Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
L'association Nature environnement 17, la Ligue française pour la protection des oiseaux et la fédération de la Charente-Maritime pour la pêche et la protection du milieu aquatique ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté interdépartemental du 10 août 2017 par lequel les préfets de la Charente-Maritime et de la Charente ont délivré à la chambre régionale d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine une autorisation unique pluriannuelle de prélèvement d'eau sur les sous-bassins de l'Antenne-Rouzille, de l'Arnoult, du Bruant, de Charente-aval, de Gères-Devise et de la Seugne.
Par un jugement n° 1702946 du 8 octobre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 10 août 2017 à compter du 1er octobre 2022 et a plafonné, jusqu'à cette date, les prélèvements à hauteur de la moyenne des prélèvements annuels constatés lors des cinq campagnes antérieures à la date du jugement ou, en l'absence d'antériorité de cinq ans, depuis la mise en service régulière du point de prélèvement concerné, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 décembre 2020, la chambre régionale d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine, représentée par Me Verdier, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 octobre 2020 du tribunal administratif de Poitiers ou, à titre subsidiaire, de l'annuler en tant qu'il concerne les bassins en équilibre de Charente aval, Gères-Devise, Arnoult et Bruant ;
2°) de mettre à la charge des associations intimées le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a insuffisamment motivé son jugement en l'absence d'éléments permettant d'établir que l'autorisation accordée serait incompatible avec les objectifs d'atteinte du bon état écologique et quantitatif des masses d'eau ;
- c'est à tort que le tribunal a retenu une erreur manifeste d'appréciation en estimant que la circonstance que les volumes autorisés sont supérieurs aux volumes consommés les années précédentes emporte des conséquences néfastes à l'équilibre des milieux, dès lors que les volumes autorisés ne sont que des volumes potentiellement prélevables soumis à de nombreuses conditions, notamment climatiques, qui ne sont, de ce fait, jamais consommés intégralement ; cette circonstance démontre au contraire l'efficacité de la gestion conjoncturelle des masses d'eau ; le tribunal a comparé les volumes autorisés et des volumes consommés en tenant compte uniquement des données de l'année 2017 alors que l'arrêté a une durée de dix ans ; la gestion équilibrée de la ressource en eau a été pleinement intégrée dès lors que le volume prélevable à atteindre en 2021 a été déterminé par les services compétents de l'Etat comme permettant la conciliation de tous les usages et qu'il contient des prescriptions permettant de garantir le respect de ce volume prélevable ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'étude d'impact était contradictoire en ce qu'elle conclut à une amélioration du milieu alors qu'elle a constaté un impact important de l'irrigation agricole sur le milieu aquatique et que les volumes autorisés pour l'année 2017 sont largement supérieurs aux volumes consommés les années précédentes ; l'écart entre ces volumes démontre en réalité l'efficacité de la gestion conjoncturelle du milieu qui se traduit par une baisse des volumes prélevés en période d'étiage et alors que les volumes prélevables en 2017 ont été déterminés par les services compétents de l'Etat comme permettant la conciliation de tous les usages y compris la protection des milieux ;
- les conséquences du jugement sont disproportionnées en ce que l'attribution de volume autorisée par le tribunal est nettement inférieure au volume prélevable du sous-bassin de gestion.
