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04/04/2023 | FRANCE | N°20BX02305

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 04 avril 2023, 20BX02305


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association pour la Protection de la Nature et de l'Environnement du département de la Vienne, dite Vienne Nature, l'association Poitou Charente Nature, l'Union Fédérale des Consommateurs (UFC) Que Choisir de la Vienne, la Confédération paysanne de la Vienne, l'association ADEMA et l'association Vivrenclain ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2017 par lequel la préfète de la Vienne a délivré à la société coopérative anonyme de gestion de l'eau (SCAGE

) du Clain moyen l'autorisation unique de création et d'exploitation de quinze ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association pour la Protection de la Nature et de l'Environnement du département de la Vienne, dite Vienne Nature, l'association Poitou Charente Nature, l'Union Fédérale des Consommateurs (UFC) Que Choisir de la Vienne, la Confédération paysanne de la Vienne, l'association ADEMA et l'association Vivrenclain ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2017 par lequel la préfète de la Vienne a délivré à la société coopérative anonyme de gestion de l'eau (SCAGE) du Clain moyen l'autorisation unique de création et d'exploitation de quinze réserves de substitution.

Par un jugement n° 1800812 du 4 juin 2020, le tribunal de Poitiers a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 24 juillet 2020, 15 juillet, 24 novembre 2021, 12 mars, 30 mai et 2 septembre 2022, l'association pour la Protection de la Nature et de l'Environnement du département de la Vienne, dite Vienne Nature, l'association Poitou Charente Nature, la Confédération paysanne de la Vienne et l'association Vivrenclain, représentés par Me Delalande, demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1800812 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2017 de la préfète de la Vienne ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de deux questions préjudicielles relatives, d'une part, au champ de l'évaluation des incidences des projets se réalisant dans un espace et dans une temporalité concomitante et ayant des incidences notables sur l'environnement et, d'autre part, au contrôle d'incompatibilité tel que retenu par le juge français entre le SDAGE et les autorisations délivrées en matière de réserves de substitution qui est de nature à priver d'effet utile les dispositions et objectifs de la directive cadre sur l'eau du 23 octobre 2000 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré de l'insuffisance de l'évaluation environnementale relative aux effets cumulés avec ceux des prélèvements hivernaux préexistants ;

- l'arrêté attaqué a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le fractionnement des projets de réserves, 41 réserves sur l'ensemble du bassin du Clain, ne permet pas au public d'appréhender l'incidence et l'ampleur du projet global ; il doit être sursis à statuer pour saisir la Cour de justice européenne d'une question préjudicielle relative au champ de l'évaluation des incidences des projets se réalisant dans un espace et dans une temporalité concomitante et ayant des incidences notables sur l'environnement ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article 7D-3 du schéma départemental d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Loire-Bretagne dès lors que les volumes retenus ne correspondent pas à ceux fixés par le document ; retenir un simple rapport de compatibilité entre l'arrêté et le SDAGE prive d'effet utile ce dernier ; il doit être sursis à statuer pour saisir la Cour de justice européenne d'une question préjudicielle relative au contrôle d'incompatibilité tel que retenu par le juge français entre le SDAGE et les autorisations délivrées en matière de réserves de substitution qui est de nature à priver d'effet utile les dispositions et objectifs de la directive cadre sur l'eau du 23 octobre 2000 ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article R. 122-5 du code de l'environnement dès lors que l'étude d'impact n'examine pas l'effet cumulé des prélèvements projetés avec les autres prélèvements hivernaux préexistants et est donc insuffisante ; elle se fonde sur une étude du BRGM partielle et erronée ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'environnement dès lors qu'il s'inscrit dans une gestion déséquilibrée de la ressource en eau au profit de l'irrigation et au détriment des autres usages, alimentation en eau potable et vie aquatique, et que les prélèvements seront supérieurs à ceux réalisés précédemment ;

- l'arrêté attaqué contrevient au principe de non-détérioration des masses d'eau édicté par la directive cadre sur l'eau du 23 octobre 2000 et méconnaît les dispositions de l'article R. 212-16 du code de l'environnement dès lors que les prélèvements, qui sont supérieurs à ceux réalisés précédemment, entraineront donc une dégradation des masses d'eau sans que la procédure dérogatoire prévue par ces dispositions n'ait été mise en œuvre ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'une dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées en application de l'article L. 411-1 du code de l'environnement aurait dû être sollicitée compte tenu de l'atteinte aux espèces protégées et à leurs habitats générée par le projet ;

- l'arrêté attaqué est incompatible avec les objectifs relatifs au retour à l'équilibre, aux orientations et dispositions liées aux économies d'eau du SDAGE Loire-Bretagne 2016-2021, comme du SDAGE 2022-2027 ;

- l'arrêté attaqué est illégal du fait de l'illégalité de l'article R. 122-5 du code de l'environnement au regard de l'article L. 122-1 du même code dès lors qu'en l'absence d'évaluation des effets cumulés entre les différentes réserves en projet, il n'est pas conforme au droit de l'Union européenne ;

- l'arrêté attaqué est illégal dès lors que le projet en litige n'est pas financé.

Par un mémoire en intervention volontaire présenté au soutien de la requête, enregistré le 7 juillet 2021, la Ligue pour la protection des oiseaux, représentée par Me Delalande, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1800812 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2017 de la préfète de la Vienne ;

Elle soutient que :

- l'étude d'impact est insuffisante dès lors qu'elle minimise l'impact réel du projet sur l'avifaune de plaine, notamment s'agissant de l'outarde canepetière ; l'étude a été limitée à une zone très restreinte non représentative de l'avifaune de plaine et les mesures " éviter-réduire-compenser " sont insuffisantes voir absentes de l'étude ;

- l'évaluation des incidences du projet sur les sites Natura 2000 est insuffisante et erronée dès lors que l'étude de l'état initial de l'avifaune est contestable.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 octobre 2021, 11 mai 2022 et 30 juin 2022, la société coopérative anonyme de gestion de l'eau (SCAGE) du Clain moyen, représentée par la SCP KPL Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des appelants la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de l'irrégularité du jugement est irrecevable car tardif ;

- les autres moyens ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 octobre 2021 et 21 avril 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 5 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 20 septembre 2022.

Un mémoire a été enregistré pour les requérantes le 6 mars 2023, postérieurement à la clôture d'instruction, et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau ;

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 et notamment son article 15 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... B...,

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public,

- et les observations de Me Delalande représentant l'association Vienne Nature et autres, ainsi que la Ligue pour la protection des oiseaux et Me Kolenc, représentant la Société coopérative anonyme de gestion de l'eau du Clain moyen.

