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28/09/2022 | FRANCE | N°20BX01993

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre bis (formation à 3), 28 septembre 2022, 20BX01993


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 juin 2020 et 25 mai 2021, la société Ferme éolienne de Availles-Limouzine, représentée par Me Guiheux, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 22 avril 2020 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer une autorisation environnementale pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien sur le territoire de la commune d'Availles-Limouzine ;

2°) de lui délivrer l'autorisation sollicitée ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète d

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Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 juin 2020 et 25 mai 2021, la société Ferme éolienne de Availles-Limouzine, représentée par Me Guiheux, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 22 avril 2020 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer une autorisation environnementale pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien sur le territoire de la commune d'Availles-Limouzine ;

2°) de lui délivrer l'autorisation sollicitée ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète de la Vienne de statuer à nouveau sur sa demande, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société requérante soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé au regard de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'il n'indique pas les hameaux prétendument concernés par le risque de saturation visuelle et ne précise pas quels sont les éléments de faible hauteur présents dans le paysage concerné par le prétendu rapport d'échelle défavorable entraîné par la présence des éoliennes ;

- la préfète a entaché son arrêté d'erreur de droit et d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement, dès lors que le projet ne porte pas atteinte au paysage et au patrimoine environnant ; le site d'implantation du projet, par ses caractéristiques paysagères et son caractère fortement anthropisé, ne présente pas de sensibilité ou de qualité justifiant une protection particulière ;

- l'impact sur le paysage des travaux d'aménagement et de construction des éoliennes, non significatif, n'est, en toute hypothèse, pas durable mais est circonscrit à la durée des travaux de construction du parc éolien ;

- le balisage lumineux, conforme aux dispositions réglementaires et exigé par celles-ci, aura pendant la phase d'exploitation une incidence faible en période diurne et modérée en période nocturne ;

- le parc éolien n'engendrera pas un " rapport d'échelle disproportionné par rapport aux autres éléments de faible hauteur du paysage " ;

- le projet de parc éolien n'entraîne pas d'effets de saturation et d'encerclement sur les différents hameaux mentionnés dans l'étude d'impact ;

- la préfète de la Vienne a commis une erreur de droit au regard du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement en retenant que l'étude d'impact aurait dû prendre en considération le parc éolien de Pressac au titre de l'analyse des effets cumulés, dès lors qu'à la date du dépôt de la demande d'autorisation de la société requérante, le projet éolien de Pressac n'avait fait l'objet d'aucun avis de la part de l'autorité environnementale rendu public au titre du code de l'environnement ; en toute hypothèse, la société a bien pris en compte le parc éolien de Pressac en présentant un complément à son étude d'impact ;

- la préfète de la Vienne a commis une erreur de droit en fondant son refus sur les avis défavorables au projet du commissaire-enquêteur et de certains conseillers municipaux, dès lors qu'elle n'est pas liée par ces avis simples, lesquels ne permettent pas de fonder un refus d'autorisation environnementale ;

- la préfète de la Vienne a commis une erreur d'appréciation en retenant l'impossibilité de réaliser un raccordement de secours pour alimenter la population en eau potable en cas d'impact des éoliennes sur le captage d'eau potable de Boisse, dès lors que la société a prévu de mettre en place des mesures destinées à prévenir tout risque de pollution du captage lié aux phases de reconnaissance, de construction et d'exploitation du parc éolien, et qu'ainsi, aucun réseau de secours n'est nécessaire ;

Par un mémoire en défense enregistré le 4 février 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 24 mai 2021, et un mémoire en production de pièces, enregistré le 4 juin 2021, l'association Vent Rebelle, M. L... H..., Mme F... C..., M. N... M..., Mme I... X..., M. et Mme A... K..., M. B... J..., Mme E... J..., M. Z... P..., M. O... Y..., Mme AA... T..., Mme V... Y..., Mme U... S..., M. O... W..., Mme AB... AC... de Traversay et M. G... D... des Francs, représentés par Me Boudy, s'associent aux conclusion de l'Etat tendant au rejet de la requête de la société Ferme éolienne d'Availles-Limouzine et demandent que soit mise à la charge de la société requérante le versement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont tous intérêt à intervenir ;

- tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de la santé publique ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Q... R...,

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,

- les observations de Me Bonnin, substituant Me Guiheux, représentant la société Ferme éolienne de Availles-Limouzine, et de Me Boudy, représentant l'association Vent rebelle et autres.

