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30/01/2023 | FRANCE | N°20BX00535

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre bis (formation à 3), 30 janvier 2023, 20BX00535


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête et des mémoires présentés le 15 février 2020, le 24 mars 2022 et le 14 juin 2022, l'association de défense et de protection de l'environnement de Blanzay, M. B... G..., M. F... U..., M. C... P..., M. A... L..., Mme V... D..., M. et Mme J... et T... X..., M. O... S..., Mme R... M..., M. N... I... du Chambon, M. W... D... et M. K... H..., représentés par Me Cadro, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2019 par lequel la préfète de la Vienne a délivré à la s

ociété Ferme éolienne de Blanzay une autorisation environnementale pour la constructi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête et des mémoires présentés le 15 février 2020, le 24 mars 2022 et le 14 juin 2022, l'association de défense et de protection de l'environnement de Blanzay, M. B... G..., M. F... U..., M. C... P..., M. A... L..., Mme V... D..., M. et Mme J... et T... X..., M. O... S..., Mme R... M..., M. N... I... du Chambon, M. W... D... et M. K... H..., représentés par Me Cadro, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2019 par lequel la préfète de la Vienne a délivré à la société Ferme éolienne de Blanzay une autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation d'un parc éolien composé de neuf aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Blanzay ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent, en ce qui concerne la recevabilité de leur demande, que :

- ils ont intérêt à agir à l'encontre de l'autorisation environnementale en litige ; c'est le cas pour l'association compte tenu de son objet social et de son champ d'action géographique ; c'est aussi le cas pour les autres requérants personnes physiques qui sont tous domiciliés à proximité des futures éoliennes et dont le cadre de vie sera bouleversé par la construction et l'exploitation de ces appareils ;

- le président de l'association justifie de sa qualité pour agir au nom de celle-ci sur le fondement d'une délibération adoptée par le conseil d'administration, conformément aux statuts de l'association.

Ils soutiennent, en ce qui concerne la légalité externe de la décision, que :

- l'étude d'impact est affectée d'insuffisances qui n'ont pas permis à l'autorité compétente d'instruire la demande en connaissance de cause ; ainsi, le volet acoustique est insuffisant dès lors que les campagnes de mesures n'ont pas été réalisées en hiver, qu'elles ont eu lieu en période de vents dominants nord-est qui ne représentent que 40 % des vents du secteur, que la ligne à grande vitesse située à l'ouest du projet n'a pas été prise en compte, de même que ne l'a pas été le bruit engendré par la carrière située à proximité ; le volet de l'étude d'impact consacré à l'avifaune est également insuffisant dès lors que les prospections réalisées sur place n'ont pas été assez nombreuses, y compris en période nocturne, que la problématique de la migration nocturne des oiseaux n'a pas été abordée, que les points d'écoute retenus ne sont pas judicieux et que l'étude des impacts acoustiques cumulés avec ceux d'autres parcs éoliens n'est pas assez rigoureuse ; le volet de l'étude d'impact consacré aux chiroptères est également insuffisant dès lors que les prospections réalisées sur place n'ont pas été assez nombreuses, n'ont pas eu lieu pendant une période correspondant à un cycle biologique complet des chiroptères, que la plupart des points d'écoute retenus sont situés à l'extérieur de la zone d'implantation du projet et qu'aucune mesure en altitude dans la zone est du projet n'a été effectuée ; enfin, l'étude de danger jointe à l'étude d'impact est elle aussi entachée d'insuffisances dès lors qu'elle ne fait aucune mention des tirs de mines réalisés au sein de la carrière située à proximité immédiate du futur parc éolien ; elle n'évoque pas non plus la possible pollution de la rivière souterraine Chaluppe que pourrait entraîner le projet ;

- le dossier n'est pas régulier dès lors que la convention d'occupation du domaine public a été signée par le maire de la commune de Saint-Pierre d'Exideuil, lequel n'était pas compétent pour cela dès lors que la gestion de la voirie a été transférée à un établissement public de coopération intercommunale.

Ils soutiennent, en ce qui concerne la légalité interne de la décision, que :

- le projet n'aurait pas dû être autorisé dès lors qu'il porte atteinte aux intérêts protégés par les articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement ;

- ainsi, il porte atteinte à l'avifaune, laquelle est riche dans le secteur comme en témoigne la présence de deux zones naturelles d'intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF) de type 1 dans l'aire d'étude rapprochée du projet ; celui-ci se trouve au sein d'un milieu ouvert caractérisé par la présence de haies et de petits boisements qui sont autant de milieux favorables à l'avifaune ; il a notamment été constaté la présence de vols migratoires de grues cendrées et de milans royaux dans ou à proximité de l'aire d'étude immédiate du projet ; l'étude d'impact a ainsi reconnu qu'un certain nombre d'espèces d'oiseaux présentaient un enjeu fort ; le maintien des sites d'hivernage identifié n'est pas assuré non plus ;