Considérant ce qui suit :

1. La société coopérative anonyme de gestion de l'eau (SCAGE) du Clain moyen a déposé le 26 juillet 2016 une demande d'autorisation unique pour la construction et l'exploitation sur les communes de Roches Premarie, Smarves, Aslonnes, Chateau-Larcher, Iteuil, Vivonne, Marigny-Chemereau, Marçay, Benassay et Coulombiers de quinze réserves de substitution, représentant un stockage de 3,3 millions de mètres cubes d'eau. Par arrêté du 12 avril 2017, la préfèt de la Vienne a prescrit l'ouverture d'une enquête publique, qui s'est déroulée du 30 mai au 30 juin 2017. Par arrêté du 7 décembre 2017, la préfète de la Vienne a délivré à la société coopérative anonyme de gestion de l'eau (SCAGE) du Clain moyen l'autorisation environnementale sollicitée. L'association pour la Protection de la Nature et de l'Environnement du département de la Vienne, dite Vienne Nature, l'association Poitou Charente Nature, la Confédération paysanne de la Vienne et l'association Vivrenclain font appel du jugement n° 1800812 du 4 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'intervention de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) de Poitou-Charentes :

2. Est recevable à former une intervention toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige. L'association LPO de Poitou-Charentes, association de protection de l'environnement agréée au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement, qui, selon ses statuts, a pour objet notamment d'agir pour l'oiseau, la faune sauvage, la nature et l'homme et lutter contre le déclin de la biodiversité en travaillant à la défense de différentes espèces, et en particulier, celles qui sont rares ou menacées de disparition et en favorisant les conditions d'existence et de reproduction des oiseaux en protégeant leurs habitats, a intérêt à l'annulation de l'arrêté attaqué. Ainsi, compte tenu de la nature et de l'objet du litige, son intervention est recevable.

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que le jugement du tribunal administratif de Poitiers a été notifié à l'association pour la Protection de la Nature et de l'Environnement du département de la Vienne, dite Vienne Nature, désignée représentante unique en première instance, en la personne de son président, le 12 juin 2020. Dans ces conditions, le moyen soulevé pour la première fois par les appelantes dans leur mémoire enregistré au greffe de la cour d'appel administrative de Bordeaux le 15 juin 2021 et tiré de l'irrégularité de ce jugement dès lors que les premiers juges auraient omis d'examiner le moyen tiré de l'insuffisance de l'évaluation environnementale relative aux effets cumulés aux prélèvements hivernaux préexistants, constitue une demande nouvelle irrecevable car tardive.

Sur la légalité de l'arrêté du 7 décembre 2017 :

En ce qui concerne le dossier soumis à enquête publique :

S'agissant du contenu de l'étude d'impact :

5. Aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, dans sa version applicable au litige : " II. ' Lorsque ces projets concourent à la réalisation d'un même programme de travaux, d'aménagements ou d'ouvrages et lorsque ces projets sont réalisés de manière simultanée, l'étude d'impact doit porter sur l'ensemble du programme. Lorsque la réalisation est échelonnée dans le temps, l'étude d'impact de chacun des projets doit comporter une appréciation des impacts de l'ensemble du programme. Lorsque les travaux sont réalisés par des maîtres d'ouvrage différents, ceux-ci peuvent demander à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement de préciser les autres projets du programme, dans le cadre des dispositions de l'article L. 122-1-2. Un programme de travaux, d'aménagements ou d'ouvrages est constitué par des projets de travaux, d'ouvrages et d'aménagements réalisés par un ou plusieurs maîtres d'ouvrage et constituant une unité fonctionnelle ". Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa version applicable au litige : " I. Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. II. L'étude d'impact présente : (...) 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, (...) 4° Une analyse des effets cumulés du projet avec d'autres projets connus. Ces projets sont ceux qui, lors du dépôt de l'étude d'impact : -ont fait l'objet d'un document d'incidences au titre de l'article R. 214-6 et d'une enquête publique ; -ont fait l'objet d'une étude d'impact au titre du présent code et pour lesquels un avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement a été rendu public. (...) 7° Les mesures prévues par le pétitionnaire ou le maître de l'ouvrage pour : -éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; -compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité. (...) ". Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le projet de création de quinze réserves de substitution en litige s'intègre dans un projet global de création de 41 réserves pour l'irrigation agricole dans le bassin du Clain. Le projet global a été découpé en cinq lots, dénommées " Clain Moyen ", " La Clouère ", " Dive Bouleure/ Clain Amont ", " Auxances " et " Pallu ", ayant chacun donné lieu à une demande d'autorisation et à une enquête publique. Contrairement à ce que soutiennent les appelantes, l'étude d'impact jointe au dossier de demande d'autorisation en litige, dénommée " Clain Moyen ", comporte un chapitre dédié à l'analyse des effets cumulés de l'ensemble de ces projets. Elle indique ainsi que " ces projets s'inscrivant dans le même cadre du Contrat territorial, les effets conjugués du projet (...) avec les quatre autres projets de réserves de substitution du bassin du Clain, regroupés au sein de l'association RES'EAU CLAIN, ont été pris en compte ". Elle précise que l'étude des effets conjugués menée a abouti notamment à " un effet conjugué positif sur la ressources en eau, étudié au travers de la simulation du BRGM " dont les conclusions sont présentées dans l'étude d'impact. Dans ces conditions, le public était informé que les cours d'eau impactés par le projet ne se limitaient pas au cours moyen du Clain. Par suite, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle qu'il est demandé au juge d'appel de poser, le moyen des requérantes tiré de ce que l'étude d'impact serait insuffisante en l'absence d'évaluation de l'effet cumulé des 41 réserves projetées sur le bassin du Clain doit être écarté. Dans ces conditions, les appelantes ne peuvent utilement soutenir que l'arrêté attaqué est illégal du fait de l'illégalité de l'article R. 122-5 du code de l'environnement au regard de l'article L. 122-1 du même code pour cause d'inconventionnalité de ce dernier quant aux exigences en matière d'impacts de l'ensemble d'un programme.

