Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 mai 2018 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux l'a placée en disponibilité d'office pour raison de santé, ainsi que la décision du 2 août 2018 rejetant son recours gracieux contre cette décision. Elle a aussi demandé au tribunal, à titre principal, d'enjoindre au CHU de lui accorder un congé de longue durée imputable au service, ou à défaut de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 1804305 du 8 octobre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les décisions des 28 mai et du 2 août 2018 et enjoint à l'administration de réexaminer la situation de Mme C....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2020, et un mémoire en réplique enregistré le 3 mars 2022, Mme C..., représentée par Me Bach, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du 8 octobre 2020 du tribunal administratif de Bordeaux, en ce qu'il a refusé de censurer les décisions attaquées sur le fondement de la légalité interne ;
2°) d'annuler au fond la décision du 28 mai 2018 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux l'a placée en disponibilité d'office pour raison de santé, ainsi que la décision du 2 août 2018 rejetant son recours gracieux contre cette décision ;
3°) d'enjoindre au CHU, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de lui accorder un congé de longue durée imputable au service ; à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge du CHU de Bordeaux, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les sommes de 2 000 euros au titre de la première instance et de 2 500 euros au titre de l'appel.
Elle soutient que :
- l'office du juge lui imposait d'examiner prioritairement les moyens de nature à justifier le prononcé de l'injonction sollicitée ; or le premier juge n'a fait droit qu'à un moyen de légalité externe, sans examiner les moyens relatifs aux vices de légalité interne des décisions contestées ; en vertu de la jurisprudence société Eden, sa requête est donc recevable ;
- ses pathologies psychiatriques sont en lien direct avec le service, du fait de ses mauvaises conditions de travail ; la mise en disponibilité d'office ne pouvait être prononcée en raison de l'absence d'épuisement de ses droits à congé de longue durée ; le CHU a commis une erreur d'appréciation de son état de santé en fixant la date de consolidation de son état au 9 septembre 2015 ; elle a été placée en disponibilité sans que soit recherchée une solution de reclassement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2022, le centre hospitalier universitaire de Bordeaux, représenté par Me Hounieu, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme C... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- à titre principal, la requête de Mme C... est irrecevable par défaut d'intérêt à agir à l'encontre du dispositif d'un jugement qui fait droit à ses demandes d'annulation et d'injonction.
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... D...,
- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,
- et les observations de Me Dupeyron pour le centre hospitalier universitaire de Bordeaux.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... C..., née en 1958, a été engagée en 1978 par le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux en qualité d'agent des services hospitaliers. Devenue adjoint administratif principal de 2ème classe, Mme C..., qui a été placée en congé pour maladie à compter du 10 mars 2014, a demandé que le syndrome du canal carpien bilatéral dont elle souffre au niveau de ses poignets soit reconnu comme imputable au service. Par une décision du 17 février 2015, faisant suite à un avis favorable de la commission de réforme, le directeur du CHU de Bordeaux a fait droit à cette demande avec effet rétroactif au 11 mars 1993.
2. A compter du 10 septembre 2015, les arrêts de travail de Mme C... ont été pris en charge au titre de la maladie ordinaire. Elle a cependant déposé une demande de congé de longue maladie soumise au comité médical départemental qui, par un avis du 7 janvier 2016, l'a estimée inapte totalement et définitivement à toute fonction. Toutefois, la commission de réforme, consultée les 19 mai et 15 septembre 2016, a émis un avis défavorable à la mise à la retraite de Mme C... pour invalidité et considéré qu'une nouvelle expertise était nécessaire dans la perspective d'une reprise à temps partiel thérapeutique. Mme C... a ainsi été examinée par un médecin qui a déposé son rapport d'expertise le 23 octobre 2017.
3. Au vu d'un nouvel avis du comité médical départemental du 3 mai 2018, le CHU a, par deux décisions du 28 mai 2018, placé Mme C... en congé de longue durée du 10 septembre 2015 au 9 mars 2017, puis en disponibilité pour raisons de santé à compter du 10 mars 2017.
