Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Les Amis de la Terre des Landes a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 19 juin 2018 par lequel le maire de Messanges a délivré à M. E... I... un permis de construire deux maisons individuelles sur la parcelle cadastrée section AM n° 563, chemin de l'Usage sur le territoire de la commune de Messanges et la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n°1802362 du 3 février 2021, le tribunal administratif de Pau n'a pas admis l'intervention de l'association Messanges Environnement et a annulé l'arrêté du 19 juin 2018 et la décision implicite rejetant le recours gracieux de l'association Les Amis de la Terre des Landes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et trois mémoires, enregistrés sous le n° 21BX01214, les 22 mars 2021, 28 juillet 2021, 9 avril 2022 et 25 juin 2022 (ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué), M. E... I..., représenté par Me Leplat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 3 février 2021 en tant qu'il a annulé l'arrêté du 19 juin 2018 et la décision implicite rejetant le recours gracieux de l'association Les Amis de la Terre des Landes ;
2°) de rejeter la demande déposée par l'association Les Amis de la Terre des Landes tendant à l'annulation du permis de construire délivré le 19 juin 2018 par le maire de Messanges, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de l'association Les Amis de la Terre des Landes une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de l'urbanisme.
Il soutient que :
- le recours gracieux présenté par l'association Les Amis de la Terre des Landes a été exercé après le 4 septembre 2018, date d'expiration du délai de recours et était donc irrecevable ;
- le recours gracieux n'a pas été exercé par l'association requérante mais par une association se dénommant " les amis de la terre Landes ", différente de l'association requérante ; la demande était tardive dès lors que le recours gracieux n'a pas eu pour effet de proroger le délai de recours contentieux ;
- l'auteur du recours gracieux, M. B..., disposant d'une délégation imprécise et ne comportant pas l'accord exprès du mandataire, n'était pas régulièrement mandaté ;
- M. B... ne disposait pas d'une délégation de pouvoir régulière lui permettant de procéder à la notification du recours tant administratif que contentieux au nom de l'association ; à défaut de notification du recours dans les conditions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme dûment effectuée par l'association, la demande de première instance était irrecevable ;
- la demande de première instance présentée par la présidente de l'association Les Amis de la Terre Landes était irrecevable faute d'habilitation régulière pour représenter l'association ;
- l'association " Les Amis de la Terre Landes " ne justifiait pas d'un intérêt à agir à l'encontre du permis de construire contesté eu égard à l'absence de limitation de son champ géographique ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la zone dans laquelle se situe le terrain d'assiette du projet ne peut être regardée comme une zone d'urbanisation diffuse et l'arrêté du 19 juin 2018 respectait l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;
- les constructions projetées sont réalisées à des fins d'amélioration de l'offre de logements d'hébergement, n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti ; ainsi, le tribunal aurait dû faire usage de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et régulariser le permis de construire en appliquant l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme tel qu'issu de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique dite ELAN.
Par deux mémoires enregistrés le 24 août 2021 et le 30 mai 2022, la commune de Messanges, représentée par Me Anceret conclut à l'annulation du jugement en ce qu'il a annulé l'arrêté du 19 juin 2018 et la décision implicite rejetant le recours gracieux de l'association Les Amis de la Terre des Landes, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la régularisation de l'arrêté contesté en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et, en tout état de cause, à la mise à la charge de l'association Les Amis de la Terre des Landes d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il a soulevé d'office le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme et n'a pas laissé aux défendeurs la possibilité de se défendre utilement et de justifier de l'accomplissement régulier des formalités d'affichage ;
- la notification du recours n'a pas été délivrée au nom de l'association requérante en première instance et elle a été déposée par une personne non habilitée à agir au nom de ladite association ; la notification n'a pas respecté les conditions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme concernant le recours gracieux, ce dernier est par suite irrecevable ;
- la demande de première instance a été enregistrée le 15 octobre 2015, au-delà de la date d'expiration du délai de recours contentieux le 4 septembre 2018 ;
- c'est à tort que le tribunal a qualifié la zone du projet envisagé d'urbanisation diffuse alors que le plan d'occupation des sols en vigueur à la date de la décision contestée permet la construction de nouvelles habitations ;
- le lieu-dit Granpé est desservi par des voies de circulation et des réseaux publics, des équipements collectifs privés tels que des campings et un gîte ; en outre, la parcelle AM 563 jouxte d'autres parcelles bâties et est desservie par deux chemins ruraux, principaux axes de circulation ; ainsi, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le projet ne méconnaît pas l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;
- le permis contesté est régularisable en application de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme tel qu'issu de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique dite ELAN dès lors que le projet consiste à urbaniser une " dent creuse " ; c'est à tort que le tribunal n'a pas appliqué l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ; dans l'hypothèse où la cour devait considérer que le permis de construire serait contraire à l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, elle ne pourra que surseoir à statuer dans l'attente de la régularisation de la situation par la commune de Messanges au regard de l'évolution du schéma de cohérence territoriale.
