Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 30 septembre 2020 et un mémoire enregistré le 16 avril 2021, la société civile de construction vente (SCCV) Tresort 1, représentée par Me Courrech, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 13 août 2020, par lequel le maire de Niort a refusé de lui délivrer le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la réalisation d'un ensemble commercial composé de trois bâtiments d'une surface de vente totale de 3953 m2, composé de 4 cellules commerciales, situé 512 avenue de Limoges-ZAC Terre de Sport à Niort (Deux-Sèvres) ;
2°) d'enjoindre à la commune de Niort de statuer à nouveau sur sa demande dans le délai de deux mois suivant le nouvel avis de la Commission nationale d'aménagement commercial ;
3°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial d'émettre un avis favorable sur sa demande dans le délai de quatre mois suivant sa nouvelle saisine.
Elle soutient que :
- sa requête introduite dans le délai de deux mois suivant la notification du refus de permis de construire est recevable ;
- la commission nationale n'avait pas compétence pour émettre un avis défavorable au projet dès lors que les deux associations requérantes se sont purement et simplement désistées de leurs recours par un courrier du 11 juin 2020 ; les parties ont été privées d'une garantie dès lors que la commission nationale ne les a pas mis à même de présenter leurs observations sur la question de droit relative à l'application de l'ordonnance du 25 mars 2020 aux désistements ; le désistement d'un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial ne relève pas des exclusions de l'alinéa 3 de l'article 2 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative aux délais de renonciation, réflexion et rétractation tels que définis par la circulaire du 17 avril 2020 ; le décret du 12 février 2015 est entaché d'un vice d'incompétence dès lors que l'institution d'un droit d'auto-saisine ou la possibilité de ne pas tenir compte du désistement ne peut résulter que de la loi ; il appartiendra au maire de réexaminer à nouveau sa demande de permis de construire sans solliciter un réexamen de la part de la commission nationale ;
- en ce qui concerne le grief tiré de l'atteinte au centre-ville, l'avis de la Commission nationale n'est pas suffisamment motivé ; le projet n'aura aucun impact négatif sur les commerces situés dans le Passage du commerce en cours de réhabilitation et qui n'a pas vocation à accueillir des surfaces de vente moyennes ;
- l'attribution de subvention au titre du fonds FISAC ou la sélection de communes au titre du plan " Action cœur de ville " n'apparaissent pas par elles-mêmes de nature à justifier le refus du projet ;
- la volonté de la collectivité ainsi que cela ressort du schéma de cohérence territoriale est de promouvoir une synergie harmonieuse entre la périphérie et le centre-ville en développant également la zone commerciale Terre de Sport et non de développer uniquement le centre-ville ; la chambre de commerce et d'industrie s'est d'ailleurs prononcée en faveur du projet relevant sa réelle complémentarité avec le centre-ville ;
- la Commission nationale a retenu le grief relatif à l'absence de réduction de l'imperméabilisation des sols alors que la technique d'infiltration des eaux de ruissellement des aires de stationnement dans le sol permettant une perméabilité totale initialement prévue par la société a été écartée par les services instructeurs en raison de problématique de protection de captage de l'eau ; aucun problème particulier d'ordre hydraulique n'a été relevé qui justifierait la remise en cause d'une imperméabilisation modérée conforme à l'aménagement de la zone ;
- la circonstance que le projet situé dans un quartier éloigné du centre-ville favoriserait l'usage de la voiture ne saurait fonder par elle-même un avis défavorable alors au demeurant que le projet est bien desservi en transports en commun et que la zone comporte des accès piétonniers et une continuité en cheminement doux avec les autres secteurs de la zone d'aménagement concertée ;
- le caractère lacunaire de l'étude d'impact sur la possibilité pour le projet de s'insérer dans une friche et de l'analyse de la vacance ne saurait fonder un avis défavorable alors que la production d'une telle étude à la date du dépôt de la demande de permis de construire n'était pas juridiquement requise et que les services d'instruction de la Commission nationale n'ont jamais fait part d'une insuffisance des éléments fournis ; les analyses chiffrées de la Commission nationale ont été contestées par le président de la chambre de commerce et d'industrie ; la vacance sur Niort comme sur les communes périphériques est inférieure au taux national ;
