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07/07/2022 | FRANCE | N°22BX00648

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 07 juillet 2022, 22BX00648


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, qui a renvoyé l'affaire au tribunal administratif de Poitiers, d'une part d'annuler l'arrêté du 17 août 2021 par lequel la préfète de la Gironde a décidé son transfert aux autorités autrichiennes pour l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part d'enjoindre, sous astreinte, à la préfète de la Gironde d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer un récépissé, ou à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans c

ette attente, une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 2102767 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, qui a renvoyé l'affaire au tribunal administratif de Poitiers, d'une part d'annuler l'arrêté du 17 août 2021 par lequel la préfète de la Gironde a décidé son transfert aux autorités autrichiennes pour l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part d'enjoindre, sous astreinte, à la préfète de la Gironde d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer un récépissé, ou à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 2102767 du 26 novembre 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 février 2022, M. B..., représenté par Me Bouillault, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 novembre 2021 du magistrat désigné du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 août 2021 par lequel la préfète de la Gironde a décidé son transfert aux autorités autrichiennes pour l'examen de sa demande d'asile ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

-la décision est insuffisamment motivée, en particulier dès lors que la préfète ne précise pas les motifs de compétence de l'Autriche en comparaison avec l'Allemagne, si bien qu'il n'a pas été en mesure de comprendre la décision de transfert aux autorités autrichiennes ; par ailleurs, la décision ne dit rien de son état de santé ;

-cela démontre un défaut d'examen particulier de sa situation ;

-son droit à l'information a été méconnu ; il n'est pas établi qu'il ait reçu les deux brochures A et B, prévues par le règlement Dublin III ; d'ailleurs, la première page de la brochure A ne comporte aucune trace de sa signature, à l'inverse de la brochure B ; en outre, il ne sait pas lire et l'interprète n'a porté oralement à sa connaissance que les informations d'une seule brochure ; au total, l'information prévue par l'article 4 du règlement ne lui a pas été correctement délivrée ;

-l'Autriche ayant annoncé qu'elle maintiendrait les expulsions vers l'Afghanistan, la préfète a violé l'article 17 du règlement Dublin III et a commis une erreur d'appréciation.

La préfète de la Gironde a produit un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2022.

Elle fait valoir que :

-M. B... a été remis aux autorités autrichiennes le 2 février 2022 ;

-elle réitère les termes de son mémoire de première instance et conclut au rejet de la requête.

Par une décision en date du 27 janvier 2022, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les règlements (UE) n° 603/2013 et n° 604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... E... B..., ressortissant afghan né en 1999, déclare être entré irrégulièrement en France le 14 avril 2021. Il a présenté une demande d'asile à la préfecture de la Gironde le 28 avril 2021. La consultation de la base de données Eurodac a révélé que les empreintes digitales du requérant avaient déjà été relevées par les autorités autrichiennes le 1er octobre 2020, ainsi que par les autorités allemandes le 5 novembre 2020. Après avoir recueilli l'accord implicite de réadmission de la part des autorités autrichiennes le 9 juin 2021, la préfète de la Gironde a décidé, par un arrêté du 17 août 2021, de transférer l'intéressé à ces autorités, arrêté qui a été exécuté le 2 février 2022. M. B... fait appel du jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Poitiers du 26 novembre 2021, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, en application de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

3. L'arrêté attaqué vise le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, précise que la consultation du système Eurodac a montré que M. B... était connu des autorités autrichiennes et allemandes, auprès desquelles il avait sollicité l'asile, et mentionne les dates de ces demandes. Il précise également, qu'une demande de reprise en charge a été adressée à ces mêmes autorités le 9 juin 2021 en application de l'article 18 paragraphe 1 point b) du règlement UE n° 604/2013, que si les autorités allemandes ont refusé la reprise en charge de la demande d'asile du requérant, les autorités autrichiennes ont, quant à elles, fait connaître leur accord pour cette reprise en charge sur le fondement de l'article 18 paragraphe 1 point b) du règlement UE n° 604/2013, le même jour. Par conséquent, contrairement à ce que fait valoir le requérant, la décision attaquée permet au requérant d'identifier le critère ayant justifié la désignation, non de l'Allemagne, mais de l'Autriche comme Etat responsable de l'examen sa demande d'asile. Enfin cet arrêté fait état de ce que la situation de l'intéressé ne relève pas des dérogations prévues par l'article 17 du règlement UE n° 604/2013. L'arrêté litigieux, est par suite, suffisamment motivé.

4. En deuxième lieu, cette motivation ne révèle pas que la préfète de la Gironde se serait abstenue de se livrer à un examen attentif de la situation particulière de M. B....

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...) ".

6. Le requérant fait valoir qu'il n'est pas établi qu'il ait bien reçu toute l'information prévue par ces dispositions. Il ressort cependant des pièces du dossier que M. B... a déclaré, lors de sa présentation au guichet de la préfecture le 28 avril 2021 pour solliciter l'asile, comprendre la langue dari, langue dans laquelle il a alors reçu l'intégralité des informations nécessaires. Il a apposé sa signature sur le compte-rendu de l'entretien individuel en date du 28 avril 2021, conduit par un agent qualifié de la préfecture avec l'aide d'un interprète en dari, attestant ainsi que les renseignements le concernant étaient exacts et qu'il s'était vu remettre, ce même jour, la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et la brochure B " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce-que cela signifie ' ", documents, rédigés en langue dari, et qui ont été établis conformément aux modèles figurant à 1'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 et comportent toutes les informations prévues par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 doit être écarté.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". La mise en œuvre par les autorités françaises de l'article 17 doit être assurée à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, aux termes duquel : " les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ".

8. M. B... soutient que l'autorité préfectorale devait appliquer la clause dérogatoire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 précité dès lors que sa demande d'asile a été rejetée par l'Autriche et, qu'en cas de transfert dans ce pays, il fera l'objet d'une mesure d'éloignement vers l'Afghanistan. Cependant, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

10. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B.... Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.

Sur les frais de l'instance :

11. Les dispositions des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. B... sur ces fondements.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.

Mme Laury Michel, première conseillère.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 7 juillet 2022.

La rapporteure,

Florence C...

La présidente,

Frédérique Munoz-Pauziès

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX00648


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 22BX00648
Date de la décision : 07/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : BOUILLAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-07-07;22bx00648 ?
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