- le projet porte atteinte également aux chiroptères dès lors que sa zone ouest est composé d'un milieu qui attire ces derniers ; les prospections ont recensé un certain nombre de ces espèces dont plusieurs présentent un intérêt patrimonial ; les éoliennes ne sont pas assez éloignées des zones de circulation de ces chiroptères ; les mesures de bridages prévues ne concernent que la période du 1er avril au 31 octobre alors que l'activité des chiroptères est observée de mars à novembre ; il n'a pas non plus été prévu de système d'effarouchement ;

- les dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'environnement ont été méconnues dès lors que le pétitionnaire s'est abstenu de présenter une demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées ou d'habitats de ces espèces ;

- le projet porte atteinte aux paysages, au patrimoine bâti et au cadre de vie des habitants du secteur ; les paysages, situés dans le secteur de Terre Rouge, présentent un intérêt particulier à protéger ; il est composé de bourgs et de nombreux hameaux ; des monuments historiques ont été identifiés dans le secteur, notamment plusieurs châteaux ; les habitants des hameaux auront de nombreuses vues directes sur le site ;

- le projet porte atteinte aux dispositions de l'article R. 111-17 du code de l'urbanisme dès lors que le poste de livraison est implanté à un mètre seulement de la limite parcellaire séparant les parcelles ZD 56 et Z D41 alors que la distance minimale à respecter est de trois mètres.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 septembre 2020, le 7 février 2022, et le 8 mai 2022, la société ferme éolienne de Blanzay, représentée par Me Guiheux, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que la cour prononce un sursis à statuer sur la demande des requérants pour permettre la régularisation de l'autorisation environnementale en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge des requérants la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par courrier du 4 janvier 2023, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de surseoir à statuer, en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, en vue de permettre la régularisation du vice tiré de l'absence au dossier de demande du document, prévu à l'article R. 181-13 du code de l'environnement, attestant que le pétitionnaire dispose du droit de réaliser son projet sur les terrains retenus. La société Ferme éolienne de Blanzay a présenté des observations le 10 janvier 2023.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'arrêté du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Q... E...,

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,

- et les observations de Me Cadro, représentant les requérants et de Me Rochard, représentant la société Ferme éolienne de Blanzay.

Une note en délibéré, présentée par la société Ferme éolienne de Blanzay, a été enregistrée le 18 janvier 2023.

Une note en délibéré, présentée par l'association de défense et de protection de l'environnement de Blanzay, M. B... G..., M. F... U..., M. C... P..., M. A... L..., Mme V... D..., M. et Mme J... et T... X..., M. O... S..., Mme R... M..., M. N... I... du Chambon, M. W... D... et M. K... H..., a été enregistrée le 19 janvier 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Le 30 janvier 2018, la société Ferme éolienne de Blanzay a déposé en préfecture de la Vienne une demande d'autorisation environnementale pour l'installation et l'exploitation d'un parc composé de neuf éoliennes d'une hauteur de 180 mètres en bout de pale et de deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Blanzay. Ce projet a fait l'objet d'une enquête publique au terme de laquelle le commissaire enquêteur a émis, le 1er mai 2019, un avis favorable à l'implantation du groupe ouest du parc, composé de quatre appareils, et un avis défavorable pour les cinq autres appareils formant le groupe est de ce parc. Par un arrêté du 16 octobre 2019, la préfète de la Vienne a délivré à la société Ferme éolienne de Blanzay l'autorisation environnementale sollicitée. L'association de défense et de protection de l'environnement de Blanzay, M. G..., M. U..., M. P..., M. L..., Mme D..., M. et Mme X..., M. S..., Mme M..., M. I... du Chambon, M. D... et M. H... demandent à la cour d'annuler cet arrêté préfectoral du 16 octobre 2019.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le contenu de l'étude d'impact :

2. Aux termes de l'article R. 512-6 du code de l'environnement : " I. - A chaque exemplaire de la demande d'autorisation doivent être jointes les pièces suivantes : (...) 4° L'étude d'impact (..) dont le contenu est défini à l'article R. 122-5 (...) ". Aux termes de l'article R. 122-5 du même code, dans sa version applicable en l'espèce : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. II. - L'étude d'impact présente : (...) 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur (...) la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages (...) les équilibres biologiques (...) le bruit, les espaces naturels (...) ainsi que les interrelations entre ces éléments ; 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° (...) la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) (...) ".

3. Il résulte des dispositions précitées que l'étude d'impact doit être proportionnée à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et à la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

