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22/11/2022 | FRANCE | N°20BX04173

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 22 novembre 2022, 20BX04173


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

L'association Nature environnement 17, la Ligue française pour la protection des oiseaux et la fédération de la Charente-Maritime pour la pêche et la protection du milieu aquatique ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté interdépartemental du 10 août 2017 par lequel les préfets de la Charente-Maritime et des Deux-Sèvres ont délivré à la chambre régionale d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine une autorisation unique pluriannuelle de prélèvement d'eau sur les sous-bassins de la Boutonne

supra et de la Boutonne infra-toarcien.

Par un jugement n° 1800137 du 22 oct...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

L'association Nature environnement 17, la Ligue française pour la protection des oiseaux et la fédération de la Charente-Maritime pour la pêche et la protection du milieu aquatique ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté interdépartemental du 10 août 2017 par lequel les préfets de la Charente-Maritime et des Deux-Sèvres ont délivré à la chambre régionale d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine une autorisation unique pluriannuelle de prélèvement d'eau sur les sous-bassins de la Boutonne supra et de la Boutonne infra-toarcien.

Par un jugement n° 1800137 du 22 octobre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 10 août 2017 en tant qu'il concerne le sous-bassin de la Boutonne

infra-toarcien, à compter du 1er octobre 2022, a plafonné, jusqu'à cette date, les prélèvements à hauteur de la moyenne des prélèvements annuels constatés lors des cinq campagnes antérieures à la date du jugement ou, en l'absence d'antériorité de cinq ans, depuis la mise en service régulière du point de prélèvement concerné, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 décembre 2020, la chambre régionale d'agriculture

de Nouvelle-Aquitaine, représentée par Me Verdier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 octobre 2020 en tant qu'il prononce l'annulation partielle de l'arrêté du 10 août 2017 ;

2°) de mettre à la charge des associations intimées le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas suffisamment motivé son jugement en l'absence d'éléments permettant de justifier une erreur manifeste d'appréciation au regard des volumes autorisés ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu une erreur manifeste d'appréciation au motif que l'autorisation de prélèvements supérieurs aux prélèvements effectifs des années antérieures caractérisait une atteinte à la gestion équilibrée du milieu ; en effet, les volumes consommés sont inférieurs aux volumes autorisés ; ils dépendent de plusieurs conditions notamment climatiques ; les volumes autorisés ont été calculés sur la base des consommations réelles et en prenant en compte les données du BRGM sur la ressource souterraine disponible ; le volume prélevable a ainsi été évalué à 2,7 millions de m3 alors que l'autorisation ne porte que sur 2,3 m3 ;

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la nappe infra-toarcienne n'est pas en mauvais état ; il s'agit d'une nappe de bonne qualité et captive qui se recharge chaque année que le tribunal a, à tort, assimilé à la nappe superficielle, dont la qualité est dégradée ;

- les conséquences du jugement sont disproportionnées en ce que l'attribution de volume autorisée par le tribunal est nettement inférieure au volume prélevable du sous-bassin de gestion.

Par un mémoire enregistré le 2 mai 2022, l'association Nature environnement 17, l'association Ligue pour la protection des oiseaux et la fédération de la Charente-Maritime pour la pêche et la protection du milieu aquatique, représentées par Me Le Briero, concluent au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du 22 octobre 2020 en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de leur demande, à l'annulation de l'arrêté du

10 août 2017 en tant qu'il concerne le sous-bassin de la Boutonne supra et à ce que soit mis à la charge de la chambre régionale d'agriculture le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la requête d'appel est irrecevable faute pour la chambre régionale d'agriculture de justifier d'une habilitation de son président à agir en appel ; elle est également irrecevable faute d'intérêt à agir de l'organisme requérant à l'encontre de la partie du jugement qui lui est favorable ;

- les moyens d'appel invoqués par la chambre régionale d'agriculture ne sont pas fondés ;

- le rejet partiel de leurs conclusions de première instance n'est pas motivé alors qu'elles avaient soulevé de nombreux moyens à l'encontre de l'autorisation en tant qu'elle concerne le sous-bassin de la Boutonne supra ; la cour statuera par la voie de l'évocation sur ces conclusions ;

- les volumes autorisés dans ce sous-bassin sont entachés de violation de la loi et d'erreur manifeste d'appréciation ; le bassin de la Boutonne est classé en zone de répartition des eaux ; l'état quantitatif et chimique des masses d'eau souterraines libres y est considéré comme mauvais ; l'état écologique des masses d'eau superficielles est considéré comme moyen à mauvais ; le débit objectif d'étiage n'a quasiment jamais été respecté depuis 1987 et n'a été respecté en moyenne que 3,9 années sur 10 entre 2000 et 2017 ; rien n'indique une amélioration depuis la délivrance de l'autorisation litigieuse en 2017, d'autant qu'elle n'est pas respectée ; le volume autorisé est supérieur au volume maximum consommé et largement supérieur au volume moyen annuel consommé entre 2010 et 2014 ; l'objectif de réduction des prélèvements n'est pas rempli et les volumes autorisés sont de nature à entraîner des impacts catastrophiques pour l'écoulement des eaux et les milieux aquatiques ; cela s'est vérifié durant deux années avec des linéaires conséquents d'assecs ; il n'est pas démontré que le volume demandé pour 2021 permettrait de satisfaire les exigences de gestion équilibrée, c'est-à-dire le respect du DOE quatre années sur cinq ; les volumes prélevables sont contestables et n'ont aucune portée juridique ; ce sont des volumes négociés qui ne reposent sur aucune étude scientifique, contrairement à ce que prévoit la circulaire du 30 juin 2008, et n'ont fait l'objet d'aucune procédure d'information ou de participation du public malgré leur incidence sur l'environnement ; les études menées par le BRGM et dans le cadre du plan de gestion des étiages n'ont pas été prises en compte et les volumes autorisés sont très supérieurs à ceux résultant de ces études ;

