Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 novembre 2020 et 8 février 2022, la société centrale éolienne des Chagnasses, représentée par Me Versini-Campinchi, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2020 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a rejeté sa demande d'autorisation d'exploiter un parc éolien de six aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Cram-Chaban ;
2°) de lui délivrer l'autorisation sollicitée et de l'assortir des prescriptions nécessaires, ou à défaut d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de fixer ces prescriptions techniques dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société requérante soutient que :
- le site d'implantation du projet de parc ne présente pas un intérêt paysager particulier ;
- le projet de parc éolien n'induit pas d'impact paysager significatif ; l'impact visuel du projet est très limité depuis le site du Marais Poitevin ; le projet est relativement éloigné des autres parcs éoliens autorisés alentours de sorte que les interactions visuelles entre les différents parcs sont très limitées, ce qui permet de prévenir les risques de saturation et d'encerclement ;
- le projet n'induit pas d'impact sur la biodiversité ; le projet n'est pas implanté dans un environnement présentant des intérêts environnementaux importants ; il ne porte pas une atteinte significative aux espèces recensées sur le site d'implantation ;
- le projet ne contribue pas à l'accroissement de l'encerclement de la zone de protection spéciale Marais Poitevin ; il n'existe pas d'impact cumulé significatif sur l'avifaune et sur les chiroptères du secteur ;
- elle s'est engagée à réaliser plusieurs mesures d'évitement, de réduction et de compensation, destinées à répondre aux enjeux du secteur, notamment en ce qui concerne l'avifaune ; contrairement à ce que soutient le préfet, elle justifie de l'efficacité des mesures de détection des oiseaux, d'effarouchement et de bridage ; le préfet ne saurait sérieusement remettre en cause la pertinence des mesures proposées dès lors qu'il avait la possibilité, dans le cadre de l'instruction de sa demande, d'imposer toute mesure complémentaire jugée nécessaire.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 novembre 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... B...,
- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,
- les observations de Me Brandau-Marques, substituant Me Versini-Campinchi, représentant, la société centrale éolienne des Chagnasses.
Considérant ce qui suit :
1. La société centrale éolienne des Chagnasses a déposé, le 9 mars 2018, à la préfecture de la Vienne une demande d'autorisation d'exploiter un parc éolien de six aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Cram-Chaban. Par un arrêté du 24 septembre 2020, le préfet de la Charente Maritime a rejeté sa demande. La société centrale éolienne des Chassagnes demande à la cour l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 24 septembre 2020 :
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, applicable en l'espèce : " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. / L'autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier. " Par ailleurs, aux termes de l'article L. 181-3 du même code, créé par la même ordonnance : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ".
En ce qui concerne l'atteinte aux paysages :
3. Il résulte de l'instruction que le site d'implantation du parc éolien en litige, composé de six aérogénérateurs, se situe sur le territoire de la commune de Cram-Chaban au sein de l'unité paysagère dite des " Terres hautes ". Ce site est marqué principalement par la présence de vastes plaines agricoles cultivées très ouvertes, sans différences marquées de relief et sans caractéristique paysagère particulière. Il résulte de l'instruction qu'en dépit de la présence du site classé du Marais poitevin et du Grand Site de France du Marais poitevin non loin de la zone d'implantation du projet, celle-ci ne peut être regardée comme présentant un caractère ou un intérêt particulier à l'identité ou à l'attractivité desquelles le parc éolien porterait une atteinte significative.
4. Le site d'implantation du parc éolien se situe à environ 4,8 kilomètres du site classé du Marais poitevin et à 2 kilomètres du Grand Site de France du Marais poitevin. Il résulte de l'instruction, en particulier des photomontages produits dans l'étude d'impact, que les végétations et autres ripisylves présentes dans le Marais poitevin feront le plus souvent, en raison de leur densité, office d'écran pour limiter l'impact visuel du projet sur ces sites naturels. Il ne résulte pas de l'instruction que le projet, qui porte sur la création d'un parc limité à six éoliennes, aurait un impact visuel significatif sur le Grand site de France du Marais poitevin. Si la ministre allègue que les éléments paysagers versés avec l'étude d'impact n'ont pas permis d'apprécier l'impact réel du projet sur les sites et les paysages, il n'est nullement établi au dossier que les très nombreux photomontages que comporte le volet paysager joint à la demande, et qui illustrent différents points de vue sur les éoliennes projetées, offriraient une représentation tronquée et insincère des incidences visuelles du projet sur son environnement. La mission régionale d'autorité environnementale de Nouvelle-Aquitaine n'a d'ailleurs émis, dans son avis rendu le 6 novembre 2018, aucune critique sur le contenu du volet paysager de l'étude d'impact.