4. En premier lieu, l'étude acoustique jointe à l'étude d'impact comporte des mesures de bruits réalisées conformément à la norme NFS-31-114 dans sa dernière version en vigueur. Ces mesures ont été effectuées, conformément à une méthodologie standard éprouvée, sur une période de quinze jours du 21 avril au 3 mai, puis du 25 avril au 9 mai 2017, au niveau de onze points fixes situés au droit des habitations les plus exposées aux bruits engendrés par les futurs appareils. Contrairement à ce qu'allèguent les requérants, la seule circonstance que les mesures acoustiques ont été réalisées au cours d'une période où la végétation est plus dense et de reprise de l'activité agricole ne suffit pas à vicier la méthodologie employée ni à altérer les résultats de l'étude, laquelle a reconnu que l'ambiance sonore des hameaux proches du projet était " assez calme ". Par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article 26 de l'arrêté du 26 août 2011, relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, que ce n'est que lorsque plusieurs installations classées pour la protection de l'environnement sont exploitées par une même personne sur un même site que le niveau de bruit global émis par ces installations doit respecter les seuils de bruits règlementaires en vigueur. En conséquence, il ne saurait être fait grief à l'étude acoustique une absence de prise en compte des effets cumulés des bruits engendrés par les éoliennes avec ceux de la carrière de Croix Bouyer, installation dont la société pétitionnaire n'est pas l'exploitante, quand bien même elle est située dans les environs proches du projet. Quant à la ligne à grande vitesse passant à l'ouest du projet, il résulte, en tout état de cause, de l'instruction qu'elle n'était pas en service lorsque la campagne de mesures a été réalisée. Enfin, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, les mesures n'ont pas seulement été réalisées en présence d'un vent dominant nord-est mais dans toutes les directions de vent présentes sur le site, y compris en période de vent dominant sud-ouest, ainsi que cela ressort de l'étude acoustique dont les auteurs ont précisé, à cet égard, que le bruit est moins tributaire de la direction du vent que de sa vitesse. Au demeurant, la Mission régionale d'autorité environnementale (MRAE) n'a pas formulé de critiques particulières sur le volet acoustique de l'étude d'impact dans son avis du 21 novembre 2018.

5. En deuxième lieu, pour analyser l'état de l'avifaune présente dans la zone d'implantation du projet, les auteurs de l'étude d'impact ont réalisé 18 sorties couvrant un cycle annuel complet (de mars 2016 à février 2017). Lors des relevés de terrains, ont été recensés tous les individus identifiés de manière visuelle ou auditive dans la zone concernée ainsi que dans un rayon de 600 mètres autour de celle -ci. Quant aux points d'échantillonnage, qui correspondent à des points d'écoute en période nuptiale, à des points d'observation en période prénuptiale et à des points d'observation pendant les temps de migration et d'hivernage, ils ont été sélectionnés de façon à couvrir le plus de surfaces possibles et dans les milieux les plus divers. Les inventaires ont été réalisés le matin, dès les premières heures du jour, lorsque l'activité des oiseaux est maximale. Ce faisant, les auteurs de l'étude de l'avifaune ont suivi une méthodologie standardisée et éprouvée pour non seulement dresser la liste des espèces présentes sur le site mais aussi déterminer leur densité. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que les deux inventaires nocturnes auxquels il a été procédé en période de nidification pour les rapaces nocturnes étaient insuffisants dès lors que, lors des inventaires dédiés aux chauve-souris réalisés sur douze soirées, ont été pris en compte tous les autres indices, y compris indirects, pour alimenter l'inventaire de l'avifaune en général. De leur côté, les requérants ne font état d'aucun élément permettant d'estimer que l'étude de l'avifaune n'aurait pas permis d'appréhender le fonctionnement de l'avifaune du site, apprécié en termes d'inventaires, d'identification des principaux axes de déplacement et des aires de dépendance des oiseaux. A cet égard, les auteurs de l'étude n'ont pas identifié de couloirs migratoires dans la zone d'implantation du projet, et s'il existe un couloir de migration de la grue cendrée, il résulte de l'instruction, et notamment de la carte de référence de la ligue nationale des oiseaux, que ce couloir n'est pas situé dans la commune de Blanzay. Enfin les effets du projet sur l'avifaune cumulés avec ceux des autres parcs éoliens du secteur ont été analysés par l'étude d'impact et il ne résulte pas de l'instruction que les conclusions de l'étude, selon lesquelles ces effets ne seront pas significativement négatifs pour l'avifaune, seraient incomplètes ou erronées, en raison notamment de la proximité du parc litigieux avec l'autre parc le plus proche. Au demeurant, dans son avis du 21 novembre 2018, la MRAE n'a pas émis de critiques particulières sur le contenu du volet avifaune de l'étude d'impact.