Considérant ce qui suit :

1. La société Ferme éolienne de Availles-Limouzine a déposé le 9 mars 2018 à la préfecture de la Vienne une demande d'autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation d'un parc éolien composé de six aérogénérateurs d'une hauteur de 180 mètres en bout de pâle et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Availles-Limouzine. Par un arrêté du 22 avril 2020, la préfète de la Vienne a rejeté sa demande. La société Ferme éolienne de Availles-Limouzine demande à la cour l'annulation de cet arrêté.

Sur la recevabilité des demandes présentées par les intervenants :

2. En premier lieu, l'association Vent rebelle, qui a notamment pour objet, aux termes de l'article 2 de ses statuts : " la préservation, des paysages et du patrimoine ainsi que des intérêts liés à la nature, à l'agriculture, à l'élevage, à la chasse, au tourisme, à l'histoire et à la vie sociale, des territoires de la commune d'Availles-Limouzines et des communes voisines " ainsi que " l'opposition, notamment par toutes actions en justice (...) aux projets et installations de parcs éoliens présentant des nuisances pour les territoires de la commune d'Availles-Limouzines et des communes voisines ", justifie, au regard de son champ d'intervention, géographique comme matériel, d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien des conclusions de la ministre de la transition écologique tendant au rejet de la demande d'annulation du refus d'autorisation opposé à la société requérante.

3. Ainsi, dès lors qu'au moins l'un des intervenants est recevable, une intervention collective est recevable. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'intérêt à intervenir des autres intervenants ayant la qualité de personnes physiques, l'intervention de l'association Vent rebelle doit être admise.

4. En second lieu, la faculté de solliciter une substitution de motifs étant réservée à l'administration, auteure de l'arrêté attaqué, les intervenants ne sont pas recevables à invoquer d'autres motifs que ceux retenus par la préfète au soutien du refus d'autorisation contenu dans l'arrêté attaqué.

Sur la légalité de l'arrêté de refus du 22 avril 2020 :

En ce qui concerne le motif tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact :

5. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement : " (...) II. - (...) l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : (...) / 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, entre autres : (...) / e) Du cumul des incidences avec d'autres projets existants ou approuvés, en tenant compte le cas échéant des problèmes environnementaux relatifs à l'utilisation des ressources naturelles et des zones revêtant une importance particulière pour l'environnement susceptibles d'être touchées. Ces projets sont ceux qui, lors du dépôt de l'étude d'impact : (...) / - ont fait l'objet d'une évaluation environnementale au titre du présent code et pour lesquels un avis de l'autorité environnementale a été rendu public. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'étude d'impact doit comporter une analyse des effets cumulés du projet avec d'autres projets connus ayant fait l'objet, au moment du dépôt de l'étude d'impact, d'une évaluation environnementale pour laquelle un avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement a été rendu public.

6. Si la société Ferme éolienne de Availles-Limouzine, qui a déposé sa demande le 9 mars 2018, a complété, pour tenir compte des remarques du commissaire enquêteur, l'étude d'impact jointe à cette demande le 14 décembre 2018 puis le 18 mars 2019, il résulte toutefois des dispositions précitées de l'article R. 122-5 du code de l'environnement que les projets à prendre en compte au titre de l'analyse des effets cumulés d'une opération avec des projets existants ou approuvés, sont ceux ayant fait l'objet d'un avis de l'autorité environnementale rendu public à la date de la remise de l'étude d'impact par le pétitionnaire. Par suite, dès lors que le 9 mars 2018, date du dépôt de la demande de la société Ferme éolienne de Availles-Limouzine, l'autorité environnementale n'avait pas encore publié d'avis sur l'étude d'impact du parc éolien projeté sur le territoire de la commune de Pressac, au lieu-dit les Grandes Brandes, la société pétitionnaire n'était pas tenue d'analyser les effets cumulés de son opération avec ceux de cet autre projet. Il s'ensuit que la société requérante est fondée à soutenir que la préfète de la Vienne ne pouvait pas se fonder sur ce motif pour refuser la délivrance de l'autorisation sollicitée.