Par un mémoire enregistré le 11 mars 2022, l'association Nature environnement 17, l'association Ligue pour la protection des oiseaux et la fédération de la Charente-Maritime pour la pêche et la protection du milieu aquatique, représentées par Me Le Briero, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la chambre régionale d'agriculture le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la requête d'appel est irrecevable faute pour la chambre régionale d'agriculture de justifier d'une habilitation de son président à agir en appel ;
- les moyens d'appel invoqués par la chambre régionale d'agriculture ne sont pas fondés ;
- les volumes autorisés dans ce sous-bassin sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'autorisation sur les intérêts mentionnés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement ; la gestion conjoncturelle évoquée par l'appelante n'a vocation à intervenir que de manière exceptionnelle ; la circonstance que les volumes consommés les années précédentes sont inférieurs aux volumes autorisés n'apporte pas la garantie que les prélèvements seront à l'avenir effectivement inférieurs aux volumes autorisés ; d'importants linéaires d'assecs ont été constatés notamment en 2016, 2017 et 2021 et le débit objectif d'étiage n'a pas été respecté la plupart des années précédant l'autorisation litigieuse au cours desquelles les volumes consommés étaient pourtant inférieurs aux volumes autorisés ; bien que l'autorisation prévoit une diminution progressive, les volumes autorisés dès l'année 2017 sont tenus d'être compatibles avec les capacités du milieu ; les volumes prélevables arrêtés en 2011, supérieurs aux volumes consommés par le passé, sont le résultat de négociations entre la profession agricole et l'Etat et ne sont basés sur aucun fondement scientifique, ce qui ne permet pas d'imposer la réduction des volumes prélevés pour les années à venir et ainsi de garantir la préservation des intérêts mentionnés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement ;
- l'étude d'impact est insuffisante et contradictoire ; la gestion conjoncturelle, censée expliquer le fait que les volumes autorisés ne sont jamais intégralement consommés, n'a pas vocation à se substituer à la gestion structurelle des masses d'eau et les volumes prélevables sur lesquels se base l'étude d'impact ne garantissent pas l'objectif d'atteinte du bon état des eaux ;
- les conséquences du jugement ne sont pas excessives dès lors que ce dernier, en différant l'annulation au 1er octobre 2022, a pris en compte les délais nécessaires à la constitution d'une nouvelle demande d'autorisation ; aucun élément ne justifie un nouveau report de l'annulation prononcée par le tribunal ; en plafonnant les prélèvements à hauteur de la moyenne des prélèvements annuels constatés lors des cinq campagnes antérieures, le tribunal a pris en compte les objectifs du maintien du bon état de la ressource en eau.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 ;
- le code de l'environnement ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 ;
- l'ordonnance 2017-80 du 26 janvier 2017 ;
- le décret 2016-1110 du 11 août 2016 ;
- l'arrêté du 11 septembre 2003 portant application du décret n° 96-102 du 2 février 1996 et fixant les prescriptions générales applicables aux prélèvements soumis à autorisation en application des articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l'environnement et relevant des rubriques 1.1.2.0, 1.2.1.0, 1.2.2.0 ou 1.3.1.0 de la nomenclature annexée au décret n° 93-743 du 29 mars 1993 modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... A...,
- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté des préfets de la Charente, de la Charente-Maritime et des Deux-Sèvres du 18 décembre 2013 modifié le 31 décembre 2015, la chambre régionale d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine a été désignée en qualité d'organisme unique de gestion collective de l'eau pour l'irrigation agricole sur les sous-bassins de la Boutonne, de la Charente aval, de l'Antenne Rouzille, de la Seugne, de la Seudre, des fleuves côtiers de Gironde, de l'Arnoult/Bruant et de la Gères-Devise. En cette qualité, la chambre régionale d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine a déposé, le 3 juin 2016, un dossier de demande d'autorisation unique pluriannuelle de prélèvement d'eau pour l'irrigation agricole sur le bassin Charente aval et ses affluents. Par arrêté du 10 août 2017, les préfets de la Charente-Maritime et de la Charente ont délivré à la chambre régionale d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine une autorisation unique pluriannuelle de prélèvement d'eau sur les sous-bassins de l'Antenne-Rouzille, de l'Arnoult, du Bruant, de Charente-aval, de la Gères-Devise et de la Seugne, valable jusqu'au 31 décembre 2027. A la demande de l'association Nature Environnement 17, de la Ligue pour la protection des oiseaux et de la fédération de la Charente-Maritime pour la pêche et la protection du milieu aquatique, le tribunal administratif de Poitiers, par un jugement du 8 octobre 2020, a annulé l'arrêté du 10 août 2017 à compter du 1er octobre 2022 et a plafonné, jusqu'à cette date, les prélèvements à hauteur de la moyenne des prélèvements annuels constatés lors des cinq campagnes antérieures à la date du jugement ou, en l'absence d'antériorité de cinq ans, depuis la mise en service régulière du point de prélèvement concerné. La chambre régionale d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine relève appel de ce jugement.
Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :
2. Aux termes de l'article D. 511-54-1 du code rural et de la pêche maritime, applicable aux chambres régionales d'agriculture en vertu de l'article D. 512-5 du même code : " La chambre d'agriculture, réunie en session, règle par ses délibérations les affaires de l'établissement. Elle délibère notamment sur : (...) 14° Les actions en justice à intenter au nom de l'établissement et les transactions (...) ". Par une délibération du 16 septembre 2022, la chambre régionale d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine a régularisé l'appel engagé devant la cour par le représentant de l'organisme. Par suite, la fin de non-recevoir opposée, tirée de l'absence de délibération de la chambre régionale d'agriculture doit être écartée.
