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26/10/2022 | FRANCE | N°20BX02763

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre bis (formation à 3), 26 octobre 2022, 20BX02763


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 27 juin 2018 par laquelle le maire de Saint-Paul a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison à usage d'habitation ainsi que la décision du 5 octobre 2018 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1800988 du 17 juin 2020, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 24 août 2020, le 30 décembre 2021 et le 11

mars 2022, Mme D... A..., représentée par Me Belloteau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 27 juin 2018 par laquelle le maire de Saint-Paul a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison à usage d'habitation ainsi que la décision du 5 octobre 2018 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1800988 du 17 juin 2020, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 24 août 2020, le 30 décembre 2021 et le 11 mars 2022, Mme D... A..., représentée par Me Belloteau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1800988 du tribunal ;

2°) d'annuler les décisions du 27 juin 2018 et du 5 octobre 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Paul la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le terrain d'assiette du projet est certes situé dans un périmètre de protection rapproché institué par un arrêté préfectoral du 24 septembre 2008 en application des dispositions de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'arrêté préfectoral n'institue pas une interdiction de principe pour toutes les constructions à usage d'habitation situées dans ce périmètre ; il impose seulement que ces constructions soient dotées d'un dispositif d'assainissement individuel conforme à la réglementation en vigueur ; tel est le cas pour la construction projetée ; d'autant que le terrain d'assiette du projet supporte déjà une construction ;

- la conformité du projet à la réglementation en vigueur a été reconnue par plusieurs décisions de justice devenues définitives ; tel est le cas du jugement du tribunal administratif du 21 juillet 2017 qui a fait droit à sa demande tendant à l'annulation d'un refus d'autorisation d'urbanisme qui lui avait été opposé ; dans un second jugement du 5 septembre 2018, le tribunal a confirmé que la construction d'une maison à usage d'habitation sur la parcelle était permise si elle était dotée d'un dispositif d'assainissement individuel ;

- si l'arrêté préfectoral du 24 septembre 2018 devait être interprété comme édictant une interdiction générale et absolue de construire dans le périmètre de protection rapprochée, il serait illégal ; le refus de permis de construire en litige est alors illégal en raison de cette illégalité soulevée par la voie de l'exception ;

- l'autre motif de refus de permis de construire est fondé, à tort, sur l'application des dispositions de l'article U2C n°12 du plan local d'urbanisme, lequel interdit tout stationnement dans la marge de recul par rapport aux voies et emprises publiques ; toutefois, ces dispositions permettent la réalisation de places de stationnement sur le terrain d'assiette du projet ; tel est le cas pour le projet faisant l'objet de la demande de permis de construire ; de plus, le terrain d'assiette n'étant pas attenant à la voie publique, la réalisation de places de stationnement entre l'alignement et une profondeur de trois mètres est impossible.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 novembre 2021, le 10 février 2022 et le 28 avril 2022, la commune de Saint-Paul, représentée par Me Gaspar, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Le 26 septembre 2022, la cour a informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi dès lors que les servitudes d'utilité publique instituées par l'arrêté préfectoral du 24 septembre 2008 n'ayant pas été annexées au plan local d'urbanisme, ces servitudes ne sont pas opposables, en vertu de l'article L. 152-7 du code de l'urbanisme, à la demande de permis de construire déposée par Mme A.... La commune de Saint-Paul a répondu à ce moyen d'ordre public le 29 septembre 2022.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... B...,

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,

- et les observations de Me Bardoux pour la commune de Saint-Paul.