5. La délibération du syndicat mixte du parc naturel régional du Marais poitevin du 1er avril 2019, qui approuve le schéma éolien du parc naturel régional du Marais poitevin, identifie comme zone de vigilance majeure " la zone humide du Marais poitevin, les vallées, les sites Natura 2000, la plaine calcaire du sud Vendée, la plaine de Niort nord-ouest et la plaine de Niort sud-est ". Toutefois, ainsi que le soutient la société requérante, d'une part, le site d'implantation du projet ne se trouve pas dans une des zones énumérées par la délibération du 1er avril 2019, d'autre part, il n'est, en tout état de cause, pas situé en zone d'exclusion par le schéma éolien.
6. Il résulte de l'instruction, en particulier de l'étude d'impact, que les monuments historiques, inscrits ou classés, présents dans les aires d'études du projet se situent dans des espaces où l'impact visuel du parc éolien est nul ou négligeable. Tel est le cas, en particulier, du château de Beaulieu, situé dans la commune de La Laigne à l'intérieur d'un parc arboré à la végétation très dense, et dont seule la grille fermant la cour est inscrite sur la liste des monuments historiques.
7. Il résulte de l'instruction, et notamment des photomontages joints à l'étude d'impact, que l'orientation générale du parc éolien projeté, réparti en trois " binômes " distincts, suit la route nationale n° 11, à l'instar du parc éolien des Moindreaux, favorisant ainsi son insertion par rapport à celui-ci. Par ailleurs, à l'exception du parc des Moindreaux, cependant distant du projet contesté de 7,3 km, tous les autres parcs éoliens du secteur sont éloignés de celui-ci de plus de 10 km. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu notamment de ces distances, que les éoliennes projetées, prises isolément ou dans leur ensemble, seraient de nature à créer un phénomène de " saturation visuelle " ou " d'encerclement " notamment au préjudice du Grand site de France Marais Poitevin.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Charente-Maritime ne pouvait se fonder sur l'impact paysager du projet de parc éolien sur le Marais poitevin, et sur son environnement paysager en général, pour refuser de délivrer l'autorisation d'exploiter sollicitée.
En ce qui concerne les atteintes à la biodiversité :
S'agissant de l'avifaune :
9. Il résulte de l'instruction que le site d'implantation du projet se situe dans le périmètre du parc naturel régional du Marais poitevin, à proximité du site Natura 2000 " Marais poitevin " et de la zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF) de type 1 " forêt et bois de Benon ", et que l'étude d'impact a mis en évidence la présence de 87 espèces d'oiseaux dans l'aire d'étude immédiate du projet, notamment le busard cendré, le busard Saint-Martin, l'œdicnème criard, le circaète Jean-le-Blanc, la mouette rieuse et le milan noir. Contrairement à ce que fait valoir la ministre, il résulte de l'instruction, en particulier de l'étude d'impact, que la société pétitionnaire a analysé les enjeux du projet au regard de l'avifaune présente sur la base des espèces protégées et inventoriées dans le secteur entourant le site d'implantation, notamment dans la ZNIEFF 1 et dans la zone Natura 2000. Il convient de souligner à cet égard que la mission régionale d'autorité environnementale a relevé que l'étude d'impact avait su montrer les enjeux du projet vis-à-vis de l'avifaune, ce qui a permis au préfet de disposer, sur ce point, d'éléments suffisants pour apprécier en connaissance de cause l'impact du projet sur les oiseaux. Quant aux intérêts environnementaux présentés par ces sites, leur existence n'interdit pas, par principe, que soit envisagé un parc éolien dans de telles zones ou à proximité de celles-ci. A cet égard, il résulte de l'instruction, comme l'a notamment souligné la mission régionale d'autorité environnementale dans son avis du 6 novembre 2018, que le pétitionnaire a choisi la zone d'implantation de son projet en évitant les secteurs les plus directement concernés par la présence d'espèces protégées et de leurs habitats, soit les secteurs de haute sensibilité.
10. Plus particulièrement, il ne résulte pas de l'instruction que la zone d'implantation du projet serait traversée par un couloir écologique dédié à la circulation de l'avifaune entre la zone Natura 2000 et la ZNIEFF 1 " forêt et bois de Benon ". Comme l'a indiqué la société pétitionnaire dans sa réponse apportée aux observations de la Mission régionale d'autorité environnementale, et dont les conclusions ne sont pas contredites par les autres éléments du dossier, parmi les trois grands cortèges d'oiseaux inventoriés dans le secteur, à savoir les oiseaux forestiers, les oiseaux des zones humides et les oiseaux de plaine, seuls les oiseaux de plaine peuvent être amenés à effectuer des transits vers les parcelles de grandes cultures. Mais il ne résulte pas de l'instruction que le site d'implantation du projet, lequel est situé sur des parcelles plates à vocation agricole, ainsi qu'il a déjà été souligné, serait en réalité une zone de transit importante pour l'avifaune.