- l'incertitude alléguée par la commission sur les capacités de la voirie à absorber les flux supplémentaires apportés par le projet est contredite par l'analyse du service départemental instructeur qui relève l'absence de toute difficulté de circulation ; les chiffres du bureau d'étude sont basés sur un projet prévisionnel de 18 000 m2 de surface de plancher à vocation commerciale alors que le projet en litige ne développe qu'une surface de plancher de 6 296 m2 ; il n'y a pas lieu de tenir compte des projets hypothétique ou abandonnés ;
- c'est à tort que la commission nationale a retenu le caractère disproportionné des bâtiments alors qu'ils ont adopté le même parti architectural que ceux existants de l'autre côté de la voirie afin d'assurer leur insertion dans l'environnement ;
- le porteur du projet intervenant en qualité de promoteur, il ne pouvait s'engager sur l'origine des produits qui seraient vendus par les futurs exploitants pour valoriser les filières de production locale ; le projet va toutefois générer temporairement des emplois locaux en phase de chantier puis des emplois induits liés à la sécurité, à l'entretien des espaces verts et des surfaces de vente, soit plus de 50 emplois.
Par un mémoire, enregistré le 12 novembre 2020, la Commission nationale de l'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- les conclusions à fin d'injonction formulées à l'encontre de la Commission nationale d'aménagement commercial sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative sont irrecevables ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un mémoire enregistré le 14 décembre 2020, la commune de Niort, représentée par Me Caradeux, demande à la cour de constater qu'elle était tenue de refuser le permis de construire sollicité au vu de l'avis défavorable de la Commission nationale d'aménagement commercial.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 ;
- le décret n° 2015-165 du 12 février 2015 :
- le décret n° 2019-331 du 17 avril 2019 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... B...,
- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,
- et les observations de Me Carteret, représentant la société SCCV Tresort 1 et de Me Gallois, représentant la commune de Niort.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile de construction vente (SCCV) Tresort 1 a déposé le 18 octobre 2019 une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création à Niort, au sein de la zone d'aménagement concertée (ZAC) des Terres de Sport, d'un ensemble commercial composé de trois bâtiments comprenant 4 cellules de secteur 2 pour une surface totale de vente de 3 953 m2 (1843 m2, 960 m2, 743 m2 et 407 m2). Le 21 janvier 2020, la commission départementale d'aménagement commercial des Deux-Sèvres a émis un avis favorable au projet. Les 27 et 28 février 2020, les associations " Espaces Niort Aiffres " et " Commerçants de l'Espace Mendes France " ont saisi la Commission nationale d'aménagement commercial d'un recours contre cet avis. Par des courriers datés du 11 juin 2020, les deux associations ont informé le secrétariat de la commission nationale du retrait des recours déposés. Par une décision du 25 juin 2020, la Commission nationale d'aménagement commercial a informé lesdites associations de sa décision d'examiner le dossier malgré ce retrait et a un émis un avis défavorable au projet le 8 juillet 2020. Par un arrêté du 13 août 2020, le maire de Niort a refusé de délivrer le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale sollicité. La société SCCV Tresort 1 demande à la cour d'annuler ce refus de permis de construire.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 752-17 du code du commerce : " I.- Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. (...) / V.- " La Commission nationale d'aménagement commercial peut se saisir de tout projet mentionné à l'article L. 752-1 dont la surface de vente atteint au moins 20 000 mètres carrés dans le délai d'un mois suivant l'avis émis par la commission départementale d'aménagement commercial conformément au I du présent article ou suivant la décision rendue conformément au II. Elle émet un avis ou rend une décision sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6. Cet avis ou cette décision se substitue à celui de la commission départementale. En l'absence d'avis ou de décision exprès de la commission nationale dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine, l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial est réputé confirmé. ". Aux termes de l'article L. 752-24 de ce code : " Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent chapitre ". Aux termes de l'article R. 752-33 du même code, tel que modifié par le décret du 12 février 2015: " Lorsqu'après l'expiration d'un délai de deux mois suivant sa réception par le président de la commission nationale, un requérant retire son recours contre la décision ou l'avis de la commission départementale, la commission nationale peut néanmoins, selon les règles prévues au premier alinéa de l'article R. 752-38, décider de se prononcer sur le projet qui lui est soumis. Elle informe les parties de sa décision dix jours au moins avant la réunion au cours de laquelle le projet sera examiné. ".
