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23/03/2023 | FRANCE | N°20BX04169

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 23 mars 2023, 20BX04169


Vu la procédure suivante :

I. Par une requête sommaire enregistrée le 22 décembre 2020, sous le n°20BX04169, et des mémoires enregistrés les 28 septembre 2021 et 9 mars 2022, la société Ferme Eolienne de St Jean de Liversay, représentée par Me Guiheux, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2020 du préfet de la Charente-Maritime en tant qu'il refuse de lui délivrer l'autorisation unique d'exploiter les éoliennes désignées E1et E2 ;

2°) de lui délivrer l'autorisation sollicitée ;

3°)

titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de lui délivrer l'autorisation ...

Vu la procédure suivante :

I. Par une requête sommaire enregistrée le 22 décembre 2020, sous le n°20BX04169, et des mémoires enregistrés les 28 septembre 2021 et 9 mars 2022, la société Ferme Eolienne de St Jean de Liversay, représentée par Me Guiheux, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2020 du préfet de la Charente-Maritime en tant qu'il refuse de lui délivrer l'autorisation unique d'exploiter les éoliennes désignées E1et E2 ;

2°) de lui délivrer l'autorisation sollicitée ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de lui délivrer l'autorisation sollicitée dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ; à titre infiniment subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de procéder au réexamen de la demande d'autorisation unique s'agissant des éoliennes E1 et E2, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée en ce que le préfet n'a pas désigné les espèces dont l'habitat de reproduction serait prétendument impacté ; en se bornant à mentionner l'impact du projet sur " d'autres oiseaux d'intérêt communautaire ", le préfet ne lui a pas permis d'appréhender pleinement les raisons pour lesquelles sa demande d'autorisation unique était refusée s'agissant des éoliennes E1 et E2 ; le préfet n'a pas davantage précisé dans quelle mesure les " dispositions annoncées " seraient insuffisantes et nécessiteraient d'être complétées pour permettre leur autorisation ;

- en refusant de délivrer l'autorisation sollicitée au seul motif que les mesures proposées par l'exposante auraient été insuffisantes pour prévenir d'une atteinte aux intérêts protégés, alors qu'il lui appartenait de fixer lui-même les prescriptions nécessaires à l'exploitation des éoliennes, le préfet a commis une erreur de droit ;

- le préfet a commis une erreur d'appréciation quant aux prétendues atteintes aux espèces protégées ; le choix de l'implantation du projet dans un site dominé par des parcelles agricoles, situé en dehors de tout zonage réglementaire et corridor écologique ou migratoire cumulé aux mesures de prévention et de réduction proposées permettront d'éviter tout impact significatif sur l'avifaune ; contrairement à ce qu'a retenu le préfet, dès lors que les deux éoliennes seront implantées dans une zone de culture intensive non favorable à l'outarde canepetière et que des mesures spécifiques sont prévues pour cette espèce alors même qu'aucun individu n'a été recensé dans la zone d'implantation, le projet n'aura pour effet ni de diminuer l'habitat de reproduction de cette espèce ni de contrarier les mesures de conservation programmées dans le cadre de la gestion du site Nature 2000 qui ne recouvre pas le site d'implantation et du plan national en faveur de l'outarde canepetière ; l'étude d'impact ayant conclu à un impact résiduel très faible à nul après mise en œuvre des mesures d'évitement, de réduction et de compensation s'agissant de l'œdicnème criard ainsi que des autres oiseaux d'intérêt communautaire, le préfet a commis une erreur d'appréciation en refusant de délivrer l'autorisation pour ce motif ;

- contrairement à ce qu'a retenu le préfet, l'implantation des éoliennes quasi parallèlement aux éoliennes du parc des Moindreaux et en parallèle des principales voies des oiseaux migrateurs de passage n'engendrera aucun effet barrière.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 février 2022, la ministre de la transition écologique, conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable dès lors que dans son courrier du 24 juin 2020, la société s'est déclarée " prête à renoncer " au bénéfice des éoliennes E1 et E2 si cela apparaissait indispensable pour l'autorisation ; la société doit être regardée comme ayant clairement exprimé l'intention de modifier partiellement l'objet de sa demande d'autorisation en la faisant porter sur les seules éoliennes E3, E4 et E5, à l'exclusion des éoliennes E1 et E2 ; l'arrêté en litige ne peut être regardé dans ces conditions comme une décision défavorable et la société requérante n'a dès lors pas intérêt à la contester ;

- à titre subsidiaire, les autres moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

II. Par une requête enregistrée le 21 février 2021, sous le n°21BX00723, et des mémoires enregistrés les 11 mars 2022, 12 avril 2022 et le 5 mai 2022, l'association de protection contre la prolifération des éoliennes, la commune de Saint-Jean de Liversay, M. et Mme C..., M. A... J..., M. K... M..., M. H... N..., M. F... I..., M. L... E..., Mme D... G..., M. O..., représentés par Me Cadro, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2020 du préfet de la Charente-Maritime en tant qu'il a délivré à la société Ferme Eolienne de St Jean de Liversay une autorisation unique pour l'implantation et l'exploitation d'un parc éolien composé de trois aérogénérateurs et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Saint-Jean de Liversay ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- chacun des requérants justifient d'un intérêt à agir contre l'arrêté du 22 octobre 2020 ;

