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26/10/2022 | FRANCE | N°20BX01120

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre bis (formation à 3), 26 octobre 2022, 20BX01120


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 29 mai 2019 par laquelle le maire de la commune de Lacanau a émis un titre de recettes pour un montant de 39 448,94 euros au titre des rémunérations qu'il a perçues entre le 1er juillet 2014 et le 31 janvier 2016, ainsi que la décision du 4 octobre 2019 de rejet de son recours gracieux.

Par une ordonnance n° 1905893 du 16 janvier 2020 prise en application de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le

président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande comme m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 29 mai 2019 par laquelle le maire de la commune de Lacanau a émis un titre de recettes pour un montant de 39 448,94 euros au titre des rémunérations qu'il a perçues entre le 1er juillet 2014 et le 31 janvier 2016, ainsi que la décision du 4 octobre 2019 de rejet de son recours gracieux.

Par une ordonnance n° 1905893 du 16 janvier 2020 prise en application de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 20BX01120 le 25 mars 2020, M. A... D..., représenté par Me Pagnac, demande à la cour de réformer cette ordonnance n° 1905893 du 16 janvier 2020 du tribunal administratif de Bordeaux et de lui permettre le bénéfice d'un examen au fond.

M. D... soutient que :

- sa requête d'appel est recevable dès lors qu'elle a été introduite dans le délai de recours contentieux de deux mois ;

- sa demande a été rejetée par une inexacte application des dispositions de l'article R. 414-13 du code de justice administrative, dès lors sa requête était accompagnée d'un inventaire mentionnant onze pièces, lesquelles y étaient numérotées par ordre croissant continu et désignées par des libellés suffisamment explicites, et que chacun des signets figurant au sein du fichier unique global transmis le 30 novembre 2019 était intitulé d'après le numéro d'ordre affecté par l'inventaire détaillé à la pièce qu'il répertoriait ;

- l'ordonnance a été prise en méconnaissance du droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il n'a pris connaissance à temps de la demande de régularisation faite par le tribunal administratif que le 23 décembre 2019, soit au-delà du délai de quinze jours qui lui avait été imparti pour régulariser sa requête.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 mai 2020, la commune de Lacanau, représentée par Me Heymans, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. D... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- il y a lieu de confirmer l'ordonnance du tribunal administratif de Bordeaux, dès lors que la requête de première instance de M. D... était irrecevable ;

- les moyens invoqués par M. D... tirés de l'erreur de droit au regard de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 et de l'erreur de fait ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... C...,

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,

- les observations de Me Pagnac, représentant M. D..., et de Me Quevarec, substituant Me Heymans, représentant la commune de Lacanau.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., directeur territorial, a occupé à compter de septembre 2001 les fonctions de directeur général des services de la commune de Lacanau par la voie du détachement sur emploi fonctionnel, auquel il a été mis fin en janvier 2016. Il a également exercé les fonctions de secrétaire du syndicat mixte de collecte et de traitement des ordures ménagères des communautés de communes Médoc Cœur de Presqu'île et Médoc Atlantique (SMICOTOM). Par une décision du 30 août 2018, le maire de Lacanau a informé M. D... de son intention d'émettre un titre de recettes d'un montant de 58 135,28 euros tendant au reversement des indemnités perçues par l'intéressé de la part de la SMICOTOM entre octobre 2013 et janvier 2016. Par un jugement n° 1800680 du 26 novembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette décision. Par une décision du 29 mai 2019, le maire de Lacanau a de nouveau émis un titre de recettes pour un montant de 39 448,94 euros au titre des rémunérations perçues de la part de la SMICOTOM par M. D... entre le 1er juillet 2014 et le 31 janvier 2016. M. D... relève appel de l'ordonnance n° 1905893 du 16 janvier 2020 par laquelle le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté comme manifestement irrecevable sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 mai 2019 et de celle du 4 octobre 2019 rejetant son recours gracieux.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 412-2 du code de justice administrative : " Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé. (...) ". Aux termes de l'article R. 414-1 du même code : " Lorsqu'elle est présentée par un avocat (...) la requête doit, à peine d'irrecevabilité, être adressée à la juridiction par voie électronique au moyen d'une application informatique dédiée accessible par le réseau internet. (...) ". Aux termes de l'article R. 414-3 de ce code : " (...) / Les pièces jointes sont présentées conformément à l'inventaire qui en est dressé. / Lorsque le requérant transmet, à l'appui de sa requête, un fichier unique comprenant plusieurs pièces, chacune d'entre elles doit être répertoriée par un signet la désignant conformément à l'inventaire mentionné ci-dessus. S'il transmet un fichier par pièce, l'intitulé de chacun d'entre eux doit être conforme à cet inventaire. Le respect de ces obligations est prescrit à peine d'irrecevabilité de la requête. (...) ". Ces dispositions relatives à la transmission de la requête et des pièces qui y sont jointes par voie électronique définissent un instrument et les conditions de son utilisation qui concourent à la qualité du service public de la justice rendu par les juridictions administratives et à la bonne administration de la justice. Elles ont pour finalité de permettre un accès uniformisé et rationalisé à chacun des éléments du dossier de la procédure, selon des modalités communes aux parties, aux auxiliaires de justice et aux juridictions.

