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12/10/2022 | FRANCE | N°20BX02212

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre bis (formation à 3), 12 octobre 2022, 20BX02212


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 9 mai 2018 par laquelle le maire de Vic-Fezensac a rejeté sa demande tendant à la réévaluation du montant de son indemnité spécifique de service au titre des années 2013 à 2018, d'enjoindre à la commune de lui verser la somme de 36 006 euros au titre de cette indemnité et de condamner la commune à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Par un jugement n° 1801406 du 24 juin 2020,

le tribunal a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 9 mai 2018 par laquelle le maire de Vic-Fezensac a rejeté sa demande tendant à la réévaluation du montant de son indemnité spécifique de service au titre des années 2013 à 2018, d'enjoindre à la commune de lui verser la somme de 36 006 euros au titre de cette indemnité et de condamner la commune à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Par un jugement n° 1801406 du 24 juin 2020, le tribunal a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 16 juillet 2020, le 31 mai 2021 et le 3 novembre 2021, M. C... B..., représenté par Me Kediri-Bonny, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1801406 du tribunal ;

2°) d'annuler la décision du maire de Vic-Fezensac du 9 mai 2018 ;

3°) d'enjoindre à la commune de Vic-Fezensac de retenir un coefficient de grade tenant compte de son grade, de son échelon et de son ancienneté et de lui verser la somme de 36 006 euros majorée des intérêts au taux légal ;

4°) de condamner la commune à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

5°) de mettre à la charge de la commune la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en application du principe de parité, il a droit, en sa qualité d'ingénieur territorial principal, occupant les fonctions de directeur des services techniques de la commune, à l'indemnité spécifique de service instituée par le décret n° 2003-799 du 25 août 2003 pour les ingénieurs des travaux publics de l'Etat et par l'arrêté ministériel du 25 août 2003 ;

- cette indemnité est calculée en multipliant un taux de base par un coefficient de grade et par un coefficient de modulation par services ; si le taux de base et le coefficient de modulation par services peuvent être modulés par l'autorité territoriale, il n'en est pas de même du coefficient de base, qui est fixe ; ainsi, en modulant également ce coefficient de grade pour le calcul de l'indemnité servie, le maire a commis une illégalité dès lors que ce coefficient est fixé par décret et qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne permet à l'administration de moduler ce coefficient ;

- il convient en conséquence de lui appliquer un coefficient de grade de 43 puis de 51 qui sont ceux prévus par les textes, sans possibilité de modulation ;

- il a droit alors à une somme de 36 006 euros au titre de l'indemnité spécifique de service ainsi qu'une somme de 5 000 euros destinée à réparer son préjudice moral.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 20 avril 2021 et le 26 juillet 2021, la commune de Vic-Fezensac, représentée par Me Leeman et Me Levrey, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ;

- le décret n° 2003-799 du 25 août 2003 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... A...,

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,

- et les observations de Me Kediri-Bonny, représentant M. B..., et de Me Levrey, représentant la commune de Vic-Fezensac.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ingénieur territorial principal, occupe les fonctions de directeur des services techniques de la commune de Vic-Fezensac. Par courrier du 24 janvier 2018, il a contesté le mode de calcul de l'indemnité spécifique de service qui lui était servie à raison de ses fonctions. Le 25 janvier 2018, le maire lui a répondu que son indemnité était calculée conformément aux dispositions règlementaires applicables. Néanmoins, le 5 mars 2018, M. B... a persisté à demander au maire de lui verser la somme correspondant au reliquat de l'indemnité spécifique de service lui restant dû. Cette demande ayant été rejetée par une décision du 9 mai 2018, M. B... a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande tendant à l'annulation de cette dernière décision, à ce qu'il soit enjoint à la commune de Vic-Fezensac de lui verser une somme de 36 006 euros ainsi qu'une somme de 5 000 euros destinée à réparer son préjudice moral. Le tribunal administratif de Pau a rejeté ces demandes par un jugement rendu le 24 juin 2020 dont M. B... relève appel.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les organes délibérants des collectivités territoriales (...) fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat. Ces régimes indemnitaires peuvent tenir compte des conditions d'exercice des fonctions et de l'engagement professionnel des agents. (...) ".

3. Aux termes de l'article 91 du décret du 6 septembre 1991 pris pour l'application de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales (...) pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes. Le tableau joint en annexe établit les équivalences avec la fonction publique de l'Etat des différents grades des cadres d'emplois de la fonction publique territoriale dans le domaine de l'administration générale, dans le domaine technique (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " L'assemblée délibérante de la collectivité (...) fixe, dans les limites prévues à l'article 1er, la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités (...) L'autorité investie du pouvoir de nomination détermine, dans cette limite, le taux individuel applicable à chaque fonctionnaire. " Selon le tableau joint en annexe au décret du 6 septembre 1991, le grade d'ingénieur territorial principal dans la fonction publique territoriale a pour équivalent, dans la fonction publique de l'Etat, celui d'ingénieur divisionnaire des travaux publics de l'Etat.