En ce qui concerne le motif tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-1 du code de l'environnement :

7. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, applicable en l'espèce : " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. / L'autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier. " Par ailleurs, aux termes de l'article L. 181-3 du même code, créé par la même ordonnance : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ".

8. Il résulte de l'instruction que le site d'implantation du parc éolien en litige, composé de six aérogénérateurs d'une hauteur de 180 mètres en bout de pales et d'un poste de livraison, se situe dans les unités paysagères de la Basse marche et des Terres froides, caractéristiques de certains paysages du Limousin et du Poitou-Charentes. Le site d'implantation envisagé se trouve au cœur de paysages ruraux bocagers et comportant de nombreux étangs. Il se positionne sur un point haut de la vallée de la Vienne, où le relief est peu marqué dès lors qu'il s'échelonne entre 160 et 200 mètres d'altitude. L'aire d'étude rapprochée du projet est essentiellement composée de terres agricoles, de boisements ainsi que des haies bocagères. L'habitat proche y est disséminé, et caractérisé par la présence de petits hameaux dispersés. Enfin, trois monuments historiques seulement se situent dans l'aire d'étude rapprochée du site, dont deux classés et un inscrit au titre de la législation sur les monuments historiques. Il résulte de ces considérations que le paysage qui environne le projet ne peut être regardé comme présentant un caractère ou un intérêt particulier à l'identité ou à l'attractivité desquelles le parc éolien porterait atteinte.

S'agissant de l'impact durable sur le paysage des travaux d'aménagement et de construction des éoliennes :

9. Il résulte de l'instruction, en particulier de l'étude d'impact (page 353) que la société pétitionnaire utilisera une partie des chemins ruraux et des voies communales existants, limitant ainsi la création de nouveaux chemins et l'ouverture de nouveaux passages, dans un paysage bocager, à l'accès aux éoliennes E1, E4 et E6 et aux dessertes finales des éoliennes E2 et E3. Il résulte par ailleurs de l'étude d'impact (page 490), que si le projet de parc éolien prévoit la destruction d'environ 140 mètres de haies arborées, de 220 mètres de haies arbustives et de 20 mètres de fourré arbustif, la société requérante s'est toutefois engagée à mettre en œuvre des mesures compensatoires prévoyant des plantations au double de la longueur détruite. En outre, contrairement à ce que fait valoir la ministre, ces mentions, qui obligent la société requérante dans la réalisation ultérieure de son projet dès lors qu'elles ont été intégrées dans sa demande, sont suffisantes alors même que l'étude d'impact ne précise pas encore exactement la localisation des zones à replanter, dont l'identification sera faite ultérieurement. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que la construction du poste de livraison, qui constitue notamment un ouvrage de dimension modeste, aura un impact négatif sur l'environnement.

Dans ces conditions, l'impact durable des travaux d'aménagement et de construction du parc éolien sur le paysage demeure limité et ne porte pas atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Par suite, la préfète de la Vienne ne pouvait pas se fonder sur ce motif pour refuser l'autorisation sollicitée.

S'agissant de la perception visuelle des éoliennes dues au balisage :

10. Alors que le balisage nocturne des éoliennes est indispensable pour respecter la réglementation en matière de signalisation des ouvrages pouvant constituer des obstacles à la navigation aérienne, il ne résulte pas de l'instruction que les dispositifs de clignotements lumineux nocturnes installés sur les éoliennes seraient de nature à causer une atteinte sensible à la commodité du voisinage, notamment sur le plan visuel, les habitations les plus proches se situant à plus de 500 mètres des futurs appareils. A cet égard, le pétitionnaire, qui a prévu des dispositifs conformes à la réglementation en vigueur, a indiqué, dans l'étude d'impact, qu'il entend mettre en place un balisage de moyenne intensité. Dans ces conditions, et en l'absence d'autres éléments invoqués par l'administration à l'appui de sa décision de refus, la société requérante est fondée à soutenir que la préfète de la Vienne ne pouvait pas retenir le motif tiré de ce que le projet exposerait le voisinage à " une perception visuelle importante renforcée la nuit par la signalisation " pour lui refuser l'autorisation sollicitée.