Par un mémoire enregistré le 10 mars et le 10 mai 2022, l'association Les Amis de la Terre des Landes et l'association Messanges Environnement, représentées par Me Cofflard, concluent au rejet de la requête, demandent, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas admis l'intervention de l'association Messanges Environnement et la mise à la charge de M. I... d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- en ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance, en premier lieu, le recours gracieux mentionne le nom complet de l'association ainsi que celui de sa présidente sans aucune confusion possible ; l'argument selon lequel le recours gracieux aurait été déposé par une autre association dénommée " Les Amis de la Terre Landes " sera écarté ; en deuxième lieu, le recours gracieux a été adressé par la présidente de l'association Les Amis de la Terre Landes au nom de cette dernière ; la circonstance que M. B... ait envoyé le recours gracieux est sans incidence sur la preuve de l'accomplissement des formalités de notification exigées par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté ne pouvait qu'être écartée, le recours gracieux, introduit le 9 août 2018 ayant été introduit à l'intérieur du délai de deux mois pour attaquer le permis de construire, qui n'a d'ailleurs été affiché que le 3 juillet 2021 ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Pau, les statuts de l'association Messanges Environnement prévoient que le conseil d'administration, qui dispose des pouvoirs d'administration les plus élargis, peut désigner son mandataire pour représenter l'association en justice, ce qui a été fait par un mandat du 12 octobre 2018 ;
- le terrain d'assiette du projet est très étendu, entièrement boisé et ne comprend aucune construction ; aucune construction n'existe autour du croisement des chemins de Barrails et de l'Usage, tandis qu'une coupure d'urbanisation très nette s'effectue entre le terrain d'assiette du projet et le centre-bourg ; les deux maisons prévues à proximité de la limite de propriété de la parcelle n° 284 n'apparaissent en continuité d'aucun hameau, d'aucun village ; les maisons existantes les plus proches du projet restent relativement éloignées ; le projet participe d'un habitat dispersé, d'un urbanisme diffus et désorganisé ; c'est à bon droit que le tribunal a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;
- elles s'en rapportent expressément à l'ensemble des écritures de première instance, aux termes desquelles il a été démontré que le permis litigieux était entaché de plusieurs autres vices de légalité externe et interne ;
- le vice tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme n'est pas régularisable.
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 21BX01280 le 29 mars 2021, et un mémoire enregistré le 30 mai 2022 (qui n'a pas été communiqué), la commune de Messanges, représentée par Me Anceret, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 3 février 2021 en tant qu'il a annulé l'arrêté du 19 juin 2018 et la décision implicite rejetant le recours gracieux de l'association Les Amis de la Terre des Landes ;
2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de la régularisation de l'arrêté contesté en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;
3°) de mettre à la charge de l'association Les Amis de la Terre des Landes le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il a soulevé d'office le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme et n'a pas laissé aux défendeurs la possibilité de se défendre utilement et de justifier de l'accomplissement régulier des formalités d'affichage ;
- la notification du recours n'a pas été délivrée au nom de l'association requérante en première instance et elle a été déposée par une personne non habilitée à agir au nom de ladite association ; la notification n'a pas respecté les conditions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme concernant le recours gracieux, ce dernier est par suite irrecevable ;
- la demande de première instance a été enregistrée le 15 octobre 2015, au-delà de la date d'expiration du délai de recours contentieux le 4 septembre 2018 ;
- c'est à tort que le tribunal a qualifié la zone du projet envisagé d'urbanisation diffuse alors que le plan d'occupation des sols en vigueur à la date de la décision contestée permet la construction de nouvelles habitations ;
- le lieu-dit Granpé est desservi par des voies de circulation et des réseaux publics, des équipements collectifs privés tels que des campings et un gîte ; en outre, la parcelle AM 563 jouxte d'autres parcelles bâties et est desservie par deux chemins ruraux, principaux axes de circulation ; ainsi, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le projet ne méconnaît pas l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;
- le permis contesté est régularisable en application de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme tel qu'issu de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique dite ELAN dès lors que le projet consiste à urbaniser une " dent creuse " ; c'est à tort que le tribunal n'a pas appliqué l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ; dans l'hypothèse où la cour devait considérer que le permis de construire serait contraire à l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, elle ne pourra que surseoir à statuer dans l'attente de la régularisation de la situation par la commune de Messanges au regard de l'évolution du schéma de cohérence territoriale.