- l'étude d'impact jointe à la demande d'autorisation unique est insuffisante ;

- l'étude acoustique est lacunaire dès lors notamment qu'en réalisant une seule campagne de mesure de vent en pleine période végétative et à un moment où l'activité agricole est intense, le porteur du projet n'a pas caractérisé de manière sincère l'état sonore initial ; en l'absence d'une campagne de mesure de vent en hiver, les calculs des émergences sonores sont manifestement erronés et ont privé le public d'une bonne information ; les vents relevés lors de la période de mesure ne correspondent pas aux vents dominants du secteur ;

- le volet biodiversité est également entaché d'insuffisance ; le nombre de sorties limitées à 8 est insuffisant pour appréhender correctement l'état initial des chiroptères sur le site ; aucune sortie n'a été effectuée entre le 8 octobre et 26 avril en contrariété avec le guide relatif à l'élaboration de l'étude d'impact qui préconise de couvrir un cycle biologique complet ;

- l'autorisation attaquée méconnaît les articles L. 511-1 et L. 181-3 du code de l'environnement dès lors que le projet, qui est situé à l'intérieur du parc régional du Marais poitevin et à proximité de 56 zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type I et 3 ZNIEFF de type II dans un rayon de 20 kilomètres, est susceptible de porter atteinte à l'avifaune et aux chiroptères ;

- s'agissant de l'avifaune de nombreuses espèces d'oiseaux ont été recensées dont six espèces nicheuses les plus menacées en Europe et inscrites à l'annexe I de la Directive Oiseaux et la présence de l'outarde canepetière bien que non recensée est fortement suspectée ; en période d'hivernage et de migration, l'implantation des trois éoliennes fera perdre un site de stationnement pour l'œdicnème criard, les pluviers dorés et les vanneaux huppés et l'impact résiduel en période de nidification reste également significatif ; le risque de mortalité par collision ne peut être écarté pour de nombreuses espèces et notamment les rapaces dont la sensibilité aux éoliennes a été mis en exergue par une étude de la Ligue de protection des oiseaux (LPO) s'agissant des falconiformes ; le projet va s'implanter sur des zones prioritaires pour la mise en œuvre de la mesure foncière de 100 hectares au titre de la mesure compensatoire du parc des Moindreaux afin de favoriser le maintien et la reconstitution de l'outarde canepetière dès lors que les éoliennes E4 et E5 sont localisées à l'intérieur et l'éolienne E3 à proximité de la zone prioritaire 2 en limite au sud ; en outre, l'ajout de barrières à proximité immédiate du parc des Moindreaux composé de 9 éoliennes viendra augmenter l'effet barrière par diminution des intervalles à 125 mètres environ ; l'impact du projet sur le rassemblement des vanneaux huppés et les pluviers dorés n'est pas quantifié ;

- s'agissant des chiroptères, quatre espèces parmi les plus touchées en Europe et présentant le risque de mortalité le plus élevé sont présentes et volent sur le secteur d'implantation ; la variante d'implantation retenue ne respecte pas la distances d'éloignement minimum de 200 mètres par rapport aux haies et boisement préconisée par Eurobats et la société française pour l'étude et de la protection des mammifères (SFEPM) et notamment l'éolienne E4 située à moins de 90 mètres d'une haie où l'activité est importante ;

- le dossier de demande ne comporte pas de demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées et d'habitats d'espèce protégées en méconnaissance des 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1 du code de l'environnement alors que le risque de mortalité ne peut être écarté pour les chiroptères et que le projet aura des répercussions tant sur l'avifaune nicheuse notamment pour le busard des roseaux, le busard cendré, l'œdicnème criard que pour les espèces en halte migratoire ou en hivernage telles que le pluvier doré, le vanneau huppé, les cigognes blanches ;

- pour de nombreux lieux de vie tels que le hameau de Luché, le hameau de Varière, Le Pontreau, Ferrières et le hameau de Beauregard, le projet viendra rompre l'équilibre en créant une rupture d'échelle et bouleversera le cadre de vie de nombreux riverains ;

- compte tenu de la différence de taille des éoliennes et de leur implantation, le projet ne viendra pas donner l'impression d'une extension du futur parc des Moindreaux mais viendra créer de la confusion ; il y aura en outre un cumul des parcs en projet.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 septembre 2021, 3 février 2022 et 12 avril 2022, la société Ferme Eolienne de St Jean de Liversay, représentée par Me Guiheux, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce qu'il soit sursis à statuer en application de l'article L. 181-18 I,2° du code de l'environnement dans l'attente de la régularisation de l'autorisation, et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge conjointement et solidairement de l'association de protection contre la prolifération des éoliennes (APCPE) et des autres requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 mars 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer pour permettre la régularisation de l'autorisation.

