Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 avril 2022 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2202593 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Foucard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 septembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 avril 2022 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " travailleur temporaire " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 47 du code civil ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour sur laquelle elle se fonde ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle s'en remet à ses écritures de première instance.
M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 10 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Demurger, présidente ;
- et les observations de Me Foucard, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant bangladais, déclare être entré en France en septembre 2018. Il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Gironde, placement qui a été renouvelé jusqu'à sa majorité. Le 10 mars 2021, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur. Par un arrêté du 12 avril 2022, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 22 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française. ".
3. Lorsqu'il examine une demande d'admission au séjour présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Selon les dispositions de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
5. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
6. Il ressort des pièces du dossier que, pour établir sa naissance au 2 février 2003, M. A... a produit un passeport délivré le 16 janvier 2021 et un acte de naissance établi le 9 juillet 2018. Pour contester l'authenticité de ces différents documents, la préfète de la Gironde s'est exclusivement fondée sur la consultation des données à caractère personnel enregistrées dans le traitement automatisé dénommé " Visabio " qui lui a permis de constater, en s'appuyant sur la correspondance de la photographie et des empreintes digitales, que l'intéressé avait précédemment sollicité, le 25 juin 2018, une demande de visa de court séjour auprès des autorités italiennes au Bangladesh sous l'identité de M. C..., né le 25 novembre 2003. M. A... explique toutefois que cette demande de visa a été présentée par un réseau de passeurs, qui lui ont fait établir un passeport en ne connaissant que son année de naissance. En outre, il ressort du rapport technique d'analyse documentaire de la fraude documentaire de la direction zonale de la police aux frontières Sud-Ouest du 21 juin 2021 que " le passeport présente les caractéristiques techniques de fabrication et personnalisation d'un document authentique " et que le certificat de naissance " présente toutes les caractéristiques de validation et validité d'un acte conforme ". Enfin, M. A... produit, pour la première fois en appel, un extrait du registre des actes de naissance relatif à cet acte délivré le 9 juillet 2018 dont les mentions sont concordantes avec les deux autres documents produits. Dans ces conditions, et alors qu'il ne ressort pas par ailleurs des pièces du dossier que les autorités bangladaises auraient été saisies aux fins de vérification des documents d'état civil en cause, la préfète de la Gironde ne peut être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe du caractère non authentique des documents fournis par l'intéressé ou de ce que leurs mentions ne seraient pas conformes à la réalité. Par suite, elle ne pouvait légalement se fonder sur ces motifs pour refuser à M. A... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 avril 2022. Il y a lieu, dès lors, de prononcer l'annulation de ce jugement ainsi que celle de l'arrêté litigieux.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Eu égard au motif d'annulation retenu, seul fondé en l'état de l'instruction, le présent arrêt n'implique pas nécessairement la délivrance d'un titre de séjour à M. A... mais seulement le réexamen de sa demande. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à la préfète de la Gironde de procéder à ce réexamen et de prendre une nouvelle décision dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
9. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Foucard une somme de 1 200 euros en application de ces dispositions, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2202593 du tribunal administratif de Bordeaux en date du 22 septembre 2022 et l'arrêté de la préfète de la Gironde en date du 12 avril 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Gironde de réexaminer la demande d'admission au séjour de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à Me Foucard, avocat de M. A..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Foucard et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Florence Demurger, présidente,
Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 février 2023.
La présidente-rapporteure,
Florence Demurger La présidente-assesseure,
Karine Butéri
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22BX02542
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