. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction qu'une communauté de moyens existe entre les deux sites. Par suite, alors même que l'attestation bancaire produite vise les deux projets et que les deux sites ont des activités complémentaires, l'association ACEBIC n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté aurait dû être signé par le préfet de Loire-Atlantique.

15. Aux termes de l'article L. 512-7-3 du code de l'environnement : " L'arrêté d'enregistrement est pris par le préfet après avis des conseils municipaux intéressés (...) ".

16. L'arrêté attaqué a été signé par M. Emile Soumbo, secrétaire général de la préfecture de la Vienne, qui bénéficiait, en vertu d'un arrêté n° 2017-SG-DCPPAT-01 du 2 novembre 2017, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Vienne du même jour, d'une délégation de signature à l'effet de signer tous " les actes, arrêtés, décisions, circulaires, requêtes juridictionnelles, documents et correspondances administratives relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Vienne ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.

En ce qui concerne l'insuffisance de motivation :

17. Aux termes de l'article R. 512-46-18 du code de l'environnement : " (...) La décision de refus ou d'enregistrement est motivée notamment au regard des articles L. 512-7 et L. 512-7-2 et notifiée au pétitionnaire. (...) ".

18. L'arrêté contesté vise les dispositions applicables du code de l'environnement et notamment les articles L. 512-7 à L. 512-7-7 et R. 512-46-1 à R. 512-46-30 et précise que la sensibilité du milieu ne justifie pas le basculement en procédure d'autorisation. Ainsi, et alors que l'autorité préfectorale n'était pas tenue de rappeler les éléments permettant de justifier en quoi la localisation du projet exposée aux pages 20 à 25 du dossier d'enregistrement nécessitait l'instruction de la demande selon les règles prévues pour la procédure d'autorisation, la décision énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ces indications étaient suffisantes pour permettre de comprendre et de contester la décision litigieuse. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.

En ce qui concerne le caractère complet du dossier :

19. Aux termes de l'article R. 512-46-6 du code de l'environnement : " La demande d'enregistrement est complétée dans les conditions suivantes : / 1° Lorsque l'implantation d'une installation nécessite l'obtention d'un permis de construire, la demande d'enregistrement doit être accompagnée ou complétée dans les dix jours suivant sa présentation par la justification du dépôt de la demande de permis de construire. L'octroi du permis de construire ne vaut pas enregistrement au sens des dispositions de la présente section (...) ".

20. Il résulte de l'instruction que la demande d'enregistrement présentée par la SARL Les Pins comprenait un récépissé de dépôt de permis de construire. L'ACEBIC ne saurait, compte tenu de l'indépendance des législations en matière d'environnement, d'une part, et d'urbanisme, d'autre part, utilement se prévaloir de ce que la demande de permis de construire ne serait pas signée par un architecte, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision contestée.

21. Aux termes de l'article R. 512-46-4 du code de l'environnement : " A chaque exemplaire de la demande d'enregistrement doivent être jointes les pièces suivantes : (...) / 7° Les capacités (...) financières de l'exploitant (...) ".

22. Le dossier d'enregistrement présenté par la SARL Les Pins renvoie, dans sa partie 7 intitulée " analyse technico-économique ", à l'annexe 8 composée d'une attestation du 25 septembre 2017 co-signée par trois organismes bancaires, le Crédit agricole Touraine Poitou, le Crédit mutuel Loire Atlantique et le CIC Ouest, attestant avoir donné leur accord au financement du projet, ainsi qu'une étude économique simplifiée. Si l'ACEBIC conteste la régularité de l'attestation bancaire, une attestation bancaire dûment signée du même jour a été versée au dossier. En outre, la circonstance qu'aucune pièce versée au dossier ne permettait de s'assurer de l'engagement effectif et circonstancié du groupe Intermarché ne suffit pas à elle-seule à caractériser l'insuffisance du dossier quant aux capacités financières du porteur de projet au vu de l'attestation de trois organismes bancaires. Il ressort de ces éléments que le dossier d'enregistrement comportait des indications précises et étayées sur les capacités financières du pétitionnaire pour la conduite de son projet, de nature à informer de manière suffisante l'autorité compétente et le public sur le montage financier de l'opération.

23. Aux termes de l'article L. 512-46-4 du code de l'environnement : " A chaque exemplaire de la demande d'enregistrement doivent être jointes les pièces suivantes : (...) / 5° Dans le cas d'une installation à implanter sur un site nouveau, la proposition du demandeur sur le type d'usage futur du site lorsque l'installation sera mise à l'arrêt définitif, accompagné de l'avis du propriétaire, lorsqu'il n'est pas le demandeur, ainsi que celui du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme. Ces avis sont réputés émis si les personnes consultées ne se sont pas prononcées dans un délai de quarante-cinq jours suivant leur saisine par le demandeur (...) ".