Elle fait valoir que :

- l'association APCPE qui est une association de type loi 1901 ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 142-1 du code de l'environnement pour justifier de son intérêt à agir ; l'intérêt à agir des personnes physiques n'est pas davantage établi ;

- les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage ;

- la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages ;

- le code de la défense ;

- le code de l'environnement ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le décret n°2004-374 du 29 avril 2004 ;

- le décret n°2005-1646 du 27 décembre 2005 ;

- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 ;

- l'arrêté du 19 février 2007 du ministre de l'agriculture et de la pêche et de la ministre de l'écologie et du développement durable fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées ;

- l'arrêté du 23 avril 2007 du ministre de l'agriculture et de la pêche et de la ministre de l'écologie et du développement durable, fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- l'arrêté du 29 octobre 2009 du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, et du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... P...,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- et les observations de Me Cadro pour l'association de protection contre la prolifération des éoliennes et autres et de Me Boenec pour la société Ferme Eolienne de St Jean de Liversay.

Considérant ce qui suit :

1. Par une demande du 30 novembre 2016, complétée le 28 mars 2018, la société Ferme Eolienne de St Jean de Liversay a sollicité la délivrance d'une autorisation unique en vue de l'implantation et l'exploitation de cinq éoliennes, d'une hauteur de 150 mètres chacune et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Saint-Jean de Liversay. Par un arrêté du 22 octobre 2020, le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer l'autorisation unique d'exploiter les aérogénérateurs désignés E1 et E2 et l'a autorisé à exploiter les autres éoliennes E3, E4 et E5 et le poste de livraison, sous réserve du respect de certaines prescriptions. Par une requête enregistrée sous le n°20BX04169, la société Ferme Eolienne de St Jean de Liversay demande l'annulation de l'arrêté du 22 octobre 2020, en tant qu'il refuse de lui délivrer l'autorisation unique d'exploiter les éoliennes E1 et E2. Par une requête enregistrée sous le n°21BX00723, l'association de protection contre la prolifération des éoliennes (APCPE), la commune de Saint Jean de Liversay, M. et Mme C..., M. A... J..., M. K... M..., M. H... N..., M. F... I..., M. L... E..., Mme D... G..., M. O..., demandent à la cour d'annuler cet arrêté en tant qu'il autorise la construction et l'exploitation des éoliennes E3, E4 et E5.

2. Les requêtes visées ci-dessus sont relatives à la même décision et au même projet de parc éolien. Par suite, il y a lieu de les joindre et de statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n°20BX04169 :

En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées par la ministre de la transition écologique :

3. En premier lieu, la ministre de la transition écologique fait valoir que la requête n'est pas recevable dès lors qu'elle est dirigée contre une décision qui ne peut être regardée commune une décision défavorable. Il résulte de l'instruction que par un courrier du 24 juin 2020 adressé au préfet de la Charente-Maritime en réponse au courriel de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) du 19 juin 2020 portant une réserve sur les éoliennes E1 et E2, la société Volsking France, après avoir exposé les motifs pour lesquels elle estimait que la suppression des deux éoliennes était non fondée, a précisé que " Malgré tout, à toutes fins utiles, nous vous confirmons être prêts à renoncer au bénéfice des éoliennes E1 et E2, si cela vous semble indispensable pour autoriser les 3 autres éoliennes, et bien que ce renoncement n'est aucunement justifié au vu de la bonne intégration paysagère et environnementale de ce projet, sur ce secteur anthropisé favorable à la production d'énergie éolienne ". Contrairement à ce que soutient le ministre, les termes de ce courrier ne peuvent être regardés comme une demande de modification de la demande initiale alors au demeurant que la pétitionnaire a contesté chacune des réserves émises par la DREAL par de longs développements. Par suite, et alors que le préfet de la Charente-Maritime s'est prononcé au regard du projet composé des cinq éoliennes, la ministre n'est pas fondée à soutenir que le recours de la société pétitionnaire serait irrecevable.

4. En second lieu, et contrairement à ce que fait valoir la ministre, les conclusions de la requête sont dirigées contre l'arrêté du 22 octobre 2020 en tant qu'il vaut refus d'autorisation d'exploiter les éoliennes E1 et E2.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 22 octobre 2020 en tant qu'il refuse la construction et l'exploitation des éoliennes E1 et E2 :

5. D'une part, aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " (...) / 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 (...), avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; / 2° Les demandes d'autorisation au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement, ou de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 (...) régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable ; / (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. " Aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. / L'autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier. " Aux termes de l'article L. 181-3 du même code : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ".

6. En premier lieu, la mention dans l'arrêté du 22 octobre 2020 de l'insuffisance des mesures d'évitement, de réduction et de compensation prévues par la société requérante, n'a pas pour objet de fonder le refus de l'autorisation sollicitée pour les éoliennes E1 et E2 mais vise seulement à justifier les prescriptions complémentaires prises par le préfet pour l'autorisation des éoliennes E3, E4 et E5. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet en s'abstenant des fixer les prescriptions adéquates pour les éoliennes E1 et E2 doit être écarté.

7. En deuxième lieu, il résulte des termes de l'arrêté contesté que le préfet a refusé l'autorisation sollicitée pour les éoliennes E1 et E2 aux motifs d'une part, que l'implantation des de ces deux éoliennes dans le secteur concerné aurait pour effet de diminuer par destruction directe et par effet repoussoir l'habitat de reproduction des espèces d'oiseaux d'intérêt communautaire, et en particulier de l'œdicnème criard et de l'outarde canepetière qui fait l'objet de mesures de conservation programmées dans le cadre de la gestion du site Natura 2000 et du plan national en faveur de l'outarde canepetière et, d'autre part, que le projet en extension du parc des Moindreaux existant créerait un alignement supplémentaire d'éoliennes faisant barrage aux oiseaux migrateurs.