Par un mémoire enregistré le 28 juillet 2021, M. E... I..., représenté par Me Bonnemaison-Carrère, conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Pau du 3 février 2021 en tant qu'il a annulé l'arrêté du 19 juin 2018 et la décision implicite rejetant le recours gracieux de l'association Les Amis de la Terre des Landes, au rejet de la demande déposée par l'association Les Amis de la Terre des Landes tendant à l'annulation du permis de construire, délivré le 19 juin 2018 par le maire de Messanges, et de la décision implicite rejetant son recours gracieux et à la mise à la charge de l'association Les Amis de la Terre des Landes d'une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de l'urbanisme.
Il soulève les mêmes moyens que ceux développés dans l'instance 21BX01214.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F... A... ;
- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public ;
- et les observations de M. I... et de Me Bonnet, représentant la commune de Messanges.
Une note en délibéré présentée par Me Leplat pour M. I... a été enregistrée le 16 janvier 2023.
Considérant ce qui suit :
1. Le 19 juin 2018, le maire de Messanges a délivré à M. I... un permis de construire pour la réalisation de deux maisons individuelles sur la parcelle cadastrée section AM n° 563 située au lieu-dit " Granpé ". Le 9 août 2018, l'association Les Amis de la Terre des Landes a demandé le retrait de cet arrêté. M. I... et la commune de Messanges, par les requêtes enregistrées respectivement sous les numéros 21BX01214 et 21BX01280, relèvent appel du jugement du 3 février 2021 du tribunal administratif de Pau en tant qu'il a annulé le permis de construire du 19 juin 2018 ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux exercé par l'association Les Amis de la Terre des Landes. L'association Les Amis de la Terre des Landes et l'association Messanges Environnement demandent à la cour, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement du tribunal administratif de Pau en tant qu'il n'a pas admis l'intervention de l'association Messanges Environnement. Il y a lieu de joindre ces requêtes, dirigées contre le même jugement, pour statuer par un même arrêt.
Sur les interventions de la commune de Messanges dans l'instance n° 21BX01214 et de M. I... dans l'instance n° 21BX01280 :
2. La commune de Messanges et M. I..., défendeurs en première instance, avaient qualité pour faire appel. Par suite, l'intervention de la commune de Messanges dans l'instance n° 21BX01214 et celle de M. I... dans l'instance n° 21BX01280 ne sont pas recevables.
Sur l'appel incident :
3. En l'absence, dans les statuts d'une association ou d'un syndicat, de stipulation réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif, celle-ci est régulièrement engagée par l'organe tenant des mêmes statuts le pouvoir de représenter en justice cette association ou ce syndicat.
4. Il ressort de l'article 17 des statuts de l'association Messanges Environnement que le conseil d'administration " est investi des pouvoirs les plus étendus pour prendre toutes les mesures nécessaires à la mise en œuvre des décisions de l'assemblée et à la réalisation de l'objet social " et l'article 18 des mêmes statuts énonce que " le conseil peut consentir, par un mandat écrit et clairement défini, une délégation au président ou à tout autre membre du conseil pour permettre à celui-ci de le représenter à l'égard des tiers ". Aucune autre stipulation ne réserve à un autre organe le pouvoir de décider d'engager une action en justice au nom de l'association. En outre, il ressort des pièces du dossier que M. Denis Oulès, président de l'association Messanges environnement, a été mandaté par le conseil d'administration de l'association, par une décision du 12 octobre 2018, " pour ester en justice contre toute décision ou action portant atteinte à l'objet statutaire de l'association ". Par suite, M. C... justifiait de la qualité pour intervenir au nom de l'association Messanges Environnement.