6. En troisième lieu, le volet de l'étude d'impact consacré aux chiroptères s'est fondé, pour l'analyse de l'état initial, sur une synthèse des connaissances locales effectuée par Vienne Nature pendant seize années consécutives, de janvier 2000 à décembre 2016. Ces inventaires ont été réalisés selon plusieurs méthodes d'échantillonnage éprouvées, notamment l'observation directe, l'utilisation de détecteurs à ultrason et la capture au moyen de filets japonais. Les prospections ont été réalisées sur un cycle biologique complet, ce qui a permis d'inventorier 17 espèces de chiroptères comme fréquentant la zone concernée par le projet. De plus, les bases de données concernant les cavités souterraines, tenues à jour par le bureau de recherches géologiques et minières, et les cartes IGN, ont été consultées pour rechercher des sites d'hibernation. Les éléments ainsi rassemblés offrent une vision exhaustive des connaissances en matière de chiroptères dans un rayon de 15 km autour de la zone d'implantation du projet. Pour autant, les auteurs de l'étude d'impact ne se sont pas dispensés de réaliser des prospections sur le terrain, qu'ils ont effectuées à douze reprises entre mai et novembre 2016, soit la période pendant laquelle le risque de mortalité des chiroptères résultant de la présence d'éoliennes est le plus élevé. Trois méthodes d'échantillonnage ont été retenues : l'enregistrement manuel choisi de façon à couvrir l'ensemble des milieux favorables aux chiroptères et présents dans l'aire d'étude, l'écoute par ballon hélium réalisée en hauteur dans la zone ouest du projet où les boisements attirent les chiroptères, et l'enregistrement automatique complémentaire durant des nuits complètes. La méthodologie ainsi employée respecte les recommandations de la société française pour la protection et l'étude des mammifères (SFPEM), celles d'Eurobats et encore celles du guide ministériel d'élaboration des études d'impact. Il est néanmoins vrai que dans son avis du 21 novembre 2018, la MRAE a relevé que la période avril-mai n'avait pas été couverte par les inventaires alors qu'elle correspond au début du transit des espèces vers des sites de mise bas. Pour autant, dans son mémoire en réponse aux observations de la MRAE, le pétitionnaire a précisé que deux sorties avaient bien été réalisées le 14 avril 2016 au petit matin et le 24 mai 2016 au crépuscule, les lisières, allées boisées et autres haies ayant été échantillonnées respectivement par cinq, trois et trois points d'écoute. Les requérants n'apportent, de leur côté, aucun autre élément permettant d'estimer que l'analyse de l'état initial des chiroptères serait erronée ou insuffisante.

7. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact doit être écarté en toutes ses branches.

En ce qui concerne le contenu de l'étude de danger :

8. Aux termes de l'article R. 512-6 du code de l'environnement : " I. - A chaque exemplaire de la demande d'autorisation doivent être jointes les pièces suivantes : (...) 5° L'étude de dangers (...) définie à l'article R. 512-9 (...) ". Aux termes de l'article R. 512-9 du même code : " I. - L'étude de dangers mentionnée à l'article R. 512-6 justifie que le projet permet d'atteindre, dans des conditions économiquement acceptables, un niveau de risque aussi bas que possible, compte tenu de l'état des connaissances et des pratiques et de la vulnérabilité de l'environnement de l'installation. Le contenu de l'étude de dangers doit être en relation avec l'importance des risques engendrés par l'installation, compte tenu de son environnement et de la vulnérabilité des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 (...) ".

9. L'étude de dangers jointe à la demande d'autorisation recense la présence, à 170 mètres du futur projet, de la carrière dite " La Croix Bouyer ", installation classée pour la protection de l'environnement. Dans sa rubrique consacrée à l'analyse du risque de projection de pale, l'étude de dangers précise que, dans un rayon de 180 mètres autour du parc projeté, les terrains, constitués de champs et de chemins agricoles, sont considérés comme aménagés mais peu fréquentés, la présence permanente de personnes y étant évaluée à une pour dix hectares, sauf pour l'éolienne E 4 située à proximité de la carrière qui emploie trois personnes à temps plein. L'étude de dangers a procédé à une analyse suffisante de la nature et de l'occurrence des risques liés au fonctionnement de l'installation pour laquelle l'autorisation a été sollicitée, et elle n'avait pas à détailler les modalités d'exploitation de la carrière, et notamment les conditions d'extraction des matériaux au moyen de tirs de mines ou les pollutions pouvant être causées par cette installation, distincte, que la société pétitionnaire n'exploite pas. Au demeurant, le guide ministériel de l'élaboration des études d'impact préconise seulement de préciser, dans l'étude, les risques liés au fonctionnement des installations, présentes dans la zone d'étude, classées SEVESO et des installations nucléaires de base, catégories dans lesquelles n'entre pas la carrière dont il s'agit. Le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude de dangers doit être écarté.

En ce qui concerne l'accord du gestionnaire du domaine public :

10. Aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'environnement : " Le dossier soumis à l'enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet (...) ". Aux termes de l'article R. 181-13 du même code : " La demande d'autorisation environnementale comprend les éléments communs suivants : (...) 3° Un document attestant que le pétitionnaire est le propriétaire du terrain ou qu'il dispose du droit d'y réaliser son projet ou qu'une procédure est en cours ayant pour effet de lui conférer ce droit (...) ".

11. A la demande d'autorisation était jointe une convention, signée le 27 octobre 2015, par laquelle la commune de Blanzay a autorisé le pétitionnaire à utiliser, pour la construction, l'entretien et le démantèlement du parc, ses " chemins " et à les faire survoler par les pales des éoliennes. Aux termes de cette convention, les " chemins " s'entendent de " l'ensemble des voies communales, vicinales, chemins ruraux, parcelles et fossés appartenant à la collectivité, situés à l'intérieur de la zone de projet ". Il résulte de l'instruction que la compétence en matière de voirie d'intérêt communautaire, définie comme l'ensemble de la voirie communale dans et hors agglomération, appartient à la communauté de communes des pays Civraisien et Charlois (devenue Civraisien en Poitou) depuis le 1er janvier 2014. Plus exactement, cette compétence intercommunale concerne, en vertu de l'article 2 des statuts de la communauté de communes, les travaux d'intérêt communautaires définis comme les travaux sur la bande de roulement et travaux connexes indissociables, comprenant les bordures et caniveaux, le dérasement, curage et ouverture des fossés de la voirie communautaire.