- l'étude d'impact est insuffisante et l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à la stratégie d'atteinte de l'équilibre quantitatif reposant sur un hypothétique programme de création de retenues de substitution ;

- alors même que l'atteinte du volume cible pour 2021 nécessite une diminution considérable des prélèvements, ce volume ne présente aucune garantie de respect des exigences de gestion équilibrée de la ressource en eau ; de plus la stratégie de réduction des prélèvements repose en grande partie sur la construction de réserves dont la faisabilité pour 2021 n'est pas démontrée au dossier, ainsi que l'a relevé l'autorité environnementale ; le volume de ces retenues prévues ne permettra pas d'atteindre 3,8 m3 en 2021 ; la commission de l'eau du

SAGE Boutonne a émis un avis défavorable à l'arrêté en relevant que les volumes prélevables ne seraient pas respectés en cas de retard dans la mise en service des réserves ; l'ONEMA était aussi réservé sur ce point ; à ce jour les retenues n'ont pas été réalisées et le volume cible n'a pas été respecté ; les décisions relatives au projet de retenues ont été annulées par le tribunal administratif.

Un mémoire en production de pièces a été présenté le 16 septembre 2022 pour la chambre régionale d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 ;

- le code de l'environnement ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 ;

- l'ordonnance 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le décret 2016-1110 du 11 août 2016 ;

- l'arrêté du 11 septembre 2003 portant application du décret n° 96-102 du 2 février 1996 et fixant les prescriptions générales applicables aux prélèvements soumis à autorisation en application des articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l'environnement et relevant des rubriques 1.1.2.0, 1.2.1.0, 1.2.2.0 ou 1.3.1.0 de la nomenclature annexée au décret n° 93-743 du 29 mars 1993 modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... A...,

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public,

- et les observations de Me Benoliel, représentant la chambre régionale d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté des préfets de la Charente, de la Charente-Maritime et des Deux-Sèvres

du 18 décembre 2013 modifié le 31 décembre 2015, la chambre régionale d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine a été désignée en qualité d'organisme unique de gestion collective de l'eau pour l'irrigation agricole sur les sous-bassins de la Boutonne, de la Charente aval, de l'Antenne Rouzille, de la Seugne, de la Seudre, des fleuves côtiers de Gironde, de l'Arnoult/Bruant et de la Geres-Devise. Le 3 juin 2016, elle a déposé un dossier de demande d'autorisation unique pluriannuelle de prélèvement d'eau pour l'irrigation agricole sur le bassin Charente aval et ses affluents. Par arrêté du 10 août 2017, le préfet de la Charente-Maritime et le préfet des Deux-Sèvres lui ont accordé une autorisation au titre de la loi sur l'eau, valable jusqu'au

31 décembre 2027, relative à la Boutonne, affluent en rive droite de la Charente et, plus précisément, aux sous-bassins de la Boutonne supra-toarcien, correspondant aux cours d'eau du périmètre et à la nappe superficielle, et de la Boutonne infra-toarcien, correspondant à la nappe profonde.

2. Saisi par l'association Environnement 17, la Ligue pour la protection des oiseaux et la fédération de la Charente-Maritime pour la pêche et la protection du milieu aquatique d'une demande d'annulation de l'arrêté du 10 août 2017, le tribunal administratif de Poitiers, par jugement du 22 octobre 2020, a annulé à compter du 1er octobre 2022 l'arrêté interpréfectoral en tant qu'il concerne le sous-bassin infra-toarcien en fixant un plafond de prélèvement jusqu'à cette date, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. La chambre régionale d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine fait appel de ce jugement en tant qu'il annule partiellement l'arrêté

du 10 août 2017. L'association Environnement 17, la Ligue pour la protection des oiseaux et la fédération de la Charente-Maritime pour la pêche et la protection du milieu aquatique concluent au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, font appel du jugement en ce qu'il a rejeté le surplus de leurs conclusions de première instance.

Sur la recevabilité de la requête de la chambre régionale d'agriculture :

3. Aux termes de l'article D. 511-54-1 du code rural et de la pêche maritime, applicable aux chambres régionales d'agriculture en vertu de l'article D. 512-5 du même code : " La chambre d'agriculture, réunie en session, règle par ses délibérations les affaires de l'établissement. Elle délibère notamment sur : (...) 14° Les actions en justice à intenter au nom de l'établissement et les transactions (...) ". Par une délibération du 16 septembre 2022, la chambre régionale d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine a régularisé l'appel engagé devant la cour par le représentant de l'organisme. Par suite, la fin de non-recevoir opposée, tirée de l'absence de délibération de la chambre régionale d'agriculture doit être écartée.