8. D'une part, s'il est constant que l'aire d'étude intermédiaire du projet définie dans un rayon de 5 kilomètres autour du projet comporte plusieurs sites de valeur écologique tels que les ZNIEFF de type I et II, le plus proche étant situé à un kilomètre du projet ainsi que plusieurs zones Natura 2000 dont le Marais Poitevin présentant un intérêt écologique majeur du fait de la présence de zones humides et le Marais de Nuaillé, situés respectivement à 1,9 et 2,67 kilomètres du projet, il résulte de l'instruction que le site d'implantation du projet ne se localise lui-même dans aucun zonage règlementaire de ce type. S'il est vrai que le projet se situe à l'intérieur du parc naturel régional du Marais Poitevin, il ressort de l'avis favorable émis sur le projet le 25 juin 2018 par ce parc, qu'en termes de biodiversité le projet, qui se situe en marge du site Natura 2000, aura peu d'impact sur le parc naturel régional et que des mesures de compensation pourront atténuer le risque pour les oiseaux de plaine et le gorgebleue à miroir présents dans la zone. Par ailleurs, si ainsi que le fait valoir la ministre, l'étude d'impact n'exclut pas un risque de collision pour les rapaces notamment diurnes de ces zones protégées, il résulte de l'instruction qu'en raison de la distance et de la faible fréquentation du site par les espèces d'oiseaux de ces milieux, le risque résiduel n'est pas significatif. Si le risque de mortalité et de dérangement existe également pour les oiseaux utilisant les zones de protection spéciales, désignées pour leur avifaune d'intérêts communautaires et notamment la zone de protection spéciale (ZPS) Marais Poitevin et dans une moindre mesure la zone spéciale de conservation (ZSC) Marais de Rochefort distante de 19 kilomètres, en particulier en période de reproduction, de migration, d'hivernage ou encore pour les espèces migratrices ou en transit au-dessus du secteur d'étude ainsi que pour les oiseaux hivernants se déplaçant dans les pleins alentours à la recherche de secteur de stationnement et d'alimentation, il résulte de l'étude spécifique sur les incidences du projet sur les sites Natura 2000 qu'en raison de la distance de ces zones protégés, de la nature des habitats, de la zone d'implantation très différentes de celles présentes dans ces sites Natura 2000, ce qui en limite l'attractivité, de la faible fréquentation du site par les espèces de ces zones protégées et du caractère diffus de la migration dans le secteur d'implantation, les impacts du projet sur les habitats et espèces d'intérêts communautaires ne seront pas significatifs.

9. Parmi les espèces inscrites à l'annexe I de la directive oiseaux, si les résultats des prospections de terrain réalisés sur un cycle biologique complet répartis sur un an, ont permis de recenser la présence régulière de plusieurs espèces utilisant les habitats agricoles et notamment une vingtaine de couple d'œdicnème criard en période de reproduction et une soixantaine d'individus en période de migration, 2 à 3 couples de busards cendrés nicheurs, 1 couple de busard des roseaux en migration postnuptiale, 1 à 2 couples de busards Saint-Martin nicheurs et 10 gorgebleue à miroir nicheurs, 1 faucon émerillon et 16 pluviers dorés en période d'hivernage, deux faucons pèlerin en migration, il résulte de l'instruction qu'en raison de la coupe minime de haie, du choix d'implantation des éoliennes sur les secteurs cultivées à distance des haies et lisières et de la réalisation des travaux hors période de reproduction, l'impact résiduel du projet en terme de perte d'habitat pour l'avifaune sera très faible à nul et très faible en terme de destruction et de dérangement.

10. S'agissant en particulier de l'outarde canepetière, il ressort de l'étude d'impact que sa présence en 2016 est avérée au sein de la ZPS " Plaine Calcaire du Sud Vendée ", situé à environ 17,5 kilomètres qui accueille des rassemblements postnuptiaux ainsi que dans la ZPS " Plaine de Niort Nord-Ouest ", située à un peu moins de 20 kilomètres, qui constitue l'une des zones de survivance de l'espèce et sur la commune de Saint-Georges-de-Rex dans le département des Deux-Sèvres, à plus de 15 kilomètres du site. Si sa présence a été également localisée sur la commune de Saint-Jean de Liversay en 2008 et 2012, les prospections spécifiques à cette espèce, réalisées en 2016 pour le dossier de demande d'autorisation, dont la méthodologie n'est pas contestée, complétées par les données bibliographiques, n'ont révélé aucune présence de cette espèce dans le secteur d'étude. La société pétitionnaire soutient également sans être contredite que cette absence s'explique notamment par l'évolution du secteur urbain situé au sud de la zone d'implantation des éoliennes E1 et E2 marqué par l'extension de la carrière et de la déchetterie existantes ainsi que la création d'une nouvelle zone d'activité sur la commune de Saint-Sauveur d'Aunis et d'une zone artisanale de 10 hectares au nord-ouest du secteur vers le hameau de Luché. Si la ministre soutient que l'implantation des deux éoliennes en litige aurait pour effet de compromettre la réalisation de la mesure compensatoire prévue pour le parc éolien voisin de Moindreaux consistant en l'acquisition et au conventionnement de 10 hectares destinés à la protection de l'outarde canepetière au vu du recensement effectué en 2004, en l'absence de présence avérée depuis 2012 de l'outarde canepetière dans la zone d'implantation composée majoritairement de cultures intensives peu favorables pour les outardes, il ne résulte pas de l'instruction que compte tenu de la faible emprise des deux éoliennes au regard des zones de compensation prévues, leur implantation en limite des zones concernées aurait pour effet de remettre en cause cette mesure compensatoire. En outre, il ressort de l'article 7.I.b) de l'arrêté du 22 octobre 2020, que bien que non identifiée dans la zone, un suivi comportemental spécifique de l'outarde canepetière sera mis en œuvre dès la première année de construction du parc et a minima les deux années suivantes, de façon à couvrir trois saisons complètes de reproduction notamment dans un périmètre de 1 500 mètres autour du projet au cours des différents cycles et sera transmis annuellement à l'inspection des installations classées.