12. Il résulte de l'instruction que l'usage que la société pétitionnaire doit faire des chemins de la commune de Blanzay répondant à la définition précitée de la " voirie d'intérêt communautaire ", pour la construction, l'entretien et le démantèlement de son parc, impliquera des travaux de la nature de ceux mentionnés par l'article 2 des statuts de la communauté de communes. Par suite, il appartenait au pétitionnaire de solliciter cet établissement public de coopération intercommunale pour obtenir tout document attestant qu'il disposait du droit de réaliser son projet sur les voies et chemins considérés ou qu'une procédure était en cours pour acquérir ce droit, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 181-13 du code de l'environnement.

13. Si la demande d'autorisation comprenait la convention précitée du 27 octobre 2015, signée entre la société pétitionnaire et la commune de Blanzay, elle ne comportait pas de documents attestant que la société était en droit d'utiliser les voies gérées par la communauté de communes du Civraisien en Poitou ou tout autre élément informant le service instructeur qu'une procédure était en cours à cette fin.

14. S'il résulte de l'instruction qu'en définitive, la société Ferme éolienne de Blanzay et la communauté de communes du Civraisien en Poitou ont conclu une convention d'occupation des voies intercommunales, cette convention a été signée le 24 février 2020, soit postérieurement à l'autorisation contestée et n'a donc pu être jointe à la demande d'autorisation et au dossier d'enquête publique. Or il appartient au juge du plein contentieux d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation environnementale au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de cette autorisation. Les requérants sont, par suite, fondés à soutenir que le dossier de demande était, sur ce point, irrégulièrement composé. Cette irrégularité a privé la communauté de communes du Civraisien en Poitou d'une garantie et été susceptible d'exercer une influence sur le sens de l'autorisation contestée.

En ce qui concerne la nécessité d'une dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées ou d'habitats d'espèces protégées :

15. Aux termes de l'article L. 181-2 du code de l'environnement : " I. L'autorisation environnementale tient lieu (...) des autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments suivants, lorsque le projet d'activités, installations, ouvrages et travaux (...) y est soumis ou les nécessite : (...) 5° Dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats en application du 4° du I de l'article L. 411-2 ". Aux termes de l'article L. 411-1 du même code : " I. Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation (...) d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; (...) 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " I. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées (...) 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1 (...) ". L'arrêté du 29 octobre 2009 des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement fixe la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection.

16. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.

17. Le système de protection des espèces, qui concerne les espèces d'oiseaux figurant sur la liste fixée par l'arrêté du 29 octobre 2009, impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes.

18. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte.

19. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

20. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'étude d'impact, que plusieurs espèces d'oiseaux (notamment, busard cendré, busard Saint-Martin, faucon crécelle, faucon émerillon, faucon pèlerin, grue cendrée, milan royal et milan noir) et de chiroptères (notamment, pipistrelles, noctule de Leisner, barbastelle d'Europe) protégées ont été identifiées dans la zone d'implantation du parc éolien. C'est pourquoi l'étude d'impact comporte un volet consacré à l'obligation éventuelle de solliciter la dérogation prévue au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement concluant à l'absence de nécessité d'une telle demande.

21. Il résulte des règles rappelées aux points 18 et 19 que le pétitionnaire aurait été tenu de solliciter la dérogation si, compte tenu des mesures d'évitement et de réduction des atteintes aux espèces protégées qu'il prévoit, le projet continue de présenter pour ces dernières un risque suffisamment caractérisé.

22. Comme mesure d'évitement, le pétitionnaire a choisi d'implanter son parc éolien dans un secteur situé en dehors d'une zone naturelle d'intérêt reconnu (zone spéciale de conservation, zone de protection spéciale, réserve naturelle, ZNIEFF), des réservoirs de biodiversité et autres corridors écologiques. Les parcelles retenues pour recevoir les éoliennes sont à l'état de cultures, ce qui les rend peu attirantes pour l'avifaune et les chiroptères. Les haies et boisements seront préservés au maximum tandis que les opérations d'élagage nécessaires à la mise en place du futur parc auront lieu en dehors des périodes de nidification. Quant aux chemins existants pour l'accès au futur parc, ils seront utilisés le plus possible afin d'éviter la création de nouvelles voies de circulation.

23. Comme mesures de réduction, le pétitionnaire a prévu d'arrêter le fonctionnement nocturne des éoliennes, situées dans les zones les plus sensibles pour les chiroptères, entre le 1er juillet et le 31 octobre, soit la période durant laquelle l'activité de ces espèces est la plus intense. L'arrêt des machines est programmé lorsque les conditions météorologiques les plus propices à l'activité des chiroptères sont réunies, soit lorsque la vitesse du vent est inférieure à 5 mètres par seconde et en cas de températures supérieures à 10 d° et inférieures à 22 d°. Enfin, l'activité des chiroptères étant plus importante en début de nuit, l'arrêt des appareils est programmé pendant 5 heures après le coucher du soleil.