Sur la régularité du jugement :

4. D'une part, pour annuler l'arrêté en tant qu'il concerne le sous-bassin de la Boutonne infra-toarcien, le tribunal a retenu une " erreur manifeste d'appréciation " au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement. En se bornant, pour retenir une telle illégalité, à relever que le bassin de la Charente, dont font partie les deux sous-bassins concernés, est en déséquilibre aux termes du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Adour-Garonne, que le volume de prélèvement autorisé dans le sous-bassin de la Boutonne infra-toarcien est supérieur au volume maximal prélevé durant la période récente et que le

sous-bassin est classé en zone de répartition des eaux et se caractérise par un mauvais état qualitatif, alors que l'administration invoquait notamment la fixation d'un volume autorisé inférieur au volume prélevable, l'absence d'obligation de fixer les volumes autorisés en fonction de ceux consommés les années passées et les mesures prévues en vue d'éviter en particulier les incidences sur l'alimentation des populations en eau potable, le tribunal n'a pas suffisamment motivé son jugement, comme le soutient la chambre d'agriculture.

5. D'autre part, alors qu'il a rejeté les conclusions des associations demanderesses tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 août 2017 en tant qu'il concerne le sous-bassin de la Boutonne supra-toarcien, le tribunal n'a exposé aucun des motifs pour lesquels il a cru devoir écarter les moyens soulevés en tant qu'ils étaient invoqués à l'encontre de cette partie de la décision contestée. Ainsi, le tribunal n'a pas motivé son jugement en ce qui concerne le rejet de ces conclusions, comme le soutiennent les associations Nature environnement 17, la Ligue pour la protection des oiseaux et la fédération de la Charente-Maritime pour la pêche et la protection du milieu aquatique.

6. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué doit être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'association

Nature environnement 17, la Ligue pour la protection des oiseaux et la fédération de la

Charente-Maritime pour la pêche et la protection du milieu aquatique devant le tribunal administratif de Poitiers.

Sur les conclusions en annulation de l'arrêté du 10 août 2017 :

7. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa version applicable avant le décret du 11 août 2016 relatif à la modification des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes dont l'article 6 prévoit qu'il ne s'applique pas aux projets faisant l'objet d'une évaluation environnementale systématique pour lesquels la première demande d'autorisation est déposée avant le 16 mai 2017 : " I.-Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. II.-L'étude d'impact présente : 1° Une description du projet (...) 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l'article L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l'eau, l'air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ; 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), l'hygiène, la santé, la sécurité, la salubrité publique, ainsi que l'addition et l'interaction de ces effets entre eux ; 4° Une analyse des effets cumulés du projet avec d'autres projets connus (...) 7° Les mesures prévues par le pétitionnaire ou le maître de l'ouvrage pour : - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité (...) IV.-Afin de faciliter la prise de connaissance par le public des informations contenues dans l'étude, celle-ci est précédée d'un résumé non technique des informations visées aux II et III. Ce résumé peut faire l'objet d'un document indépendant. V.-Pour les travaux, ouvrages ou aménagements soumis à autorisation en application du titre Ier du livre II, l'étude d'impact vaut document d'incidences si elle contient les éléments exigés pour ce document par l'article R. 214-6 (...) ". L'article R. 214-6 du même code, dans sa version applicable, prévoyait que les demandes d'autorisation au titre de la loi sur l'eau devaient comporter notamment " Un document : a) Indiquant les incidences directes et indirectes, temporaires et permanentes, du projet sur la ressource en eau, le milieu aquatique, l'écoulement, le niveau et la qualité des eaux, y compris de ruissellement, en fonction des procédés mis en oeuvre, des modalités d'exécution des travaux ou de l'activité, du fonctionnement des ouvrages ou installations, de la nature, de l'origine et du volume des eaux utilisées ou affectées et compte tenu des variations saisonnières et climatiques ; b) Comportant l'évaluation des incidences du projet sur un ou plusieurs sites Natura 2000, au regard des objectifs de conservation de ces sites. Le contenu de l'évaluation d'incidence Natura 2000 est défini à l'article R. 414-23 et peut se limiter à la présentation et à l'exposé définis au I de l'article R. 414-23, dès lors que cette première analyse conclut à l'absence d'incidence significative sur tout site Natura 2000 ". En application de l'article

L. 414-4 de ce code, " l'autorité chargée d'autoriser, d'approuver ou de recevoir la déclaration s'oppose à tout document de planification, programme, projet, manifestation ou intervention si l'évaluation des incidences requise en application des III, IV et IV bis n'a pas été réalisée, si elle se révèle insuffisante ou s'il en résulte que leur réalisation porterait atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000 ".