11. D'autre part, il résulte de l'instruction que le parc éolien en projet sera implanté à moins d'un kilomètre au nord du parc éolien des Moindreaux, de manière quasi parallèle aux 9 éoliennes de ce parc augmentant ainsi l'emprise de 700 mètres de sorte que le premier peut être considéré comme extension du second. S'il ressort de l'évaluation des effets cumulées du projet que l'installation de cinq nouvelles éoliennes dans le secteur augmente le risque de collision pour les espèces les plus sensibles présentent dans le secteur et notamment le busard cendré et le busard des roseaux, il ne résulte pas de l'instruction que l'ajout des deux éoliennes E1 et E2 engendrerait une augmentation significative de l'effet barrière susceptible d'être généré par les éoliennes déjà présentes alors en outre que l'arrêté prévoit de créer en dehors de la zone d'emprise du projet des milieux favorables aux oiseaux de plaine potentiellement impactés pour en améliorer les conditions d'alimentation. Dans ces conditions, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction contrairement à ce que soutient la ministre que le projet serait implanté de manière perpendiculaire à un couloir de migration connu nécessitant des trouées de 1 000 mètres, c'est à tort que le préfet s'est fondé sur l'effet barrière des éoliennes en litige pour l'avifaune migratrice pour refuser l'autorisation sollicitée.

12. Il résulte de ce qui précède que le projet ne porte pas d'atteinte significative à l'avifaune au sens des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Dans ces conditions, en refusant de délivrer l'autorisation unique sollicitée pour le motif retenu, le préfet de la Charente-Maritime a entaché sa décision d'erreur d'appréciation.

13. Il résulte de tout ce qui précède sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête que la société requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêté de du préfet de la Charente-Maritime du 22 octobre 2020, en tant qu'il lui refuse la délivrance d'une autorisation unique pour l'installation et l'exploitation des éoliennes E1 et E2 sur le territoire de la commune de Saint-Jean de Liversay.

Sur la requête n°21BX00723 :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 22 octobre 2022 en tant qu'il autorise la construction et l'exploitation des éoliennes E3, E4 et E5 :

S'agissant de l'insuffisance de l'étude d'impact :

14. Aux termes de l'article R. 512-6 du code de l'environnement : " I. - A chaque exemplaire de la demande d'autorisation doivent être jointes les pièces suivantes : (...) 4° L'étude d'impact (..) dont le contenu est défini à l'article R. 122-5 (...) ". Aux termes de l'article R. 122-5 du même code, dans sa version applicable en l'espèce : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. II. - L'étude d'impact présente : (...) 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur (...) la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages (...) les équilibres biologiques (...) le bruit, les espaces naturels (...) ainsi que les interrelations entre ces éléments ; 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° (...) la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) (...) ".

15. Il résulte des dispositions précitées que l'étude d'impact doit être proportionnée à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et à la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

Sur le volet acoustique :

16. Il résulte de l'étude acoustique jointe à l'étude d'impact que l'état initial a été établi sur la base d'une campagne de mesures réalisée conformément aux norme NFS 31-114 et NFS 31-10 sur la période du 14 juin au 4 juillet 2016 en 8 points fixes, placés au droit des habitations les plus exposées au projet, l'analyse ayant porté sur l'ensemble des secteurs de vents, la moitié sud étant la plus représentative pendant la période de mesure. Il ne résulte pas de l'instruction que les résultats ainsi obtenus dans différentes conditions de vent et en fonction des sources sonores présentes sur la zone, procéderaient d'une méthodologie erronée alors au demeurant qu'ils ont permis d'établir un risque de dépassements de seuils réglementaires en période de nuit au droit de certaines habitations riveraines au projet nécessitant la mise en œuvre d'une mesure de réduction de l'impact acoustique. Les requérants ne sauraient utilement opposer les recommandations du guide méthodologique qui sont en elles-mêmes dépourvues de portée normative pour soutenir que l'étude acoustique ne serait pas représentative ou que la période de campagne de mesures retenue serait inappropriée alors qu'ils n'apportent aucun élément faisant apparaître qu'une campagne de mesures supplémentaires, effectuée en période hivernale, dans une campagne isolée, serait plus représentative. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que l'étude d'impact aurait, en l'espèce, minimisé l'impact des nuisances sonores et que, par suite, l'étude acoustique serait insuffisante alors en outre qu'en application de l'article 9 de l'arrêté contesté, l'exploitant aura à sa charge la vérification du respect de la réglementation après la mise en service de son parc et la mise en place d'actions correctrices appropriées en cas d'écarts par rapports aux impacts prévus.