24. Il résulte de l'instruction que les mesures de bridage des appareils pourront aussi bénéficier à l'avifaune, en particulier aux rapaces nocturnes. Une autre mesure de réduction prévue consiste à renforcer les linéaires de haies à plus de 200 mètres des futures éoliennes. Par ailleurs, l'implantation des cinq éoliennes en zone est sur un axe parallèle au sens de migration de l'avifaune, ainsi que l'existence d'une trouée de 2,3 km entre les deux composantes du futur parc, contribueront à réduire les impacts sur les espèces protégées en atténuant " l'effet-barrière " du projet.

25. Alors que le secteur d'implantation du projet n'est pas directement concerné par une zone naturelle sensible, il ne résulte pas de l'instruction que compte tenu des mesures d'évitement et de réduction ainsi prévues, le projet continuerait de présenter un risque suffisamment caractérisé pour les espèces protégées.

26. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le projet en litige nécessitait une demande de dérogation au titre du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement.

En ce qui concerne la méconnaissance alléguée des intérêts environnementaux :

27. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas (...) ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. / L'autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier ". Aux termes de l'article L. 511-1 de ce code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ".

28. Dans l'exercice de ses pouvoirs de police administrative en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative d'assortir l'autorisation d'exploiter délivrée en application de l'article L. 512-1 du code de l'environnement des prescriptions de nature à assurer la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du même code, en tenant compte des conditions d'installation et d'exploitation précisées par le pétitionnaire dans le dossier de demande, celles-ci comprenant notamment les engagements qu'il prend afin d'éviter, réduire et compenser les dangers ou inconvénients de son exploitation pour ces intérêts. Ce n'est que dans le cas où il estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation d'exploitation est sollicitée, que même l'édiction de prescriptions ne permet pas d'assurer la conformité de l'exploitation aux dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, qu'il ne peut légalement délivrer cette autorisation.

29. En premier lieu, le site d'implantation du projet se situe dans la vallée de la Charente, dans les Terres Rouges, dont la topographie est principalement plane avec des vallonnements amples le plus souvent occupés par des cultures. Dans ses environs rapprochés, le paysage se partage entre des cultures et des bois, souvent de taille modeste. Il résulte de l'instruction que ce paysage présente un caractère déjà anthropisé résultant de la présence proche du futur projet de parc éolien de Saint-Pierre d'Excideuil, d'un réseau routier assez dense, d'une voie ferrée et d'une carrière soumise à la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement. Ainsi, le paysage naturel environnant le projet ne présente pas un intérêt ou un caractère particulier.

30. Quant aux éléments patrimoniaux, situés pour la grande majorité d'entre eux à une distance comprise entre 3,5 et 15 km du projet, il ne seront pas visuellement impactés par celui-ci d'une manière significative. Il en est ainsi pour le château d'Epanvillers, monument inscrit situé à 5 km du site d'implantation, et depuis lequel les vues sur le futur parc seront en partie obérées par les végétations, même si en périphérie immédiate du château les éoliennes resteront visibles. S'agissant du château de la Maillolère, qui n'est séparé du futur parc que par 1,5 km, il résulte de l'instruction, et notamment de l'étude paysagère, que l'impact visuel du projet sur ce monument historique peut être qualifié de " fort ", ce qui a conduit le pétitionnaire à prévoir une densification de l'écran végétal existant en implantant un liséré boisé d'une longueur de 93 mètres dans la continuité du maillage existant. Il n'est pas établi au dossier qu'en dépit de cette mesure, le château subirait un effet d'écrasement révélant une méconnaissance des intérêts protégés par la loi.

31. Par ailleurs, si les requérants allèguent que le futur parc portera une atteinte sensible aux hameaux environnants, il résulte de l'instruction que les habitations existantes seront toutes situées au-delà de la distance règlementaire de 500 mètres des futures éoliennes, que la présence de boisements et autres trames végétales atténueront, autant qu'il est possible, la visibilité des appareils depuis ces habitations, et que le positionnement du futur parc en continuité de celui de Saint-Pierre d'Exideuil contribue, dans une certaine mesure, à éviter un effet de mitage de l'espace par les aérogénérateurs. Sans dénier l'impact visuel que le projet entraînera sur les hameaux et les habitations environnants, il ne résulte pas de l'instruction que cette atteinte puisse être qualifiée de particulièrement sensible en raison, notamment, d'un effet d'écrasement révélant une atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

32. Enfin, le volet paysager de la demande comporte une étude de saturation visuelle réalisée depuis les communes de Blanzay, située dans l'aire immédiate du projet, la commune de Civray, la seule de plus de 2 000 habitants se trouvant à moins de 10 km du projet, et le hameau proche de la Tourenne, prenant en compte les parcs éoliens déjà en cours d'exploitation et deux parcs en cours d'instruction (dont la liste figure en p. 263 de l'étude d'impact). Il résulte des conclusions de cette étude, dont la réalisation a suivi une méthodologie standardisée tenant compte de la saturation de l'angle horizontal (somme des angles constitués par les parcs éoliens), de l'angle de respiration (mesure du plus grand angle sans éoliennes) et de la répartition des espaces de respiration (angles maximum de la vision humaine), que les seuils d'alerte annonçant une saturation de l'espace par les éoliennes ne seront pas atteints. Alors que cette analyse a été confirmée par l'inspecteur des installations classées, dans son rapport du 2 septembre 2019 favorable au projet, les requérants ne produisent, pour leur part, aucun élément permettant de contester de manière probante les conclusions ainsi formulées.