8. Il résulte de l'instruction que la chambre d'agriculture a produit à l'appui de sa demande une étude d'impact qui comportait notamment un résumé non technique, un état des lieux, un plan de répartition et une étude des incidences des prélèvements. L'état des lieux développe notamment un exposé de l'état de la ressource en eau des sous-bassins concernés. Les assecs font l'objet d'une analyse spécifique aux pages 57 et suivantes, à partir des données du réseau ONDE (observatoire national des étiages) lesquelles sont issues des observations des agents de l'Office français de la biodiversité durant la période estivale et prennent d'ailleurs en compte les données issues de réseaux antérieurement mis en place par le Conseil supérieur de la pêche. En annexe à cet état des lieux, une cartographie des assecs et des débits nuls sur la Boutonne est représentée. Il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que les constatations ainsi établies concernant les assecs auraient été sous-évaluées ni que les données recueillies par la fédération de la Charente-Maritime pour la pêche et la protection du milieu aquatique, dont aucun texte n'impose la prise en compte, auraient conduit à une appréciation différente de la situation sur ce point, quand bien même les données de la fédération permettraient de localiser plus précisément les linéaires touchés. Si l'arrêté préfectoral contesté prescrit à l'organisme unique de gestion, en son article 14.3, de réaliser un suivi des assecs en prenant en compte notamment les données des fédérations de pêche et de protection du milieu aquatique, cette prescription ne traduit pas, par elle-même, une insuffisance de l'étude d'impact en ce qu'elle ne repose pas sur de telles données. Dès lors que les données du réseau ONDE sont issues de constatations de terrain, les intimées ne sont pas fondées à contester l'étude d'impact en ce qu'elle ne reposerait pas sur des investigations de terrain, contrairement aux indications du point 2.1.3 de la circulaire n° 93-73 du 27 septembre 1993 prise pour l'application du décret n° 93-245 du 25 février 1993 relatif aux études d'impact et au champ d'application des enquêtes publiques et modifiant le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 et l'annexe au décret n° 85-453 du 23 avril 1985, selon lequel l'état des lieux doit s'appuyer sur des investigations de terrain et des mesures sur le site.

9. Il résulte également de l'instruction que le projet de plan de répartition, présenté en partie 2 de l'étude d'impact, est établi en prenant en compte les volumes prélevables, les demandes de chacun des irrigants concernés, les arbitrages des volumes tenant compte de la sensibilité du territoire et les mesures d'évitement, réduction ou compensation des impacts, consistant notamment en des projets de territoires, des stockages ou la promotion de systèmes économes tels que des assolements. Dans son point 2.6.2.4, le document relatif au plan de répartition expose comment est prise en compte la sensibilité spatiale dans les règles d'attribution de volumes et, comme l'a relevé l'autorité environnementale dans son avis, l'organisme de gestion a prévu une hiérarchisation des points de prélèvement en fonction de leur impact faible à fort en vue de diminuer la pression sur les points ayant le plus d'incidences. L'étude d'incidences précise le mode d'appréciation des impacts selon la sensibilité des unités de prélèvements. Elle indique également les zones humides répertoriées dans le périmètre concerné et conclut sans qu'aucun élément de l'instruction ne permette de contredire ces éléments, que le plan de répartition envisagé n'est pas susceptible d'avoir d'incidence sur ces zones humides. Le plan de répartition comporte par ailleurs en annexe un document intitulé " Notes de sensibilité pour les paramètres de sensibilité intrinsèque, secondaire et notes de pression " qui prévoit la prise en compte notamment des assecs et de la sensibilité faune/flore. Ainsi, si l'étude d'impact ne comporte pas d'analyse permettant de faire précisément le lien entre les assecs et les zones particulièrement sensibles tels que les zones humides, les têtes de bassins ou les habitats, elle comporte les éléments permettant d'apprécier dans quelle mesure la sensibilité des points de prélèvements sera prise en compte dans l'élaboration des plans annuels de répartition.

10. Le projet de plan de répartition de l'étude d'impact comporte un point 2.6.2.3 relatif à la stratégie d'atteinte des volumes prélevables entre l'année 2018 et l'année 2021, année au cours de laquelle ces volumes doivent être atteints. Ces développements indiquent les volumes plafond que l'organisme s'engage à respecter sauf à ce que des réserves de substitution soient réalisées avant l'échéance de 2021, précisent que chaque irrigant sera destinataire d'un courrier personnalisé sur l'application de cette stratégie selon sa situation et sur les solutions envisageables, et exposent les démarches en vue de favoriser des projets de stockage hivernaux. Alors même que ces projets de réserves de substitution n'étaient qu'hypothétiques, l'organisme unique de gestion a pu faire état de ces projets pour exposer la manière dont il envisageait d'atteindre les volumes prélevables sans entacher l'étude d'impact d'insuffisance. L'étude d'impact n'avait, par ailleurs, pas à évaluer les impacts des prélèvements hivernaux liés au remplissage des réserves de substitution, dès lors que ces réserves ne faisaient pas l'objet de la demande d'autorisation. L'arrêté contesté prévoit d'ailleurs en son article 7 que les prélèvements hivernaux accompagnés de la création d'un ouvrage devront donner lieu à une étude des incidences du prélèvement, intégrée à la demande d'autorisation environnementale relative à l'ouvrage.