Considérant ce qui suit :

1. Le 7 mars 2018, Mme A... a déposé en mairie de Saint-Paul une demande de permis de construire un bâtiment à usage d'habitation individuelle d'une surface de 100 m² sur la parcelle cadastrée section ET n° 416, située rue des Bénitiers au lieu-dit Saline-les-Bains. Cette demande de permis a fait l'objet, de la part du maire de Saint-Paul, d'un refus du 27 juin 2018 dont Mme A... a demandé l'annulation au tribunal administratif de La Réunion. Mme A... relève appel du jugement rendu le 17 juin 2020 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la légalité du refus de permis de construire du 27 juin 2018 :

2. Pour rejeter la demande de permis de construire, le maire de Saint-Paul s'est fondé, d'une part, sur ce que le terrain d'assiette du projet est situé dans le périmètre de protection rapproché institué par l'arrêté préfectoral du 24 septembre 2008, relatif au prélèvement d'eau dans le milieu naturel au moyen des forages du champ captant du " Trou d'eau la Saline ", dans lequel les nouvelles constructions sont interdites, et d'autre part, sur les dispositions de l'article U2c 12 du plan local d'urbanisme qui interdisent la réalisation de places de stationnement dans une bande de trois mètres de profondeur à compter de l'alignement des voies publiques.

En ce qui concerne le motif fondé sur l'existence d'un périmètre de protection rapproché :

3. Aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire (...) ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions (...) ". Aux termes de l'article L. 151-43 du même code : " Les plans locaux d'urbanisme comportent en annexe les servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation du sol et figurant sur une liste dressée par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article L. 152-7 de ce code : " ...seules les servitudes annexées au plan peuvent être opposées aux demandes d'autorisation d'occupation du sol... ". L'article R. 151-53 du code de l'urbanisme dispose que : " Figurent également en annexe au plan local d'urbanisme, s'il y a lieu, les éléments suivants : (...) 8° (...) les schémas des réseaux d'eau (...) existants ou en cours de réalisation, en précisant les emplacements retenus pour le captage, le traitement et le stockage des eaux destinées à la consommation (...) ".

4. Par un arrêté du 30 septembre 2008, le préfet de La Réunion a, en application des dispositions de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique, institué autour des forages du champ captant " Trou d'eau la Saline " un périmètre de protection rapproché dans lequel les possibilités de construire sont, en vertu de l'article 6 de ce même arrêté, interdites ou restreintes en vue d'assurer la protection de la qualité des eaux prélevées pour l'alimentation humaine. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, en refusant la délivrance du permis sollicité au motif qu'il prévoyait la construction d'une habitation sur une parcelle située à l'intérieur du périmètre de protection rapproché mis en place par l'arrêté préfectoral précité, le maire de Saint-Paul ne s'est pas fondé sur les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme mais bien sur la servitude instituée par l'article 6 de cet arrêté.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté préfectoral du 30 septembre 2008 a été annexé au plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Paul, ainsi que cette dernière l'a établi dans sa réponse au moyen d'ordre public adressé aux parties par la cour. Ainsi, les prescriptions de cet arrêté préfectoral sont opposables à la demande de permis de construire déposée par Mme A... en vertu de l'article R. 152-7 précité du code de l'urbanisme.

6. Il est constant que le terrain d'assiette du projet se trouve à l'intérieur du périmètre de protection rapproché institué autour du champ captant du " Trou d'eau de la Saline " par l'arrêté précité du 30 septembre 2008. Aux termes des dispositions de l'article 6 de cet arrêté : " (...) dans les limites de ce périmètre seront notamment interdits : (...) les constructions superficielles ou souterraines lorsqu'il y est produit des eaux d'origine industrielle ou domestique (la mise en conformité des installations existantes sera demandée et l'état des rejets d'eaux usées sera vérifié régulièrement) ... Seront notamment réglementés : Les installations et les constructions existantes dans ce périmètre : toute habitation incluse dans ce périmètre de protection rapprochée, à la date de sa mise en application, devra être mise aux normes actuelles en termes d'assainissement et se soumettre à un contrôle périodique d'hygiène en vue de la protection des eaux souterraines (...) ".

