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28/09/2022 | FRANCE | N°20BX00991

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre bis (formation à 3), 28 septembre 2022, 20BX00991


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'une part, d'annuler la décision du 15 janvier 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier d'Agen-Nérac a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 9 décembre 2016 et, d'autre part, d'enjoindre au centre hospitalier de reconnaître l'accident et les arrêts de travail en découlant imputables au service, et de prendre toutes les décisions d'ordre statutaire et pécuniaire qui s'imposent.



Par un jugement n° 1801867 du 6 février 2020, le tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'une part, d'annuler la décision du 15 janvier 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier d'Agen-Nérac a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 9 décembre 2016 et, d'autre part, d'enjoindre au centre hospitalier de reconnaître l'accident et les arrêts de travail en découlant imputables au service, et de prendre toutes les décisions d'ordre statutaire et pécuniaire qui s'imposent.

Par un jugement n° 1801867 du 6 février 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 15 janvier 2018 du directeur du centre hospitalier d'Agen-Nérac, et enjoint au centre hospitalier d'Agen-Nérac de reconnaître l'accident du 9 décembre 2016 imputable au service et de maintenir à Mme B..., pendant l'arrêt de travail du 10 décembre 2016 au 10 février 2017, le bénéfice de l'intégralité de son traitement et de la prime de service, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 mars 2020, le centre hospitalier d'Agen-Nérac, représenté par Me Munier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 février 2020 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les éléments invoqués par Mme B... ne permettent pas de conclure à une imputabilité au service de ses troubles anxio-dépressifs ;

- l'entretien du 9 décembre 2016 a été sollicité par Mme B... elle-même ; elle était en position d'arrêt de travail à ce moment ; il ne peut donc y avoir eu un accident de travail ;

- le rapport d'expertise sur lequel s'est fondé le tribunal comporte des éléments erronés, correspondant à des éléments qui lui ont été transmis par la seule Mme B... ; il y a déjà eu un entretien le 17 octobre 2016 au cours duquel Mme B... a été informée des griefs qui lui étaient reprochés, si bien qu'elle n'a pu découvrir brutalement le 9 décembre ces griefs comme elle l'a soutenu ; le lien établi par le médecin entre l'annonce des faits reprochés et la situation médicale de Mme B... est donc infondé ; au demeurant, l'intéressée elle-même reconnaît dans ses écritures qu'elle a été informée par sa hiérarchie des critiques sur son management lors de l'entretien du 17 octobre 2016 ; il n'est donc pas possible de considérer que la décompensation dont Mme B... a été la victime le 9 décembre 2016 aurait pour origine l'annonce brutale des critiques sur son mode de management ; dans ces conditions, l'expert n'établit pas un lien direct entre la réaction qu'a présentée Mme B... à la suite de l'entretien du 9 décembre 2016 et l'état de santé de celle-ci.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2020, Mme B..., représentée par Me Lapuelle, conclut au rejet de la requête du centre hospitalier d'Agen-Nérac et à ce qu'il soit mis à sa charge la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

-les moyens soulevés par le centre hospitalier ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, au titre de l'effet dévolutif, la cour jugera que la décision du 15 janvier 2018 est insuffisamment motivée et qu'elle a été prise sans attendre l'avis de la commission de réforme.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... D...,

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,

- et les observations de Me Munier, représentant le centre hospitalier d'Agen-Nérac, et de Me Foucard, substituant Me Lapuelle, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été recrutée par le centre hospitalier d'Agen-Nérac à compter du 1er juin 2008 en qualité de sage-femme cadre pour exercer les fonctions de cadre coordinatrice du pôle mère/enfant. Lors de son entretien d'évaluation au titre de l'année 2016, qui s'est tenu le 17 octobre 2016, sa supérieure hiérarchique, directrice des affaires médicales, lui a reproché son positionnement vis-à-vis de la direction des soins et des cadres du pôle, à l'origine de difficultés relationnelles et d'organisation dans le service. A la suite de cet entretien, Mme B... a été placée en position de congé pour maladie ordinaire du 18 octobre au 10 décembre 2016. Cependant, Mme B... a été reçue par le directeur des ressources humaines de l'établissement pour un second entretien qui a eu lieu dans les locaux du service le 9 décembre 2016 et au cours duquel il lui a été annoncé qu'elle ne pourrait reprendre ses fonctions de cadre coordinatrice du pôle compte tenu des problèmes engendrés par son mode de management. A l'issue de cet entretien, Mme B... a fait établir un rapport d'accident du travail pour " choc psychologique et syndrome anxio-dépressif réactionnel ", selon les termes de son certificat médical, et a été placée en arrêt de travail du 10 décembre 2016 au 10 février 2017. Le 11 février 2017, elle a repris des fonctions à la cellule " qualité et gestion des risques " de la direction du même nom. Par courrier du 29 juin 2017, Mme B... a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service des troubles anxio-dépressifs dont elle a souffert. Elle a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 15 janvier 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier d'Agen-Nérac a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ses problèmes de santé ayant fait suite à l'entretien du 9 décembre 2016 et à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier de reconnaître cette imputabilité. Par un jugement rendu le 6 février 2020, dont le centre hospitalier d'Agen-Nérac relève appel, le tribunal a fait droit aux demandes de Mme B....