Sur la régularité du jugement :
3. Pour annuler l'arrêté en litige, le tribunal a retenu une " erreur manifeste d'appréciation " au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement. En se bornant, pour retenir une telle illégalité, à relever que le bassin de la Charente, dont font partie les sous-bassins concernés, est en déséquilibre aux termes du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Adour-Garonne, que l'arrêté autorise des prélèvements très nettement supérieurs aux prélèvements effectifs des années antérieures et que le volume de l'année 2017 représente presque deux fois le volume à atteindre en 2021, alors que l'administration invoquait notamment la fixation d'un volume autorisé inférieur au volume prélevable, la circonstance que les volumes autorisés ne sont jamais intégralement consommés et l'impact globalement positif sur le milieu au regard de la baisse progressive des volumes autorisés, le tribunal n'a pas suffisamment motivé son jugement, comme le soutient la chambre régionale d'agriculture.
4. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué doit être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'association Nature environnement 17, la Ligue pour la protection des oiseaux et la fédération de la Charente-Maritime pour la pêche et la protection du milieu aquatique devant le tribunal administratif de Poitiers.
Sur les conclusions en annulation de l'arrêté du 10 août 2017 :
5. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I.- L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement : " I.-Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides (...) 2° La protection des eaux et la lutte contre toute pollution (...) 3° La restauration de la qualité de ces eaux et leur régénération ; 4° Le développement, la mobilisation, la création et la protection de la ressource en eau ; 5° La valorisation de l'eau comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la production d'électricité d'origine renouvelable ainsi que la répartition de cette ressource ; 5° bis La promotion d'une politique active de stockage de l'eau pour un usage partagé de l'eau permettant de garantir l'irrigation, élément essentiel de la sécurité de la production agricole et du maintien de l'étiage des rivières, et de subvenir aux besoins des populations locales ; 6° La promotion d'une utilisation efficace, économe et durable de la ressource en eau, notamment par le développement de la réutilisation des eaux usées traitées et de l'utilisation des eaux de pluie en remplacement de l'eau potable ; 7° Le rétablissement de la continuité écologique au sein des bassins hydrographiques (...) II. La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences : 1° De la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole ; 2° De la conservation et du libre écoulement des eaux et de la protection contre les inondations ; 3° De l'agriculture (...) ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 11 septembre 2003 portant application du décret n° 96-102 du 2 février 1996 et fixant les prescriptions générales applicables aux prélèvements soumis à autorisation en application des articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l'environnement et relevant des rubriques 1.1.2.0, 1.2.1.0, 1.2.2.0 ou 1.3.1.0 de la nomenclature annexée au décret n° 93-743 du 29 mars 1993 modifié : " La ou les valeurs du débit instantané et du volume annuel maximum prélevables et les périodes de prélèvement sont déterminées en tenant compte des intérêts mentionnés à l'article L. 211-2 du code de l'environnement. Elles doivent en particulier : - permettre de prévenir toute surexploitation significative ou dégradation de la ressource déjà affectée à la production d'eau destinée à la consommation humaine ou à d'autres usages régulièrement exploités ; - respecter les orientations, restrictions ou interdictions applicables dans les zones d'expansion des crues et les zones concernées par un plan de prévention des risques naturels, un périmètre de protection d'un point de prélèvement d'eau destinée à la consommation humaine, un périmètre de protection des sources d'eaux minérale naturelle, un périmètre de protection des stockages souterrains ; - pour les prélèvements dans les eaux de surface : permettre le maintien en permanence de la vie, la circulation, la reproduction des espèces piscicoles qui peuplent le cours d'eau et ne pas porter atteinte aux milieux aquatiques et zones humides en relation avec le cours d'eau concerné par le prélèvement ; - pour les prélèvements dans les eaux souterraines : ne pas entraîner un rabattement significatif de la nappe où s'effectue le prélèvement pouvant provoquer une remontée du biseau salé, une migration de polluants, un déséquilibre des cours d'eau, milieux aquatiques et zones humides alimentés par cette nappe. Cette ou ces valeurs du débit et du volume doivent par ailleurs être compatibles avec les dispositions du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux et du ou des schémas d'aménagement et de gestion des eaux concernant la zone où s'effectue le ou les prélèvements s'ils existent ".