11. Il n'en demeure pas moins vrai que le fonctionnement des éoliennes est de nature à entraîner un risque de perturbation et de mortalité pour l'avifaune. Afin de limiter autant que possible ces risques, des mesures d'évitements et de réductions ont été prévues par le pétitionnaire, telles que l'interdiction de réaliser les travaux pendant les périodes de reproduction de l'avifaune, soit entre mi-mars et fin juillet, le choix de modèles d'éoliennes avec un bas de pale à 48,50 m, ce qui est de nature à limiter le risque de collision, la mise en place d'un dispositif de bridage des appareils et d'un système de détection et d'effarouchement des oiseaux. Il ne résulte pas de l'instruction, comme le soutient la ministre, que le dispositif d'effarouchement, qui repose sur un système de vidéosurveillance permanent et qui permet de détecter presque la totalité des oiseaux dans un rayon de 150 mètres autour des éoliennes, et entre 50 à 75 % de ceux-ci dans un rayon de 150 à 300 mètres, ne serait pas susceptible, alors qu'il s'ajoute à d'autres mesures de précaution, de réduire les risques d'atteinte à l'avifaune à un niveau permettant de faire regarder les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement comme suffisamment préservés. D'autant que des mesures de suivi de l'activité et de la mortalité de l'avifaune sont également prévues pour, le cas échéant, adapter les mesures rappelées ci-dessus. L'étude d'impact mentionne, en conclusion, que les incidences du projet, après la mise en œuvre de ces mesures, peuvent être considérées comme " non significatives " pour l'ensemble des oiseaux, et il convient de souligner que la Mission régionale d'autorité environnementale a indiqué, dans son avis, que les mesures définies par le pétitionnaire sont pertinentes pour limiter les incidences potentielles du projet sur le milieu.
12. Ainsi qu'il a été dit au point 7, il ne résulte pas de l'instruction que les nouvelles éoliennes, prises isolément ou dans leur ensemble, contribueraient, avec les aérogénérateurs déjà autorisés dans le secteur, à un phénomène d'encerclement des sites naturels et créeraient de ce seul fait un risque particulier pour l'avifaune.
13. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'avis de la mission régionale d'autorité environnementale, que l'éloignement des éoliennes à une distance de plus de 300 mètres d'un bassin existant destiné à l'irrigation agricole, lequel attire les oiseaux d'eau, est une mesure pertinente pour diminuer les risques de collision de l'avifaune avec les équipements du parc éolien.
14. Si la ministre fait valoir que la synthèse des suivis de mortalité réalisés en France montre que la proximité d'une zone de protection spéciale est un facteur aggravant de mortalité des oiseaux par collision avec les éoliennes, une telle considération, d'ordre général, ne suffit pas à établir que le projet en litige, compte tenu de sa conception et des précautions qui l'accompagnent, entraînera un taux de moralité significatif de l'avifaune. Par ailleurs, et comme il a été dit, des mesures de suivi de l'activité et de la mortalité de l'avifaune sont prévues afin d'assurer une surveillance de ces espèces et d'adapter, le cas échéant, les mesures d'évitement et de réduction déjà prévues.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Charente-Maritime ne pouvait se fonder sur le motif tiré de l'impact du projet éolien sur l'avifaune pour refuser de délivrer l'autorisation sollicitée.
S'agissant des chiroptères :
16. Il résulte de l'instruction, en particulier de l'étude d'impact, que plusieurs espèces de chiroptères ont été recensées sur le site d'implantation du projet éolien, dont la pipistrelle Kuhl, la pipistrelle de Nathusius et la sérotine. Selon la réponse apportée par la société pétitionnaire aux observations de la mission régionale d'autorité environnementale, et dont la pertinence n'est pas contredite par les autres éléments du dossier, les chiroptères à vol haut susceptibles de circuler directement depuis la forêt de Benon jusqu'aux zones de marais sont quasiment absentes des inventaires réalisés, tandis que, de manière générale, l'activité des chauves-souris est très faible sur les parcelles de culture où doit être installé le parc projeté. L'autorité environnementale a par ailleurs considéré, dans son avis émis le 6 novembre 2018, que l'implantation des éoliennes à distance des lisières boisées et des bassins d'irrigation, ainsi que leur hauteur, permet de limiter les impacts du parc éolien sur les chiroptères. De plus, il résulte de l'instruction, et notamment de l'étude d'impact, qu'aucun gîte de chiroptères n'a été recensé à l'intérieur de la zone d'implantation du parc éolien. De même, ainsi qu'il a été dit au point 13, l'implantation des éoliennes à une distance de plus de 300 mètres du bassin destiné à l'irrigation agricole rend les éoliennes compatibles avec les sensibilités que présente le secteur du fait de la présence des chiroptères. Enfin, ainsi qu'il a été dit aux points 11 et suivants, les mesures d'évitement et de réduction prescrites par le pétitionnaire et l'éloignement du projet des autres parcs éoliens déjà existants permettent d'atténuer efficacement les impacts du projet sur les chiroptères. Dans ces conditions, le préfet de la Charente-Maritime ne pouvait se fonder sur l'impact du projet éolien sur les chiroptères pour rejeter la demande d'autorisation sollicitée par la société requérante.