11. En application de l'article R. 414-23 du code de l'environnement, l'évaluation des incidences Natura 2000 " est proportionnée à l'importance du document ou de l'opération et aux enjeux de conservation des habitats et des espèces en présence. I.-Le dossier comprend dans tous les cas : 1° Une présentation simplifiée du document de planification, ou une description du programme, du projet, de la manifestation ou de l'intervention, accompagnée d'une carte permettant de localiser l'espace terrestre ou marin sur lequel il peut avoir des effets et les sites Natura 2000 susceptibles d'être concernés par ces effets ; lorsque des travaux, ouvrages ou aménagements sont à réaliser dans le périmètre d'un site Natura 2000, un plan de situation détaillé est fourni ; 2° Un exposé sommaire des raisons pour lesquelles le document de planification, le programme, le projet, la manifestation ou l'intervention est ou non susceptible d'avoir une incidence sur un ou plusieurs sites Natura 2000 ; dans l'affirmative, cet exposé précise la liste des sites Natura 2000 susceptibles d'être affectés, compte tenu de la nature et de l'importance du document de planification, ou du programme, projet, manifestation ou intervention, de sa localisation dans un site Natura 2000 ou de la distance qui le sépare du ou des sites Natura 2000, de la topographie, de l'hydrographie, du fonctionnement des écosystèmes, des caractéristiques du ou des sites Natura 2000 et de leurs objectifs de conservation. II.-Dans l'hypothèse où un ou plusieurs sites Natura 2000 sont susceptibles d'être affectés, le dossier comprend également une analyse des effets temporaires ou permanents, directs ou indirects, que le document de planification, le programme ou le projet, la manifestation ou l'intervention peut avoir, individuellement ou en raison de ses effets cumulés avec d'autres documents de planification, ou d'autres programmes, projets, manifestations ou interventions dont est responsable l'autorité chargée d'approuver le document de planification, le maître d'ouvrage, le pétitionnaire ou l'organisateur, sur l'état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites. III.-S'il résulte de l'analyse mentionnée au II que le document de planification, ou le programme, projet, manifestation ou intervention peut avoir des effets significatifs dommageables, pendant ou après sa réalisation ou pendant la durée de la validité du document de planification, sur l'état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites, le dossier comprend un exposé des mesures qui seront prises pour supprimer ou réduire ces effets dommageables. IV.-Lorsque, malgré les mesures prévues au III, des effets significatifs dommageables subsistent sur l'état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites, le dossier d'évaluation expose, en outre : 1° La description des solutions alternatives envisageables, les raisons pour lesquelles il n'existe pas d'autre solution que celle retenue et les éléments qui permettent de justifier l'approbation du document de planification, ou la réalisation du programme, du projet, de la manifestation ou de l'intervention, dans les conditions prévues aux VII et VIII de l'article L. 414-4 ; 2° La description des mesures envisagées pour compenser les effets dommageables que les mesures prévues au III ci-dessus ne peuvent supprimer. Les mesures compensatoires permettent une compensation efficace et proportionnée au regard de l'atteinte portée aux objectifs de conservation du ou des sites Natura 2000 concernés et du maintien de la cohérence globale du réseau Natura 2000. Ces mesures compensatoires sont mises en place selon un calendrier permettant d'assurer une continuité dans les capacités du réseau Natura 2000 à assurer la conservation des habitats naturels et des espèces. Lorsque ces mesures compensatoires sont fractionnées dans le temps et dans l'espace, elles résultent d'une approche d'ensemble, permettant d'assurer cette continuité ; 3° L'estimation des dépenses correspondantes et les modalités de prise en charge des mesures compensatoires, qui sont assumées, pour les documents de planification, par l'autorité chargée de leur approbation, pour les programmes, projets et interventions, par le maître d'ouvrage ou le pétitionnaire bénéficiaire, pour les manifestations, par l'organisateur bénéficiaire ".

12. La troisième partie de l'étude d'impact, intitulée " " Etudes d'impact sur les milieux et études d'incidence Natura 2000 " comporte, aux pages 63 et suivantes un point 2.8 consacré à l'étude des incidences sur les zones Natura 2000 situées dans la zone d'étude. Ce point décrit les caractéristiques des sept zones concernées et liste précisément les espèces et habitats patrimoniaux présents ainsi que les risques généraux que représentent les prélèvements d'eau pour ces espèces et habitats et les risques correspondant aux prélèvements sollicités dans le projet. L'étude, tout en soulignant la difficulté de faire la différence entre l'incidence directe des prélèvements et l'inertie du milieu récepteur et en exposant les axes d'amélioration de la connaissance des incidences, notamment le recours à des modélisations hydrodynamiques, identifie des risques réels d'incidences des prélèvements, cumulés avec d'autres facteurs tels que l'aléa climatique, en particulier dans certains secteurs de la basse vallée de la Charente, de la moyenne vallée de la Charente, de la Seugne et du Coran, de la vallée de la Boutonne, de la vallée de l'Antenne et de la vallée de la Seugne. Elle expose que les actions de sensibilisation et de formation menées par l'organisme unique, ainsi que les solutions de substitution en projet auront pour effet d'améliorer la situation dans les cas de pression excessive et détaille les mesures envisagées selon la séquence " éviter, réduire, compenser ", qui sont chiffrées, et notamment la diminution des volumes autorisés à partir de 2017, la réduction ou la suppression de prélèvements en zone sensible, la mise en place de réserves de stockage, avec l'indication des gains de débit qu'elles entraîneraient, la réutilisation d'eaux usées, l'amélioration des plans de répartition par une meilleure mesure des volumes prélevés, la limitation des fuites, la mise en place d'un protocole de gestion ou la promotion de techniques permettant des économies d'eau tels que des capteurs d'état hydrique du milieu. Elle indique, s'agissant des mesures de compensation, qu'elles seront précisées en cas de besoin, si les mesures d'évitement et de réduction ne permettaient pas d'éliminer tout risque. Ainsi qu'il a été dit précédemment, l'étude repose sur des données elles-mêmes issues d'observations sur site et il ne résulte pas de l'instruction que sa réalisation aurait appelé des constatations complémentaires sur le terrain. Ainsi qu'il a également été dit ci-dessus, l'étude des incidences des prélèvements hivernaux n'était pas requise au stade de la demande d'autorisation de prélèvements dès lors qu'elle doit être réalisée lors des demandes d'autorisation de mise en œuvre des réserves de stockage. Dans ces circonstances, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction qu'eu égard à la nature du projet, qui se substitue aux prélèvements individuels antérieurs, cette étude d'incidence ne serait pas proportionnée à l'importance de ce projet et aux enjeux de conservation des habitats et des espèces en présence.