24. Il résulte du dossier d'enregistrement que l'installation envisagée s'implante sur la parcelle cadastrée section D n° 42, actuellement exploitée en culture. Si ce dossier contient une partie 5 relative à la remise en état du site en cas de cessation d'activité, elle ne contient aucune indication quant à la proposition du demandeur sur le type d'usage futur du site lorsque l'installation sera mise à l'arrêt définitif. En outre, si les avis du propriétaire du site et du maire de Charroux, qui se bornaient à valider les conditions mentionnées dans le dossier d'enregistrement, ont été joints en annexe 10 du dossier d'enregistrement, il est constant que le document intitulée " proposition sur le type d'usage du site de la tombe du pèlerin à Charroux en cas d'arrêt définitif de fonctionnement " qui leur aurait été adressé afin de recueillir leur avis, n'a pas été joint au dossier d'enregistrement. Dès lors que les avis joints au dossier d'enregistrement ne permettaient pas de connaitre le contenu de cette proposition, il résulte de l'instruction que le défaut d'indication dans le dossier d'enregistrement sur le contenu de la proposition du porteur de projet quant à l'usage du site en cas de cessation d'activité, a pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population. Par suite, l'ACEBIC est fondée à soutenir que la SARL Les Pins n'a pas répondu aux exigences de l'article L. 512-46-4 du code de l'environnement et que le dossier était insuffisant sur ce point.

25. Aux termes de l'article R. 512-46-4 du code de l'environnement : " A chaque exemplaire de la demande d'enregistrement doivent être jointes les pièces suivantes : (...) 9° Les éléments permettant au préfet d'apprécier, s'il y a lieu, la compatibilité du projet avec les plans, schémas et programmes mentionnés aux 4°, 5°, 17° à 20°, 23° et 24° du tableau du I de l'article R. 122-17 ainsi qu'avec les mesures fixées par l'arrêté prévu à l'article R. 222-36 (...) ". Aux termes de l'article R. 122-17 du même code : " I. Les plans et programmes devant faire l'objet d'une évaluation environnementale sont énumérés ci-dessous : (...) 4° Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux prévu par les articles L. 212-1 et L. 212-2 du code de l'environnement ; / 5° Schéma d'aménagement et de gestion des eaux prévu par les articles L. 212-3 à L. 212-6 du code de l'environnement (...) ".

26. Il résulte de l'instruction que l'étude préalable à l'épandage à laquelle le dossier d'enregistrement renvoie, précise les orientations des SDAGE Loire Bretagne et Adour Garonne tendant à la réduction des pollutions, et apporte toutes les précisions nécessaires notamment quant à l'analyse environnementale du périmètre d'épandage et aux modalités d'épandage des fumiers afin de permettre au préfet d'apprécier la compatibilité du projet avec les SDAGE. En outre, cette étude indique que le SAGE du Clain et le SAGE Charente étaient en cours d'élaboration. Par ailleurs, l'étude préalable à l'épandage comprend une partie II 3 intitulée " Hydrogéologie et hydrologie " et une partie II 6 " Pédologie et aptitude des sols à l'épandage " avec notamment une analyse de l'aptitude des sols à l'épandage. Contrairement à ce que soutient l'ACEBIC, il ne résulte pas de l'instruction que le dossier d'enregistrement serait insuffisant quant à l'impact du projet sur la ressource en eau.

27. L'ACEBIC soutient qu'en application du 9° de l'article R. 512-46-4 du code de l'environnement, la SARL Les Pins était tenue d'apprécier la compatibilité de son projet avec la zone Natura 2000 " Région de Pressac et Etang de Combourg ". Toutefois, le 16° du I de l'article R. 122-17 du code de l'environnement ne figure pas parmi les items auxquels renvoie le 9° de l'article R. 512-46-4 du code de l'environnement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance du dossier d'enregistrement quant aux éléments permettant au préfet d'apprécier la compatibilité du projet avec les objectifs de conservation de la zone Natura 2000 de la " Région de Pressac et étang de Combourg " est inopérant.

En ce qui concerne l'atteinte aux intérêts mentionnés aux articles L. 511-1 du code de l'environnement :

28. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ".