3. A cette fin, ces dispositions organisent plus particulièrement la transmission par voie électronique des pièces jointes à la requête à partir de leur inventaire détaillé. Cet inventaire doit s'entendre comme une présentation exhaustive des pièces par un intitulé comprenant, pour chacune d'elles, un numéro dans un ordre continu et croissant ainsi qu'un libellé suffisamment explicite. Ces dispositions imposent également de désigner chaque pièce dans l'application Télérecours, au moins par le numéro d'ordre qui lui est attribué par l'inventaire détaillé, que ce soit dans l'intitulé du signet la répertoriant dans le cas de son intégration dans un fichier unique global comprenant plusieurs pièces ou dans l'intitulé du fichier qui lui est consacré dans le cas où celui-ci ne comprend qu'une seule pièce. Dès lors, la présentation des pièces jointes est conforme à leur inventaire détaillé lorsque l'intitulé de chaque signet au sein d'un fichier unique global ou de chaque fichier comprenant une seule pièce comporte au moins le même numéro d'ordre que celui affecté à la pièce par l'inventaire détaillé. En cas de méconnaissance de ces prescriptions, la requête est irrecevable si le requérant n'a pas donné suite à l'invitation à régulariser que la juridiction doit, en ce cas, lui adresser par un document indiquant les modalités de régularisation de la requête.

4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la requête introduite par M. D... devant le tribunal administratif de Bordeaux comportait diverses pièces qui n'étaient pas désignées individuellement par des signets conformément à leur inventaire, comme le prévoient les dispositions précitées de l'article R. 414-3 du code de justice administrative. De plus, le bordereau produit avec la requête mentionne onze pièces alors que douze pièces ont en réalité été annexées à celle-ci. Enfin, aucune des pièces affectées d'un numéro, produites en annexe de la requête de M. D..., ne correspond, par leur contenu, aux intitulés mentionnés, pour chacun de ces numéros, dans le bordereau. Dans ces conditions, en invitant M. D... à régulariser sa requête par la production des pièces jointes assorties des signets les désignant conformément à leur inventaire, le président du tribunal administratif de Bordeaux a fait une exacte application des dispositions précitées de l'article R. 414-3 du code de justice administrative.

5. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ". D'autre part, aux termes de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors en vigueur : " Toute juridiction peut adresser par le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1, à une partie ou à un mandataire qui y est inscrit, toutes les communications et notifications prévues par le présent livre pour tout dossier. / Les parties ou leur mandataire sont réputés avoir reçu la communication ou la notification à la date de première consultation du document qui leur a été ainsi adressé, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition du document dans l'application, à l'issue de ce délai. (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le greffe du tribunal administratif de Bordeaux a, le 5 décembre 2019, mis à la disposition du conseil de M. D..., sous forme dématérialisée, en utilisant l'application informatique " Télérecours ", une demande de régularisation de la requête au regard des dispositions des articles R. 412-2 et R. 414-3 du code de justice administrative et en lui impartissant à cette fin, à peine d'irrecevabilité, un délai de quinze jours suivant la réception de cette demande. Si M. D... a pris effectivement connaissance de cette demande de régularisation le 23 décembre 2019 seulement, ainsi qu'il ressort de l'accusé de réception de l'application informatique, il résulte néanmoins des dispositions précitées de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative qu'il doit être réputé en avoir reçu communication de la demande de régularisation au plus tard à l'issue d'un délai de deux jours ouvrés courant à compter de la mise à disposition de cette demande dans l'application " Télérecours ", soit le lundi 9 décembre 2019. En dépit de cette demande de régularisation, M. D... ne s'est pas conformé dans le délai imparti aux exigences de présentation des pièces jointes fixées par l'article R. 414-3 du code de justice administrative. Par suite, c'est à bon droit que le président du tribunal administratif de Bordeaux a, par l'ordonnance attaquée, rejeté cette demande, qui n'avait pas été régularisée, comme manifestement irrecevable.

7. Si M. D... soutient que le rejet pour irrecevabilité de sa requête par l'ordonnance attaquée a méconnu son " droit à un procès équitable ", tel que reconnu par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il résulte de ce qui a été dit précédemment que ce rejet ne découle que de l'absence de régularisation de la requête par M. D..., malgré la demande qui lui a été faite, et de l'application des dispositions précitées du code de justice administrative qui, dans le cadre qu'elles fixent et avec les garanties qu'elles prévoient, n'ont ni pour objet ni pour effet de restreindre l'accès à la justice ou, en tout état de cause, de porter atteinte au droit au recours effectif.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Dès lors, sa requête doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Lacanau, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas non plus lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... la somme demandée par la commune de Lacanau en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Lacanau au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et à la commune de Lacanau.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Frédéric Faïck, président,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2022.

La rapporteure,

Pauline C...Le président,

Frédéric Faïck

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne à la préfète de la Gironde en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20BX01120 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre bis (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX01120
Date de la décision : 26/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FAÏCK
Rapporteur ?: Mme Pauline REYNAUD
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : PAGNAC

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-10-26;20bx01120 ?
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