7. En deuxième lieu, les appelantes soutiennent que l'étude d'impact serait insuffisante du fait de l'absence d'étude des effets cumulés des prélèvements projetés avec les autres prélèvements hivernaux préexistants. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'étude d'impact mentionne les ouvrages de stockage hivernal existants ainsi que les prélèvements d'irrigation agricole existants. Elle analyse, dans sa partie H, en s'appuyant sur l'étude menée par le BRGM, les effets conjugués de l'ensemble des projets à l'échelle du bassin du Clain. Contrairement à ce que soutiennent les appelantes, il ne résulte pas de l'instruction que les données issues de cette étude, qui reposent sur un travail de compilation de données provenant de bureaux d'études et de l'organisme unique de gestion collective (OUGC) des prélèvements d'eau à usage d'irrigation sur le bassin du Clain, déclinées en trois scenarii, et qui, en tout état de cause, apprécient le débit des rivières concernées avant et après les créations du projet litigieux, seraient erronées ou insuffisantes pour apprécier l'impact cumulé des projets avec les prélèvements hivernaux préexistants. Par suite, ce moyen doit être écarté.

8. En troisième lieu, d'une part il résulte de l'instruction que l'étude d'impact comporte un chapitre C dédié à l'analyse de l'état initial des milieux d'implantation de chacune des quinze réserves projetées. Pour apprécier cet état, deux aires d'études ont été définies, une aire d'étude élargie correspondant au projet dans sa globalité qui permet d'apprécier les effets conjugués de l'ensemble des 15 réserves mais également des effets de ces réserves conjugués avec ceux des projets des autres SCAGE du bassin du Clain, cette dernière étude étant présentée, comme indiqué au point 7, au chapitre H de l'étude d'impact, et une aire d'étude rapprochée correspondant à chacune des réserves et ses réseaux associés. S'agissant plus spécifiquement de l'état initial du milieu naturel, l'étude d'impact spécifie dans son point C.1.3.1 les contours de l'aire d'étude élargie et indique dans son point C.1.3.2 que l'aire d'étude rapprochée concerne le secteur géographique immédiat de chaque réserve projetée, intégrant une enveloppe de 50 mètres de part et d'autre des canalisations. Elle complète cette présentation en détaillant, au point C.2.3.1, la méthodologie suivie en matière d'inventaire faune-flore. Il en résulte que plusieurs périodes d'observations ont été retenues permettant de cartographier pour chaque réserve les enjeux et de répertorier les espèces faunistiques présentes, et notamment les oiseaux. L'autorité environnementale relève d'ailleurs, dans son avis du 20 février 2017, que les " enjeux localisés en termes d'habitats, de faune et de flore ont été mis en évidence ". Dans ces conditions, les moyens soulevés par l'intervenante tirés de ce que l'aire d'étude serait trop restreinte car se limitant aux seuls abords de la réserve et de ce que l'impact cumulé de l'ensemble des réserves du projet n'aurait pas été étudié doivent être écartés. En outre, l'intervenante n'est pas fondée à soutenir que l'étude d'impact devait comporter l'analyse de l'impact cumulé sur l'avifaune de la plaine des 93 réserves du Poitou-Charentes, qui dépasse le champ du programme.

9. D'autre part, s'agissant de l'impact du projet sur ces milieux, l'étude d'impact comporte un chapitre F, qui indique les effets potentiels permanents du projet sur le milieu naturel ainsi que les mesures d'évitement et réalise, pour chaque réserve, une synthèse des impacts par habitat ainsi que les mesures associées. Si l'autorité environnementale a pointé dans son avis quelques lacunes concernant la quantification des impacts résiduels sur les espèces protégées et notamment les oiseaux de plaine, il résulte du mémoire du pétitionnaire du 6 avril 2017 en réponse à cet avis que ce dernier a privilégié une démarche d'évitement en concevant les réserves projetées en dehors des enjeux et sensibilités relevés et que lorsque les mesures d'évitement ne permettaient pas de réduire significativement l'impact du projet, des mesures de réduction ont été intégrées au projet. Dans ce mémoire, le pétitionnaire complète son étude d'impact en quantifiant précisément l'impact résiduel de chacune des réserves et de ses réseaux associés sur les espèces protégées. Il précise que sur les 15 réserves projetées, cinq sont concernées par une espèce nichant ou se reproduisant sur son emprise, mais qu'il ne s'agit pas d'espèces protégées. Il comporte en complément d'un tableau de quantification, une partie détaillant les impacts résiduels du projet concernant l'avifaune de plaine, qui précise qu'aucune espèce protégée nicheuse n'a été contactée dans l'emprise des réserves lors des investigations, et qu'aucun impact n'est ainsi à envisager. Il conclut à un impact nul ou très faible sur les autres oiseaux de plaine, les busards, l'oedicnème criard, le pluvier doré et le vanneau huppé. En ce qui concerne l'outarde canepetière, il est indiqué sans que cette affirmation soit contredite qu'elle apparaît absente. Par suite, même à considérer, comme l'a pointé l'autorité environnementale, que l'étude d'impact méritait d'être complétée au regard de l'impact résiduel du projet sur les espèces protégées et notamment les oiseaux de plaine, cette faiblesse n'a eu aucune incidence sur la décision de l'administration ni sur l'information complète du public dès lors que ce complément a été apporté par le pétitionnaire dans son mémoire du 6 avril 2017, document dont l'administration disposait et qui a été joint au dossier de l'enquête publique.

10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact doit être écarté dans tous ses branches.

S'agissant de l'évaluation des incidences Natura 2000 :

11. Aux termes de l'article L. 414-1 du code de l'environnement : " I. Les zones spéciales de conservation sont des sites marins et terrestres à protéger comprenant : soit des habitats naturels menacés de disparition ou réduits à de faibles dimensions ou offrant des exemples remarquables des caractéristiques propres aux régions alpine, atlantique, continentale et méditerranéenne ; soit des habitats abritant des espèces de faune ou de flore sauvages rares ou vulnérables ou menacées de disparition ; soit des espèces de faune ou de flore sauvages dignes d'une attention particulière en raison de la spécificité de leur habitat ou des effets de leur exploitation sur leur état de conservation ; (...) ". Aux termes de l'article L. 414-4 du même code : " I. - Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après " Evaluation des incidences Natura 2000 " : (...) 2° Les programmes ou projets d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations ; (...) ". Aux termes de l'article R. 414-23 du même code : " (...) Cette évaluation est proportionnée à l'importance du document ou de l'opération et aux enjeux de conservation des habitats et des espèces en présence. I.-Le dossier comprend dans tous les cas : (...)1° Une présentation simplifiée du document de planification, ou une description du programme, du projet, de la manifestation ou de l'intervention, accompagnée d'une carte permettant de localiser l'espace terrestre ou marin sur lequel il peut avoir des effets et les sites Natura 2000 susceptibles d'être concernés par ces effets ; lorsque des travaux, ouvrages ou aménagements sont à réaliser dans le périmètre d'un site Natura 2000, un plan de situation détaillé est fourni ; 2° Un exposé sommaire des raisons pour lesquelles le document de planification, le programme, le projet, la manifestation ou l'intervention est ou non susceptible d'avoir une incidence sur un ou plusieurs sites Natura 2000 ; dans l'affirmative, cet exposé précise la liste des sites Natura 2000 susceptibles d'être affectés, compte tenu de la nature et de l'importance du document de planification, ou du programme, projet, manifestation ou intervention, de sa localisation dans un site Natura 2000 ou de la distance qui le sépare du ou des sites Natura 2000, de la topographie, de l'hydrographie, du fonctionnement des écosystèmes, des caractéristiques du ou des sites Natura 2000 et de leurs objectifs de conservation. (...) ". En application de l'article R. 122-5 du même code cité au point 5, l'étude d'impact qui comprend ces éléments tient lieu d'évaluation des incidences Natura 2000.

12. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'avis de l'autorité environnementale, que le projet se situe dans un secteur dans lequel les terres cultivées occupent la majorité de l'espace et caractérisé par une densité élevée de mares et de cours d'eau, dont le Clain, bordés de ripisylves. L'aire d'étude élargie intercepte dix-sept zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) ainsi que sept sites relevant des espaces naturels sensibles. Au titre de l'analyse de l'incidence du projet sur les sites Natura 2000, l'étude d'impact comporte un chapitre spécifique, chapitre G, qui précise qu'aucun site Natura 2000 n'est situé dans l'aire d'étude. Dans les abords de l'aire d'étude élargie, six zones Natura 2000 sont recensées et cartographiées. Si deux d'entre elles, les zones de protection spéciale (ZPS) les " Plaines du Mirebalais et du Neuvillois " et la " Plaine de la Mothe Saint-Héray, Lezay " font partie des huit zones de plaines à outarde canepetière retenues comme majeures en Poitou-Charentes, il résulte de l'instruction qu'elles sont situées à plus de 8 et 10 km des réserves les plus proches, et qu'à ces distances, aucun effet direct ou indirect lié aux travaux ou à l'exploitation des réserves et de leurs réseaux n'est susceptible d'affecter ces sites. L'étude d'impact conclut ainsi à un impact nul du projet sur les sites Natura 2000. Dans ces conditions, l'intervenante n'est pas fondée à soutenir que l'évaluation des incidences Natura 2000 telle que prévue par les dispositions précitées de l'article R. 414-23 du code de l'environnement serait insuffisante.

En ce qui concerne l'absence de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées :

13. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits: / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; (...) / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " I. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : (...) / 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; / b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ; / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; / d) A des fins de recherche et d'éducation, de repeuplement et de réintroduction de ces espèces et pour des opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la propagation artificielle des plantes ; / e) Pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d'une manière sélective et dans une mesure limitée, la prise ou la détention d'un nombre limité et spécifié de certains spécimens (...) ". Aux termes de l'article R. 411-6 du même code : " Les dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 sont accordées par le préfet, sauf dans les cas prévus aux articles R. 411-7 et R. 411-8. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois par l'autorité administrative sur une demande de dérogation vaut décision de rejet. / Toutefois, lorsque la dérogation est sollicitée pour un projet entrant dans le champ d'application de l'article L. 181-1, l'autorisation environnementale prévue par cet article tient lieu de la dérogation définie par le 4° de l'article L. 411-2. La demande est alors instruite et délivrée dans les conditions prévues par le chapitre unique du titre VIII du livre Ier pour l'autorisation environnementale et les dispositions de la présente sous-section ne sont pas applicables ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 19 février 2007 du ministre de l'agriculture et de la pêche et de la ministre de l'écologie et du développement durable fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées : " La demande de dérogation (...) comprend : (...) La description, en fonction de la nature de l'opération projetée : (...) s'il y a lieu, des mesures d'atténuation ou de compensation mises en œuvre, ayant des conséquences bénéfiques pour les espèces concernées (..) ". Aux termes de l'article 4 de cet arrêté, la décision précise, en cas d'octroi d'une dérogation, " la motivation de celle-ci et, en tant que de besoin, en fonction de la nature de l'opération projetée, les conditions de celles-ci, notamment : (...) nombre et sexe des spécimens sur lesquels porte la dérogation " et " s'il y a lieu, mesures de réduction ou de compensation mises en œuvre, ayant des conséquences bénéfiques pour les espèces concernées ainsi qu'un délai pour la transmission à l'autorité décisionnaire du bilan de leur mise en œuvre ". Les arrêtés du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009 des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement fixent, respectivement, la liste des mammifères terrestres et des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection.

14. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus, qui concerne les espèces de mammifères terrestres et d'oiseaux figurant sur les listes fixées par les arrêtés du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009, impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes.

15. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

16. Comme indiqué au point 12, les quinze réserves en litige s'implantent dans un secteur de trame bocagère accueillant plusieurs espèces " faune-flore " protégées. S'agissant plus spécifiquement de la réserve n°17 " Forêt de Montbeil ", il résulte de l'instruction qu'elle s'implante à proximité immédiate d'une mare d'une superficie de 900 m2, dite " Lac de l'Epine ", répertoriée comme une zone humide de fort intérêt écologique abritant diverses espèces protégées notamment le lézard des murailles et le lézard vert, la salamandre tachetée, la grenouille agile, le triton palmé ou encore le triton marbré. Située à 20 mètres au sud-ouest de la réserve, le risque d'impact collatéral lors des travaux a ainsi été identifié comme fort. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment de l'étude d'impact, qu'au titre des mesures d'évitement et de réduction, le porteur de projet a prévu lors de la phase de travaux, de mettre en défens cette mare avant le début des travaux aux fins d'assurer sa protection. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, le projet n'aura pas d'impact sur les espèces présentes au sein de cette mare. S'agissant en outre de la réserve n°12 " La Verrie ", les appelantes pointent la destruction d'habitats de nombreuses espèces protégées et notamment le chardonneret élégant, le crapaud épineux et le lézard des murailles. Il résulte de l'instruction que le chardonneret élégant niche dans un arbre jouxté par le réseau, tandis que le crapaud épineux comme le lézard des murailles est présent dans les milieux ouverts et boisements situés aux abords de la réserve. Toutefois, il résulte de l'étude que pour éviter tout risque de destruction d'œufs ou de larves de crapaud épineux, l'implantation de la réserve a été légèrement décalée afin de préserver une bâche à eau, qui fera l'objet d'une mise en défens pendant la phase de travaux. Concernant l'avifaune, l'impact lié au risque de destruction de nichées et de dérangement sera supprimé par un phasage des travaux en dehors de la période de nidification et s'agissant plus spécifiquement de l'arbre nicheur du chardonneret élégant, il sera également mis en défens. Dans ces conditions, le risque d'impact sur les espèces protégées apparaît nul ou tout du moins très limité. Enfin, il résulte de ce qui a été dit au point 9 que l'impact résiduel du projet sur l'avifaune de plaine apparaît nul ou très limité. Ainsi, compte tenu des mesures d'évitement et réduction proposées, le projet ne comporte pas de risque suffisamment caractérisé pour les espèces protégées ou leurs habitats et le porteur de projet n'était ainsi pas tenu de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté au regard du SDAGE Loire-Bretagne :

