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08/11/2022 | FRANCE | N°21BX04091

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 08 novembre 2022, 21BX04091


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 12 avril 2021 par lequel le préfet des Deux Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2101243 du 23 septembre 2021, le tribunal administratif de Poitiers a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 octobre 20

21, le préfet des Deux-Sèvres demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 12 avril 2021 par lequel le préfet des Deux Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2101243 du 23 septembre 2021, le tribunal administratif de Poitiers a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 octobre 2021, le préfet des Deux-Sèvres demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 23 septembre 2021 ;

2°) de rejeter la demande de Mme D....

Le préfet des Deux-Sèvres soutient que :

- l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'un vice d'incompétence ;

- cet arrêté est suffisamment motivé ;

- les premiers juges ont estimé à tort, d'une part, que Mme D... contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants alors que la preuve d'une telle contribution, en particulier pour les deux années précédant la demande de titre de séjour, n'est pas rapportée, d'autre part, que le père des enfants était présumé y contribuer également ;

- il n'a méconnu ni les dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du point 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant refus de séjour n'étant pas entachée d'illégalité, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et octroyant un délai de trente jours pour ce faire ne sont pas privées de base légale ; la requérante n'établit pas entrer dans le champ d'application de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée à Mme D... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, M. B... a lu son rapport.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante comorienne née le 24 décembre 1992, est mère de trois enfants nés à C... les 2 avril 2011, 24 septembre 2014 et 4 mai 2018 d'un père français et eux-mêmes de nationalité française. Elle est entrée en France métropolitaine le 5 août 2018, alors qu'elle disposait d'une carte de séjour temporaire en qualité de parent d'enfants français délivré par le préfet de C..., sur le fondement des dispositions alors en vigueur du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et valable en dernier lieu jusqu'au 15 septembre 2018. Elle s'est vu délivrer un titre de séjour en cette même qualité, valable du 20 février 2019 au 19 février 2020, dont elle a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 12 avril 2021, le préfet des Deux-Sèvres a refusé de renouveler ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 23 septembre 2021 dont le préfet des Deux-Sèvres relève appel, le tribunal a annulé cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant (...) ". Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. ".

3. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au motif qu'il est parent d'un enfant français doit justifier, outre de sa contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, de celle de l'autre parent, de nationalité française, lorsque la filiation à l'égard de celui-ci a été établie par reconnaissance en application de l'article 316 du code civil. Le second alinéa du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que cette condition de contribution de l'autre parent doit être regardée comme remplie dès lors qu'est rapportée la preuve de sa contribution effective ou qu'est produite une décision de justice relative à celle-ci. Dans ce dernier cas, il appartient seulement au demandeur de produire la décision de justice intervenue, quelles que soient les mentions de celle-ci, peu important notamment qu'elles constatent l'impécuniosité ou la défaillance du parent français auteur de la reconnaissance. La circonstance que cette décision de justice ne serait pas exécutée est également sans incidence.

4. Pour refuser de renouveler la carte de séjour temporaire qui avait été délivrée Mme D..., sur le fondement des dispositions alors en vigueur du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et qui était valable en dernier lieu jusqu'au 15 septembre 2018, le préfet des Deux-Sèvres a estimé que l'intéressée, d'une part, n'apportait que peu de preuve de sa participation à l'éducation et à l'entretien de ses trois enfants mineurs sur les deux dernières années et, d'autre part, n'établissait pas que le père des enfants, M. A..., ressortissant français résidant à C... qui les a reconnus, contribuait à leur entretien et à leur éducation.

5. Il ressort du dossier de première instance que Mme D... a produit des certificats de scolarité de ses deux aînés, au titre des années scolaires 2019-2020 et 2020-2021, et des factures de cantine scolaire, ainsi qu'une facture de crèche concernant le benjamin, datées de 2019. Si le préfet relève dans son arrêté que les certificats de l'un des enfants comportent une erreur sur l'adresse du domicile, cette erreur qui concerne uniquement le numéro de rue n'est pas de nature à faire douter de l'authenticité de ce document. Il ressort en outre des relevés de la caisse d'allocations familiales que la requérante dispose d'un logement à Niort dans lequel elle vit avec ses trois enfants et qu'elle perçoit des prestations familiales pour l'aider à pourvoir à leur éducation et leur entretien. Dans ces circonstances, alors même que Mme D..., qui a suivi un stage professionnel rémunéré entre octobre 2020 et février 2021, ne justifie d'aucun d'emploi et perçoit le revenu de solidarité active majoré, elle doit être regardée comme contribuant effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants français qui résident avec elle. Enfin, la requérante a également produit un jugement du 15 septembre 2020 par lequel le juge des affaires familiales de tribunal judiciaire de Niort a constaté que Mme D... et M. A... exercent en commun l'autorité parentale sur les enfants, a fixé la résidence habituelle de ces derniers au domicile de leur mère tout en octroyant au père un droit de visite et d'hébergement de ses enfants et, après avoir reconnu l'état d'impécuniosité de ce dernier, a dispensé M. A... de verser une pension alimentaire jusqu'à retour à meilleure fortune. Dès lors, la condition de contribution du père français, qui résidait avec la mère de ses trois enfants à C... comme il ressort des trois actes de naissance des enfants, doit être regardée comme remplie. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Poitiers a estimé que le préfet a fait une inexacte application des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de renouveler le titre de séjour qu'il avait délivré à Mme D... en qualité de mère d'enfants français.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Deux-Sèvres n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé son arrêté du 12 avril 2021 par lequel il a refusé de renouveler le titre de séjour de Mme D..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Il y a lieu, par suite, de rejeter l'ensemble de ses conclusions.

DECIDE :

Article 1er : Le requête du préfet des Deux-Sèvres est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme E... D....

Copie en sera adressée au préfet des Deux Sèvres.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,

M. Anthony Duplan premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 novembre 2022.

Le rapporteur,

Anthony B...

La présidente,

Florence DemurgerLa greffière,

Catherine JussyLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX04091


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX04091
Date de la décision : 08/11/2022
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: M. Anthony DUPLAN
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : ORMILLIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-08;21bx04091 ?
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