Sur le traitement de la biodiversité :

17. S'agissant des chiroptères, il résulte du volet écologique de l'étude d'impact que pour dresser l'état initial, le bureau d'étude a réalisé huit relevés de terrain incluant la recherche des gîtes estivaux à proximité de l'aire d'étude immédiate et rapprochée, des écoutes-enregistrements nocturnes réparties sur 13 points d'écoutes au sol pendant les 3-4 premières heures de la nuit après le coucher du soleil et sorties de gîtes correspondant à la période d'activité la plus importante ainsi que des enregistrements automatisés en hauteur à l'aide d'un ballon captif. Cet inventaire a été réalisé entre avril et octobre sur l'ensemble du cycle biologique actif des chiroptères. S'il est constant qu'aucun inventaire n'a été réalisé entre novembre et mars, il n'est pas utilement contesté que cette période correspond à la période d'hibernation durant laquelle l'activité de vol est quasi nulle. Ces huit sorties qui sont supérieures et conformes au nombre des sorties minimum préconisé par la société française pour l'étude et la protection des mammifères (SFEPM) ont permis de recenser neuf espèces de chiroptères comme fréquentant la zone concernée pour un total de 1 440 contacts dominés principalement par la pipistrelle commune et la pipistrelle de Khul, espèces relativement communes représentant 97 % des contacts et représentant un enjeu modéré par rapport au projet, les espèces les plus sensibles au risque éolien tels que la noctule commune, la noctule de Leisler et la pipistrelle de Nathusius étant très peu actives dans la zone. Il résulte de cette étude que la zone de projet comporte peu d'habitats favorables au chiroptère qui utilisent la zone principalement comme zone de transit. La liste des espèces inventoriées et les niveaux d'enjeu identifiés par espèces sont repris dans l'étude d'impact. Ainsi, au regard de la méthodologie suivie, et en l'absence de tout élément qui permettrait de douter de la validité de ces résultats, il ne résulte pas de l'instruction que l'analyse de l'état initial des chiroptères serait erronée ou insuffisante.

18. Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact doit être écarté en toutes ses branches.

En ce qui concerne l'atteinte à l'environnement et aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement :

S'agissant des atteintes à l'avifaune et aux chiroptères :

19. Il résulte de l'étude d'impact que les 18 inventaires avifaunistiques diurnes complétés par des observations nocturnes réalisés dans l'aire d'étude du projet sur un cycle biologique complet, répartis sur un an, ont permis d'observer 69 espèces d'oiseaux dont 37 espèces (53,62 %) considérées comme nicheuses sédentaires incluant le busard Saint-Martin et le busard des roseaux, 17 espèces comme nicheuses migratrices incluant le busard cendré, le gorgebleue à miroir, le milan noir et l'œdicnème criard, 3 espèces migratrices/hivernantes dont le faucon émerillon et le pluvier doré et 12 espèces migratrices/de passage en période estivale incluant l'aigrette garzette, la cigogne blanche, le faucon pèlerin et la spatule blanche. Parmi ces espèces 12 sont inscrites à l'annexe I de la directive Oiseaux dont 6 nicheuses (le busard Saint Martin, le busard des roseaux, le busard cendré, le gorgebleue à miroir, l'œdicnème criard) et 6 migratrices et de passage (le faucon émerillon, le pluvier doré, l'aigrette garzette, la cigogne blanche, le faucon pèlerin et la spatule blanche). Les visites de terrain ont permis de constater une densité importante d'œdicnèmes criard au niveau de la zone d'étude et de ses abords immédiats avec un effectif estimé d'une vingtaine de couple en période de reproduction ainsi que la présence du vanneau huppé utilisant les cultures de la zone d'étude pour le stationnement migratoire et pendant l'hiver. En revanche, ainsi qu'il a été déjà dit l'outarde canepetière n'a pas été observée compte tenu de l'implantation du projet dans une zone de cultures intensives peu favorable à l'espèce et à proximité de zones d'activité en extension. Si le niveau de vulnérabilité est qualifié de fort et assez fort pour le busard cendré, le busard Saint-Martin, la cigogne blanche, le faucon pèlerin, la spatule blanche et de modéré pour l'alouette des champs, le faucon hobereau, le pluvier doré et le vanneau huppé et que l'implantation du projet présente un impact potentiel de mortalité, de perte d'habitat pour l'avifaune recensée, il résulte de l'instruction ainsi qu'il a été déjà dit au point 9 qu'en raison de la coupe minime de haie, du choix d'implantation des éoliennes sur les secteurs cultivées à distance des haies et lisières et de la réalisation des travaux hors période de reproduction ainsi que du plan de bridage de l'éolienne E4 qui sera également favorable à l'avifaune migratrice nocturne, l'impact résiduel du projet en terme de perte d'habitat pour l'avifaune sera très faible à nul et très faible en terme de destruction et de dérangement pour l'ensemble des espèces. En outre, s'agissant des rapaces diurnes des zones protégées, il ne résulte pas de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 8, que l'implantation du projet aurait pour conséquence de porter atteinte à l'avifaune des zones Natura 2000 et des zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique situées à proximité du site d'implantation. En se bornant à se prévaloir du nombre d'espèces contactées, de la présence de plusieurs zones de protection à proximité du site d'implantation ainsi que des extraits d'une étude générale de la LPO réalisée en 2017, les requérants n'apportent aucun élément permettant de considérer qu'en l'espèce les impacts du projet sur l'avifaune auraient été minimisés. Par ailleurs, en l'absence de présence avérée depuis 2012 de l'outarde canepetière dans la zone d'implantation, il ne résulte pas de l'instruction que compte tenu de la faible emprise du projet au regard de la surface des zones de compensation prévues pour le parc éolien voisin des Moindreaux, leur implantation en limite des zones concernées aurait pour effet de remettre en cause cette mesure compensatoire. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que l'implantation des éoliennes à proximité et en parallèle du parc des Moindreaux, en dehors de tout couloir migratoire connu, engendrerait un effet barrière significatif par rapport à l'effet induit par les éoliennes déjà existantes alors même que l'étude relève une influence possible de la voie migratoire du littoral atlantique, présente à l'ouest de la zone d'étude.