4. Par le jugement attaqué du 8 octobre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux, à la demande de Mme C..., a annulé, pour vice d'incompétence, la décision du 28 mai 2018 la plaçant en position de disponibilité pour raisons de santé et la décision de rejet du recours gracieux. Le tribunal a fait droit aux conclusions subsidiaires de Mme C... tendant à ce qu'il soit enjoint au CHU de Bordeaux de réexaminer sa situation. Mme C... relève appel du jugement du tribunal en ce qu'il a écarté ses moyens de légalité interne soulevés à l'encontre de la décision du 28 mai 2018 et en ce qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions à fin d'injonction, formulées à titre principal, tendant à ce que le CHU de Bordeaux lui octroie un congé de longue durée imputable au service.
Sur la légalité des décisions attaquées :
5. D'une part, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa version applicable en l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de (...) maladie mentale (...) de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. (...) / Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans (...) ".
6. D'autre part, aux termes de l'article 62 de la même loi : " (...) La disponibilité est prononcée soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 41 (...). Le fonctionnaire mis en disponibilité qui refuse successivement trois postes qui lui sont proposés en vue de sa réintégration peut être licencié (...) ". Aux termes de l'article 35 du décret du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit (...) reclassé (...) soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis du conseil médical (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a bénéficié d'un congé de longue durée de 42 mois entre le 11 mars 1993 et le 10 septembre 1996, au titre de l'affection " maladie mentale ". Sur sa demande, le comité médical s'est prononcé en faveur de l'octroi d'un nouveau congé de longue durée, que le CHU de Bordeaux lui a accordé du 10 septembre 2015 au 9 mars 2017, soit pendant une durée de 18 mois. Mme C... a ainsi bénéficié de 60 mois de congé de longue durée, correspondant à une durée totale de 5 ans.
8. Pour contester la décision du 28 mai 2018 la plaçant en disponibilité d'office à compter du 10 mars 2017, Mme C... fait valoir qu'elle n'a pas épuisé ses droits à congé de longue durée dès lors que sa pathologie psychiatrique est imputable au service, ce qui lui donnerait droit à bénéficier d'un congé de longue durée de huit ans au total en application des dispositions du 4° précité de la loi du 9 janvier 1986. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment des rapports d'expertise du 9 septembre 2015, du 4 mars 2016 et du 23 octobre 2017 établis, respectivement, par un médecin rhumatologue agréé, un médecin expert mandaté par le CHU de Bordeaux et un autre expert mandaté par le tribunal administratif de Bordeaux, que seule la pathologie des canaux carpiens dont souffre Mme C... au niveau de ses poignets peut être reconnue imputable à ses conditions de travail à l'exclusion de ses pathologies psychiatriques. Il ne ressort d'aucun autre élément du dossier que ces affections psychiques auraient, en réalité, un lien avec le service. Dans ces conditions, et dès lors que Mme C... a bénéficié de la durée maximale du congé de longue durée prévu au 4° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, le directeur du CHU de Bordeaux, qui était tenu de la placer dans une position statutaire régulière à l'expiration de ses congés de longue durée, a pu légalement prendre l'arrêté de mise en disponibilité en litige dans l'attente de l'avis de la commission de réforme concernant la mise à la retraite pour invalidité de l'agent, laquelle a, en définitive, été prononcée par une décision du 17 décembre 2018.
9. Enfin, il résulte des dispositions de l'article 35 du décret du 19 avril 1988 que l'administration n'est pas tenue de chercher à reclasser un agent qui a été déclaré inapte totalement et définitivement à l'exercice de toutes fonctions. Tel est le cas de Mme C... qui, par suite, ne peut utilement soutenir que la décision du 28 mai 2018 en litige a été prise en méconnaissance de l'obligation de recherche d'un reclassement qui pèse sur son employeur.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête d'appel, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir écarté ses moyens de légalité interne soulevés à l'encontre de la décision attaquée, n'a pas fait droit à ses conclusions à fin d'injonction présentées à titre principal.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le CHU de Bordeaux au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au centre hospitalier universitaire de Bordeaux.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Frédéric Faïck, président,
Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère,
Mme Pauline Reynaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 novembre 2022.
La rapporteure,
Florence D...
Le président,
Frédéric Faïck
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20BX03965