Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une première requête, Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la délibération du 22 mars 2018 de l'assemblée générale de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de La Réunion approuvant la suppression de 28 postes budgétaires.
Par un seconde requête, Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 15 juin 2018 par laquelle le président de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de La Réunion a prononcé son licenciement en raison de la suppression de l'emploi qu'elle occupait.
Par un jugement joint nos 1800482, 1800736 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de La Réunion, a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 octobre 2020, Mme B..., représentée par Me Maillot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 7 juillet 2020 ;
2°) d'annuler la délibération du 22 mars 2018 de l'assemblée générale de la chambre de commerce et d'industrie de La Réunion approuvant la suppression de 28 postes budgétaires ;
3°) d'annuler la décision du 15 juin 2018 par laquelle le président de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de La Réunion a prononcé son licenciement en raison de la suppression de l'emploi qu'elle occupait ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 183 euros au titre des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative pour la procédure devant le tribunal administratif et la somme de 2 183 euros au titre des mêmes dispositions pour la procédure d'appel.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le tribunal a méconnu " ses pouvoirs d'instruction " en refusant d'examiner les pièces démontrant qu'elle a été victime de harcèlement moral et produites par note en délibéré et en refusant de rouvrir l'instruction ;
- le tribunal a " dénaturé les pièces du dossier " en refusant de constater qu'elle établissait la réalité du harcèlement moral dont elle s'estime victime et en refusant de sursoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale ;
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la délibération du 22 mars 2018 :
- la délibération est entachée d'un vice de procédure dès lors que les membres de l'assemblée délibérante n'ont pas été suffisamment informés ;
- la délibération est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle caractérise une prise illégale d'intérêt au sens de l'article 432-12 du code pénal dans la mesure où elle a porté plainte contre des membres de l'assemblée délibérante pour harcèlement moral ;
- la délibération en litige qui supprime son poste est entachée d'irrégularité dès lors qu'elle a été prise en raison de l'animosité de certains élus à son égard.
En ce qui concerne la décision du 15 juin 2018 :
- la délibération approuvant la suppression de 28 postes budgétaires, dont le poste occupé par Mme B..., est entachée d'un vice de procédure dès lors que les membres de l'assemblée délibérante n'ont pas été suffisamment informés ;
- cette délibération est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle caractérise une prise illégale d'intérêt au sens de l'article 432-12 du code pénal dans la mesure où elle a porté plainte contre des membres de l'assemblée délibérante pour harcèlement moral ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle révèle un harcèlement moral ;
- la CCI de La Réunion a méconnu son obligation de reclassement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2021, la chambre de commerce et d'industrie de La Réunion, représentée par Me Avril, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme B... de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;
- le statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... D...,
- et les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 22 mars 2018, l'assemblée générale de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de La Réunion a approuvé la suppression de 28 postes budgétaires, au nombre desquels figurait le poste occupé par Mme B.... La commission régionale paritaire a été consultée le 6 juin 2018. Par une lettre du 15 juin 2018, le président de la CCI de La Réunion a informé Mme B... de son licenciement pour suppression d'emploi. Par deux requêtes jointes par le tribunal administratif de La Réunion, Mme B... a demandé l'annulation de la délibération du 22 mars 2018 de l'assemblée générale de la CCI de La Réunion et de la décision du 15 juin 2018 prononçant son licenciement. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté ses demandes.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, si, par deux notes en délibéré visées par le jugement attaqué et produites après l'audience tenue par le tribunal le 30 juin 2020, Mme B... a produit de nouvelles pièces tendant à établir qu'elle avait été victime de harcèlement moral sur son lieu de travail, il ressort des pièces du dossier que ces pièces, à savoir un dépôt de plainte du 30 octobre 2014, un rapport de synthèse du Parquet du 15 juin 2017 et une convocation du Parquet du 7 novembre 2019, sont bien antérieures à la clôture de l'instruction de l'instance devant le tribunal. Dès lors que rien ne permet d'estimer que ces éléments ne pouvaient être transmis au tribunal par l'intéressée avant la clôture de l'instruction, les premiers juges, qui sont seuls en charge de l'instruction, n'étaient pas tenus de procéder à la réouverture de l'instruction. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement pour ce motif doit être écarté.
