Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2021 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi et, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de quarante-cinq jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, dans le même délai et sous la même astreinte, de procéder à un nouvel examen de sa situation.
Par un jugement n° 2103155 du 29 avril 2022, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 20 juillet 2021 et a enjoint à la préfète de la Vienne de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er juin 2022, le préfet de la Vienne demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 avril 2022 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) de rejeter la requête de M. A....
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il ne s'est pas prononcé " sur le moyen tiré de l'irrecevabilité " de la requête qui était tardive et donc irrecevable ;
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour n'a été prise ni en méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale de New-York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale de New-York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- la décision fixant le pays de destination n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire, enregistré le 28 juin 2022, M. A..., représenté par la Scp Gand-Pascot, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
Par une décision du 30 juin 2022 du tribunal judiciaire de Bordeaux, M. A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., ressortissant tunisien né le 23 janvier 1968, est entré sur le territoire français le 16 février 2020 sous couvert d'un visa de court séjour valable jusqu'au 25 octobre 2020. Le 17 février 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " en se prévalant de ses liens privés et familiaux en France. Par un arrêté du 20 juillet 2021, la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer le titre sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, sur le fondement du 3° de l'article L.611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 29 avril 2022, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté et a enjoint à la préfète de la Vienne de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le préfet de la Vienne relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le tribunal administratif de Poitiers a omis d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la demande de M. A... par la préfète de la Vienne. Son jugement, qui est entaché d'irrégularité pour ce motif, doit être annulé.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 614-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions et délais prévus au présent chapitre, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision relative au délai de départ volontaire et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. / Les dispositions du présent chapitre sont applicables au jugement de la décision fixant le pays de renvoi contestée en application de l'article L. 721-5 (...) ". Aux termes de l'article L. 614-4 du même code : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le tribunal administratif est saisi dans le délai de trente jours suivant la notification de la décision / L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".
4. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article 43 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles : " (...) Lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée ou déposée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai (...) ".
5. Il résulte des mentions portées sur l'avis de réception produit par la préfète de la Vienne que le pli contenant l'arrêté contesté, dont la notification était accompagnée de la mention des voies et délais de recours, a été présenté à l'adresse déclarée par M. A... le 26 juillet 2021. La seule circonstance que la date du " 26/07/2021 " " ne figure pas dans l'encadré " distribué le : " mais uniquement dans l'encadré " présenté/avisé le : " n'est pas de nature à remettre en cause la preuve apportée par le préfet de la date de délivrance effective du pli dès lors que l'accusé de réception a été signé par M. A..., qui ne le conteste pas et ne soutient pas devant la cour que la notification serait intervenue à une autre date. Dans ces conditions, la notification de l'arrêté du 20 juillet 2021, qui doit être regardée comme ayant été régulièrement effectuée le 26 juillet 2021, a fait courir le délai de trente jours dont disposait M. A... pour saisir le tribunal administratif d'un recours contentieux. La demande d'aide juridictionnelle présentée par l'intéressé le 1er septembre 2021, après l'expiration de ce délai, n'a pas eu pour effet de l'interrompre. Ce délai était expiré lorsque la demande de M. A... a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Poitiers le 3 décembre 2021. Par suite, le préfet de la Vienne est fondé à soutenir que la demande de première instance était tardive et, par conséquent, irrecevable.
6. Il résulte de ce qui précède que le jugement du 29 avril 2022, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 20 juillet 2021 du préfet de la Vienne et lui a enjoint de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, doit être annulé et la demande de M. A... doit être rejetée comme étant irrecevable en raison de sa tardiveté.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2103155 du 29 avril 2022 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.
Article 2 : La demande de première instance et les conclusions d'appel de M. A... sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de la Vienne, à M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Florence Demurger, présidente,
Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 octobre 2022.
La rapporteure,
Karine B...
La présidente,
Florence Demurger
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22BX001522