Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers la décharge, y compris les intérêts de retard et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011 au titre d'une plus-value professionnelle.
Par un jugement n° 1702305 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 21 août 2020 et 19 avril 2021, Mme C..., représentée par Me Taran, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1702305 du tribunal administratif de Poitiers du 23 juin 2020 ;
2°) de prononcer la décharge, y compris les intérêts de retard et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que l'administration n'a pas procédé à la rectification des revenus du contribuable en méconnaissance des dispositions de l'article 204-2 du code général des impôts, la taxation de la plus-value professionnelle relevant d'une imposition complémentaire due par M. et Mme A... C... et non par Mme C... ;
- la réduction du capital de la SARL Gérard C... intervenue le 13 mai 2011 doit être regardée comme un évènement mettant fin au report d'imposition de la plus-value sur les parts sociales de M. C... prévu à l'article 151 octies du code général des impôts ; dans ces conditions à la date de la cession à titre gratuit des parts sociales à Mme C..., la plus-value en report n'existait plus ; l'administration a donc taxé à tort une plus-value inexistante.
Par des mémoires en défense enregistrés les 9 mars et 4 juin 2021, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens développés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 12 juillet 2007, M. et Mme A... C... ont apporté à la SARL Gérard C... un fonds de commerce, dont la plus-value a été placée sous le régime du report d'imposition prévu à l'article 151 octies du code général des impôts. Suite au décès de M. A... C... intervenu le 28 juin 2011, Mme C... a reçu, dans le cadre de la succession, 25% des parts sociales que ce dernier possédait dans la SARL Gérard C.... A l'issue d'un contrôle sur pièces, une proposition de rectification a été adressée à Mme C... le 17 décembre 2014, l'administration considérant qu'elle ne bénéficiait plus, lors de la cession à titre gratuit de ces parts, du report d'imposition prévu à l'article 151 octies dès lors qu'elle ne s'était pas engagée, dans la déclaration de succession du 23 décembre 2011, à acquitter l'impôt sur la plus-value afférente aux titres cédés à la date d'un évènement ultérieur. L'administration a mis à sa charge, au titre de l'année 2011, une imposition supplémentaire, au titre de la plus-value professionnelle, d'un montant de 22 854 euros. Mme C... relève appel du jugement du 23 juin 2020, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge, intérêts de retard et pénalités compris, de cette cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". Aux termes de l'article 204 du code général des impôts : " 1. Dans le cas de décès du contribuable ou de l'un ou l'autre des époux soumis à une imposition commune, l'impôt sur le revenu est établi en raison des revenus dont le défunt a disposé pendant l'année de son décès et des bénéfices industriels et commerciaux réalisés depuis la fin du dernier exercice taxé. (...) 2. La déclaration des revenus imposables en vertu du présent article est produite par les ayants droit du défunt. (...) Les demandes d'éclaircissements et de justifications prévues par les articles L 10 et L 16 du livre des procédures fiscales ainsi que les propositions de rectification mentionnées à l'article L 57 du même livre peuvent être valablement adressées à l'un quelconque des ayants droit ou des signataires de la déclaration de succession. ".
3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'imposition sur le revenu, qui est due annuellement, est régulièrement établie, après le décès du contribuable, au nom de ses ayants droit. Par suite, et quel que soit le fait générateur ayant déclenché l'imposition due par les époux C... au titre de l'année 2011, c'est sans commettre d'irrégularité que l'administration a adressé la proposition de rectification à Mme C... et établi cette imposition complémentaire à son nom. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'administration aurait confondu le redevable et le contribuable doit être écarté.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
4. Aux termes de l'article 151 octies du code général des impôts : " I. Les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies et réalisées par une personne physique à l'occasion de l'apport à une société soumise à un régime réel d'imposition d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité peuvent bénéficier des dispositions suivantes : a. L'imposition des plus-values afférentes aux immobilisations non amortissables fait l'objet d'un report jusqu'à la date de la cession, du rachat ou de l'annulation des droits sociaux reçus en rémunération de l'apport de l'entreprise ou jusqu'à la cession de ces immobilisations par la société si elle est antérieure. Toutefois, en cas de transmission à titre gratuit à une personne physique des droits sociaux rémunérant l'apport ou de la nue-propriété de ces droits, le report d'imposition est maintenu si le bénéficiaire de la transmission prend l'engagement d'acquitter l'impôt sur la plus-value à la date où l'un des événements prévus à la phrase précédente se réalise ; (...) ".
