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26/10/2022 | FRANCE | N°20BX01697

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre bis (formation à 3), 26 octobre 2022, 20BX01697


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 22 décembre 2017 par laquelle la directrice du centre hospitalier d'Aubusson a prononcé son licenciement, ainsi que la décision implicite ayant rejeté son recours gracieux.

Par un jugement n° 1800268 du 19 mars 2020, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision de licenciement du 22 décembre 2017 par laquelle la directrice du centre hospitalier d'Aubusson a licencié Mme A..., et la décision portant

rejet du recours gracieux formé par l'intéressée, en tant seulement que le licen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 22 décembre 2017 par laquelle la directrice du centre hospitalier d'Aubusson a prononcé son licenciement, ainsi que la décision implicite ayant rejeté son recours gracieux.

Par un jugement n° 1800268 du 19 mars 2020, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision de licenciement du 22 décembre 2017 par laquelle la directrice du centre hospitalier d'Aubusson a licencié Mme A..., et la décision portant rejet du recours gracieux formé par l'intéressée, en tant seulement que le licenciement est intervenu à une date qui ne tient pas compte de ses droits à congés, puis a rejeté le surplus des conclusions de Mme A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 mai 2020, un premier mémoire en réplique enregistré le 26 novembre 2021 et un second mémoire en réplique enregistré le 4 avril 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme A..., représentée par Me Chartier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 mars 2020 du tribunal administratif de Limoges en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) d'annuler la décision du 22 décembre 2017 par laquelle la directrice du centre hospitalier d'Aubusson a prononcé son licenciement, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Aubusson la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement n'est pas suffisamment motivé ;

- la décision en litige a été prise en considération de la personne et non dans l'intérêt du service ; le principe du contradictoire, qui s'applique pour une telle décision, a été méconnu ; de même, le principe des droits de la défense et le droit de l'agent à la communication de son dossier ont été méconnus ;

- les démarches de reclassement dont le centre hospitalier se prévaut ont été effectuées sans même qu'elle en ait été informée, ce qui l'a privée d'une garantie, et avant même que la commission médicale de l'établissement, qui a formulé un avis défavorable au licenciement de deux chirurgiens orthopédistes, ait été réunie ;

- la décision est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation, dès lors que la mauvaise situation financière du service de chirurgie orthopédique n'est pas établie et qu'elle serait en outre exclusivement issue des mauvais choix stratégiques de l'établissement ; le fait que le centre hospitalier ait recruté un troisième chirurgien orthopédique montre que la mauvaise situation financière alléguée n'est pas établie ; l'activité orthopédique était importante au sein de l'hôpital et justifiait le maintien des deux chirurgiens licenciés ;

- l'obligation de reclassement a été méconnue ; contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le centre hospitalier était tenu de la reclasser ; il n'a pas effectué une recherche loyale, individualisée et sérieuse des possibilités de reclassement.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 27 octobre 2021 et le 1er février 2022, le centre hospitalier d'Aubusson, représenté par Me Doudet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... D...,

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,

- et les observations de Me Rouget, substituant Me Chartier, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... a été recrutée par le centre hospitalier (CH) d'Aubusson en qualité de chirurgien orthopédiste par un contrat à durée indéterminée du 27 mai 2013. Aux motifs que le service de chirurgie orthopédique avait réalisé un faible nombre d'actes au cours des années 2015, 2016 et 2017 et connaissait un important déficit de fonctionnement, la directrice du centre hospitalier d'Aubusson a, en concertation avec l'agence régionale de santé, mis en œuvre une réorganisation de ce service. Dans ce cadre, la directrice a notamment proposé au docteur A..., par un courrier du 7 juillet 2017, une modification de son contrat tendant à réduire de 80 % sa quotité de travail, la nouvelle quotité de 20 % étant censée correspondre au travail effectif constaté dans la structure. Mme A... ayant refusé cette modification de son contrat par un courrier du 23 août 2017, elle a été licenciée par une décision de la directrice du centre hospitalier d'Aubusson du 22 décembre 2017. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Limoges l'annulation de cette décision. Elle relève appel du jugement rendu le 19 mars 2020 par lequel le tribunal a seulement annulé la décision du 22 décembre 2017 en tant que le licenciement est intervenu à une date qui ne tient pas compte de ses droits à congés.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article R. 6152-610 du code de la santé publique : " (...) Lorsque la situation de l'activité dans la structure le justifie, une modification de la quotité de travail (...) peut être proposée par le directeur d'établissement, après avis (...) de la commission médicale locale d'établissement, à un praticien (...) qui bénéficie (...) d'un contrat à durée indéterminée. A compter de la proposition de modification, l'intéressé dispose d'un mois pour la refuser. En cas de refus, le directeur propose prioritairement à ce praticien une nouvelle affectation. A défaut, il est fait application des dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 6152-629 ". Selon le deuxième alinéa de l'article R. 6152-629 de ce code : " (...) Le praticien attaché qui bénéficie (...) d'un contrat à durée indéterminée peut être licencié, après avis de la commission médicale d'établissement (...) Le préavis est alors de trois mois. La décision de licenciement prononcée par le directeur est motivée ". Ces dispositions permettent au directeur du centre hospitalier, en cas de refus du praticien attaché d'accepter une modification de sa quotité de travail définie dans son contrat de recrutement et justifiée par la situation de l'activité de l'établissement, de procéder à son licenciement.