S'agissant de de la conservation du patrimoine archéologique :

29. Il résulte de l'instruction que la SARL Les Pins a renseigné le document CERFA de sa demande en considérant que le projet n'était pas susceptible de porter atteinte au patrimoine archéologique. L'ACEBIC fait valoir que cette affirmation ne semble pas avoir été vérifiée par les services et qu'il n'est pas inenvisageable que la butte du terrain dont il s'agit ne puisse abriter quelques monuments mégalithiques enfouis et produit la liste des sites mégalithiques de la Vienne dans laquelle figure le " tumulus de Gros Guignon " sur la commune de Charroux. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que, compte tenu des informations archéologiques disponibles sur le territoire concerné, le projet en litige porterait atteinte au patrimoine archéologique.

S'agissant des risques pour la sécurité publique :

30. Il résulte de l'instruction que le terrain d'assiette du projet jouxte la route départementale 10 et que l'accès au site d'implantation des installations projetées s'effectue par un chemin rural d'une largeur de 5 mètres qui donne sur la route départementale 10, suffisamment large et dont le tracé, au droit de l'intersection avec le chemin rural, est rectiligne et offre une visibilité satisfaisante aux usagers. Il résulte de l'instruction que l'élevage porcin envisagé génèrera un trafic supplémentaire de 87 camions par an soit en moyenne 1,7 camion par semaine. Le service de la direction des routes du département de la Vienne a émis un avis favorable au projet compte tenu de l'impact négligeable du projet sur une route dont le trafic journalier moyen représente 720 véhicules. La seule production de deux photographies montrant une voiture accidentée et un camion empruntant une voie départementale, ne suffit pas à démontrer le caractère dangereux de la portion de route concernée par le projet. Par suite, eu égard à la configuration des lieux et au nombre de camions en circulation généré par le projet, il ne résulte pas de l'instruction que cet accès présenterait des risques pour la sécurité publique.

S'agissant de la qualité des eaux :

31. En premier lieu, ainsi qu'il a été indiqué au point 8, la zone dans laquelle se situe le projet ainsi que celle dans laquelle l'épandage est envisagé sont situées en zone vulnérable aux nitrates, deux captages d'alimentation en eau potable, figurant dans la liste des captages à protéger contre les pollutions diffuses par les nitrates et les pesticides des SDAGE des bassins Adour-Garonne et Loire-Bretagne 2016-2021, sont présents sur le périmètre d'épandage et sur les 556 hectares prévus initialement à l'épandage, 52,1 hectares sont interdits d'épandage, 192 sont situés dans des aires de captage en eau potable, dont 92 en zones d'action renforcée en application de l'article R. 211-81-1 du code de l'environnement. Toutefois, l'arrêté prévoit, dans son article 1.5.3, qu'au sein des 92,6 hectares de terres du plan d'épandage situés en zone ultra prioritaire telle que définie dans le cadre de la mise en place du programme " Re-sources ", des prescriptions ont été imposées, notamment l'absence d'épandages automnaux d'effluents liquides et solides, l'absence de stockage d'effluents, hors infrastructures prévues à cet effet et le maintien des surfaces en prairies existantes, et plus particulièrement les parcelles drainées. En outre, l'article 1.5.4 de l'arrêté contesté rappelle que " la règlementation applicable en zones vulnérables, délimitées conformément à l'article R. 211-75 et R. 211-77 du code de l'environnement et les dispositions fixées par les arrêtés relatifs aux programmes d'action pris en application des articles R. 211-80 à R. 211-83 du code de l'environnement sont applicables à l'établissement ". Par suite, et en l'état du dossier, et en tenant compte des mesures et prescriptions prévues, il ne résulte pas de l'instruction que le projet serait de nature, par sa localisation, à porter atteinte à la qualité des eaux.

32. En second lieu, il résulte du dossier d'enregistrement que deux types d'effluents seront générés par le projet d'élevage en litige, 620 mètres cube d'effluents liquides et 1680 tonnes de fumiers. Il résulte notamment de l'étude préalable à l'épandage que compte tenu des cultures destinées à être épandues et des doses d'apport de fumier porcin, calculée sur la couverture des besoins en azote, 95 hectares seront annuellement nécessaires à l'épandage des fumiers porcins et que 6,2 hectares seront mobilisés annuellement pour recevoir les effluents liquides produits par la SARL Les Pins. Contrairement à ce que soutient l'ACEBIC, le projet tient compte des 155 hectares annuellement nécessaires à l'épandage des effluents des exploitations réceptrices. Ainsi, sur les 556,4 hectares du périmètre d'épandage appartenant au GAEC du Patureau et au GAEC Saint-Laurent, eu égard aux 52,1 hectares de surfaces interdites à l'épandage, les 504,4 hectares restant sont suffisants pour permettre l'épandage des fumiers produits par la SARL Les Pins et ceux des exploitations réceptrices. Par ailleurs, il résulte du bilan de fertilisation azote des deux exploitations réceptrices que la pression azotée par hectare de surface agricole utile sera de 119 kg pour le GAEC du Patureau et de 79 kg pour le GAEC Saint-Laurent, alors que la limite fixée par la réglementation en vigueur est de 170 kg par hectare. Par suite, en l'état du dossier, il ne résulte pas de l'instruction que le plan d'épandage prévu par le projet porterait atteinte à la qualité des eaux.

