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08/11/2022 | FRANCE | N°20BX00940

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 08 novembre 2022, 20BX00940


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés Vermilion Moraine et Hess Oil France ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2013 par lequel le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et le ministre du redressement productif ont rejeté les demandes de mutation et de prolongation du permis exclusif de recherches de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux dit " permis de Leudon-en-Brie " dont est titulaire la société Toréador energy France.

Par un jugement n° 170021

5 du 7 janvier 2020, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté interminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés Vermilion Moraine et Hess Oil France ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2013 par lequel le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et le ministre du redressement productif ont rejeté les demandes de mutation et de prolongation du permis exclusif de recherches de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux dit " permis de Leudon-en-Brie " dont est titulaire la société Toréador energy France.

Par un jugement n° 1700215 du 7 janvier 2020, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté interministériel du 19 décembre 2013 et enjoint à l'administration d'accorder, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, la prolongation du " permis de Leudon-en-Brie " au profit de la société Vermilion Moraine pour une durée de cinq ans à compter du 8 août 2012.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés sous le n° 20BX00940 les 13 mars et 17 juillet 2020, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour d'annuler le jugement du 7 janvier 2020 du tribunal administratif de Pau et de rejeter l'ensemble de la demande des sociétés Vermilion Moraine et Hess Oil France.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative ; il ne précise pas en quoi le projet de décision soumis au conseil général de l'économie, de l'instruction, et l'énergie et des technologies (CGEIET) était différent de l'arrêté signé par les ministres compétents, ni en quoi cette différence était susceptible d'avoir eu une incidence sur le sens de la décision attaquée ;

- en ne caractérisant pas cette modification, le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit ;

- le tribunal a retenu à tort que le défaut de consultation du CGEIET devait être regardé comme ayant une incidence sur le sens de la décision ;

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en considérant que les sociétés Toreador Energy France et Hess Oil France étaient en mesure de confirmer qu'elles n'envisageaient pas de recourir effectivement ou éventuellement à des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche ; le motif de rejet tenant au défaut de caractère concessible des substances visées dans le permis était fondé ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que la société Hess Oil France devait être regardée comme justifiant des capacités techniques requises dès lors que sa demande de mutation du permis exclusif de recherches se bornait à faire référence à celles de sa société mère qui, elle, en disposait ;

- le tribunal a retenu à tort que l'illégalité de la décision de mutation entachait d'illégalité la décision de prolongation ;

- c'est à tort que le tribunal a enjoint à l'administration la prolongation du permis au profit de la seule société Vermilion Moraine dès lors que la cession par la société Vermilion Moraine à la société Hess Oil France de la totalité des intérêts, droits et obligations liés au permis a pris effet au 19 septembre 2012, qu'il s'agissait d'une demande conjointe et solidaire, et qu'au regard du large pouvoir d'appréciation de l'administration dans le cadre de la délivrance de telle autorisation, seule une injonction de réexamen était possible.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 janvier 2021, les sociétés Vermilion Louise et Vermilion Moraine, représentés par Me Lazar, concluent à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce qu'il soit fait droit aux conclusions telles qu'elles sont présentées en première instance, et, en toute hypothèse, à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 23 mars 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 6 mai 2021.

Un mémoire enregistré le 19 août 2021 a été présenté par le ministre de la transition écologique.

II. Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés sous le n° 20BX01019 les 17 mars 2020 et 25 octobre 2021, la société Vermilion Louise et la société Vermilion Moraine, représentées par Me Lazar, demandent à la cour :

1°) d'annuler partiellement le jugement du 7 janvier 2020 du tribunal administratif de Pau en tant qu'il prononce une injonction de délivrance au profit de la société Vermilion Moraine d'une prolongation de cinq ans à compter du 8 août 2012 et non à compter de la date du jugement et en tant qu'il ne fait pas droit à la demande d'injonction de délivrance d'une autorisation de mutation du permis exclusif de recherches à leur profit ;

2°) d'enjoindre au ministre chargé des mines à titre principal d'accorder la mutation du " permis de Leudon-en-Brie " à leur profit, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer leur demande dans un délai de six mois, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard ;