3. En premier lieu, à supposer que le centre hospitalier aurait entamé des démarches en vue de reclasser Mme A... sur un autre poste avant même d'émettre sa proposition de réduction de son temps de travail et avant que la commission médicale d'établissement (CME) n'ait rendu son avis sur cette proposition, une telle circonstance est, par elle-même, sans incidence sur la régularité de la procédure de licenciement. Au demeurant les articles R. 6144-1 à R. 6144-6 du code de la santé publique, qui définissent les attributions de la CME, ne prévoient pas que celle-ci soit consultée sur les démarches de reclassement effectuées par l'employeur.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des éléments comptables et financiers concordants qui y sont versés, que le service de chirurgie orthopédique dans lequel était affectée Mme A... était confronté à un déficit structurel important et durable. Il est constant que Mme A... a refusé la proposition de réduction de sa quotité de travail que lui a adressée le centre hospitalier en application des dispositions précitées de l'article R. 6152-610 du code de la santé publique. En l'absence de possibilité de reclassement, son licenciement a été décidé, pour un motif de nature économique, par application des dispositions précitées de l'article R. 6152-629 du même code. Aucune disposition législative ou réglementaire, et notamment celles de l'article R. 6152-628 du code de la santé publique, ne prévoit que le licenciement d'un médecin qui a refusé une modification de son contrat de travail fondée sur des motifs tirés de l'intérêt du service soit précédé d'une procédure contradictoire préalable. Par ailleurs, la décision de licenciement en litige ayant été prise en raison de la situation financière du service et non en considération de la personne de Mme A..., celle-ci n'est pas fondée à soutenir que cette décision aurait dû être prise dans le respect du principe général des droits de la défense.

5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le service de chirurgie orthopédique a présenté des résultats nettement déficitaires de 242 858 euros en 2015 et de 255 400 euros en 2016 qui ont affecté l'équilibre budgétaire général de l'hôpital. Cette situation déficitaire, qui s'est renouvelée en 2017 sans perspective d'amélioration, trouvait notamment son origine dans le faible nombre d'actes accomplis par ce service, qui se sont élevés à 55 en 2014, à 83 en 2015 et à 46 en 2016, ce qui ne permettait pas, entre autres, de couvrir les charges de fonctionnement, parmi lesquelles figuraient les rémunérations des deux chirurgiens orthopédistes attachés à ce service. Si la requérante conteste la réalité des difficultés financières alléguées par le centre hospitalier en faisant valoir que de nouveaux chirurgiens orthopédistes ont été recrutés, il ressort des pièces du dossier qu'ont été conclues en avril 2018 et mars 2019 avec d'autres établissements de santé de simples conventions mettant à la disposition du centre hospitalier des médecins pour exercer quelques jours par mois une activité de consultation orthopédique. Par ailleurs, il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier l'opportunité des choix budgétaires et financiers effectués par la direction du centre hospitalier. Dans ces conditions, le motif d'ordre économique qui fonde la décision de licenciement en litige n'est entaché ni d'erreur de fait ni d'erreur d'appréciation.

6. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que, conformément au dernier alinéa de l'article R. 6152-610 du code de la santé publique, et après que Mme A... eut refusé la proposition de réduction de sa quotité de travail, la directrice du CH d'Aubusson a, avant de prononcer le licenciement en litige, cherché si l'intéressée pouvait bénéficier en priorité d'une nouvelle affectation dans les services de l'hôpital. Il ressort des pièces du dossier qu'en l'absence de poste adapté aux compétences de Mme A... et disponible, aucune proposition d'affectation n'a pu être adressée. Par ailleurs, et alors qu'il n'était pas tenu de le faire dans le cadre défini par les dispositions précitées des articles R. 6152-610 et R. 6152-629 du code de la santé publique, le CH d'Aubusson a, par des courriers du 28 avril 2017, demandé au centre hospitalier universitaire de Limoges, au centre hospitalier de Tulle, au centre hospitalier de Guéret et au centre hospitalier de Montluçon s'ils étaient susceptibles d'accueillir le docteur A... dans leurs effectifs, ce qui ne s'est pas avéré possible. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le centre hospitalier d'Aubusson n'aurait pas effectué une recherche de reclassement de façon sérieuse, loyale et individualisée.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges, qui a suffisamment motivé son jugement et n'a pas méconnu les règles de la dévolution de la charge de la preuve, a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les frais de l'instance :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée, ainsi que les conclusions présentées par le centre hospitalier d'Aubusson sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre hospitalier d'Aubusson.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Frédéric Faïck, président,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 octobre 2022.

La rapporteure,

Florence D...

Le président,

Frédéric Faïck

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20BX01697


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre bis (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX01697
Date de la décision : 26/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FAÏCK
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : CHARTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-10-26;20bx01697 ?
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