S'agissant de la nature du contrôle opéré :

17. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement : " I. - Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion (...) vise à assurer : 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; (...); 2° La protection des eaux (...) 3° La restauration de la qualité de ces eaux et leur régénération ; 4° Le développement, la mobilisation, la création et la protection de la ressource en eau (...) ; 5° bis La promotion d'une politique active de stockage de l'eau pour un usage partagé de l'eau permettant de garantir l'irrigation, élément essentiel de la sécurité de la production agricole et du maintien de l'étiage des rivières, et de subvenir aux besoins des populations locales ; 6° La promotion d'une utilisation efficace, économe et durable de la ressource en eau (...)7° Le rétablissement de la continuité écologique au sein des bassins hydrographiques. II. - La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences : 1° De la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole ; 2° De la conservation et du libre écoulement des eaux (...) ; 3° De l'agriculture, (...) ". Aux termes de l'article L. 212-1 du code de l'environnement relatif aux schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) : " (...) III. - Chaque bassin ou groupement de bassins hydrographiques est doté d'un ou de plusieurs schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (...) / IV. - Les objectifs de qualité et de quantité des eaux que fixent les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux correspondent : 1° Pour les eaux de surface (...) à un bon état écologique et chimique ; 2° Pour les masses d'eau de surface artificielles ou fortement modifiées par les activités humaines, à un bon potentiel écologique et à un bon état chimique ; (...) 3° Pour les masses d'eau souterraines, à un bon état chimique et à un équilibre entre les prélèvements et la capacité de renouvellement de chacune d'entre elles ; 4° A la prévention de la détérioration de la qualité des eaux ; (...) / VII. - Des modifications dans les caractéristiques physiques des eaux ou l'exercice de nouvelles activités humaines peuvent justifier, dans des conditions définies par le décret prévu au XIII, des dérogations motivées au respect des objectifs mentionnés aux 1° à 4° du IV et au VI. (...) IX. - Le schéma directeur détermine les aménagements et les dispositions nécessaires, comprenant la mise en place de la trame bleue figurant dans les schémas régionaux de cohérence écologique (...) les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (...) pour prévenir la détérioration et assurer la protection et l'amélioration de l'état des eaux et milieux aquatiques, pour atteindre et respecter les objectifs de qualité et de quantité des eaux (...) / X. - Le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux détermine les eaux maritimes intérieures et territoriales et les sous-bassins ou groupements de sous-bassins pour lesquels un schéma d'aménagement et de gestion des eaux défini à l'article L. 212-3 est nécessaire pour respecter les orientations fondamentales et les objectifs fixés en application du présent article (...) / XI. - Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux. (...) ". Aux termes de l'article L. 212-3 du code de l'environnement, relatif aux schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) : " Le schéma d'aménagement et de gestion des eaux institué pour un sous-bassin, pour un groupement de sous-bassins correspondant à une unité hydrographique cohérente ou pour un système aquifère fixe les objectifs généraux et les dispositions permettant de satisfaire aux principes énoncés aux articles L. 211-1 et L. 430-1. Le schéma d'aménagement et de gestion des eaux doit être compatible avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux prévu à l'article L. 212-1 ou rendu compatible avec lui (...) ". Aux termes de l'article L. 212-5-2 du même code : " Lorsque le schéma a été approuvé et publié, le règlement et ses documents cartographiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de toute installation, ouvrage, travaux ou activité mentionnés à l'article L. 214-2. / Les décisions applicables dans le périmètre défini par le schéma prises dans le domaine de l'eau par les autorités administratives doivent être compatibles ou rendues compatibles avec le plan d'aménagement et de gestion durable de la ressource en eau dans les conditions et les délais qu'il précise. ".

18. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 212-1 du code de l'environnement que le SDAGE, d'une part, fixe, pour chaque bassin ou groupement de bassins, les objectifs de qualité et de quantité des eaux ainsi que les orientations permettant d'assurer une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau, et d'autre part, détermine à cette fin les aménagements et les dispositions nécessaires. En outre, lorsque cela apparaît nécessaire pour respecter ses orientations et ses objectifs, le SDAGE peut être complété, pour un périmètre géographique donné, par un SAGE qui doit lui être compatible et qui comporte, en vertu de l'article L. 212-5-1, d'une part, un plan d'aménagement et de gestion durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques, et d'autre part, un règlement pouvant édicter les obligations définies au II de cet article. En vertu du XI de l'article L. 212-1 et de l'article L. 212-5-2 du code de l'environnement, les décisions administratives prises dans le domaine de l'eau, dont celles prises au titre de la police de l'eau en application des articles L. 214-1 et suivants du même code, sont soumises à une simple obligation de compatibilité avec le SDAGE et avec le plan d'aménagement et de gestion durable du SAGE. Pour apprécier cette compatibilité, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire pertinent pour apprécier les effets du projet sur la gestion des eaux, si l'autorisation ne contrarie pas les objectifs et les orientations fixés par le schéma, en tenant compte de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation de l'autorisation au regard chaque orientation ou objectif particulier. En revanche, les décisions administratives prises au titre de la police de l'eau en application des articles L. 214-1 et suivants sont soumises à une obligation de conformité au règlement du SAGE et à ses documents cartographiques, dès lors que les installations, ouvrages, travaux et activités en cause sont situés sur un territoire couvert par un tel document.