3°) d'enjoindre au ministre chargé des mines de leur accorder la prolongation pour une durée de cinq ans du " permis de Leudon-en-Brie " à compter de la date de publication de l'arrêté de prolongation au journal officiel, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, ou à défaut, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, de leur accorder cette prolongation pour une durée de trois ans, sept mois et vingt jours à compter de la date de publication de l'arrêté de prolongation au journal officiel ;

4°) à défaut, d'enjoindre au ministre chargé des mines d'accorder à la seule société Vermilion Moraine la prolongation du " permis de Leudon-en-Brie " sous les mêmes conditions de durée, de délais et d'astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne détaille pas les raisons pour lesquelles la société Vermilion Louise ne justifierait pas réunir les conditions requises par l'article L. 122-2 du code minier ;

- le tribunal a estimé à tort que la société Vermilion Louise ne justifiait pas de ses capacités techniques et financières à la date du jugement alors qu'il disposait des éléments contraires au dossier de première instance ;

- le tribunal a estimé à tort qu'en application de l'article L. 142-1 du code minier, la prolongation ne pouvait courir qu'à compter de la date d'expiration de la précédente période de validité du permis ; en procédant ainsi, le tribunal a en outre prononcé une injonction déniant tout effet utile à l'annulation prononcée en méconnaissance du principe de légalité.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 septembre 2021, le ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 26 octobre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 25 novembre 2021.

Par un mémoire enregistré le 6 mai 2022, le ministre de la transition écologique a communiqué, à la demande de la cour, son arrêté du 30 avril 2022 accordant, en exécution du jugement n° 1700215 du tribunal administratif de Pau, la prolongation du permis exclusif de recherches de mines d'hydrocarbures conventionnels liquides ou gazeux dit " permis de Leudon-en-Brie " à la société Vermilion Moraine pour une durée de cinq ans, à compter du 8 août 2012.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code minier (nouveau) ;

- la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 visant à interdire l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique ;

- le décret n° 2006-648 du 2 juin 2006 relatif aux titres miniers et aux titres de stockage souterrain ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public,

- les observations de Me Lazar, représentant les sociétés Vermilion Louise et Vermilion Moraine.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 23 juillet 2008, le ministre chargé des mines a accordé à la société Toreador Energy France, devenue Vermilion Moraine, pour une durée de quatre ans, le permis exclusif de recherches (PER) de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux dit " permis de Leudon-en-Brie " pour une superficie de 106 km2 portant sur les départements de la Marne et de la Seine-et-Marne. Par deux demandes datées des 21 octobre 2010 et 5 avril 2012, les sociétés par actions simplifiées (SAS) Vermilion Moraine et Hess Oil France ont demandé conjointement et solidairement, la mutation et la prolongation de ce PER pour une durée de cinq ans. Par un arrêté du 19 décembre 2013, le ministre du redressement productif et le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ont rejeté ces demandes. Par un jugement du 7 janvier 2020, le tribunal administratif de Pau a annulé cet arrêté et a enjoint à l'administration d'accorder, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, la prolongation du " permis de Leudon-en-Brie " au profit de la société Vermilion Moraine, pour une durée de cinq ans à compter du 8 août 2012. Par la requête enregistrée sous le n°20BX00940, le ministre de la transition écologique et solidaire relève appel de ce jugement en tant qu'il fait droit aux conclusions des sociétés. Par une requête enregistrée sous le n°20BX1019, les sociétés Vermilion Moraine et Vermilion Louise, nouvelle dénomination sociale de la société Hess Oil France, relèvent appel partiel du même jugement en tant qu'il a prononcé une injonction de prolongation au profit de la seule société Vermilion Moraine à compter du 8 août 2012, et non à la date de publication de l'arrêté du 19 décembre 2013, et a rejeté le surplus des conclusions à fin d'injonction. Il y a lieu de joindre ces requêtes, dirigées contre le même jugement et relatives à un même permis, pour statuer par un même arrêt.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Contrairement à ce que soutient le ministre, les premiers juges, en précisant que le Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGEIET) avait été saisi pour avis de la demande de mutation en litige mais n'avait pas été saisi du projet de rejet de la demande signé par les ministres, ce qui avait nécessairement eu une incidence sur le sens de la décision, ont suffisamment détaillé et motivé les raisons pour lesquelles ils ont estimé que l'arrêté du 19 décembre 2013 était entaché d'un vice de procédure. Par ailleurs, le tribunal qui n'était pas tenu de rouvrir l'instruction suite à la production de la note en délibéré dont les sociétés se prévalent, en indiquant, dans le cadre de la motivation de l'injonction, que la société Vermilion Louise ne justifiait pas réunir les conditions requises par l'article L. 122-2 du code minier dès lors que l'intégralité de la société Hess Oil France avait été reprise par le groupe Vermilion energy et que Vermilion Louise était la nouvelle dénomination sociale de Hess Oil France, indiquant ainsi qu'il ne s'agissait plus de la même société, a suffisamment motivé sa décision de n'enjoindre la prolongation du PER en litige qu'au profit de la seule société Vermilion Moraine. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit être écarté dans ses deux branches.