3. En deuxième lieu, en vertu du principe d'indépendance des procédures, le tribunal n'a pas entaché d'irrégularité son jugement en se prononçant sur les faits de harcèlement moral dont Mme B... s'estimait victime, sans sursoir à statuer dans l'attente de la décision du juge pénal relative à la plainte pour harcèlement moral déposée par l'intéressée.
4. En troisième lieu, si la requérante entend soutenir que le tribunal a dénaturé les pièces du dossier en refusant de reconnaître le harcèlement moral dont elle serait victime, une telle contestation relève du bien-fondé du jugement et ne saurait par suite entacher le jugement d'irrégularité.
Sur la légalité de la délibération du 22 mars 2018 :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 33 du statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres de commerce et d'industrie de région, des chambres de commerce et d'industrie territoriales et des groupements interconsulaires : " La cessation de fonctions de tout agent titulaire ne peut intervenir que dans les conditions suivantes : (...) 6) Par suppression de son poste, après avis de la commission paritaire compétente (...) ".
6. Ainsi que l'a relevé le tribunal, si Mme B... soutient sans autre précision que " les élus n'ont pas été suffisamment informés " il ressort des pièces du dossier et notamment de la délibération en litige que la suppression de 28 postes budgétaires listés, dont 15 étaient occupés et 13 vacants, a été rendue nécessaire par des difficultés financières liées notamment à la diminution de ses recettes fiscales et à la perte de concessions aéroportuaires et portuaires. Ainsi, alors que la délibération litigieuse a été adoptée à l'unanimité des membres élus présents et énonce avec une précision suffisante les considérations budgétaires et financières justifiant la suppression des postes, il ne ressort pas des pièces du dossier que les membres de l'assemblée générale de la CCI de La Réunion n'auraient pas bénéficié d'une information suffisante, ni d'ailleurs qu'une insuffisance d'information aurait en l'espèce été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la délibération. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 432-12 du code pénal : " Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction (...) ". Le juge administratif est compétent pour examiner la légalité des décisions d'une autorité administrative au regard des dispositions de l'article 432-12 du code pénal. Le délit prévu par ces dispositions peut être caractérisé par la prise d'un intérêt matériel ou moral, direct ou indirect.
8. Mme B... soutient que la délibération en litige serait constitutive d'une prise illégale d'intérêts, au sens des dispositions de l'article 432-12 du code pénal, motif pris que la suppression de son poste aurait été décidée à raison de la plainte qu'elle a déposée en 2014 à l'encontre de plusieurs dirigeants de la CCI pour harcèlement moral. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, parmi les personnes visées par ladite plainte, seul le président de la CCI de La Réunion a participé au vote de la délibération contestée et qu'aucun élément n'établit que ce dernier aurait manifesté son intérêt personnel à supprimer le poste de Mme B.... Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le président de la CCI de La Réunion aurait été en capacité d'avoir une influence effective sur la délibération adoptée à l'unanimité, qui au demeurant ne concerne pas spécifiquement la situation individuelle de Mme B.... Par suite, le moyen tiré de ce que la délibération en litige serait illégale en raison de la prise illégale d'intérêts du président de la CCI, au sens des dispositions de l'article 432-12 du code pénal, doit être écarté.
9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la délibération en litige se borne à faire état de réduction des recettes provenant de la taxe pour frais de chambre et du fait que la situation de trésorerie de la CC1 s'est dégradée. Par suite, le moyen tiré de ce que l'animosité de plusieurs élus à l'égard de Mme B... entacherait la délibération attaquée d'irrégularité ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité de la décision de licenciement du 15 juin 2018 :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision de licenciement de Mme B..., en raison de l'illégalité dont serait entachée la délibération du 22 mars 2018 de l'assemblée générale de la CCI de La Réunion, doit être écarté.
11. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 1er de la loi du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers : " La situation du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers est déterminée par un statut établi par des commissions paritaires nommées, pour chacune de ces institutions, par le ministre de tutelle ". Les agents des chambres de commerce et d'industrie sont régis par les seuls textes pris en application de la loi du 10 décembre 1952 à l'exclusion de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Indépendamment des dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983, le fait pour un agent d'une chambre de commerce et d'industrie de faire subir aux personnes placées sous son autorité des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de leur condition de travail susceptible de porter atteinte à leurs droits et dignité, d'altérer leur santé physique ou mentale ou de compromettre leur avenir professionnel caractérise un comportement de harcèlement moral, constitutif d'une faute de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire.
12. D'autre part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.
13. Mme B... soutient avoir été victime de harcèlement moral en faisant valoir qu'elle a déjà subi une tentative d'éviction de son poste en 2012, qu'elle a porté plainte le 30 octobre 2014 contre le président de la CCI de La Réunion ainsi que quatre autres membres du personnel dirigeant de cet établissement, que le Parquet a ouvert une enquête à la suite de sa plainte et que l'antenne où elle travaillait précédemment a été rouverte. Toutefois, si Mme B... fait valoir que son employeur a eu un comportement de dénigrement à son égard, en la reclassant sur des postes de moindre responsabilité, aucun élément du dossier ne permet de l'établir. Si elle conteste notamment la sanction d'exclusion temporaire pour une durée de six mois qui lui a été infligée pour avoir tenu à plusieurs reprises, à l'égard du personnel de la CCI de La Réunion, des propos insultants et outrageants, adopté une attitude de dénigrement systématique, colporté des rumeurs attentatoires à leur vie privée et s'être exprimée dans la presse locale pour dénoncer, sans aucun commencement de preuve, une " discrimination sexiste " pour avoir " résisté au droit de cuissage ", propos portant gravement atteinte à l'image de l'institution, la légalité de cette sanction a été confirmée par un arrêt n° 16BX03298 du 8 mars 2018 devenu définitif. En outre, si la requérante affirme qu'elle aurait été victime d'une tentative d'éviction illégale en 2012, elle n'apporte pas d'élément suffisant pour l'établir. Enfin, la circonstance, à la supposer avérée, que l'antenne de la CCI dans laquelle elle officiait aurait été rouverte est sans lien direct avec sa situation. Dans ces conditions, en l'absence de tout élément de nature à faire présumer l'existence de faits de harcèlement moral à son encontre, et alors au demeurant que, par un jugement du 11 décembre 2020, le tribunal correctionnel de La Réunion, après avoir entendu lors d'un débat contradictoire les prévenus, a relaxé ces derniers de tous les chefs de préjudices dont ils étaient accusés et a ainsi débouté Mme B... de l'ensemble de ses demandes, le moyen tiré de ce que la requérante est victime de harcèlement moral doit être écarté.
14. En dernier lieu, Mme B... reprend en appel, en des termes identiques et sans critique du jugement attaqué, le moyen tiré de ce que son employeur a méconnu son obligation de reclassement dès lors qu'il ne lui a pas spontanément proposé des postes de reclassement ouverts dans l'établissement. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté ses demandes.
Sur les frais liés à l'instance :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la CCI de La Réunion, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés tant en première instance qu'en appel. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B..., partie perdante, la somme de 1500 euros à verser à la CCI de La Réunion au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Enfin, en l'absence de dépens, les conclusions de Mme B... présentées sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Mme B... versera à la chambre de commerce et d'industrie de La Réunion la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la chambre de commerce et d'industrie et de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Florence Demurger, présidente,
Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 novembre 2022.
La rapporteure,
Caroline D...
La présidente,
Florence DemurgerLa greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20BX03352