4. Aux termes de l'article 1er du décret du 25 août 2003 relatif à l'indemnité spécifique de service, applicable à certains fonctionnaires de l'Etat : " Les (...) ingénieurs des travaux publics de l'Etat (...) bénéficient, dans la limite des crédits ouverts à cet effet, d'une indemnité spécifique de service. Cette indemnité leur est versée l'année civile suivant celle correspondant au service rendu par les agents concernés (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " (...) les taux moyens annuels de cette indemnité sont définis (...) par un taux de base affecté d'un coefficient correspondant à leurs grades et emplois et d'un coefficient propre à chaque service. Le taux de base et le coefficient de modulation par service qui lui est affecté sont fixés par arrêté conjoint du ministre chargé de l'équipement, du ministre chargé du budget et du ministre chargé de la fonction publique. ". Aux termes de l'article 4 de ce décret : " Les coefficients prévus aux articles 2 et 3 du présent décret, propres aux corps et grades de fonctionnaires des corps techniques de l'équipement précisés à l'article 1er du présent décret, sont les suivants : (...) II. - Corps des ingénieurs des travaux publics de l'Etat : - Ingénieur divisionnaire des travaux publics de l'Etat ayant au moins cinq ans d'ancienneté dans le grade (à compter du 6e échelon) : 51 ; - Ingénieur divisionnaire des travaux publics de l'Etat n'ayant pas cinq ans d'ancienneté dans le grade (à compter du 6e échelon) : 43 ; - Ingénieur divisionnaire des travaux publics de l'Etat (du 1er au 5e échelon inclus) : 43 ; (...) ".

5. Par une délibération du 31 mars 2008, le conseil municipal de Vic-Fezensac a inclus, dans le régime indemnitaire du directeur des services techniques, le bénéfice de l'indemnité spécifique de service tout en précisant que le maire disposerait d'un pouvoir d'appréciation pour en moduler le montant. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 2 août 2011, le maire de Vic-Fezensac a fixé l'indemnité spécifique de service de M. B... selon les modalités suivantes : taux de base X coefficient du grade (28,83) X coefficient de modulation du service (1.00). Ce faisant, le maire a appliqué à M. B... un coefficient de grade inférieur à celui qui serait résulté de l'application de l'article 4 précité du décret du 25 août 2003 aux ingénieurs des travaux publics de l'Etat qui ont pour équivalents, dans la fonction publique territoriale, les ingénieurs territoriaux principaux.

6. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 et du décret du 6 septembre 1991, citées aux points 2 et 3 ci-dessus, qu'il revient à l'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale de fixer elle-même la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités bénéficiant aux fonctionnaires de la collectivité, sans que le régime ainsi institué puisse être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat d'un grade et d'un corps équivalents au grade et au cadre d'emplois de ces fonctionnaires territoriaux et sans que la collectivité soit tenue de faire bénéficier ses fonctionnaires de régimes indemnitaires identiques à ceux des fonctionnaires de l'Etat. Il lui est notamment loisible de subordonner le bénéfice d'un régime indemnitaire à des conditions plus restrictives que celles qui sont applicables aux fonctionnaires de l'Etat.

7. Par suite, et alors que les dispositions du décret du 25 août 2003 et de l'arrêté du même jour pris pour son application, lesquels ne régissent pas la situation des fonctionnaires territoriaux, excluent la possibilité de modifier le coefficient de grade pour le calcul de l'indemnité spécifique de service, le maire de Vic-Fezensac n'a pas commis d'erreur de droit en retenant, pour calculer l'indemnité de M. B..., un coefficient de grade inférieur à celui qui serait résulté de l'application de l'article 4 du décret du 25 août 2003. En procédant de la sorte, le maire n'a pas davantage porté atteinte au principe de parité qui n'impose nullement à l'autorité territoriale d'aligner à l'identique le régime indemnitaire des agents de la fonction publique territoriale sur celui des agents de la fonction publique de l'Etat.

8. En deuxième lieu, la modification du coefficient de grade à laquelle le maire a procédé pour M. B... n'a pas, en elle-même, porté atteinte au principe d'égalité entre les agents de l'Etat et ceux des collectivités territoriales dont M. B... invoque la méconnaissance sans autres précisions.

9. En troisième et dernier lieu, le pouvoir dont dispose l'autorité territoriale de modifier le coefficient de grade n'implique pas, par lui-même, d'atteinte au principe d'égalité entre les collectivités territoriales et entre les agents d'une même collectivité territoriale. A cet égard, il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est pas allégué, que d'autres agents de la commune placés dans la même situation que M. B... auraient bénéficié d'un coefficient de grade plus favorable. Ce moyen tiré de l'atteinte au principe d'égalité doit être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 9 mai 2018.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

12. En prenant la décision en litige du 9 mai 2018, le maire de Vic-Fezensac n'a pas commis d'illégalité fautive susceptible d'engager la responsabilité de la commune vis-à-vis de M. B.... Par suite, les conclusions indemnitaires de la requête doivent être rejetées.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées par M. B... tendant à ce que la commune, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, lui verse une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de M. B... la somme de 1 500 euros au titre des frais, non compris dans les dépens, exposés par la commune de Vic-Fezensac.

DECIDE

Article 1er : La requête n° 20BX02212 de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à la commune de Vic-Fezensac la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la commune de Vic-Fezensac.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Frédéric Faïck, président,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2022.

L'assesseur le plus ancien,

Florence Rey-Gabriac

Le président-rapporteur,

Frédéric A...

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au préfet du Gers en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20BX02212 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre bis (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX02212
Date de la décision : 12/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FAÏCK
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : CABINET TEN FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-10-12;20bx02212 ?
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