6. Il résulte de l'instruction que le territoire d'intervention de l'organisme de gestion a été classé, en application de l'article R. 211-71 du code de l'environnement, en zone de répartition des eaux compte tenu de l'insuffisance structurelle des ressources observées sur ce territoire par rapport aux besoins, qu'il subit des assecs sévères et fréquents et que les sous-bassins sont tous classés en déséquilibre quantitatif dans l'état des lieux du SDAGE Adour-Garonne 2016/2021, dont certains en déséquilibre quantitatif important. L'organisme de gestion ne justifie ni n'allègue que ce déséquilibre quantitatif aurait été résorbé totalement ou partiellement à la date du présent arrêt alors que le SDAGE 2022/2027 présente un état des lieux actualisé dont il ressort que la quasi-totalité du territoire d'intervention de l'organisme de gestion est classé en état quantitatif médiocre des masses d'eau souterraines et où la pression liée à l'irrigation est significative. En outre, le débit objectif d'étiage, qui est le débit de référence permettant l'atteinte du bon état des eaux et au-dessus duquel est satisfait l'ensemble des usages en moyenne 8 années sur 10, a été respecté, s'agissant des sous-bassins dont les auteurs de l'étude d'impact ont pu se procurer des données complètes, seulement 3,3 années sur 10 concernant la Charente Aval et 5,6 années sur 10 concernant la Seugne durant la période de 2002 à 2017.
7. L'autorisation contestée, délivrée jusqu'au 31 décembre 2027, attribue à l'organisme de gestion un volume maximal à prélever en période d'étiage (cours d'eau et nappes d'accompagnement) sur les sous-bassins de l'Antenne-Rouzille, de l'Arnoult, du Bruant, de Charente-aval, de la Gères-Devise et de la Seugne. L'autorisation intègre un objectif d'équilibre quantitatif de certains sous-bassins à atteindre au plus tard au cours de la période estivale 2021. Il résulte de l'étude d'impact que les volumes autorisés sont identiques aux volumes prélevables et sont maintenus au cours de la période 2017 à 2021 pour les sous-bassins de l'Arnoult, du Bruant et de la Gères-Devise pour des volumes respectifs de 7 050 000 m3, 1 650 000 m3 et 2 750 000 m3. Concernant les autres sous-bassins, si l'arrêté contesté attribue des volumes dégressifs pour les années 2017 à 2021, soit une évolution du volume autorisé de 4 022 480 m3 en 2017 à 2 150 000 m3 en 2021 dans le périmètre de l'Antenne-Rouzille, de 14 736 85 m3 en 2017 à 13 200 000 m3 dans le périmètre de la Charente aval, de 10 600 137 m3 à 5 700 000 m3 dans le périmètre de la Seugne, ces diminutions de volumes résultent uniquement de la réalisation de réserves de substitution correspondantes.
8. Il résulte de l'instruction et notamment de la notice explicative et du tableau de notification des volumes prélevables définitifs pour l'irrigation émanant du préfet de la région Midi-Pyrénées que ces volumes ont été établis en partant de volumes initiaux issus d'études telles que celles conduites sous maîtrise de l'agence de l'eau ou celles réalisées par le Bureau de recherche géologiques et minières (BRGM), et que des corrections ont été apportées en fonction des aménagements existants et des projets de retenues. Mais il résulte également de cette notice et de ce tableau que les volumes prélevables peuvent intègrer trois " marges de manœuvre " consistant en un volume supplémentaire de gestion de 20 % du volume prélevable initial, en des volumes supplémentaires liés à la mise en œuvre d'une gestion dérogatoire " par les débits " et en des volumes additionnels de printemps et que ces marges de manœuvre sont issues de négociations ayant abouti notamment au protocole d'accord du 21 juin 2011 entre l'Etat et la profession agricole. Aux termes de cet accord, l'Etat accepte en particulier " la mise en œuvre d'assouplissements portant sur des volumes additionnels de printemps " ainsi que le réexamen d'un débit objectif d'étiage, sans que soit apporté aucun élément au dossier permettant de retenir que ces marges de manœuvre, qui augmentent significativement les volumes issus des études de l'agence de l'eau, du BRGM ou d'autres organismes compétents, permettraient de tendre vers le débit objectif d'étiage et, par conséquent, de respecter les intérêts visés à l'article L. 211-1 précité du code de l'environnement, notamment de protection, de répartition et d'utilisation durable de la ressource en eau. Ainsi, alors que le territoire concerné est, comme il a été dit, en situation de déséquilibre de la ressource en eau et que l'impact des prélèvements agricoles sur la qualité