5. Il résulte de l'instruction que M. et Mme C... ont apporté le 12 juillet 2007, de leur entreprise personnelle à la SARL Gérard C..., un fonds de commerce dont la valeur nette s'élevait à 879 160 euros, apport rémunéré par l'attribution de 87 916 parts sociales de 10 euros chacune. A la suite de cet apport, le capital, porté à 887 160 euros, soit 88 716 parts de 10 euros, était réparti à raison de 44 158 part pour M. C..., 44 158 pour Mme C... et 400 parts détenues par un tiers. Aux termes du traité d'apport, les apporteurs, M. et Mme C..., et la bénéficiaire de l'apport, la SARL Gérard C..., ont déclaré opter pour le régime spécial des plus-values prévu à l'article 151 octies du code général des impôts. En conséquence, l'imposition de la plus-value sur bien non amortissable qui s'élevait à 527 791 euros, a été reportée. Le 13 mai 2011, les associés de la SARL Gérard C... ont procédé à une réduction du capital de la société de 443 580 euros en échangeant 88 716 parts sociales de 10 euros chacune entièrement libérées contre 44 358 parts sociales de même valeur entièrement libérées, puis ont ensuite procédé à une augmentation de capital de 280 000 euros par création de 28 000 parts nouvelles réparties entre les associés. Cette opération, qui a entraîné l'annulation des droits sociaux reçus par les époux C... en 2007, a mis fin au report de l'imposition de la plus-value en application des dispositions précitées de l'article 151 octies du code général des impôts. Dans ces conditions, la réduction du capital opérée le 13 mai 2011, avant le décès de M. C... intervenu le 28 juin 2011, constitue le fait générateur de l'imposition complémentaire due au titre de l'année 2011 par les époux C.... Ainsi, l'appelante est fondée à soutenir que l'administration ne pouvait légalement fonder la taxation complémentaire en litige sur son non engagement dans la déclaration de succession datée du 23 décembre 2011, actant la cession à titre gratuit à son bénéfice de 25% (8 645 parts) des parts sociales détenus par M. C... dans la société, dès lors qu'à cette date, le bénéfice du report était déjà éteint.
6. Toutefois, l'administration peut, à tout moment de la procédure, invoquer un nouveau motif de droit propre à justifier l'imposition, à la condition qu'une telle substitution n'ait pas pour effet de priver le contribuable d'une garantie.
7. En soutenant que même à considérer que le fait générateur de l'imposition en litige serait la réduction de capital, cette circonstance serait sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition de la plus-value au titre de l'année 2011 dès lors qu'en vertu du principe de l'annualité de l'impôt, l'impôt sur le revenu est dû chaque année en raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année, l'administration doit être regardée comme invoquant une substitution de motifs conduisant à retenir la réduction du capital opérée le 13 mai 2011 comme constituant le fait générateur de l'imposition complémentaire due au titre de l'année 2011 par les époux C.... Ainsi, et alors qu'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision en se fondant sur ce motif de report, qui justifie l'imposition comme il a été dit au point 5, et que la requérante n'a pas été privée d'une garantie procédurale, la demande de substitution de motifs sollicitée doit être accueillie.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande de décharge, intérêts et pénalités compris, de la cotisation supplémentaire d'impôt à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à Mme C... de la somme qu'elle demande sur ce fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée pour information au directeur du contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Claire Chauvet, présidente-assesseure,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022.
La rapporteure,
Héloïse D...
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°20BX02719