33. Dans ces circonstances, le moyen tiré de ce que le projet porterait une atteinte sensible aux paysages, au patrimoine et à la commodité du voisinage doit être écarté.

34. En deuxième lieu, s'agissant des atteintes que le projet est susceptible de causer à l'avifaune, il résulte de l'instruction, comme l'a notamment relevé la MRAE dans son avis, que le secteur d'implantation du futur parc se situe en dehors de tout périmètre d'inventaire ou de protection de la biodiversité. Ainsi, le site Natura 2000 " Plaine de la Mothe Saint-Heray ", zone de protection spéciale désignée en application de la directive " Oiseaux ", se situe à 8 km du secteur d'implantation du projet. La zone de protection spéciale " région de Pressac - étang de Combourg " est, quant à elle, distante de plus de 14 km de la zone d'implantation du projet. Il existe, en revanche, quatre zones naturelles d'intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF) dans un rayon de 6 km autour du site retenu. Le réseau de boisements présent dans l'aire d'étude immédiate de ce site offre également un habitat favorable à une avifaune diverse, ainsi que l'ont reconnu les auteurs de l'étude écologique jointe à la demande.

35. Afin de limiter les impacts du projet sur l'avifaune, le pétitionnaire a choisi de positionner les éoliennes dans un secteur agricole, dédié à l'agriculture intensive, pauvre en termes de biodiversité. La création des voies d'accès au site a été étudiée de façon à limiter les impacts sur les lisières boisées attractives pour les oiseaux, et il en est de même pour l'acheminement du matériel et la circulation des engins de chantier qui s'effectueront au maximum par les routes et les chemins agricoles existants. Les travaux de réalisation du parc éolien, qui seront encadrés par un ingénieur écologue, doivent débuter en dehors de la période de nidification des espèces recensées dans le secteur. L'implantation des éoliennes doit suivre une orientation sud-ouest/nord-est parallèle à l'axe de migration théorique de l'avifaune pour permettre d'éviter la création d'un " effet barrière " qui ne manquerait pas d'accroître le risque de collision pour les oiseaux. S'il est vrai que la réalisation du projet implique l'arrachage de haies, il résulte de l'instruction que le pétitionnaire a prévu, à titre de mesures compensatoires, de recréer des haies offrant un habitat de substitution à l'avifaune sur une longueur deux fois supérieure à celle enlevée. Ces diverses mesures ont été qualifiées de " pertinentes " par la MRAE dans son avis du 21 novembre 2018.

36. De plus, l'implantation retenue pour les éoliennes respecte une distance d'écartement entre les lisières afin de réduire les entraves aux vols d'oiseaux. L'espace de 2,3 km qui sépare le groupe est du groupe ouest du futur parc crée également une trouée facilitant la circulation des oiseaux. Enfin, l'implantation du parc parallèlement à l'axe de migration théorique de l'avifaune devrait permettre de réduire le risque de collision, ainsi qu'il a déjà été dit.

37. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que le projet, une fois les mesures d'évitement, de réduction et compensation mises en œuvre, aurait un impact négatif sur l'avifaune nicheuse et hivernante.

38. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que 14 espèces de chiroptères ont été identifiées dans l'aire d'étude immédiate du projet et que, comme l'a relevé l'étude écologique, la pipistrelle commune et la noctule de Leisler présentent une vulnérabilité reconnue aux éoliennes, tout comme, mais dans une moindre mesure, la pipistrelle de Kuhl et la sérotine commune. Néanmoins, les auteurs de l'étude écologique n'ont pas recensé de gîte de chiroptères dans l'aire d'étude immédiate et l'étude ballon à laquelle ils ont procédé n'a pas mis en évidence de migrations.

39. Ainsi qu'il a été dit, afin de perturber le moins possible l'état initial, il a été prévu en phase de chantier que les voies d'accès emprunteront au maximum les chemins disponibles tandis que les voies à créer le seront au sein de parcelles agricoles. De plus, les travaux seront réalisés en journée, soit en dehors des périodes d'activité des chiroptères. Après le démarrage de l'exploitation, deux fauchages mécaniques par an auront lieu afin d'éviter le développement, au niveau des plateformes et des chemins d'accès, d'une végétation susceptible d'attirer les chiroptères. Il est vrai que la distance entre les mats des éoliennes et les éléments boisés les plus proches est inférieure à 200 mètres pour cinq de ces appareils, et sept d'entre eux lorsque cette distance est calculée en bout de pale. Néanmoins, la recommandation Eurobats, selon laquelle un éloignement de 200 mètres devrait être respecté entre les aérogénérateurs et les boisements, est dépourvue de valeur règlementaire, et ne conditionne pas en elle-même la légalité de l'autorisation en litige. A cet égard, l'étude écologique se réfère à d'autres études qui ont observé que le minimum statistique de l'activité des chiroptères est atteint à 50 mètres des lisières mais qu'au-delà, le nombre de contacts diminue jusqu'à devenir faible à plus de 100 mètres. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'étude écologique, que l'activité des chiroptères est davantage conditionnée par d'autres facteurs tels que la vitesse du vent ou la température.