S'agissant du " rapport d'échelle disproportionné " entre les éoliennes et autres éléments de faible hauteur :

11. Il résulte de l'instruction, en particulier de l'étude d'impact (page 272) et des photomontages joints au volet paysager, que le positionnement des éoliennes, qui sont au nombre de six, n'entraînera pas un effet de surplomb particulier sur les paysages environnants de nature à altérer sensiblement la perception visuelle du secteur de la vallée de la Vienne. Par ailleurs, si la ministre de la transition écologique allègue que les prises de vues des photographies contenues dans le volet paysager joint à la demande ne respectent pas les préconisations du guide relatif à l'élaboration des études d'impacts des projets de parcs éoliens terrestres, d'une part, ce dernier document ne présente pas un caractère réglementaire qui conditionnerait la régularité des dossiers de demande, et d'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que les photographies et photomontages de la demande ne permettraient pas, compte tenu de la localisation des points de prises de vue et des angles choisis, d'apprécier de manière sincère l'impact visuel du projet sur son environnement. Par suite, la préfète de la Vienne ne pouvait se fonder sur l'existence d'un " rapport d'échelle disproportionné " entre les éoliennes et les autres éléments de faible hauteur pour refuser de délivrer l'autorisation sollicitée.

S'agissant des effets d'encerclement et de saturation visuelle :

12. Il est vrai que le projet de parc éolien de Availles-Limouzine s'inscrit dans un environnement dans lequel plusieurs autres parcs éoliens se trouvent déjà, à savoir le parc éolien de Mauprévoir, le parc éolien de la Benitière, le parc éolien de Pressac, le parc éolien de la Croix de Pauvet, le parc éolien de Hiesse et le parc éolien de la croix de Chalais. Il résulte toutefois de l'instruction, en particulier des photomontages produits, que sur les onze hameaux les plus susceptibles d'être impactés par le futur projet, deux d'entre eux seulement, ceux de Badeuil et de Boisse, sont soumis à un risque possible d'encerclement dans l'hypothèse où, aux parcs éoliens existants s'ajouteraient ceux à l'état de simple projet. D'ailleurs, le commissaire enquêteur a indiqué dans ses conclusions que ce risque d'encerclement était à relativiser compte tenu du caractère vallonné et bocager du paysage, dense et fourni, qui n'offre pas une profondeur uniforme aux différentes perspectives visuelles. Il résulte également de l'instruction que le projet de parc éolien en litige ne sera pas visible depuis les points de vues aux abords de la Vienne, situés en fond de vallée. Dans ces conditions, il n'est pas établi au dossier que le projet entraînerait un effet particulier de saturation justifiant qu'un refus d'autorisation soit opposé à la société Ferme éolienne d'Availles-Limouzine. Par suite, la préfète de la Vienne ne pouvait retenir ce motif pour refuser de délivrer l'autorisation sollicitée.

En ce qui concerne le captage d'eau potable de Boisse :

13. Aux termes de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique : " En vue d'assurer la protection de la qualité des eaux, l'acte portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines mentionné à l'article L. 215-13 du code de l'environnement détermine autour du point de prélèvement un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété, un périmètre de protection rapprochée à l'intérieur duquel peuvent être interdits ou réglementés toutes sortes d'installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux et, le cas échéant, un périmètre de protection éloignée à l'intérieur duquel peuvent être réglementés les installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols et dépôts ci-dessus mentionnés. (...) ". Selon l'article L. 1321-13 du même code : " A l'intérieur du périmètre de protection rapprochée, sont interdits les travaux, installations, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols susceptibles d'entraîner une pollution de nature à rendre l'eau impropre à la consommation humaine. Les autres travaux, installations, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols peuvent faire l'objet de prescriptions, et sont soumis à une surveillance particulière, prévues dans l'acte déclaratif d'utilité publique. Chaque fois qu'il est nécessaire, le même acte précise que les limites du périmètre de protection rapprochée seront matérialisées et signalées ".