19. Il résulte de ce qui précède que si les décisions administratives prises au titre de la police de l'eau en application des articles L. 214-1 et suivants sont soumises à un simple rapport de compatibilité avec les SDAGE, elles sont soumises à un rapport de conformité aux règlements des SAGE qui ont vocation, en application de l'article L. 212-3 du code de l'environnement, à fixer les objectifs généraux et les dispositions permettant de satisfaire aux principes énoncés aux articles L. 211-1 et L. 430-1 et qui doivent être eux-mêmes compatibles aux SDAGE. Dans ces conditions, eu égard à la portée de chacun des documents composant ces schémas, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à la conventionalité d'un tel contrôle au regard de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, les appelantes ne sont pas fondées à soutenir que le rapport de compatibilité entre l'autorisation et le SDAGE priverait ce dernier d'effet.

S'agissant de la compatibilité du projet au SDAGE Loire-Bretagne :

20. Il résulte de l'instruction que le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) 2022-2027 du bassin Loire-Bretagne a été adopté le 3 mars 2022. Ainsi, et dès lors que l'autorisation en litige est soumise à un contentieux de pleine juridiction, sa légalité doit être appréciée par rapport à ce document et non au document antérieurement en vigueur. Dans ces conditions, le moyen des appelantes tiré de l'incompatibilité du projet avec la disposition 7D-3 du SDAGE Loire Bretagne 2016-2021 fixant le volume maximal des réserves de substitution à des volumes égaux ou inférieurs à 80 % du volume annuel maximal prélevé directement dans le milieu naturel les années antérieures doit être écarté comme étant inopérant. Il en est de même du moyen tiré de l'incompatibilité du projet avec les objectifs de ce même SDAGE relatifs au retour à l'équilibre et avec les orientations liées aux économies d'eau. Cependant, les appelantes soulèvent également l'incompatibilité du projet avec les mêmes objectifs repris par le SDAGE Loire Bretagne 2022-2027.

21. Le SDAGE 2022-2027 du bassin Loire-Bretagne comporte dans son chapitre 7 intitulé " Gérer les prélèvements d'eau de manière équilibrée et durable " deux orientations dénommées 7A " Anticiper les effets du changement climatique par une gestion équilibrée et économe de la ressource en eau " et 7B " Assurer l'équilibre entre la ressources et les besoins en période de basses eaux " ainsi définies : " L'adaptation au changement climatique implique, dans un premier temps, une gestion équilibrée des ressources en eau sur l'ensemble du bassin Loire-Bretagne. (...) l'irrigation est l'usage le plus consommateur d'eau en période de basses eaux dans certaines régions de grande culture ; il convient de réduire l'impact de cet usage sur les débits d'étiage et sur le bon fonctionnement des zones humides en optimisant l'efficience de l'eau ". Elles sont complétées d'une orientation 7D " Faire évoluer la répartition spatiale et temporelle des prélèvements, par stockage hors période basses eaux " fixant dans son paragraphe 7D-3 les critères pour les réserves de substitution : " (...) Les projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE) sont conçus pour résorber le déficit quantitatif et permettre l'adaptation du territoire au changement climatique. Ils comprennent un volet de recherche de sobriété et d'optimisation des différents usages de l'eau : économies d'eau, maîtrise des consommations, diagnostics, amélioration de l'efficience de l'eau et modernisation des réseaux. (...) Dans le respect des conditions énoncées ci-avant dans ce paragraphe, ces démarches de gestion quantitative de la ressource en eau peuvent, in fine, intégrer des retenues de substitution si la concertation territoriale en a démontré la nécessité. La substitution des prélèvements se définit par le remplacement de prélèvements réalisés en période de basses eaux par des prélèvements réalisés hors période de basses eaux et stockés temporairement dans des retenues de substitution. Le stockage hors période de basses eaux est souhaitable lorsque, combiné à d'autres actions, il contribue à l'atteinte de l'équilibre, dans la durée, entre besoins et ressources. Il est mis en œuvre dans le respect de la bonne fonctionnalité des écosystèmes aquatiques, et s'inscrit dans une démarche de sobriété. L'instruction du dossier d'autorisation pour les retenues de substitution tient compte de l'avantage de remplacer des prélèvements en période de basses eaux par des prélèvements hors période de basses eaux. L'amélioration du milieu aquatique doit être indiscutable. (...) Conditions de prélèvement pour le remplissage des retenues de substitution : Déconnexion : Les retenues de substitution sont des ouvrages étanches, déconnectés du milieu naturel aquatique et alimentés exclusivement par des prélèvements hors période de basses eaux qui se substituent à des prélèvements existants en période de basses eaux (...) ; Volume de substitution : Le volume de substitution est le volume des prélèvements en période de basses eaux qui est transféré hors période de basses eaux. Pour les nouveaux projets, le volume de prélèvement en période de basses eaux, à partir duquel le volume de substitution sera déterminé, doit être défini dans un diagnostic de la ressource approuvé par l'autorité administrative. L'établissement du volume de substitution prend en compte une analyse rétrospective s'appuyant sur les 5 à 10 dernières années ainsi qu'une démarche prospective visant à intégrer les conséquences des dérèglements climatiques sur la disponibilité de la ressource en eau, adaptées selon les bassins et leurs caractéristiques hydrologiques. Il est tenu compte des économies d'eau réalisées ou projetées pour établir le volume de substitution. (...) ".