5. Il résulte de ce qui précède que l'association Les Amis de la Terre des Landes et l'association Messanges Environnement sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau n'a pas admis l'intervention de l'association Messanges Environnement. Son jugement en date du 3 février 2021 doit, dès lors, être annulé sur ce point. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la recevabilité de l'intervention de l'association Messanges Environnement en première instance. L'association Messanges Environnement, qui a présenté un mémoire distinct dans lequel elle s'associe aux conclusions de l'association Les Amis de la Terre des Landes, justifie, par son objet statutaire et son action, d'un intérêt suffisant de nature à la rendre recevable à intervenir. Il y a lieu d'admettre l'intervention de première instance de cette association.
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
6. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. I... avait soulevé dans son mémoire enregistré le 4 avril 2019, une fin de non-recevoir tirée de ce que le recours gracieux ayant été formé au-delà du délai de recours contentieux, la requête était tardive. Le tribunal administratif a écarté cette fin de non-recevoir au motif que l'affichage n'était pas établi. En fondant sa décision sur l'absence d'affichage régulier alors même que les défendeurs n'avaient pas présenté d'observations sur ce point, le tribunal n'a pas relevé d'office un moyen, mais s'est borné à exercer son office et à répondre aux moyens qui étaient soulevés devant lui. Par suite, la commune de Messanges n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
S'agissant de la recevabilité de la demande de première instance :
7. Aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ".
8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment du constat d'huissier produit par la commune, que le permis de construire délivré le 19 juin 2018 a été régulièrement affiché du 3 juillet au 12 septembre 2018. En deuxième lieu, le recours gracieux, formé le 9 août 2018, mentionne le nom de l'association Les Amis de la Terre des Landes, l'adresse du siège social " maison des associations " 24 boulevard de Candau à Mont-de-Marsan et le nom de la présidente de l'association, Mme G... H..., mentions identiques à celles des statuts de l'association. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le recours gracieux a été formé par la même personne morale que celle qui a présenté la requête introductive d'instance devant le tribunal administratif de Pau. Ainsi, le recours gracieux, qui a été exercé par la présidente de l'association, sans qu'il y ait lieu de rechercher si l'auteur du recours gracieux pouvait justifier d'un mandat pour former celui-ci, a été régulièrement formé. Les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a écarté la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme.
9. Aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. / La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux ".
10. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le recours gracieux, formé le 9 août 2018, a été notifié au maire de Messanges le 11 août 2018 et à M. I... le 17 août 2018. Contrairement à ce que soutient M. I..., le document attestant du dépôt à La Poste du pli destiné à M. I... comporte le numéro du courrier et l'absence de mention de la date d'édition, ou d'un tampon sur ce document n'a pas d'incidence sur la preuve de la notification. En outre, la circonstance que ce certificat de dépôt porte la mention de M. B..., adhérent de l'association ayant reçu mandat afin d'effectuer tous les actes nécessaires liés aux recours contentieux notamment les envois des courriers nécessaires à ces procédures et non la mention de l'association, ne suffit pas à entacher la notification du recours gracieux d'irrégularité.
11. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le recours contentieux, enregistré au greffe du tribunal administratif de Pau le 15 octobre 2018, a été notifié au maire de Messanges le 19 octobre 2018 et à M. I... le 24 octobre 2018. Si l'accusé de réception indique l'adresse de M. I... avec un code postal erroné 64230 au lieu de 64320, cette seule erreur matérielle ne suffit pas à tenir pour établi le défaut de notification alors que le nom de la commune était mentionné et que l'accusé de réception était signé par M. I.... Par suite, le recours contentieux a été notifié conformément à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme.
12. Une association est régulièrement engagée par l'organe tenant de ses statuts le pouvoir de la représenter en justice, sauf stipulation de ces statuts réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif. Il appartient à la juridiction administrative saisie, qui en a toujours la faculté, de s'assurer, le cas échéant et notamment lorsque cette qualité est contestée sérieusement par l'autre partie ou qu'au premier examen, l'absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie. A ce titre, si le juge doit s'assurer de la réalité de l'habilitation du représentant de l'association qui l'a saisi, lorsque celle-ci est requise par les statuts, il ne lui appartient pas, en revanche, de vérifier la régularité des conditions dans lesquelles une telle habilitation a été adoptée.