Sur la demande de substitution de motifs présentée par la ministre :
17. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existante à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
18. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa version applicable à la présente procédure : " I.- Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II.-En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : (...) / 4° Une description des facteurs mentionnés au III de l'article L. 122-1 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet : la population, la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l'eau, l'air, le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel, y compris les aspects architecturaux et archéologiques, et le paysage ; (...) ".
19. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
20. Il résulte de l'instruction que le volet paysager de l'étude d'impact analyse de manière précise le contexte territorial du projet et notamment les spécificités liées au parc naturel régional du Marais Poitevin, au site classé et au Grand site de France du Marais poitevin. La mission régionale d'autorité environnementale a considéré, dans son avis rendu le 6 novembre 2018, que les éléments constitutifs du paysage sont, dans l'étude d'impact, bien décrits, présentés de manière claire et richement illustrée par de nombreuses photographies. Par ailleurs, le volet paysager mentionne, sans omission, l'ensemble des monuments historiques et sites classés et inscrits à proximité des aires d'études du projet. La mission régionale d'autorité environnementale a ainsi estimé que le contenu de l'étude d'impact intègre bien les éléments requis par les dispositions de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, et qu'elle est accompagnée d'un résumé non technique permettant au lecteur d'apprécier de manière exhaustive les enjeux environnementaux et la manière dont le projet en a tenu compte. Il ne résulte pas de l'instruction que le volet paysager de l'étude d'impact aurait insuffisamment pris en compte, notamment, le parc naturel régional du Marais Poitevin et sa charte, ou présenté de manière incomplète les particularités des sites inscrits et classés situés à proximité du projet éolien. Par suite, le motif dont la substitution est demandée en appel par la ministre de la transition écologique, tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact, n'est pas de nature à justifier le rejet de la demande d'autorisation formée par la société requérante. Il ne peut, dès lors, être procédé à la substitution demandée.
21. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 24 septembre 2020 lui refusant la délivrance de l'autorisation d'exploiter un parc éolien sur le territoire de la commune de Cram-Chaban.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
22. Lorsqu'il statue en vertu de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, le juge administratif a le pouvoir d'autoriser la création et le fonctionnement d'une installation classée pour la protection de l'environnement en l'assortissant des conditions qu'il juge indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. Il a, en particulier, le pouvoir d'annuler la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé l'autorisation sollicitée et, après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d'accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu'il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions.
23. Eu égard aux motifs d'annulation retenus au présent arrêt, il y a lieu pour la cour de faire usage de ses pouvoirs de pleine juridiction en délivrant à la société centrale éolienne des Chagnasses l'autorisation environnementale dont relève le projet de parc éolien en vertu des dispositions de l'article L. 181-3 du code de l'environnement. La société requérante est renvoyée devant le préfet de Charente-Maritime aux fins de fixation par ce dernier des conditions qui, le cas échéant, doivent assortir l'autorisation environnementale.
24. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de mettre en œuvre les mesures de publicité prévues à l'article R. 181-44 du code de l'environnement s'agissant de l'autorisation environnementale délivrée.
Sur les frais liés au litige :
25. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société centrale éolienne des Chagnasses d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 24 septembre 2020 est annulé.
Article 2 : Il est délivré à la société centrale éolienne des Chagnasses l'autorisation environnementale sollicitée pour son projet. La société centrale éolienne des Chagnasses est renvoyée devant le préfet de la Charente-Maritime pour fixation des conditions qui devront, le cas échéant, assortir cette autorisation.
Article 3 : Il est prescrit au préfet de la Charente-Maritime de mettre en œuvre les mesures de publicité prévues à l'article R. 181-44 du code de l'environnement s'agissant de l'autorisation environnementale délivrée au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à la société centrale éolienne des Chagnasses une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société centrale éolienne des Chagnasses et à la ministre de la transition énergétique.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Frédéric Faïck, président,
Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère,
Mme Pauline Reynaud, première conseillère ;
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2022.
La rapporteure,
Pauline B...Le président,
Frédéric Faïck
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne à la ministre de la transition énergétique en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20BX03627 2