La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/11/2022 | FRANCE | N°20BX02711

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 22 novembre 2022, 20BX02711


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) La Vallée d'Aulnes a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 juillet 2012.

Par un jugement n° 1801050 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 août 2020, la SCI La Vallée d'Aulnes, représentée

par Me Rousselot-Gégoué, mandataire judiciaire, et par Me Richard, demande à la cour :

1°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) La Vallée d'Aulnes a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 juillet 2012.

Par un jugement n° 1801050 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 août 2020, la SCI La Vallée d'Aulnes, représentée par Me Rousselot-Gégoué, mandataire judiciaire, et par Me Richard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 23 juin 2020 ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration a méconnu la garantie de communication de copies de documents obtenus de tiers prévue par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, rendant ainsi irrégulière la procédure d'établissement des rappels en litige ;

- la remise en cause de la taxe sur la valeur ajoutée déduite des prestations facturées par la SARL Groupe Royal Polmen est injustifiée dès lors que l'écart constaté entre le montant des règlements et celui des factures présentées et comptabilisées est minime ; le principe de neutralité fiscale n'a pas été respecté par l'administration et le tribunal a méconnu les dispositions des articles 271, Il et 272- 2 du code général des impôts.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 mars 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête n'est recevable qu'en tant qu'elle porte sur le rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à un montant de 98 189, 81 euros au titre de l'année 2011, en l'absence de moyens relatifs à la contestation des autres rappels ;

- aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... B...,

- et les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) La Vallée d'Aulnes, créée le 12 janvier 2001 et placée en liquidation judiciaire le 28 mai 2014, avait pour objet la construction d'un ensemble d'appartements à Courçon (Charente-Maritime) et leur vente en l'état de futur d'achèvement. Elle était détenue à 95 % par la société à responsabilité limitée (SARL) Groupe Royal Polmen. La SARL Groupe Royal Polmen détenait également, à hauteur de 95%, la SARL Royal Partenaire, créée le 25 octobre 2005, placée en redressement judiciaire le 31 juillet 2012, puis en liquidation judiciaire le 11 septembre 2012, qui avait pour objet déclaré l'exploitation d'hébergements touristiques et autres hébergements de courte durée. La SCI La Vallée d'Aulnes a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2009 au 31 mars 2011, pour l'ensemble des déclarations fiscales, étendue au 31 juillet 2012 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. En conséquence de cette vérification, l'administration fiscale a adressé une proposition de rectification le 13 décembre 2013, à la suite de laquelle la redevable a fait part de ses observations par courrier du 26 décembre 2013. Le service lui a répondu le 30 juin 2014, et maintenu les rectifications envisagées. Il a émis un avis de mise en recouvrement du 8 juin 2015. La réclamation préalable du 28 juillet 2016 de la SCI La Vallée d'Aulnes a été rejetée par un courrier du 16 mars 2018. La SCI La Vallée d'Aulnes fait appel du jugement du 23 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période en litige.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée. Il en va autrement s'agissant des documents et renseignements qui, à la date de la demande de communication, sont directement et effectivement accessibles au contribuable dans les mêmes conditions qu'à l'administration. Dans cette dernière hypothèse, si le contribuable établit qu'il ne peut avoir effectivement accès aux mêmes documents et renseignements que ceux que détient l'administration, celle-ci est tenue de les lui communiquer.

4. La SCI La Vallée d'Aulnes soutient, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée déduite à raison de deux factures des 30 juin 2010 et 31 janvier 2011 comptabilisées au nom de la SARL Royal Partenaire et qui ont été considérées comme dépourvues de toute contrepartie, que les renseignements et documents obtenus lors de la vérification de comptabilité de la SARL Royal Partenaire ne lui auraient pas été communiqués. Toutefois, il résulte de l'instruction, et plus particulièrement de la proposition de rectification du 13 décembre 2013, qui comporte des indications précises sur les éléments utilisés par l'administration pour conclure à une absence de contrepartie à ces deux factures, que cette remise en cause d'une contrepartie repose sur l'analyse de la convention signée le 15 mars 2010 entre la SCI requérante et la SARL Royal Partenaire prévoyant le versement d'un concours financier de la SCI, que la requérante avait en sa possession, et sur l'analyse des renseignements et documents obtenus dans le cadre du droit à communication exercé le 12 mars 2013 auprès de l'autorité judiciaire, lesquels ont été transmis à la société recevable le 7 août 2014, avant la mise en recouvrement des rappels du 8 juin 2015. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

5. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ". Aux termes du 2 de l'article 272 du même code : " La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture. " Selon le 4 de son article 283 : " Lorsque la facture ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée. ". Il résulte de ces dispositions qu'un assujetti n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations, la taxe portée sur des factures correspondant à des biens ou à des prestations de services qui ne lui ont pas été effectivement fournis.

6. Par une " Convention de Gestion administrative, de Commercialisation et de prestations Marketing ", la SARL Groupe Royal Polmen s'est engagée à fournir à la SCI La Vallée d'Aulnes, une assistance en matière administrative, juridique et commerciale. Au titre des prestations qui lui auraient été fournies dans ce cadre au cours de l'année 2011, la SCI La Vallée d'Aulnes a versé la somme de 599 158,26 euros à la SARL Groupe Royal Polmen et a déduit la taxe sur la valeur ajoutée correspondante, soit la somme 98 189,81 euros. Pour justifier de ces déductions, la SCI La Vallée d'Aulnes a produit, lors de la vérification, des factures de 586 000 euros pour un montant déduit de taxe sur la valeur ajoutée de 96 033,44 euros. Le montant de ces factures ne correspondant pas aux montants de taxe déductible déclarés par la société, ces factures ne pouvaient constituer des pièces justificatives de la taxe déduite. Il appartenait donc à la société de justifier qu'elle remplissait les conditions de fond du droit à déduction correspondant à la taxe qu'elle avait déduite. Elle n'a toutefois produit, ni devant l'administration, ni devant le juge, aucun élément en ce sens tel qu'une attestation de la société prestataire ou un extrait de compte bancaire prouvant le décaissement pour un montant identique, alors qu'au surplus, la convention d'assistance dont elle fait état n'a pas date certaine. Dans ces conditions, et dès lors que la société n'apporte aucun justificatif permettant d'estimer que la taxe déduite correspondrait, en tout ou partie, aux factures qu'elle a produites, le ministre doit être regardé comme se prévalant d'indices sérieux susceptibles de faire douter de la réalité des prestations d'assistance présentées comme fournies par la SARL Groupe Royal Polmen à la SCI La Vallée d'Aulnes. Par suite, c'est à bon droit et sans méconnaître le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée que l'administration a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux prestations en cause.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI La Vallée d'Aulnes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI La Vallée d'Aulnes est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me Rousselot-Gégoué, mandataire judiciaire de la société civile immobilière La Vallée d'Aulnes et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Claire Chauvet, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022.

La rapporteure,

Claire B...

La présidente,

Elisabeth JayatLa greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt

2

N° 20BX02711


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02711
Date de la décision : 22/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Claire CHAUVET
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : CABINET DOMINIQUE RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-22;20bx02711 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award