Sur le bien-fondé du jugement en tant qu'il a annulé l'arrêté du 19 décembre 2013 :

4. Aux termes de l'article L. 122-1 du code minier : " Le permis exclusif de recherches de substances concessibles confère à son titulaire l'exclusivité du droit d'effectuer tous travaux de recherches dans le périmètre qu'il définit et de disposer librement des produits extraits à l'occasion des recherches et des essais. ". Aux termes de l'article L. 122-2 du même code : " Nul ne peut obtenir un permis exclusif de recherches s'il ne possède les capacités techniques et financières nécessaires pour mener à bien les travaux de recherches et pour assumer les obligations mentionnées dans des décrets pris pour préserver les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 et aux articles L. 161-1 et L. 163-1 à L. 163-9. Un décret en Conseil d'Etat définit les critères d'appréciation de ces capacités, les conditions d'attribution de ces titres ainsi que la procédure d'instruction des demandes. ". Aux termes de l'article L. 143-2 du même code : " Nul ne peut être autorisé à devenir par mutation titulaire d'un titre minier s'il ne satisfait aux conditions exigées pour obtenir un titre de même nature. ".

5. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées, qu'un permis exclusif de recherches ne peut être délivré, et dans les mêmes conditions être muté à un nouveau titulaire, que si, d'une part, le gisement prospecté est concessible, c'est-à-dire susceptible d'être exploité, et, d'autre part, que le demandeur possède les capacités techniques et financières nécessaires pour mener à bien les travaux envisagés.

6. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 2011 visant à interdire l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique, dans sa version alors en vigueur : " Dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi, les titulaires de permis exclusifs de recherches de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux remettent à l'autorité administrative qui a délivré les permis un rapport précisant les techniques employées ou envisagées dans le cadre de leurs activités de recherches. L'autorité administrative rend ce rapport public. II. ' Si les titulaires des permis n'ont pas remis le rapport prescrit au I ou si le rapport mentionne le recours, effectif ou éventuel, à des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche, les permis exclusifs de recherches concernés sont abrogés. III. ' Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, l'autorité administrative publie au Journal officiel la liste des permis exclusifs de recherches abrogés (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier qu'en application de ces dispositions, la société Toreador Energy France, devenue ultérieurement Vermilion Moraine, titulaire du PER dit de " Leudon-en-Brie " depuis 2008, et la société Hess Oil France, à l'origine des demandes de prolongation et mutation en litige, ont produit un rapport daté du 12 septembre 2011 relatif aux techniques employées ou envisagées dans le cadre dudit permis. Il ressort de ce rapport, dont le contenu n'est pas utilement contredit par le ministre, que la société Toreador Energy France est " pleinement consciente des changements que cette loi implique en ce qui concerne les techniques employées dans le cadre des activités de recherches de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux " et " a adapté le programme de travaux initialement envisagé au titre du Permis de Leudon-en-Brie ". Les techniques employées ou envisagées pour les activités de recherche conduites dans le cadre de ce programme y sont précisées et n'incluent pas de recours effectif ou éventuel à des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche. Comme l'a à juste titre retenu le tribunal, l'administration devait, eu égard à l'objet même de ce rapport, prendre en compte ces éléments dans le cadre de l'instruction des demandes en litige. En outre, il ressort des pièces du dossier que le mémoire technique associé à la demande de prolongation et de mutation en litige daté du 5 avril 2012 ne reprend, pour tenir compte de l'interdiction de l'exploitation non conventionnelle des ressources en hydrocarbures, aucunement les projets d'exploitation non conventionnelle initiaux. Par suite, et alors qu'aucun des services consultés n'a décelé de projet de fracturation dans le projet final des sociétés, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et le ministre du redressement productif ne pouvaient légalement fonder leur refus de mutation sur le motif tiré de ce que les substances visées par les demandes n'étaient plus concessibles du fait des techniques envisagées.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du décret du 2 juin 2006 relatif aux titres miniers et aux titres de stockage souterrain : " Afin de justifier de ses capacités techniques, le demandeur d'un titre fournit à l'appui de sa demande, outre les documents mentionnés, selon le cas, aux articles 17 ou 24 : a) Les titres, diplômes et références professionnelles des cadres de l'entreprise chargés de la conduite et du suivi des travaux d'exploration ou d'exploitation de mines ou de la conduite des travaux de recherches, de création, d'essais, d'aménagement et d'exploitation de stockage souterrain ; b) La liste des travaux d'exploration ou d'exploitation de mines ou des travaux de recherches, de création, d'essais, d'aménagement et d'exploitation de stockage souterrain auxquels l'entreprise a participé au cours des trois dernières années, accompagnée d'un descriptif sommaire des travaux les plus importants ; c) Un descriptif des moyens humains et techniques envisagés pour l'exécution des travaux. (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier qu'en application des dispositions précitées, le dossier de demande de mutation présenté conjointement et solidairement par les sociétés Toreador Energy France et Hess Oil France, comportait une partie dédiée aux renseignements et justifications relatifs aux capacités techniques et financières de la société Hess Oil France. Après avoir indiqué que la totalité du capital social de Hess Oil France était détenu par la société Hess Corporation, immatriculée aux Etats-Unis, le dossier de demande détaillait les compétences et carrières de dix salariés et les travaux d'exploration et de production auxquels Hess Corporation avait participé au cours des trois années passées. Il ressort en outre de l'avis du directeur régional et interdépartemental de l'environnement et de l'énergie d'Ile-de-France du 22 juin 2012, consulté dans le cadre de l'instruction de la demande en litige, que la société Hess Oil France, " qui intervient pour le compte de Toréador sur plusieurs projets de travaux de recherche dans le bassin parisien ", dispose de personnel qui " fait montre de compétences techniques évidentes ". Dans ces conditions, et alors qu'il ne ressort d'aucune disposition législative ou règlementaire que la société pétitionnaire doive justifier, dans le cadre d'une demande de mutation d'un PER, des contrats de travail des personnels employés, ou que ces derniers doivent être employés en propre et non via une maison mère, la société Hess Oil France devait être regardée comme justifiant des capacités techniques requises. Par suite, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et le ministre du redressement productif ne pouvaient légalement fonder leur refus de mutation sur le motif tiré de l'insuffisance des capacités de cette société.

10. En troisième et dernier lieu, pour refuser la demande de prolongation du PER en litige, les ministres se sont fondés sur l'unique motif tiré de ce que, dès lors que la demande de mutation étant refusée, les sociétés Toreador Energy France, devenue Vermilion Moraine et Hess Oil France n'étaient pas fondées à en demander conjointement la prolongation. Ainsi, et dès lors qu'il ressort de ce qui précède que la décision portant rejet de la demande de mutation était illégale, cette illégalité entache d'illégalité la décision portant rejet de la demande de prolongation.

11. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la transition écologique et solidaire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 19 décembre 2013 du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et du ministre du redressement productif.

Sur l'injonction :

12. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ".

13. D'une part, il résulte de l'instruction, qu'à la date du jugement attaqué, le capital de la société Hess Oil France avait été repris par le groupe Vermilion energy et que la nouvelle dénomination sociale de la société Hess oil France était la société Vermilion Louise. Les sociétés renvoient, pour justifier des capacités techniques et financières de la société Vermilion Louise, au sens des dispositions de l'article L. 122-2 du code minier, à leurs arguments développés en première instance relatifs à la justification des capacités techniques de la société Hess Oil France et à la circonstance qu'elles avaient indiqué aux premiers juges que la société Vermilion Louise était la filiale à 100% de la société Vermilion REP, premier producteur d'hydrocarbures en France, exploitant 27 concessions d'hydrocarbures en France. Toutefois, ces seuls éléments, purement déclaratifs ou qui ne concernaient que la société Hess Oil France, ne pouvaient suffire à faire regarder la société Vermilion Louise comme justifiant, à la date du jugement attaqué, des conditions posées par l'article L. 122-2 du code minier pour se voir attribuer le bénéfice du PER en litige. En outre, bien que la demande ait été présentée de manière conjointe par les deux sociétés Vermilion Moraine et Hess Oil France, le tribunal ne pouvait ignorer, dans le cadre de l'injonction qu'il prononçait, la circonstance qu'à la date de son jugement, une des deux sociétés pétitionnaires n'existait plus en tant que telle. Les sociétés n'apportent par ailleurs pas en appel sur ce point d'éléments qui justifieraient une réformation du jugement.