13. Ainsi, l'association Nature environnement 17, la Ligue pour la protection des oiseaux et la fédération de la Charente-Maritime pour la pêche et la protection du milieu aquatique ne sont pas fondées à soutenir que l'étude d'impact, qui n'avait à analyser ni l'impact des volumes prélevables sur la ressource en eau, dès lors que ces volumes ont été déterminés en amont par l'administration en fonction du débit d'objectif à l'étiage destiné à assurer l'équilibre entre les usages de l'eau et le bon fonctionnement du milieu aquatique, ni l'impact de chacun des points de prélèvements sur l'environnement, serait insuffisante.

14. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement : " I.-Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides (...) 2° La protection des eaux et la lutte contre toute pollution (...) 3° La restauration de la qualité de ces eaux et leur

régénération ; 4° Le développement, la mobilisation, la création et la protection de la ressource en eau ; 5° La valorisation de l'eau comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la production d'électricité d'origine renouvelable ainsi que la répartition de cette ressource ; 5° bis La promotion d'une politique active de stockage de l'eau pour un usage partagé de l'eau permettant de garantir l'irrigation, élément essentiel de la sécurité de la production agricole et du maintien de l'étiage des rivières, et de subvenir aux besoins des populations locales ; 6° La promotion d'une utilisation efficace, économe et durable de la ressource en eau, notamment par le développement de la réutilisation des eaux usées traitées et de l'utilisation des eaux de pluie en remplacement de l'eau potable ; 7° Le rétablissement de la continuité écologique au sein des bassins hydrographiques (...) II.-La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences : 1° De la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole ; 2° De la conservation et du libre écoulement des eaux et de la protection contre les inondations ; 3° De l'agriculture (...) ".

15. L'autorisation contestée, délivrée jusqu'au 31 décembre 2027, attribue à l'organisme de gestion, pour les années 2017 et 2018, des volumes en période d'étiage,

de 12 564 544 m3, et en période hivernale, de 765 720 m3, dans le périmètre de la Boutonne supra-toarcien (cours d'eau et nappes d'accompagnement) et des volumes en période d'étiage,

de 2 300 000 m3, et en période hivernale, de 1 302 955 m3, dans le périmètre de la Boutonne infra-toarcien (nappe déconnectée). L'article 4.2 de l'arrêté dispose que les volumes annuels en période estivale devront évoluer afin d'atteindre les volumes prélevables au plus tard au cours de la période estivale 2021, pour atteindre le volume prélevable de 3 800 000 m3 dans le périmètre de la Boutonne supra et 2 300 000 m3 dans le périmètre de la Boutonne infra-toarcien, avec, pour ce périmètre, un volume complémentaire de 400 000 m3 à attribuer selon les résultats d'une expertise à réaliser dans les conditions fixées à l'article 14.5 de l'arrêté. Les dispositions de l'arrêté contesté ne subordonnent pas l'atteinte des volumes prélevables à la réalisation de réserves de stockage, mais prévoient dans l'article 13 que, dans l'hypothèse où ces réserves ne seraient pas réalisées d'ici à 2021, l'organisme de gestion devra proposer une alternative pour atteindre le volume prélevable. Ainsi, la circonstance que la réalisation des dispositifs de stockage n'était qu'hypothétique à la date de l'arrêté contesté et serait compromise par l'annulation, le 4 février 2021, des autorisations correspondantes par le tribunal administratif de Poitiers, n'entache pas l'arrêté contesté d'illégalité dès lors que cette circonstance ne fait pas, par elle-même obstacle à l'application du volume destiné à assurer le retour à l'équilibre de la ressource en eau, rendu obligatoire par l'arrêté. La circonstance que ce volume ne serait, en réalité, pas respecté est sans incidence sur la légalité de l'arrêté.

16. Il résulte de l'instruction et notamment du protocole d'accord du 21 juin 2011, que les volumes prélevables ont été en l'espèce déterminés par les préfets coordonnateurs de sous-bassins. Aucun élément de l'instruction ne permet d'estimer que ces volumes, qui sont ceux déterminés par la commission de l'eau du schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) de la Boutonne, n'auraient pas été fixés après des études pertinentes menées sous le contrôle des services chargés de la police de l'eau, de la direction régionale chargée de l'environnement et de l'agence régionale de l'eau, comme le préconisait la circulaire

du 30 juin 2008 relative à la résorption des déficits quantitatifs en matière de prélèvement d'eau et gestion collective des prélèvements d'irrigation, ni qu'ils ne permettraient pas de respecter 8 années sur 10 les débits d'objectifs d'étiage. Contrairement à ce que soutiennent les associations intimées, il ne ressort d'aucun élément de l'instruction que les volumes prélevables auraient été déterminés par la seule négociation avec la profession, seule l'échéance d'atteinte de ces volumes, reportée à 2021, ayant été débattue dans le cadre du protocole d'accord

du 21 juin 2011 entre l'Etat et la profession agricole. La circonstance que le débit objectif d'étiage n'aurait quasiment jamais été respecté depuis 1987 et n'aurait été respecté en moyenne que 3,9 années sur 10 entre 2000 et 2017 ne remet pas en cause, par elle-même, la pertinence des volumes prélevables pour l'irrigation dès lors, notamment, que les volumes prélevés durant certaines de ces années atteignaient plus de 12 000 000 m3 pour la Boutonne supra, périmètre pour lequel le volume prélevable a été fixé à 3 800 000 m3. Aucune disposition ne faisait obligation aux préfets compétents de mettre en œuvre une procédure d'information ou de participation du public préalablement à la fixation de ces volumes prélevables déterminés, ainsi qu'il a été dit, en reprenant ceux fixés dans le SAGE de la Boutonne qui a été approuvé après enquête publique.