40. Il est vrai néanmoins que deux éoliennes sont implantées dans un secteur à chiroptères, à savoir les éoliennes E 1 et E 4 situées respectivement à 45 mètres et à 61 mètres en bout de pale de lisières boisées. C'est pourquoi le pétitionnaire a prévu un système de bridage qui sera effectif du 1er juillet au 31 octobre pendant cinq heures après le coucher du soleil lors des épisodes de vent et de températures appropriés à l'activité des chiroptères. Or l'article 7 de l'autorisation environnementale en litige a durci cette mesure de réduction en imposant le bridage des appareils pendant 6h30 après le coucher du soleil dès le 1er avril. Un suivi de l'activité des chiroptères en altitude doit accompagner cette mesure de réduction pour permettre, le cas échéant, d'adapter les prescriptions dont l'autorisation est assortie. Une mesure compensatoire prévue par ailleurs consiste à recréer un linéaire de haies d'une longueur deux fois supérieure à celle détruite par les travaux. Ces diverses mesures ont été qualifiées de pertinentes par la MRAE dans son avis du 21 novembre 2018.

41. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-1 du code de l'environnement doit être écarté en toutes ses branches.

En ce qui concerne l'article R. 111-17 du code de l'urbanisme :

42. Aux termes de l'article R. 111-17 du code de l'urbanisme : " A moins que le bâtiment à construire ne jouxte la limite parcellaire, la distance comptée horizontalement de tout point de ce bâtiment au point de la limite parcellaire qui en est le plus rapproché doit être au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points, sans pouvoir être inférieure à trois mètres. ".

43. Il résulte tant de la lettre que de la finalité de cet article que les éoliennes ne constituent pas des bâtiments au sens des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-17 du code de l'urbanisme doit être écarté comme étant inopérant.

Sur la régularisation de l'autorisation environnementale :

44. Aux termes de l'article L. 181-1 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale (...) est applicable aux activités, installations, ouvrages et travaux suivants, lorsqu'ils ne présentent pas un caractère temporaire : 1° Installations, ouvrages, travaux (...) ". Aux termes de l'article L. 181-18 du même code : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : (...) 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. II.- En cas d'annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, le juge détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties de l'autorisation non viciées. "

45. Ces dispositions précisent les pouvoirs dont dispose le juge de l'autorisation environnementale. Elles permettent notamment au juge, après avoir constaté que les autres moyens dont il est saisi ne sont pas fondés, de surseoir à statuer pour permettre la régularisation devant lui de l'autorisation environnementale attaquée lorsque le ou les vices dont elle est entachée sont susceptibles d'être régularisés par une décision modificative.

46. Au regard de sa nature, le vice mentionné aux points 13 et 14, tiré de ce que le dossier de demande ne respectait pas les exigences des articles R. 123-8 et R. 181-13 du code de l'environnement, est susceptible d'être régularisé dans le cadre des dispositions précitées du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer sur la légalité de l'autorisation du 16 octobre 2019 jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt pour permettre, le cas échéant, la notification à la cour, par la société pétitionnaire, d'une mesure de régularisation de l'irrégularité relevée au point 13.

47. Le document, prévu à l'article R. 181-13 du code de l'environnement, attestant que le pétitionnaire dispose du droit de réaliser son projet sur le site choisi fait partie du dossier de demande et est versé, à ce titre, au dossier d'enquête publique en application de l'article R. 123-8 du même code. Ce document devra être mis en ligne sur un site internet suffisamment accessible et ayant une notoriété suffisante, tel que le site de la préfecture de la Vienne, de manière à ce qu'une information suffisante du public soit assurée et que celui-ci ait la possibilité, par des cadres définis et pouvant accepter un nombre suffisant de caractères, de présenter ses observations et propositions. L'accessibilité à ce document implique également qu'il soit renvoyé à son contenu intégral par un lien hypertexte figurant sur la page d'accueil du site en cause.

DECIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la légalité de l'autorisation environnementale du 16 octobre 2019 jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt pour permettre la notification à la cour, par la société Ferme éolienne de Blanzay, le cas échéant, d'une mesure de régularisation de l'irrégularité relevée aux points 13 et 14 du présent arrêt.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association de défense et de protection de l'environnement de Blanzay en sa qualité de représentant unique, à la société ferme éolienne de Blanzay et au ministre de la transition écologique. Copie pour information en sera délivrée à la préfète de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

M. Frédéric Faïck, président,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2023.

Le premier assesseur,

Florence Rey-GabriacLe président-rapporteur,

Frédéric E...

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°20BX00535 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre bis (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX00535
Date de la décision : 30/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FAÏCK
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : CABINET FCA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-01-30;20bx00535 ?
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