de l'eau n'est pas négligeable notamment pour les périmètres de la Seugne et de la Charente-Aval, l'arrêté contesté prévoit des volumes autorisés sans réduction structurelle, dupliquant les volumes prélevables eux-mêmes définis sans réelle prise en compte de l'objectif d'amélioration de l'état de la ressource en eau, allant jusqu'à dépasser les volumes antérieurement autorisés, notamment ceux de l'année 2016, qui étaient de 5 634 320 m3 pour l'Arnoult, 1 306 524 m3 pour le Bruant, 1 898 618 pour la Gères-Devise, 7 174 540 pour la Seugne, 2 835 120 m3 pour l'Antenne-Rouzille et 10 926 191 m3 pour la Charente-Aval. Au surplus, ces volumes excèdent sensiblement la moyenne des volumes consommés durant les années antérieures représentant, pour les cinq années précédentes, 5 106 349 m3 pour l'Arnoult, 1 094 009 m3 pour le Bruant, 1 853 457 pour la Gères-Devise, 5 587 420 pour la Seugne, 2 335 058 m3 pour l'Antenne-Rouzille et 9 319 667 m3 pour la Charente-Aval. Dans ces conditions, et malgré la possibilité d'intervention de mesures conjoncturelles limitant, selon les circonstances, les volumes effectivement consommés, les associations requérantes sont fondées à soutenir que l'arrêté du 10 août 2017 méconnait les dispositions des articles L. 181-3 et L. 211-1 du code de l'environnement.
9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que les associations requérantes sont fondées à demander l'annulation de l'arrêté du 10 août 2017.
Sur les conséquences de l'illégalité de l'arrêté attaqué :
10. L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.
11. L'annulation rétroactive de l'arrêté du 10 août 2017, qui aurait pour conséquence de remettre immédiatement en cause les conditions dans lesquelles les irrigants ont engagé la campagne culturale, porterait une atteinte manifestement excessive à l'intérêt de ces derniers. Au regard des délais nécessaires à la constitution d'une nouvelle demande d'autorisation et à l'instruction de celle-ci, il y a lieu de différer au 1er octobre 2023 les effets de l'annulation de l'arrêté du 10 août 2017 en litige.
12. Eu égard aux volumes effectivement consommés par les irrigants rapportés à ceux autorisés, il y a lieu de plafonner les prélèvements jusqu'au 1er octobre 2023 à hauteur de la moyenne des prélèvements annuels constatés lors des cinq campagnes antérieures à la date du présent arrêt sur chacun des périmètres concernés par l'autorisation.
Sur les frais d'instance :
13. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la chambre régionale d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine une somme globale de 1 500 euros à verser à l'association Nature environnement 17, la Ligue pour la protection des oiseaux et la fédération de la Charente-Maritime pour la pêche et la protection du milieu aquatique au titre des frais d'instance qu'elles ont exposés. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce que soit mis à la charge des associations intimées le versement de la somme que demande la chambre régionale d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine à ce titre.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 8 octobre 2020 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 10 août 2017 par lequel les préfets de la Charente-Maritime et de la Charente ont délivré à la chambre régionale d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine une autorisation unique pluriannuelle de prélèvement d'eau est annulé à compter du 1er octobre 2023. Jusqu'à cette date, les prélèvements autorisés seront plafonnés selon les modalités précisées au point 12 ci-dessus.
Article 3 : La chambre régionale d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine versera à l'association Nature environnement 17, à la Ligue pour la protection des oiseaux et à la fédération de la Charente-Maritime pour la pêche et la protection du milieu aquatique une somme globale de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la chambre régionale d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à l'association Nature environnement 17, à la Ligue de protection des oiseaux et à la fédération de la Charente-Maritime pour la pêche et la protection du milieu aquatique.
Une copie en sera adressée pour information au préfet de la Charente-Maritime et au préfet de la Charente.
Délibéré après l'audience du 7 février 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Nathalie Gay, première conseillère,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2023.
La rapporteure,
Nathalie A...La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX03974