17. S'agissant plus particulièrement du périmètre Boutonne infra-toarcien, le volume prélevable a été fixé, comme il a été dit, à 2 300 000 m3 avec un volume complémentaire de 400 000 m3 soumis à expertise. Si une étude du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), réalisée au mois de juin 2010 indique en page 146 que " pour respecter le DOE proposé en année quinquennale sèche, le volume disponible dans les nappes du Dogger et de l'Infra-toarcien en Nord-Boutonne serait de l'ordre de 250 000 m3. Ce volume serait de

3,5 Mm3 pour une année médiane et de 8 Mm3 en année quinquennale humide ", cette étude ne suffit pas à mettre en doute la pertinence du volume prélevable retenu, lequel correspond à celui de 2 700 000 m3 voté par la commission locale de l'eau en 2010 et retenu dans le SAGE de la Boutonne, en page 42 du plan d'aménagement et de gestion durable produit par le préfet de la Charente-Maritime en première instance. Par ailleurs, s'il est vrai que ce volume est supérieur à celui effectivement consommé durant les années 2010 à 2014, compris entre 1 430 925 et 2 139 844 m3, cette différence mesurée sur cinq années ne permet pas, à elle seule, d'estimer qu'un tel volume, qui constitue un maximum qui ne sera pas nécessairement atteint, serait insusceptible de permettre l'atteinte, à terme, du niveau d'équilibre que doit viser l'arrêté. Enfin, la nappe est captive mais, comme le soutiennent les intimées, il résulte de l'instruction, et notamment d'une étude réalisée en 2002 par le BRGM, citée par les associations, qu'elle n'est pas totalement déconnectée des masses d'eau superficielles et que son niveau n'est pas sans conséquence sur la qualité des eaux qu'elle abrite lorsque se produit, notamment, un phénomène de dénoyage, permettant le drainage vers la nappe des polluants présents en surface et, représentant ainsi un risque pour la qualité de l'eau potable. Toutefois, le préfet fait état dans ses écritures de première instance, sans être contredit, de la gestion conjoncturelle mise en place par l'Etat concernant la nappe de l'infra-toarcien, permettant d'assurer que le niveau piézométrique reste à un niveau satisfaisant, évitant le dénoyage de la nappe.

18. Ainsi, même si le bassin de la Boutonne, fréquemment soumis à des assecs, est classé en zone de répartition des eaux et que l'état quantitatif et chimique des masses d'eau souterraines libres y est considéré comme mauvais et l'état écologique des masses d'eau superficielles comme moyen à mauvais, et malgré les avis défavorables ou réservés de la commission de l'eau du SAGE de la Boutonne et de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, l'arrêté contesté ne méconnait pas l'article L. 211-1 du code de l'environnement. La circonstance que l'arrêté ne serait en réalité pas respecté est sans incidence sur ce point.

19. L'article R. 214-31-2 du même code, dans sa version applicable en l'espèce, dispose que : " L'arrêté préfectoral fixe la durée de l'autorisation pluriannuelle qui ne peut excéder quinze ans et détermine le volume d'eau général dont le prélèvement est autorisé chaque année. Il précise les conditions de prélèvement dans les différents milieux et les modalités de répartition, dans le temps, des prélèvements entre les points de prélèvement au sein du périmètre de gestion collective. L'autorisation pluriannuelle se substitue à toutes les autorisations et déclarations de prélèvements d'eau pour l'irrigation existantes au sein du périmètre de gestion collective. Les prélèvements faisant l'objet de l'autorisation pluriannuelle doivent être compatibles avec les orientations fondamentales et les objectifs de qualité et de quantité des eaux fixés par le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux et, le cas échéant, avec les objectifs généraux et le règlement du schéma d'aménagement et de gestion des eaux. En cas de révision du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux ou du schéma d'aménagement et de gestion des eaux, l'autorisation pluriannuelle est modifiée, s'il y a lieu, pour être rendue compatible avec les nouvelles dispositions de ces schémas ".

20. En premier lieu, l'arrêté contesté fixe en son article 4 les volumes autorisés en distinguant les périmètres Boutonne supra-toarcien et Boutonne infra-toarcien ainsi que les différentes périodes, estivale et hivernale. L'article 7 de l'arrêté précise les conditions de date et de présentation dans lesquelles le plan de répartition doit être proposé chaque année, dans le respect des volumes prélevables notifiés et avec notamment l'indentification des points de prélèvement situés dans une zone à enjeux ou dans une des masses d'eau les plus sollicitées et l'explicitation des arbitrages opérés, et indique que les nouvelles demandes de prélèvement hivernal devront démontrer l'absence d'impact sur le milieu et être accompagnées, en cas de création d'ouvrages, d'une étude des incidences du prélèvement. Ainsi, les intimées ne sont pas fondées à soutenir que l'arrêté ne comporterait pas, en méconnaissance des dispositions précitées, de précisions sur les conditions de prélèvement.