20. En ce qui concerne les chiroptères, il résulte de l'instruction que pour limiter l'impact sur les espèces recensées, l'éolienne E5 sera située à une distance supérieure à 200 mètres des linéaires de haies présents sur le site. S'il est constant que l'éolienne E3 sera située à 170 mètres d'un arbre isolé, il n'est pas sérieusement contesté que la qualité de cet habitat non connecté à un réseau de haie présente que peu d'attractivité pour les chiroptères, le niveau d'activité relevé étant d'ailleurs qualifié de faible sur cette zone. Si en revanche l'éolienne E4 sera implantée à 90 mètres d'une haie arborée avec une activité importante, il résulte de l'étude d'impact que le bridage de cette éolienne durant la période où l'activité des chiroptères est la plus intense, repris à l'article 7.I.a) de l'arrêté contesté permettra de réduire le risque à un niveau qualifié de faible. S'il est constant que les espèces les plus vulnérables aux éoliennes ont été contactés sur la zone, leur nombre est très faible (4 contacts pour la noctule de Leilsler, 2 contacts pour la sérotine commune et un contact pour la sérotine noctule) et il résulte des éléments non sérieusement contestés de l'étude d'impact qu'après la mise en place des mesures de réduction et d'accompagnement proposées, les effets sur les chiroptères seront non significatifs tant en phase de chantier qu'en phase d'exploitation pour l'ensemble des espèces. Il ne résulte pas de l'instruction que les mesures contenues dans l'arrêté fixant les prescriptions applicables à l'autorisation d'exploiter seraient insuffisantes au point que le préfet aurait dû assortir le permis de construire en litige de prescriptions complémentaires, notamment en imposant un déplacement des éoliennes pour tenir compte de la recommandation Eurobats, dépourvue de valeur réglementaire, selon laquelle les appareils devraient être implantés à 200 mètres au moins des lisières bois.

S'agissant des atteintes à la commodité du voisinage :

21. S'il résulte de l'instruction et notamment des photomontages contenues dans le volet paysager qu'en raison d'une topographie relativement plane du secteur d'implantation, sans végétation prononcée avec une dominance de grandes cultures et du nombre réduit d'éléments susceptibles de fermer les vues dans l'aire d'étude rapprochée, la perception des éoliennes sera forte depuis les abords des bourgs et hameaux situés à proximité et notamment le hameau du Pain Bénit, du Luché et de Varière, le projet s'inscrira dans un paysage déjà marqué par la présence du parc voisin des Moindreaux de sorte que le motif éolien existant ne sera pas fondamentalement transformé, les éoliennes du projet semblant prolonger en avant celles du parc existant sans démarcation d'un parc à l'autre en dépit de leur différence de taille. Si l'impact visuel d'un projet, en particulier le phénomène de saturation visuelle qu'il est susceptible de générer, peut être pris en compte pour apprécier ses inconvénients pour la commodité du voisinage au sens de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, contrairement à ce que soutiennent les requérants, en l'absence d'autres parcs éoliens dans le secteur, il ne résulte pas des photomontages produits que l'implantation des 5 éoliennes en litige à distance de plus de 800 mètres des premières habitations, dans un secteur à faible densité aurait pour effet de créer un effet de saturation. En outre, l'arrêté en litige prévoit en son article 7.III des mesures de réduction de l'impact du projet sur le paysage en imposant à l'exploitant dans les douze mois après la mise en service du parc, de solliciter des riverains les demandes concernant l'implantation de haies afin de réduire les visibilités vers le parc et de planifier la mise en œuvre des travaux de plantation pour toutes les habitations exposées à des vues partielles directes et situées dans les hameaux ou bourg localisés à moins de 1 000 mètres d'un mât du parc, dans un délai de 24 mois au plus tard après la mise en service du parc éolien.