S'agissant des intérêts agricoles :

33. Il ne résulte pas de l'instruction que la SARL Les Pins ne respecterait pas la règlementation applicable aux élevages de porcs. Si l'ACEBIC allègue que le nombre de porcs dans un élevage bio doit être limité à 700 et que la durée de transport entre les deux sites appartenant à la SARL Les Pins est excessive, elle n'invoque aucun fondement juridique à l'appui de ses dires. Ainsi, l'association n'est pas fondée à soutenir que le projet présenterait pour le bien-être des animaux de graves dangers ou inconvénients qui auraient justifié des prescriptions particulières ou un refus. Si l'association a entendu invoquer la méconnaissance de normes auxquelles est subordonné le label accordé aux produits biologiques, cette méconnaissance est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée qui n'a ni pour objet ni pour effet d'accorder un tel label.

En ce qui concerne la commodité du voisinage :

34. Il résulte de l'instruction que le tiers le plus proche sera situé à plus de 500 mètres du site d'exploitation de l'élevage projeté. Si l'ACEBIC fait valoir qu'une construction à usage d'habitation est implantée à moins de 100 mètres du site d'implantation du projet, au lieu-dit " Les Coetes ", il résulte du procès-verbal du maire de Charroux du 20 juillet 2018 que le bâtiment implanté sur la parcelle cadastrée section D n° 37 est un bâtiment agricole dont le changement de destination en construction à usage d'habitation n'a fait l'objet d'aucune autorisation d'urbanisme. En outre, il résulte du dossier d'enregistrement que pour limiter les nuisances olfactives, la SARL Les Pins prévoit de concevoir les installations avec un système de ventilation destiné à éviter toute concentration d'odeurs, d'agencer des haies de hauteur appropriée, d'appliquer des bonnes pratiques et de respecter des densités de peuplement au sein des bâtiments compte tenu du respect du cahier des charges relatif à l'agriculture biologique. Ainsi, en l'état du dossier, il ne résulte pas de l'instruction que le projet envisagé présenterait des dangers ou des inconvénients pour la commodité du voisinage, qui auraient justifié des prescriptions particulières ou un refus ni qu'il méconnaîtrait l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l'enregistrement au titre des rubriques n°s 2101-2 et 2102 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement imposant une distance minimale entre les élevage et les habitations ou locaux occupés par des tiers.

35. Le moyen tiré de ce que la création de l'élevage de porcs envisagé créerait une distorsion de concurrence n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

36. Ainsi qu'il a été indiqué au point 12, le vice de procédure mentionné au point 8 tiré du défaut d'instruction de la demande selon les règles prévues pour la procédure d'autorisation est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative. Les vices mentionnés aux points 10 et 24 tirés de la méconnaissance des 5° et 7° de l'article L. 512-46-4 du code de l'environnement sont également régularisables par la production d'un dossier de demande d'autorisation complété notamment par les pièces mentionnées aux 3° et 11° de l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement. Par suite, il y a lieu de mettre en œuvre les pouvoirs résultant des dispositions rappelées au point 11 ci-dessus de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, de surseoir à statuer sur les requêtes et d'impartir à la SARL Les Pins un délai de dix-huit mois à compter de la notification du présent arrêt aux fins de notifier à la cour une autorisation modificative sur ces points.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur les conclusions des requêtes pour permettre à la SARL Les Pins de notifier, le cas échéant, à la cour une autorisation modificative régularisant les vices mentionnés aux points 8, 10 et 24 du présent arrêt, dans le délai de dix-huit mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association contre l'élevage bio-industriel à Charroux, à la SARL Les Pins et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2013 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2023.

La rapporteure,

Nathalie A...La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX00259, 21BX00271 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00259
Date de la décision : 04/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : SCP PIELBERG KOLENC;DE DIEULEVEULT;SCP PIELBERG KOLENC

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-04;21bx00259 ?
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