13. Il ressort de l'article 14 des statuts de l'association Les Amis de la Terre des Landes qu'" en tant que de besoin, le Conseil mandate le président pour représenter l'association devant les tribunaux " et l'association produit une autorisation du 24 mars 2018 par laquelle le conseil d'administration mandate Mme G... H... pour ester en justice et représenter l'association devant la justice. Contrairement à ce que soutient M. I..., la mention " en tant que de besoin " au sein de l'article 14 des statuts de l'association ne fait pas obstacle à ce que le conseil d'administration donne un tel mandat à la présidente de l'association. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que cette autorisation n'émanerait pas du conseil d'administration de l'association régulièrement convoqué, alors même que l'en-tête du document indique " Les Amis de la Terre " et non " Les Amis de la Terre des Landes ", dès lors que l'adresse mentionnée est bien celle de l'association Les Amis de la Terre des Landes à Mont-de-Marsan. Par suite, Mme Letaconoux, présidente de l'association, était dûment habilitée par le conseil d'administration pour représenter l'association en justice.
14. Aux termes de l'article L. 142-1 du code de l'environnement : " Toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l'environnement peut engager des instances devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à celle-ci. / Toute association de protection de l'environnement agréée au titre de l'article L. 141-1 ainsi que les fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique et les associations agréées de pêcheurs professionnels justifient d'un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l'agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément ".
15. Il ressort des pièces du dossier que l'association Les Amis de la Terre des Landes a été agréée en application de l'article L. 141-1 du code de l'environnement par un arrêté du 4 juillet 2018 sur tout le département des Landes. La décision du 19 juin 2018 accordant un permis de construire à M. I... pour la construction de deux maisons individuelles sur une parcelle boisée dépourvue de toute construction dans une commune littorale définie à l'article L. 321-2 du code de l'environnement, présentait un rapport direct avec l'objet statutaire de l'association requérante en première instance, lequel inclut l'organisation de toute forme de lutte contre les atteintes à l'environnement pour sa préservation, par toute action devant les tribunaux. Par ailleurs, l'article L. 142-1 du code de l'environnement dispose que l'intérêt conféré par ces dispositions à une association agréée vaut sur tout ou partie du territoire pour lequel elle bénéficie de l'agrément. En outre, le champ d'intervention d'une association doit être apprécié en prenant en compte les indications fournies sur ce point par les stipulations des statuts, notamment par le nom de l'association Les Amis de la Terre des Landes. Par suite, l'association justifiait d'un intérêt pour agir contre l'arrêté du 19 juin 2018 par lequel le maire de Messanges, située dans le département des Landes, a accordé un permis de construire.
S'agissant de la légalité de l'arrêté du 19 juin 2018 :
16. Eu égard, d'une part, au seul rapport de compatibilité prévu par les articles L. 131-1, L. 131-4 et L. 131-7 du code de l'urbanisme entre les documents d'urbanisme qu'ils mentionnent et entre ces documents et les règles spécifiques à l'aménagement et à la protection du littoral et, d'autre part, au rapport de conformité qui prévaut entre les décisions individuelles relatives à l'occupation ou à l'utilisation du sol et ces mêmes règles, la circonstance qu'une telle décision respecte les prescriptions du plan local d'urbanisme ne suffit pas à assurer sa légalité au regard des dispositions directement applicables des articles L. 121-1 et suivants de ce code.
17. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral dont elles sont issues, que le plan local d'urbanisme d'une commune littorale peut prévoir l'extension de l'urbanisation soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, soit en délimitant une zone destinée à l'accueil d'un hameau nouveau intégré à l'environnement. Toutefois, l'exigence de continuité étant directement applicable aux autorisations d'occupation ou d'utilisation du sol, l'autorité administrative qui se prononce sur une demande d'autorisation d'urbanisme dans une commune littorale doit vérifier, à moins que le terrain d'assiette du projet soit situé dans une zone destinée à l'accueil d'un hameau nouveau intégré à l'environnement, si, à la date à laquelle elle statue, l'opération envisagée est réalisée " en continuité avec les agglomérations et villages existants ", et ce alors même que le plan local d'urbanisme, en compatibilité avec les orientations des schémas de cohérence territoriale, aurait ouvert à l'urbanisation la zone dans laquelle se situe le terrain d'assiette.
18. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée section AM n° 563, terrain d'assiette du projet en litige de 9 117 m², est entièrement boisée, dépourvue de toute construction, s'ouvrant sur un espace naturel au nord et à l'est. Si des constructions sont implantées sur des parcelles situées à proximité au sud-est du terrain d'assiette du projet, elles sont dispersées et présentent une faible densité. En outre, la desserte du terrain d'assette du projet par des voies de circulation et des réseaux publics, et la présence d'équipements collectifs privés tels que des campings et un gîte ne suffisent pas à caractériser l'existence d'un village ou d'une agglomération au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Enfin, la circonstance que le plan d'occupation des sols aurait classé la parcelle en litige en zone NB autorisant les constructions est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté. Ainsi, le projet ne peut être regardé comme devant s'implanter en continuité avec une agglomération ou un village existant. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que le projet méconnaissait les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.
S'agissant de l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
19. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".
20. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle la cour statue : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. / Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. / L'autorisation d'urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Elle est refusée lorsque ces constructions et installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages ". Aux termes de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " (...) II. Il peut être recouru, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites : / 1° A la procédure de modification simplifiée prévue aux articles L. 143-37 à L. 143-39 du code de l'urbanisme, afin de modifier le contenu du schéma de cohérence territoriale pour la mise en œuvre de la seconde phrase du second alinéa de l'article L. 121-3 du même code ou du deuxième alinéa de l'article L. 121-8 dudit code, et à condition que cette procédure ait été engagée avant le 31 décembre 2021 ; / 2° A la procédure de modification simplifiée prévue aux articles L. 153-45 à L. 153-48 du même code, afin de modifier le contenu du plan local d'urbanisme pour la mise en œuvre du deuxième alinéa de l'article L. 121-8 dudit code, et à condition que cette procédure ait été engagée avant le 31 décembre 2021. III.-Jusqu'au 31 décembre 2021, des constructions et installations qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti, peuvent être autorisées avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat, après avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites, dans les secteurs mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la présente loi, mais non identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d'urbanisme en l'absence de modification ou de révision de ces documents initiée postérieurement à la publication de la présente loi (...) ".
21. Il ressort des pièces du dossier que dans le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale de la communauté de communes Maremne Adour Côte-Sud, approuvé le 4 mars 2014, le projet se situe en dehors des agglomérations et villages et que le plan local d'urbanisme intercommunal, tel qu'issu de la première modification simplifiée du 6 mai 2021 classe la parcelle AM 563 en zone naturelle. Par ailleurs, si le schéma de cohérence territoriale est en cours de modification, il résulte de l'instruction que ce document n'est pas en vigueur à la date à laquelle la cour statue et au demeurant, il résulte de la notice de présentation de la modification simplifiée n° 1 que seul le secteur du quartier de Caliot à Messanges a été identifié comme un secteur déjà urbanisé. Par suite, et dès lors que le terrain d'assiette du projet est situé dans un espace d'urbanisation diffuse et qu'en tout état de cause, le III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 ne s'applique pas au-delà du 31 décembre 2021, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ne peut être régularisé et il n'y a pas lieu de surseoir à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.
22. Il résulte de ce qui précède que M. I... et la commune de Messanges ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 19 juin 2018.
Sur les frais liés au litige :
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association Les Amis de la Terre des Landes et de l'association Messanges Environnement, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, les sommes demandées par la commune de Messanges et M. I..., au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Messanges et de M. I... une somme de 1 500 euros chacun à verser à l'association Les Amis de la Terre des Landes et à l'association Messanges Environnement au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de la commune de Messanges dans l'instance n° 21BX01214 et celle de M. I... dans l'instance n° 21BX01280 ne sont pas admises.
Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Pau du 3 février 2021 est annulé.
Article 3 : L'intervention de l'association Messanges Environnement devant le tribunal administratif de Pau est admise.
Article 4 : Les requêtes de la commune de Messanges et de M. I... sont rejetées.
Article 5 : La commune de Messanges versera une somme globale de 1 500 euros à l'association Les Amis de la Terre des Landes et à l'association Messanges Environnement en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : M. I... versera une somme globale de 1 500 euros à l'association Les Amis de la Terre des Landes et à l'association Messanges Environnement en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Messanges, à M. E... I..., à l'association Les Amis de la Terre des Landes et à l'association Messanges Environnement.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Nathalie Gay, première conseillère,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2023.
La rapporteure,
Nathalie A...La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne à la préfète des Landes en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°S 21BX01214, 21BX01280 2