14. Il est constant que deux des six éoliennes du projet se situent à l'intérieur du futur périmètre de protection rapprochée du captage d'eau de Boisse, ce qui a conduit le syndicat d'Eaux de Vienne à émettre des réserves sur le projet de parc éolien compte tenu de la vulnérabilité du captage d'eau et du risque de pollution des eaux que ce projet, qui prévoit la création d'excavations en phase de reconnaissance et/ou de chantier, pourrait entraîner. Il résulte toutefois de l'instruction que l'hydrogéologue agréé par le département de la Vienne a émis le 30 novembre 2017 un avis favorable à l'implantation des deux éoliennes au sein du périmètre de protection rapprochée sous réserve du respect de certaines préconisations à respecter lors des phases de reconnaissance, de réalisation et de fonctionnement du projet. Ces préconisations ont été reprises par la société pétitionnaire dans son étude d'impact et font partie intégrante de sa demande. La mission régionale d'autorité environnementale a par ailleurs indiqué, dans son avis émis le 27 mars 2019, que les mesures, notamment d'éloignement, que s'engage à mettre en œuvre la société pétitionnaire répondent à l'enjeu de protection des captages de l'eau potable. La préfète se borne à alléguer l'existence d'un risque théorique de pollution des eaux du captage sans produire éléments permettant d'estimer que la construction des deux éoliennes aurait réellement des conséquences défavorables pour la ressource en eau et les intérêt protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Dans ces conditions, compte tenu des engagements précis que la société pétitionnaire a pris dans sa demande, la préfète de la Vienne, ne pouvait fonder son refus en retenant qu'il serait impossible de réaliser un raccordement de secours pour alimenter la population en eau potable en cas de pollution du captage de Boisse par les travaux de construction des éoliennes.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Vienne du 22 avril 2020 lui refusant la délivrance d'une autorisation environnementale pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien sur le territoire de la commune d'Availles-Limouzine.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. Lorsqu'il statue en vertu de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, le juge administratif a le pouvoir d'autoriser la création et le fonctionnement d'une installation classée pour la protection de l'environnement en l'assortissant des conditions qu'il juge indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. Il a, en particulier, le pouvoir d'annuler la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé l'autorisation sollicitée et, après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d'accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu'il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions.

17. La ministre de la transition écologique ne se prévaut d'aucun autre motif de refus de l'autorisation d'exploiter les éoliennes du parc litigieux.

18. Eu égard aux motifs d'annulation retenus au présent arrêt, il y a lieu pour la cour de faire usage de ses pouvoirs de pleine juridiction en délivrant à la société Ferme éolienne de Availles-Limouzine l'autorisation environnementale dont relève le projet de parc éolien en vertu des dispositions de l'article L. 181-3 du code de l'environnement issues de l'ordonnance n° 2017-640 du 26 janvier 2017. La société requérante est renvoyée devant la préfète aux fins de fixation par celle-ci des conditions qui, le cas échéant, doivent assortir l'autorisation environnementale.

19. Il y a lieu d'enjoindre à la préfète de mettre en œuvre les mesures de publicité prévues à l'article R. 181-44 du code de l'environnement s'agissant de l'autorisation environnementale délivrée.

Sur les frais liés au litige :

20. D'une part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Ferme éolienne de Availles-Limouzine de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

21. D'autre part, les intervenants en défense n'étant pas partie à la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à la condamnation de la société Ferme éolienne d'Availles-Limouzine au versement de la somme qu'ils demandent sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de l'association Vent rebelle est admise.

Article 2 : L'arrêté du 22 avril 2020 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de délivrer à la société Ferme éolienne d'Availles-Limouzine l'autorisation environnementale sollicitée pour l'installation et l'exploitation d'un parc de six éoliennes sur le territoire de la commune d'Availles-Limouzine est annulé.

Article 3 : Il est délivré à la société Ferme éolienne d'Availles-Limouzine l'autorisation environnementale sollicitée pour son projet. La société Ferme éolienne d'Availles-Limouzine est renvoyée devant la préfète de la Vienne pour la fixation des conditions qui devront, le cas échéant, assortir ladite autorisation.

Article 4 : Il est prescrit à la préfète de mettre en œuvre les mesures de publicité prévues à l'article R. 181-44 du code de l'environnement s'agissant de l'autorisation environnementale délivrée au présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à la société Ferme éolienne d'Availles-Limouzine une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Les conclusions présentées par l'association Vent rebelle et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ferme éolienne d'Availles-Limouzine, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à l'association Vent rebelle, en qualité de représentant unique de l'ensemble des intervenants.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Frédéric Faïck, président,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2022.

La rapporteure,

Pauline R...Le président,

Frédéric Faïck

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20BX01993 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre bis (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX01993
Date de la décision : 28/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FAÏCK
Rapporteur ?: Mme Pauline REYNAUD
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : CABINET VOLTA

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-09-28;20bx01993 ?
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