22. Il résulte de ce qui précède que le projet, eu égard notamment aux mesures prévues par le pétitionnaire et aux prescriptions imposées par l'arrêté préfectoral contesté, ne méconnait pas les intérêts visés aux articles L. 511-1 du code de l'environnement.

En ce qui concerne l'absence de demande de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées :

23. Il résulte des articles 12 et 16 de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992, de l'article 5 de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009, des articles L. 411-1, L. 411-2, R. 411-6, R. 411-11 et R. 411-12 du code de l'environnement et des articles 2 et 4 de l'arrêté du 19 février 2007 du ministre de l'agriculture et de la pêche et de la ministre de l'écologie et du développement durable fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.

24. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus, qui concerne les espèces de mammifères terrestres et d'oiseaux figurant sur les listes fixées par les arrêtés du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009 des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement, impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ". Pour déterminer, enfin, si une dérogation peut être accordée sur le fondement du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de porter une appréciation qui prenne en compte l'ensemble des aspects mentionnés ci-dessus, parmi lesquels figurent les atteintes que le projet est susceptible de porter aux espèces protégées, compte tenu, notamment, des mesures d'évitement, réduction et compensation proposées par le pétitionnaire, et de l'état de conservation des espèces concernées.

25. Eu égard à ce qui a été dit aux points 19 et 20, compte tenu de l'enjeu identifié et des mesures d'évitement et de réductions retenues par le pétitionnaire, il ne résulte pas de l'instruction que ce projet présente un risque suffisamment caractérisé de destruction d'individus ou d'habitats sensibles s'agissant de l'avifaune et les chiroptères. Les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'illégalité en tant qu'il ne comporte pas la dérogation prévue par ces dispositions.

26. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 22 octobre 2020 en tant qu'il autorise les éoliennes E3, E4 et 5.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

27. Aux termes de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, les décisions, prises sur le fondement de l'article L. 512-1, accordant ou refusant une autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement sont soumises à un contentieux de pleine juridiction.

28. Lorsqu'il statue en vertu de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, le juge administratif a le pouvoir d'autoriser la création et le fonctionnement d'une installation classée pour la protection de l'environnement en l'assortissant des conditions qu'il juge indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. Il a, en particulier, le pouvoir d'annuler la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé l'autorisation unique sollicitée et, après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d'accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu'il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions dans un délai de trois mois.

29. La ministre de la transition écologique ne se prévaut d'aucun autre motif de refus de l'autorisation d'exploiter les éoliennes E1 et E2 du parc litigieux.

30. Eu égard aux motifs d'annulation retenus au présent arrêt, il y a lieu pour la cour de faire usage de ses pouvoirs de pleine juridiction en délivrant à la société Ferme éolienne de St Jean de Liversay, l'autorisation sollicitée pour les éoliennes E1 et E2. La société requérante est renvoyée devant le préfet pour la fixation des conditions qui, le cas échéant, doivent assortir cette autorisation.

31. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de mettre en œuvre les mesures de publicité prévues à l'article R. 181-44 du code de l'environnement s'agissant de l'autorisation environnementale délivrée.

Sur les frais liés au litige :

32. Dans l'instance n°20BX04169, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Ferme Eolienne de St Jean de Liversay une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

33. Dans l'instance, n°21BX00723, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Ferme Eolienne de St Jean de Liversay, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par l'association APCPE et autres et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre solidairement à la charge de l'association APCPE et autres une somme de 1 500 euros à verser à la société Ferme Eolienne de St Jean de Liversay sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté du 22 octobre 2020 du préfet de la Charente-Maritime est annulé en tant qu'il refuse l'autorisation unique pour les éoliennes E1 et E2.

Article 2 : Il est délivré à la société Ferme éolienne St Jean de Liversay l'autorisation unique sollicitée pour la construction et l'exploitation des éoliennes E1 et E2. La société Ferme éolienne de St Jean de Liversay est renvoyée devant le préfet de la Charente-Maritime pour la fixation des conditions qui devront, le cas échéant, assortir ladite autorisation.

Article 3 : Il est prescrit au préfet de mettre en œuvre les mesures de publicité prévues à l'article R. 181-44 du code de l'environnement s'agissant de l'autorisation unique délivrée au présent arrêt.

Article 4 : La requête n°21BX00723 est rejetée.

Article 5 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la société Ferme Eolienne de St Jean de Liversay au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : L'association APCPE et autres verseront solidairement une somme de 1 500 euros à la société Ferme Eolienne de St Jean de Liversay au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à l'association de protection contre la prolifération des éoliennes, la commune de St Jean de Liversay, M. et Mme C..., M. A... J..., M. K... M..., M. H... N..., M. F... I..., M. L... E..., Mme D... G..., M. O..., à la société Ferme Eolienne de St Jean de Liversay et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023.

La rapporteure,

Birsen P...Le président,

Jean-Claude PauzièsLa greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 20BX04169, 21BX00723

3

N°20BX04169-21BX00723


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX04169
Date de la décision : 23/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CABINET VOLTA;CABINET VOLTA;CABINET VOLTA

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-03-23;20bx04169 ?
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