3. Il ressort des pièces du dossier ainsi qu'il a été dit, que par des courriers du 11 juin 2020, les deux association requérantes " Espace Niort Aiffres " et " Commerçants de l'espace Mendes-France " ont informé le secrétariat de la Commission nationale d'aménagement commercial du retrait des recours déposés à l'encontre de l'avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial. Par un courrier du 25 juin 2020, la commission nationale a informé les deux associations de sa décision d'examiner le dossier en dépit de ce retrait.
4. Il résulte des dispositions de l'article L. 752-17 précitées telles qu'issues de la loi du 18 juin 2014 que le législateur a entendu définir strictement les modalités de saisine de la Commission nationale d'aménagement commercial. La faculté reconnue à la Commission nationale d'aménagement commercial de s'autosaisir dans le délai d'un mois suivant l'avis émis par la commission départementale d'aménagement commercial est réservée aux seuls projets dont la surface de vente est supérieure ou égale à 20 000 mètres carrés et à ceux ayant déjà atteint ce seuil ou devant le dépasser par la réalisation du projet. Or, les dispositions de l'article R. 752-33 du code du commerce, qui permettent à la Commission nationale d'aménagement commercial de se prononcer sur un projet malgré le désistement du recours formé devant elle, ont pour effet d'autoriser la Commission nationale à examiner des projets pour lesquels, à la date à laquelle elle statue, elle n'est plus saisie par l'une des personnes mentionnées au I. de l'article L. 752-17 du code de commerce. Par suite en fixant, par les dispositions de l'article R.752-33 du code de commerce, un cas dans lequel la Commission nationale d'aménagement commercial peut d'elle-même examiner un projet malgré la renonciation au recours intervenue en cours d'instruction, le pouvoir règlementaire a méconnu les dispositions de l'article L. 752-17 du code de commerce. Dès lors, la société requérante est fondée à soutenir que la Commission nationale d'aménagement commercial ne pouvait régulièrement émettre un avis sur le fondement de l'article R. 752-33 du code de commerce.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête dirigés à l'encontre de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial du 8 juillet 2020, que la société SCCV Tresort 1 est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 13 août 2020, par lequel le maire de Niort a refusé de lui délivrer le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ".
7. En vertu de ces dispositions, le juge administratif peut, s'il annule la décision prise par l'autorité administrative sur une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale et en fonction des motifs qui fondent cette annulation, prononcer une injonction tant à l'égard de l'autorité administrative compétente pour se prononcer sur la demande de permis qu'à l'égard de la Commission nationale d'aménagement commercial.
8. L'annulation prononcée par le présent arrêt, implique uniquement, eu égard au motif qui la fonde, le réexamen de la demande de permis de construire de la société SCCV Tresort 1 au vu de l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial des Deux-Sèvres du 21 janvier 2020, remis en vigueur. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au maire de Niort de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire de la société requérante, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté du maire de Niort du 13 août 2020 est annulé.
Article 2 : Il est enjoint au maire de Niort de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire de la société SCCV Tresort 1 dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCCV Tresort 1, à la commune de Niort, à la Commission nationale d'aménagement commercial.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Luc Derepas, président de la cour,
Mme Marianne Hardy, présidente de chambre,
Mme Christelle Bouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2022.
La rapporteure,
Birsen B...
Le président,
Luc DerepasLa greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne à la ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX03279