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 relative à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois (...) Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service (...). Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales ".

3. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet accident du service, le caractère d'un accident de service. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien entre un agent et son supérieur hiérarchique ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent.

4. Pour annuler la décision en litige du 15 janvier 2018 du directeur du centre hospitalier d'Agen-Nérac, le tribunal administratif a considéré que l'entretien du 9 décembre 2016 avait constitué un évènement ayant le caractère d'un accident de service.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'entretien du 9 décembre 2016 avait pour but d'informer Mme B... des modalités de sa reprise de fonction à son retour de congé pour maladie sur un autre poste que celui qu'elle occupait précédemment. Si, au cours de cet entretien, le supérieur hiérarchique a informé Mme B... que son mode de management entraînait des difficultés relationnelles et dans l'organisation du service justifiant qu'elle soit affectée sur un autre poste, aucun élément au dossier ne permet d'estimer, en dépit des reproches que Mme B... a reçus à cette occasion, que l'administration aurait adopté un comportement ou tenu des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, de nature à révéler l'existence d'un accident de service. Quant à la circonstance que Mme B... ait particulièrement mal ressenti cet entretien au point de solliciter, et d'obtenir, un nouveau congé pour maladie, elle ne suffit pas, par elle-même, à établir l'existence d'un accident imputable au service.

6. Dès lors, et ainsi que le soutient le centre hospitalier requérant, c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision litigieuse au motif qu'elle est entachée d'une erreur dans l'appréciation de l'imputabilité au service de l'incident du 9 décembre 2016.

7. Il y a lieu pour la cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... à l'encontre de la décision en litige.

8. Aux termes de l'article 16 du décret du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière : " La commission départementale de réforme des agents des collectivités locales est obligatoirement consultée si la maladie provient de l'une des causes prévues au deuxième alinéa du 2° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée. ". L'administration, lorsqu'elle se prononce sur l'imputabilité au service de l'accident ou de la maladie du fonctionnaire, dans le cas mentionné au deuxième alinéa du 2° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, doit obligatoirement recueillir l'avis de la commission de réforme, sans être toutefois liée par cet avis.

9. Il ressort des pièces du dossier que la commission de réforme, saisie de la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident dont Mme B... soutenait avoir été la victime, a rendu son avis le 25 janvier 2018, soit postérieurement à la décision en litige du 15 janvier 2018. Ainsi, le centre hospitalier d'Agen-Nérac a pris sa décision sans attendre l'avis de la commission de réforme, lequel, bien qu'il soit consultatif, doit permettre à l'autorité compétente de se prononcer de façon éclairée, Dans ces conditions, Mme B... a été privée d'une garantie, et le vice commis a de plus été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise. Par suite, l'irrégularité qui entache la décision en litige du 15 janvier 2018 justifie son annulation.

10. Dès lors, le centre hospitalier d'Agen-Nérac n'est pas fondé à se plaindre de ce que les premiers juges ont annulé la décision litigieuse.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le vice de procédure retenu au point 9 du présent arrêt implique seulement qu'il soit procédé à un réexamen de la situation de Mme B... et non à ce qu'il soit prescrit au centre hospitalier de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 9 décembre 2016, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Bordeaux. Par suite, le centre hospitalier appelant est fondé à demander l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué qui lui a enjoint de régulariser la situation administrative et financière de Mme B... sur la période litigieuse en conséquence de la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident survenu à cette dernière. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par Mme B....

Sur les frais de l'instance :

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1801867 du 6 février 2020 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au centre hospitalier d'Agen-Nérac de procéder au réexamen de la situation de Mme B....

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par le centre hospitalier d'Agen-Nérac et par Mme B... est rejeté.

Article 4 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier d'Agen-Nérac et aux ayants-droit de Mme A... B....

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Frédéric Faïck, président,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 septembre 2022.

La rapporteure,

Florence D...

Le président,

Frédéric Faïck

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20BX00991


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre bis (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX00991
Date de la décision : 28/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FAÏCK
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : CABINET LAPUELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-09-28;20bx00991 ?
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