21. En second lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 212-1 du code de l'environnement que le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), d'une part, fixe, pour chaque bassin ou groupement de bassins, les objectifs de qualité et de quantité des eaux ainsi que les orientations permettant d'assurer une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau, et d'autre part, détermine à cette fin les aménagements et les dispositions nécessaires. En vertu du XI de l'article L. 212-1, de l'article L. 212-5-2 et de l'article

R. 214-31-2 précité du code de l'environnement, les autorisations pluriannuelles de prélèvement d'eau sont soumises à une simple obligation de compatibilité avec le SDAGE. Pour apprécier cette compatibilité, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire pertinent pour apprécier les effets du projet sur la gestion des eaux, si l'autorisation ne contrarie pas les objectifs et les orientations fixés par le schéma, en tenant compte de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation de l'autorisation au regard de chaque orientation ou objectif particulier.

22. Il ne résulte pas de l'instruction que la préservation de la nappe infra-toarcien, classée en zone à protéger pour le futur, serait gravement compromise par les dispositions de l'arrêté au point de traduire une incompatibilité de l'arrêté avec le SDAGE Adour Garonne dont l'orientation B24 vise à préserver les ressources stratégiques pour le futur.

23. Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 11 septembre 2003 portant application du décret n° 96-102 du 2 février 1996 et fixant les prescriptions générales applicables aux prélèvements soumis à autorisation en application des articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l'environnement et relevant des rubriques 1.1.2.0, 1.2.1.0, 1.2.2.0 ou 1.3.1.0 de la nomenclature annexée au décret n° 93-743 du 29 mars 1993 modifié. : " La ou les valeurs du débit instantané et du volume annuel maximum prélevables et les périodes de prélèvement sont déterminées en tenant compte des intérêts mentionnés à l'article L. 211-2 du code de l'environnement. Elles doivent en particulier : - permettre de prévenir toute surexploitation significative ou dégradation de la ressource déjà affectée à la production d'eau destinée à la consommation humaine ou à d'autres usages régulièrement exploités ; - respecter les orientations, restrictions ou interdictions applicables dans les zones d'expansion des crues et les zones concernées par un plan de prévention des risques naturels, un périmètre de protection d'un point de prélèvement d'eau destinée à la consommation humaine, un périmètre de protection des sources d'eaux minérale naturelle, un périmètre de protection des stockages souterrains ; - pour les prélèvements dans les eaux de surface : permettre le maintien en permanence de la vie, la circulation, la reproduction des espèces piscicoles qui peuplent le cours d'eau et ne pas porter atteinte aux milieux aquatiques et zones humides en relation avec le cours d'eau concerné par le prélèvement ; - pour les prélèvements dans les eaux souterraines : ne pas entraîner un rabattement significatif de la nappe où s'effectue le prélèvement pouvant provoquer une remontée du biseau salé, une migration de polluants, un déséquilibre des cours d'eau, milieux aquatiques et zones humides alimentés par cette nappe. Cette ou ces valeurs du débit et du volume doivent par ailleurs être compatibles avec les dispositions du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux et du ou des schémas d'aménagement et de gestion des eaux concernant la zone où s'effectue le ou les prélèvements s'ils existent ".

24. A l'appui de leur moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions, les associations intimées n'invoquent pas d'autres arguments que ceux exposés ci-dessus à l'appui de leurs moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 211-1 du code de l'environnement et de l'incompatibilité de l'arrêté avec le SDAGE Adour-Garonne. Dans les circonstances exposées ci-dessus, l'arrêté ne peut être regardé comme pris en méconnaissance de cet article.

25. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Nature environnement 17, la Ligue pour la protection des oiseaux et la fédération de la Charente-Maritime pour la pêche et la protection du milieu aquatique ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté interpréfectoral du 10 août 2017.

Sur les frais d'instance :

26. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des associations intimées la somme globale de 1 500 euros à verser à la chambre régionale d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine au titre des frais d'instance qu'elle a exposés. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce que soit mis à la charge de la chambre régionale d'agriculture le versement de la somme que demandent les associations à ce titre.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 22 octobre 2020 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.

Article 2 : La demande de l'association Nature environnement 17, de la Ligue pour la protection des oiseaux et de la fédération de la Charente-Maritime pour la pêche et la protection du milieu aquatique présentée devant le tribunal administratif de Poitiers, ainsi que le surplus de leurs conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : L'association Nature environnement 17, la Ligue pour la protection des oiseaux et la fédération de la Charente-Maritime pour la pêche et la protection du milieu aquatique verseront à la chambre régionale d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine la somme globale de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la chambre régionale d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine, au ministre de la transition écologique et de la cohésion territoriale, à l'association Nature environnement 17, à la Ligue de protection des oiseaux et à la fédération de la

Charente-Maritime pour la pêche et la protection du milieu aquatique. Une copie en sera adressée pour information au préfet de la Charente-Maritime et à la préfète des Deux-Sèvres.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme B... C..., président-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022.

La présidente-assesseure,

Claire C...La présidente-rapporteure,

Elisabeth A...

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion territoriale en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX04173


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX04173
Date de la décision : 22/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : CABINET VERDIER LE PRAT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-22;20bx04173 ?
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