14. D'autre part, le ministre n'est pas fondé à se prévaloir, pour contester l'injonction de délivrance d'une prolongation du PER au profit de la société Vermilion Moraine prononcée par les premiers juges, de la convention signée le 26 juin 2013 par laquelle la société Vermilion Moraine avait cédé à la société Hess Oil France la totalité des intérêts, droits et obligations liés au permis, dès lors que cette convention était passée sous condition suspensive de l'obtention de l'autorisation de mutation.

15. Il résulte de ce qui précède que ni le ministre de la transition écologique et solidaire, ni les sociétés Vermilion Moraine et Vermilion Louise ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a enjoint à l'administration de délivrer une prolongation du PER dit " permis Leudon-en-Brie " à la seule société Vermilion Moraine et a rejeté les conclusions tendant à la délivrance d'une autorisation de mutation et de prolongation de ce PER au profit de la société Vermilion Louise.

16. D'autre part, le tribunal a fixé le délai de départ de cette prolongation de cinq ans au profit de la société Vermilion Moraine à la date de fin de validité du précédent permis, soit au 8 août 2012.

17. Aux termes de l'article L. 142-1 du code minier : " La validité d'un permis exclusif de recherches peut être prolongée à deux reprises, chaque fois de cinq ans au plus, sans nouvelle mise en concurrence. (...) ". Aux termes de l'article L. 142-6 du même code : " Au cas où, à la date d'expiration de la période de validité en cours, il n'a pas été statué sur la demande de prolongation, le titulaire du permis reste seul autorisé, jusqu'à l'intervention d'une décision explicite de l'autorité administrative, à poursuivre ses travaux dans les limites du ou des périmètres sur lesquels porte la demande de prolongation. ".

18. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés Vermilion Moraine et Vermilion Louise, les dispositions précitées de l'article L. 142-6 du code minier, qui ont vocation à couvrir la situation dans laquelle, à l'échéance de validité d'un PER, l'administration ne s'est pas encore décidée sur la demande de prolongation de ce dernier, n'ont pas d'influence sur les conséquences à tirer de l'annulation rétroactive d'un acte administratif. Par suite, la prolongation du PER en litige ne pouvait prendre effet qu'à compter de la fin de validité de l'ancien PER, soit le 8 août 2012.

19. Enfin, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Vermilion Moraine et Vermilion Louise, il ne résulte pas de l'instruction que l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2013 ait été privée d'effet utile, et ce même si, en application des règles rappelées ci-dessus, la prolongation du PER a pris effet au 8 août 2012 pour échoir au 8 août 2017.

20. Il résulte de ce qui précède que ni le ministre de la transition écologique et solidaire, ni les sociétés Vermilion Moraine et Vermilion Louise ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a enjoint à l'administration de délivrer une prolongation du PER, pour une durée de cinq ans, à compter du 8 août 2012.

21. Par suite, les requêtes du ministre de la transition écologique et solidaire et des sociétés Vermilion Moraine et Vermilion Louise dirigées contre le jugement du 7 janvier 2020 du tribunal administratif de Pau doivent être rejetées, y compris les conclusions à fin d'injonction présentées par les sociétés Vermilion Moraine et Vermilion Louise. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes n° 20BX00940 et n° 20BX01019 sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions des sociétés Vermilion Louise et Vermilion Moraine présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans la requête n° 20BX00940 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Vermilion Moraine, à la société Vermilion Louise, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Claire Chauvet, présidente-assesseure,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022.

La rapporteure,

Héloïse A...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui les concernent, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°20BX00940, 20BX01019


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00940
Date de la décision : 08/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : LAZAR;LAZAR;LAZAR

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-08;20bx00940 ?
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