7. Les interdictions et réglementations édictées par l'arrêté du 30 septembre 2008 visent à assurer, en vue de la sécurité et de la salubrité publiques, la protection de la qualité des eaux destinées, notamment, à l'alimentation humaine. Elles ne s'appliquent qu'aux seules parcelles, énumérées à l'article 6 de l'arrêté, formant le périmètre de protection rapproché autour de la source. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas soutenu, que la délimitation de ce périmètre, et l'inclusion dans celui-ci de la parcelle ET 416, ne seraient pas justifiées par des éléments techniques de salubrité. Par ailleurs, les dispositions précitées de l'article 6 de l'arrêté préfectoral n'interdisent pas, dans le périmètre en cause, toutes les constructions mais seulement, entre autres, celles produisant des eaux d'origine domestique ou industrielle. Elles réservent par ailleurs la situation des constructions déjà existantes dans le périmètre en permettant qu'elles demeurent dédiées à l'habitation sous réserve de certaines conditions. Ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'exception d'illégalité, que l'arrêté du 30 septembre 2008 édicte une interdiction générale et absolue sur laquelle le maire ne pouvait fonder le refus de permis de construire en litige.

8. Si le terrain d'assiette du projet supporte déjà un bâtiment, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce bâtiment, d'une superficie de 25 m2 et qui n'est notamment pas raccordé à un réseau assainissement, serait dédié à l'habitation. Il s'ensuit que Mme A... n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions précitées de l'article 6 de l'arrêté du 30 septembre 2008 en vertu desquelles les habitations déjà incluses dans le périmètre de protection rapproché sont possibles sous réserve de leur mise en conformité aux dernières normes d'assainissement. Il ressort au contraire des pièces du dossier que le projet de Mme A... porte sur l'édification d'un bâtiment nouveau à usage d'habitation individuelle d'une surface de 100 m². Par suite, un tel projet, eu égard à sa nature, était interdit par les dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 30 septembre 2008. C'est dès lors par une exacte application de ces dispositions que le maire de Saint-Paul a rejeté la demande de permis de construire dont il était saisi.

En ce qui concerne le motif fondé sur l'article U2c 12 du plan local d'urbanisme :

9. Aux termes de l'article U2c 12 du plan local d'urbanisme : " Obligations en matière de réalisation d'aires de stationnement (...) 12.3 - Modalités de réalisation. Le stationnement des véhicules correspondant aux besoins des constructions (...) doit être assuré en dehors des voies publiques, sur leur terrain d'assiette ou dans leur environnement immédiat (...) Aucune place de stationnement ne devra être réalisée dans la zone comprise entre l'alignement et une profondeur de 3 mètres... ".

10. Il ressort des plans joints à la demande de permis de construire que la parcelle n° 416, qui forme le terrain d'assiette du projet, n'est pas située à l'alignement de la voirie dès lors qu'elle en est séparée par les parcelles n° 1148 et 1149, cette dernière devant servir à la desserte du projet. Ces pièces ne font pas apparaître que, compte tenu de la situation du terrain d'assiette du projet en retrait de la voie publique, les places de stationnement qui y sont prévues seront implantées à une distance inférieure à trois mètres à compter de l'alignement en méconnaissance de la règle de recul fixée par l'article U2c 12 précité du plan local d'urbanisme. Dans ces conditions, le motif du refus en litige tiré de l'application de l'article U2c 12 est entaché d'erreur de fait.

11. Il résulte toutefois de l'instruction que le maire de Saint-Paul aurait pris la même décision de refus s'il ne s'était fondé que sur les dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 30 septembre 2008 qui suffisent à fonder le refus de permis de construire en litige.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande d'annulation du refus de permis de construire en litige.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées par Mme A... tendant à ce que la commune, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, lui verse une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de Mme A... la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la commune de Saint-Paul.

DECIDE

Article 1er : La requête n° 20BX02763 de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Mme A... versera à la commune de Saint-Paul la somme de 1 500 au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et à la commune de Saint-Paul.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Frédéric Faïck, président,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2022.

L'assesseur le plus ancien,

Florence Rey-Gabriac

Le président-rapporteur,

Frédéric B...

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au préfet de La Réunion, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20BX02763 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre bis (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX02763
Date de la décision : 26/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FAÏCK
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : FIDAL SAINT DENIS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-10-26;20bx02763 ?
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