22. Il résulte de l'instruction que, comme indiqué au point 6, le projet de création de quinze réserves de substitution en litige s'intègre dans un projet global de création de 41 réserves pour l'irrigation agricole dans le bassin du Clain. Ce projet était, lors du dépôt de la demande d'autorisation en litige, prévu par un contrat territorial de gestion quantitative (CTGQ) du Clain résultant de l'accord intervenu entre la chambre d'agriculture de la Vienne, les sociétés coopératives de gestion de l'eau (5 SCAGE) et l'Agence de l'eau Loire Bretagne. Il résulte de l'instruction que ce contrat vise à l'amélioration de la gestion de la ressource en eau et au retour à l'équilibre par l'atteinte de volumes prélevables, de façon à diminuer fortement ces prélèvements, sur la totalité du bassin du Clain en période d'étiage, le bassin du Clain se caractérisant par un déficit de la ressource en eau en période d'étiage et classé en zone de répartition des eaux (ZRE) par décret n°94-354 du 29 avril 1994, l'objectif à l'horizon 2017 étant de baisser de près de 60% les prélèvements sur la totalité du bassin du Clain, de façon à alléger la pression des prélèvements par transfert de prélèvements de printemps et d'été sur des retenues stockant des eaux en hiver. Le CTGQ 2013-2017 prévoyait la baisse drastique des prélèvements à l'horizon 2017 sur le bassin du Clain pour atteindre un volume prélevable dans le milieu en période d'étiage correspondant au bon état qualitatif fixé à 17,45 Mm3, en partant de 41,42 Mm3 en volume de référence pour aboutir à 17,45 Mm3 en volume cible 2017, en passant par des actions d'économies d'eau et désirrigation, représentant 41% de la diminution, et par la création des 41 réserves de substitution, représentant 59% de la diminution. Par arrêté interdépartemental du 11 août 2017, portant autorisation unique pluriannuelle de prélèvements d'eau pour l'irrigation agricole délivrée à l'organisme unique de gestion collective (OUGC) Clain pour la période 2017-2025, la préfète de la Vienne et les préfets de la Charente et des Deux-Sèvres ont attribué à l'OUGC Clain un volume total prélevable annuel en période printemps/été de 27, 5 millions de m3 et en période hivernale de 19,4 millions de m3 dont 10,51 millions de m3 dans le cadre de la réalisation du programme des retenues de substitution, volume susceptible d'évoluer chaque année en fonction des besoins, de la connaissance sur les plans d'eau et de la réalisation du programme de réserves. L'arrêté prévoit ainsi des mesures de gestion, un point d'étape au 31 décembre 2021 et une révision de l'arrêté en cas de non atteinte des volumes cibles et indique que le volume provisoire accordé aux irrigants engagés dans les projets de création de retenues de substitution a vocation à disparaître à l'issue de la réalisation de l'ensemble des retenues de substitution ou à défaut à baisser progressivement et finalement disparaitre à l'échéance fixée à l'année 2021/2022. C'est dans ce cadre que l'arrêté contesté a autorisé la création et l'exploitation, sur les sous-bassins " Le Clain de la Dive à la Clouère ", " Le Clain de la Clouère à la Boivre " et " Le Clain de la Boivre à l'Auxances ", de quinze réserves de substitution pour un volume de stockage cumulé de 3 291 668 m3.

23. Il résulte de l'instruction, que l'objectif d'atteinte du bon état quantitatif dans le bassin du Clain fixé par le SDAGE à 2021 n'a pas été atteint et que le report à 2027 de cet objectif a été intégré au SDAGE 2022-2027, sous réserve de la validation d'un protocole d'accord relatif à la réalisation des réserves de substitution sur le bassin du Clain, dont le début des travaux était, pour certaines, prévu en 2023. Ce protocole, initié par l'Etat, a été ratifié le 3 novembre 2022 par 41 acteurs de la consultation menée depuis 2019. Il fixe l'engagement obligatoire des agriculteurs adhérents des SCAGE, pour vingt ans, les autres agriculteurs n'ayant pas d'obligation au regard de ce protocole. La compatibilité au SDAGE doit être examinée en tenant compte de ce protocole, conclu pour assurer le respect des objectifs fixés par ce schéma.

24. Si les résultats définitifs de l'analyse hydrologie, milieux, usages et climat (HMUC) réalisée depuis 2019 par l'établissement public territorial du Bassin de la Vienne (EPTB Vienne) dans le cadre de la définition du schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) du bassin du Clain, attendus à la fin du premier trimestre 2023, n'ont pu être intégrés, il résulte de l'instruction que l'Etat s'engage à la prise en compte future de ces résultats, une fois validés par la commission locale de l'eau (CLE) du SAGE Clain, par, le cas échéant, " une adaptation des seuils de gestion conjoncturelle ", " une adaptation des volumes prélevés dans le milieu modifiant les volumes prélevables " et " une adaptation des seuils hydrologiques et piézométriques guidant le remplissage hivernal des retenus de substitution " et que " cet engagement est pris en application des textes réglementaires liés à la prise en compte des études HMUC dans les actes réglementaires, notamment le lien de conformité ou compatibilité avec le SAGE ". Ainsi, selon le protocole, " dès lors qu'ils auront été validés par la CLE, les nouveaux volumes prélevables déterminés pour l'étiage 2027 et la trajectoire pour les atteindre ainsi que les seuils de gestion issus de l'étude HMUC s'imposeront à l'autorité préfectorale ".

25. En outre, les acteurs, et notamment les irrigants, s'engagent à abandonner la 4ème tranche des travaux, le protocole ne portant plus que sur 30 projets de réserves pour 8,9 Mm3 contre 41 projets de réserves pour 11 Mm3 autorisés. Le volume des retenues engagées dans le protocole représente donc une baisse de 20% par rapport au volume global initial de 11 Mm3, le calendrier de réalisation fixant une première tranche en 2023 portant sur un total de 11 réserves dont 3 pour le bassin du Clain moyen, une deuxième tranche en 2025 portant sur 10 réserves dont 4 pour le bassin du Clain moyen, et une troisième phase en 2027, portant sur 9 réserves dont 1 pour le bassin du Clain moyen. Ainsi le porteur du projet en litige s'est engagé, à travers ce protocole, à ne pas réaliser 8 des réserves autorisées par l'arrêté du 7 décembre 2017 contesté dans la présente instance. Enfin, en complément de ce protocole, les parties prenantes se sont engagées à l'élaboration d'un projet de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE) du bassin du Clain afin de solliciter l'accès au financement de l'agence de l'eau. Ainsi, à travers ce protocole, conclu un peu de plus de cinq ans après l'obtention de l'autorisation contestée, les exploitations agricoles des SCAGE s'engagent sur une durée de six ans, dans le cadre d'un contrat territorial milieux aquatiques (CTMA), CTMA 2023-2025 puis 2026-2028, à diverses actions contribuant à l'amélioration du bon état des cours d'eau du bassin du Clain, via notamment l'amélioration de la qualité de l'eau par la réduction des nitrates, la réduction de l'impact des drainages agricoles et la restauration morphologique des cours d'eau, ainsi que la restauration des zones humides. L'ensemble des acteurs du territoire concerné par la création de ces réserves de substitution s'engagent également dans le cadre de deux programmes d'actions milieux aquatiques.

26. Au vu de l'ensemble de ces éléments, il résulte de l'instruction que l'arrêté contesté, autorisant la création et l'exploitation de quinze réserves de substitution pour un volume de 3 291 668 m3, qui pourra faire l'objet de prescriptions complémentaires en fonction des évolutions ultérieures, dont l'exécution est encadrée par un protocole précis, né d'une concertation de l'ensemble des acteurs concernés, dans lequel ils s'engagent notamment à l'élaboration d'un PTGE, et qui repose sur deux CTMA et sur une analyse HMUC dont les résultats définitifs devront nécessairement être pris en compte par l'Etat, est compatible avec les objectifs du SDAGE Loire-Bretagne 2022-2027, notamment ceux relatifs au retour à l'équilibre et avec les orientations liées aux économies d'eau tels que décrits au point 21.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 211-1 du code de l'environnement :

27. Les appelantes soutiennent que l'arrêté contesté, qui autorise des prélèvements supérieurs à ceux réalisés précédemment, permet d'augmenter les volumes dédiés à l'irrigation et qu'il méconnaît ainsi les dispositions précitées de l'article L. 211-1 du code de l'environnement qui fixent un principe de gestion équilibrée de l'eau. Il résulte toutefois de l'instruction, et notamment de l'étude d'impact et du protocole de novembre 2022, que l'objectif des réserves de substitution est de, certes, augmenter les volumes d'irrigation, mais en optimisant le stockage des pluies hivernales ce qui permet de diminuer les prélèvements dans le milieu naturel. Ainsi, il résulte de l'instruction que la création des réserves de substitution, qui constitue une des solutions permettant un retour à l'équilibre du bassin du Clain classé en ZRE, permettra de réduire le volume global de prélèvement attribué à l'OUGC Clain par l'arrêté interdépartemental portant autorisation unique pluriannuelle (AUP) pour l'irrigation agricole à l'OUGC Clain du 11 août 2017 pour une durée de 8 ans. Dans ces conditions, auxquelles s'ajoute ce qui a été dit aux points 22 à 26, les appelantes ne sont pas fondées à soutenir que l'arrêté contesté méconnaitrait les dispositions l'article L. 211-1 du code de l'environnement.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 212-16 du code de l'environnement et du principe de non-détérioration des masses d'eau :

28. Aux termes de l'article R. 212-16 du code de l'environnement : " I. - Le recours aux dérogations prévues au VI de l'article L. 212-1 n'est admis qu'à la condition : 1° Que les besoins auxquels répond l'activité humaine affectant l'état de masses d'eau ne puissent être assurés par d'autres moyens ayant de meilleurs effets environnementaux ou susceptibles d'être mis en oeuvre pour un coût non disproportionné ; 2° Que les dérogations aux objectifs soient strictement limitées à ce qui est rendu nécessaire par la nature des activités humaines ou de la pollution ; 3° Que ces dérogations ne produisent aucune autre détérioration de l'état des masses d'eau. I bis. - Les dérogations prévues au VII de l'article L. 212-1 ne peuvent être accordées pour un projet entraînant des modifications dans les caractéristiques physiques des eaux ou l'exercice de nouvelles activités humaines que lorsque toutes les conditions suivantes sont remplies : 1° Toutes les mesures pratiques sont prises pour atténuer l'incidence négative du projet sur l'état des masses d'eau concernées ; 2° Les modifications ou altérations des masses d'eau répondent à un intérêt général majeur (...) 3° Les objectifs bénéfiques poursuivis par le projet ne peuvent, pour des raisons de faisabilité technique ou de coûts disproportionnés, être atteints par d'autres moyens constituant une option environnementale sensiblement meilleure. Le préfet coordonnateur de bassin arrête la liste des projets répondant ou susceptibles de répondre à ces conditions, prévue au VII de l'article L. 212-1. Les raisons des modifications ou des altérations des masses d'eau sous ces conditions sont expressément indiquées et motivées dans le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux lors de sa mise à jour. (...) ".

29. Il ne résulte pas de l'instruction que le projet en litige ait été listé par le SDAGE Loire-Bretagne 2016-2021 comme devant faire l'objet du régime dérogatoire prévu aux dispositions précitées de l'article R. 212-16 du code de l'environnement. A supposer que les appelantes aient entendu soulever par exception l'illégalité du SDAGE Loire-Bretagne 2016-2021, ce moyen est inopérant pour les raisons exposées au point 20. En tout état de cause, dans les circonstances exposées aux points 22 à 26, il ne résulte pas de l'instruction que la création des quinze réserves de substitution en litige aura pour effet de dégrader la qualité des masses d'eau et devait, en conséquence, faire l'objet de la procédure dérogatoire prévue par l'article R. 212-16 du code de l'environnement et que l'arrêté contesté aurait été délivré en méconnaissance de ces dispositions.

En ce qui concerne l'absence de financement du projet :

30. Si les appelantes soutiennent que le projet en litige ne serait pas financé, cette circonstance est sans influence sur la légalité de la décision contestée. En tout état de cause, il résulte de l'instruction, comme indiqué au point 25, que l'ensemble des acteurs concernés se sont engagés à élaborer, dans le cadre du protocole conclu en novembre 2022, un projet de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE) du bassin du Clain aux fins de permettre un financement partiel du projet par l'agence de l'eau. Par suite, ce moyen doit être écarté.

31. Il résulte de tout ce qui précède que les appelantes et l'intervenante ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 décembre 2017 de la préfète de la Vienne. Leur requête doit, dès lors, être rejetée, y compris leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de ses dispositions et de mettre à la charge de l'association pour la Protection de la Nature et de l'Environnement du département de la Vienne, dite Vienne Nature, l'association Poitou Charente Nature, la Confédération paysanne de la Vienne et l'association Vivrenclain, le versement à la société coopérative anonyme de gestion de l'eau (SCAGE) du Clain moyen d'une somme globale de 1 500 euros au titre des frais d'instance qu'elle a exposés.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) de Poitou-Charentes est admise.

Article 2 : La requête de l'association pour la Protection de la Nature et de l'Environnement du département de la Vienne, dite Vienne Nature, de l'association Poitou Charente Nature, de la Confédération paysanne de la Vienne et de l'association Vivrenclain est rejetée.

Article 3 : L'association pour la Protection de la Nature et de l'Environnement du département de la Vienne, dite Vienne Nature, l'association Poitou Charente Nature, la Confédération paysanne de la Vienne et l'association Vivrenclain verseront à la société coopérative anonyme de gestion de l'eau (SCAGE) du Clain moyen une somme globale de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association pour la Protection de la Nature et de l'Environnement du département de la Vienne, dite Vienne Nature, désignée en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) de Poitou-Charentes, à la société coopérative anonyme de gestion de l'eau (SCAGE) du Clain moyen et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2023.

La rapporteure,

Héloïse B...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°20BX02305


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02305
Date de la décision : 04/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : DELALANDE Samuel

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-04;20bx02305 ?
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